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Rev. Roger HECKEL S.I.,

Intervention à la Ve CNUCED*

Manille, le 15 mai 1979
 



Monsieur le Président,

La cordiale et chaleureuse hospitalité du peuple et du gouvernement des Philippines est pour cette V e CNUCED tout un symbole : l'efficacité dans un climat d'humanité. Je suis heureux d'exprimer á nos hôtes la sincère gratitude de la délégation du Saint-Siège. Et je vous exprime á vous-même, Monsieur le Président, nos très vives et respectueuses félicitations pour la confiance unanime que vous a manifestée l'assemblée. Sous votre impulsion, la Ve CNUCED, préparée avec soin par M. le Secrétaire général et ses collaborateurs, voudra donner un nouvel élan á la grande cause du développement.

Monsieur le Président,

Mesdames et Messieurs les Délégués,

L’atmosphère de crise des années récentes fait revenir au tout premier plan des préoccupations l’urgence de la croissance économique. Rien de plus légitime quand nous pensons aux centaines de millions d’hommes, de femmes et d’enfants dont les besoins les plus élémentaires ne sont pas satisfaits, et quand nous pensons aux centaines de millions d’autres qui vont s’y ajouter d’ici la fin du siècle. Prenons garde, cependant, de nous laisser enfermer dans une logique trop exclusivement économique. Si la croissance économique conditionne les progrès humains et sociaux, elle ne les assure pas automatiquement; bien plus, elle les compromet – et elle se compromet d’ailleurs elle-même – lorsque, comme l’observe Sa Sainteté le Pape Jean-Paul II dans sa lettre encyclique récente Redemptor Hominis, «la seule catégorie de «progrès économique» devient une catégorie supérieure qui subordonne toute l’existence à ses exigences partiales, étouffe l’homme, disloque les sociétés et finit par s’enliser dans ses contradictions et dans ses propres excès» (n. 16, par. 8).

Parce que l’économie est une affaire humaine et sociale, sa croissance, si urgente et impérative qu’elle soit, ne peut se faire que dans le cadre du développement de tout l’homme et de toute la société, et ceci à toutes ses étapes. La croissance économique, sans préjudice de la consistance spécifique de ses objectifs et de ses moyens propres et des disciplines qu’elle exige de tous, doit elle même se situer dans la logique vivante du développement intégral des hommes et des peuples solidaires; elle doit accepter de recevoir à son tour de cette logique supérieure des impulsions et des disciplines décisives. Le concept de développement intégral et solidaire s’est imposé au cours des décennies précédentes; mais il n’a encore pénétré et fécondé qu’insuffisamment la pensée et la pratique économiques. L’urgence qui nous presse ne saurait justifier sa mise à l’écart, même provisoire, il n’est pas un luxe pour temps faciles. Il a sa place au cœur de nos débats. Je voudrais l’illustrer par quatre exemples:

1. la disponibilité au changement;
2. l’interdépendance
3. la liaison entre développement et désarmement;
4. la conciliation vivante entre solidarité universelle et self-reliance.

1. – La disponibilité au changement

La disponibilité aux ajustements nécessaires en matière commerciale financière et monétaire ne doit pas s’alimenter seulement, sous peine de demeurer hésitante et étriquée, aux indications des marchés, ni même aux indications économiques en général. Elle se nourrit aussi de la considération directement des besoins essentiels des peuples et de leurs aspirations plus larges.

Des voix très autorisées nous ont rendus attentifs ici même au problème majeur de la faim au cours des années à venir. La faim et les besoins essentiels de l’homme ne sont pas immédiatement solvables. Ils n’entrent pas spontanément dans les circuits économiques. C’est l’économie qui doit se transformer pour leur faire place: non pas seulement comme a des objectifs indirects et dérivés, mais comme à des facteurs actifs qui contribuent à son orientation et à sa régulation. Des études approfondies s’imposent pour féconder la pensée économique dans cette perspective.

Parmi les aspirations plus générales qui pressent l’économie de revoir ses comportements et ses structures, je citerai simplement la volonté légitime des nations jeunes de tirer, dans les institutions économiques, financières et monétaires mondiales, les conséquences de leur accession à la souveraineté et à l’égalité dans la société internationale.

Oui, l’économie – comme du reste tous les autres domaines de l’existence – doit s’ouvrir à bien des facteurs de changement qui semblent lui venir de l’extérieur, qui lui viennent en réalité de l’homme et qui, de ce fait, peuvent lui apporter de précieuses forces de renouveau.

2.– Deuxième exemple: l’interdépendance. Dans l’immédiat, il apparaît évident, à travers la grande majorité des interventions, qu’une nouvelle croissance des économies des pays en développement est attendue à la fois de plus amples transferts de ressources financières et d’une plus large absorption de leurs produits, fabriqués notamment, par les marchés des pays riches. C’est-à-dire que cette croissance passe par une relance rapide des économies riches, relance qu’elle stimulera et soutiendra en retour. Une telle interdépendance mutuellement bénéfique est assurément souhaitable. Elle pose cependant deux séries de questions qui obligent à introduire dès le départ des considérations qualitatives importantes, si on ne veut pas relancer, avec l’économie mondiale, les maladies qui la minent et si on ne veut pas perpétuer une forme d’interdépendance qui, pour le moment, s’analyserait plus exactement comme une dépendance excessive des pays en développement par rapport aux économies industrielles.

Tout le monde pressent que les modèles de croissance fondés sur le gaspillage et sur l’incitation à consommer ne sont pas généralisables et doivent au contraire se transformer profondément eux-mêmes. Là aussi des voix autorisées nous ont rendus attentifs au grave problème de l’énergie, à la part excessive que les économies riches prélèvent sur les ressources disponibles dans le monde, aux menaces qui pèsent sur l’environnement. Il est donc impératif qu’on s’oriente vers des modèles de développement et, plus profondément, vers des conceptions et des modes de vie, en commençant évidemment par les pays riches, qui économisent les ressources limitées de la nature qui stimulent au contraire les ressources illimitées de l’homme, qui développent dans l’homme le goût de la créativité plus que l’instinct de consommation.

La réelle et grandissante interdépendance entre économies riches et pauvres ne doit pas nous cacher la dépendance excessive des secondes par rapport aux premières et leur vulnérabilité dramatique aux aléas et aux erreurs de celles-ci. C’est pourquoi la délégation du Saint-Siège appelle à prêter la plus grande attention aux mesures qui sont susceptibles d’assurer une plus grande indépendance aux économies en développement, aux mesures notamment qui favorisent leur équipement technologique, leur self-reliance collective et la constitution d’un fonds commun comme instrument d’un programme intégré des produits de base.

Bref, il convient d’agir pour que la nécessaire et rapide croissance quantitative des économies pauvres ne passe pas obligatoirement et pour toujours par une croissance de même nature des pays riches. Un tel type d’interdépendance maintiendrait les écarts actuels, maintiendrait la domination des pays riches, entraînerait l’économie mondiale entière vers un gaspillage mortel et détournerait les pays pauvres de la recherche de modèles qualitativement nouveaux,

3. – Troisième exemple: développement et désarmement.

La course aux armements menace directement la paix. Elle la met aussi en danger indirectement par les ressources qu’elle soustrait au développement, aussi bien chez les grandes puissances que dans beaucoup de pays en développement.

Plusieurs délégations ont suggéré de constituer un fonds mondial pour le développement avec une partie des économies que permettrait le désarmement. Le Pape Paul VI avait déjà avancé cette idée lors de son voyage de 1964 à Bombay. La CNUCED ne peut rester indifférente à ce problème. Elle ferait oeuvre très utile pour la paix et pour la cause qu’elle a plus directement mission de promouvoir si elle obtenait que ce thème figure en bonne place dans la stratégie du développement des années 80. C’est un thème qui mérite un examen approfondi. Il importe d’ailleurs de l’explorer dans les deux sens: l’apport que le désarmement peut assurer au développement; l’apport aussi que peut assurer à la cause du désarmement une communauté internationale résolument appliquée à promouvoir le développement et à rendre plus insupportable, par ce biais, à l’opinion mondiale, l’absurde course aux armements.

4.– La conciliation vivante entre solidarité universelle et self-reliance

Je serai bref sur le dernier exemple, celui de la conciliation vivante et dynamique de la solidarité universelle et de la self-reliance, deux notions essentielles qui risquent de se discréditer mutuellement faute d’une telle conciliation.

La communauté universelle des hommes qui, pour le croyant, trouve une force exceptionnelle dans la certitude d’une communauté d’origine, de nature et de destin de tous les hommes en Dieu, se construit à la fois dans le cadre de nations assurées de leur espace de liberté responsable et dans le cadre – à construire: c’est une des taches passionnantes de notre génération –, le cadre d’institutions mondiales efficaces capables d’exprimer et de promouvoir l’unité de la famille humaine.          

Cette conception de l’unité dans la diversité rejaillit sur une conception éthique des relations des hommes et des peuples aux biens matériels et intellectuels. Ces biens sont affectés d’une destination universelle. Ils doivent servir à tous et contribuer à cimenter l’unité entre les hommes. Cette destination universelle se réalise activement par deux séries de voies complémentaires:

‑‑ d’une part, la gestion responsable par chaque peuple des biens qui lui sont plus immédiatement confiés afin qu’il les fasse fructifier et les engage dans des échanges bénéfiques pour tous:
‑‑ d’autre part, la préservation et la constitution, sous des formes appropriées, de patrimoines communs à toute l’humanité.

Le Message que Sa Sainteté le Pape Jean-Paul II a adressé à Monsieur le Secrétaire Général propose sur ces points des réflexions qui peuvent apporter a pratiquement tous les chapitres de notre ordre du jour des idées neuves aux prolongements multiformes.

Monsieur le Président,

La délégation du Saint est consciente de la complexité des tâches avec lesquelles est confrontée cette assemblée. En contribuant à les situer dans leur pleine perspective éthique et humaine elle veut aider à les affronter sans faux-fuyants et sans tactiques dilatoires et à leur trouver des solutions courageuses et réalistes.

Pour tenir compte du caractère particulier de la participation du Saint-Siège dans cette Conférence, la délégation s’abstient de participer aux travaux du groupe auquel le Saint-Siège est géographiquement rattaché. Cette décision n’implique aucun jugement sur ce groupe. Elle a pour seul but de faciliter un dialogue plus libre avec tous, avec tous les groupes sans exception, dans un esprit de service désintéressé, avec la volonté de contribuer au succès de cette Conférence et au développement plénier et solidaire de tous les peuples.
 
 


*L'Osservatore Romano. Edition hebdomadaire en langue française n.24 p.3.

La Documentation  catholique, n.1768 p.670-672.


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Rev. Roger HECKEL S.I.,

Intervention à la Ve CNUCED**

Manille, le 15 mai 1979


Because of the atmosphere of crisis in these recent years, the urgency of economic growth has moved into highest priority among our concerns. Nothing could be more justifiable when we recall the hundreds of millions of men, women, and children whose most elementary needs remain unsatisfied and the hundreds of millions of others who will join them before the end of the century. Let us be wary however of allowing ourselves to be enclosed in a logic that is too excessively economic. If economic growth conditions human and social progress, it does not automatically assure them; even more, it compromises them - and besides, it compromises itself - when, as His Holiness Pope John Paul II said in his recent encyclical Redemptor Hominis, «the sole category of economic progress becomes superior, subordinating all existence to its biased requirements, stifling humanity, dislocating societies, and ending up by sinking into its own contradictions and excesses».sp;

Because economics is a human and social matter, its growth, however urgent and imperative, can be accomplished only in the context of the development of the entire human person and of society, and this, at every phase. Without prejudice to the specific character of its objects, its appropriate means and the disciplines it demands of all, economic growth must be situated in the vital logic of the integral development of individuals and of interdependent peoples. In its turn, it must agree to accept both the decisive momentum and disciplines from that superior logic. Although the concept of integral and interdependent development emerged during the preceding decades, it has still only insufficiently penetrated and germinated economic thought and practice. It could not justifiably be put aside even temporarily, however urgency presses us on. It is not a luxury for easy times. Its place is in the heart of our debates. I would like to illustrate it by four examples: 1 ‑ openness to change; 2 ‑ interdependence; 3 ‑ link between development and disarmament; 4 ‑ vital reconciliation between universal solidarity and self-reliance.

1. Under penalty of remaining hesitant and cramped, openness to necessary commercial, financial and monetary adjustments must be fed not only by indications of markets and economic indications in general but also by direct consideration of the essential needs of peoples and their broader aspirations.

Very authoritative voices right here have made us attentive to the major problem of hunger during the years to come. There are no quick answers to the problem of hunger and the essential needs of humanity. They do not enter spontaneously into economic circulation. The economy must be transformed to make room for them, not only as indirect and derivative objects but as active factors contributing to its orientation and regulation. Thorough studies are necessary to enrich economic thought in this perspective.

Among the most general aspirations which press the economy to review its performance and structures, I will cite simply the legitimate desire of young nations since their accession to sovereignty and equality in the international society to draw conclusions from it at the world’s financial, economic and monetary institutions.

Yes, the economy ‑ like all the other aspects of existence ‑ must be open to many factors of change, seemingly external, but which, in reality, come from man and, therefore, can contribute precious strength for renewal.

2. The second example: interdependence. For the moment, it appears evident from the great majority of the interventions that a new economic growth in developing countries is expected from more ample transfers of financial resources as well as from a larger importation of their products, notably manufactured ones, into the markets of the rich countries. This means that growth takes place by a rapid revival of the rich economies, a boost which it will stimulate and sustain in return. Such a mutually beneficial interdependence is assuredly desirable. To avoid, at the same time, stimulating the world economy with illnesses which undermine it and to prevent excessive dependence by the developing countries on the industrialized economies, two series of questions must be introduced at the start of important qualitative considerations

Everyone senses that the models of growth founded on waste and on the motivation to consumption should not become generalized; on the contrary they must be deeply transformed themselves. There, also, authoritative voices have made us attentive to the serious problem of energy, to the excessive part that the rich economies take from the available resources in the world, and to the threats which weigh on the environment. It is thus imperative to orient ourselves toward models of development, and, more profoundly, beginning obviously with the rich countries, toward notions and styles of life which save the limited resources of nations, stimulate, on the contrary, the limitless resources of the human being, and develop in the human persons the taste for creativity more than the instinct for consumption.

The real and growing interdependence between the rich and poor economies must not conceal from us the excessive dependence of the poor on the rich and also their dramatic vulnerability to the hazards and errors of the privileged. Therefore, the delegation of the Holy See calls for the greatest attention to measures capable of assuring greater independence to the developing economies, especially those which favor their technological advances, their collective self‑reliance and the institution of a common fund as the instrument of an integrated program of basic commodities .

Briefly, action is appropriate so that the necessary, rapid quantitative growth of the poor economies does not necessarily and always pass through a growth of the same pattern as in the rich countries. This would maintain the present gaps and domination by the rich countries; it would drag the entire world economy toward a deadly waste and would distract the poor countries from the research of new qualitative models.

3. Third example: development and disarmament. The arms race directly threatens peace. Indirectly, it endangers peace by the resources that it withholds from development as much in the great powers as in many developing countries.

Many Delegations have suggested instituting a world fund for development with a part of the savings gained from disarmament. Pope Paul VI had already advanced this idea during his trip to Bombay in 1964. UNCTAD cannot remain indifferent to this matter. It would do a very useful work for peace and for the cause for which it has a more direct mission to promote if it obtained a good place for this theme in the development strategy for the ‘80’s. It is a subject which deserves a profound examination and important exploration in two directions: first, the contribution that disarmament can assure to development; and, then, the support to disarmament provided by an international community resolutely determined to promote development and, in this way, to make the absurd arms race more unbearable to world opinion.

I will be brief on the last example, that of the vital and dynamic reconciliation between universal solidarity and self-reliance, two essential notions which risk discrediting each other for lack of such a concordance.

For the believer, the universal community of men finds an exceptional strength in the certainty of the common origin, nature and destiny of all persons in God. This community is being built within the frame of nations already assured of their span of responsible liberty and at the same time within a context yet to be constructed. This is one of the fascinating tasks of our generation – the construction of effective world institutions capable of expressing and promoting the unity of the human family.

This notion of unity in diversity reflects the ethical concept of the relation between individuals and peoples to material and intellectual goods. These goods are meant for all universally. They must serve all and contribute to unity among peoples. This universal application is actively realized in two complementary ways; on the one hand, responsible management by all of the goods immediately confided to them making them productive and involving them in exchanges useful for all; on the other hand, preservation and cultivation, in appropriate ways, of goods common to all humanity.

The Message that His Holiness Pope John Paul ll addressed to the Secretary‑ General on these points proposes reflections which can bring new ideas with many ramifications to practically all the points on our agenda.

The Delegation of the Holy See is aware of the complexity of the tasks confronting this Assembly. By helping towards situating them in their full ethical and human perspective, we express the desire to assist in dealing with them without equivocation or delay and finding courageous and realistic solutions.

Given the particular nature of the participation of the Holy See in this Conference, the delegation abstains from participating in the work of the group to which the Holy See is geographically attached. This decision does not imply any judgment on this group. Its goal is to facilitate a freer dialogue with all groups without exception, in the spirit of disinterested service, with the desire to contribute to the success of this Conference and to the full and solidary development of all people.
 


**Paths to Peace pp.253-256.


  

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INTERVENTO DEL REV. ROGER HECKEL S.I.,
ALLA V SESSIONE DELLA CNUCED
***

Manila, 15 maggio 1979 

 

Signor Presidente

La cordiale e calorosa ospitalità del popolo e del governo delle Filippine ha quasi valore di simbolo per questa V sessione della CNUCED quello dell’efficacia in un clima di umanità. Sono lieto di esprimere ai nostri ospiti la sincera gratitudine della delegazione della Santa Sede. E a Lei, Signor Presidente, esprimo le nostre più vive e rispettose felicitazioni per la fiducia unanime che l’assemblea Le ha manifestato. Dietro il suo impulso la V sessione della CNUCED, diligentemente preparata dal suo Segretario Generale e dai suoi collaboratori vorrà dare un nuovo slancio alla grande causa dello sviluppo.

Presidente

Signore e Signori Delegate

L’atmosfera di crisi degli ultimi anni riporta al primo posto tra le nostre preoccupazioni l’urgenza della crescita economica. Niente di più legittimo se pensiamo alle centinaia di milioni di uomini, di donne e di bambini i cui bisogni più elementari restano insoddisfatti e se pensiamo alle altre centinaia di milioni che a questi si aggiungeranno entro la fine del secolo. Guardiamoci tuttavia dal pericolo di lasciarci chiudere in una logica troppo esclusivamente economica. Se la crescita economica condiziona i progressi umani e sociali non si può dire che li assicuri automaticamente, anzi li compromette – e compromette anche se stessa – quando come fa osservare sua Santità Giovanni Paolo II nella sua recente lettera enciclica Redemptor hominis «la sola categoria del «progresso economico» diventa una categoria superiore che subordina 1’insieme dell’esistenza umana alle sue esigenze parziali, soffoca l’uomo, disgrega la società e finisce per avvilupparsi nelle proprie tensioni e negli stessi suoi eccessi» (n.16).

Essendo l’economia un affare umano e sociale la sua crescita per quanto urgente e imperiosa non può compiersi se non nel quadro dello sviluppo di tutto l’uomo e di tutte la società considerato questo sviluppo in tutte le sue tappe. La crescita economica senza pregiudizio della consistenza specifica dei suoi obiettivi e dei suoi mezzi propri e delle forme di disciplina che esige da tutti deve essa stessa situarsi nella logica viva dello sviluppo integrale degli uomini e dei popoli solidali; deve accettare di ricevere a sua volta da questa logica superiore impulsi e norme decisive. Il concetto di sviluppo integrale e solidale si è imposto nel corso degli ultimi decenni senza tuttavia penetrare e fecondare sufficientemente il pensiero e la pratica in campo economico. L’urgenza che ci incalza non consente che esso venga messo da parte, anche solo provvisoriamente. Non si tratta di un lusso per tempi facili. Esso trova il suo posto al centro dei nostri dibattiti. Vorrei illustrarlo con quattro esempi:
1. La disponibilità al cambiamento
2. L’interdipendenza
3. Il legame tra sviluppo e disarmo
4. La conciliazione attiva tra solidarietà universale e «self-reliance»

1. La disponibilità agli adattamenti necessari in materia commerciale, finanziaria e monetaria non deve ispirarsi soltanto alle indicazioni di mercato e nemmeno alle indicazioni economiche in generale sotto pena di restare debole e incerta. Essa trae alimento anche dalla considerazione diretta dei bisogni essenziali dei popoli e delle loro aspirazioni più vaste.

Voci oltremodo autorevoli ci hanno richiamati in questa stessa sede al problema primario della fame per gli anni a venire. La fame e i bisogni essenziali dell’uomo non hanno una soluzione immediata. Essi non entrano spontaneamente nei circuiti economici. E l’economia che deve trasformarsi per fare posto ad essi non solo come a obiettivi indiretti e derivati ma come a fattori attivi che contribuiscono a orientare e regolare l’economia stessa. Si impone la necessita di studi approfonditi per fecondare il pensiero economico in questa prospettiva.

Tra le aspirazioni più generali che urgono l’economia a rivedere i suoi comportamenti e le sue strutture citerò semplicemente la volontà ottima delle giovani nazioni di trovare nelle istituzioni economiche finanziarie e monetarie mondiale il trattamento ad esse dovuto in conseguenza del loro accesso alla sovranità e all’uguaglianza nella società internazionale.

Se l’economia – come del resto tutti gli altri settori del esistenza – deve aprirsi a molti fattori di cambiamento che sembrano venirle dall’esterno ma che in realtà le vengono dall’uomo e che di fatto possono portare preziose forze di rinnovamento.

2. Secondo esempio: l’interdipendenza. Dalla grande maggioranza degli interventi risulta evidente che una nuova crescita delle economie dei paesi in via dì sviluppo è attesa sia da più ampi trasferimenti di risorse finanziarie sia da un più vasto assorbimento dei prodotti di questi paesi in particolare prodotti finiti da parte dei paesi industrializzati. In altre parole, questa crescita passa attraverso un rapido rilancio delle economie ricche, rilancio al quale essa di rimando darà stimolo e sostegno. Una tale interdipendenza reciprocamente benefica è senza dubbio auspicabile. Tuttavia essa pone due serie di problemi che obbligano a introdurre fin dall’inizio alcune considerazioni qualitative importanti se si vuole evitare che con l’economia mondiale vengano rilanciate anche le malattie che la insidiano e se non si vuole perpetuare una forma di interdipendenza che per il momento, appare all’analisi più esattamente come una dipendenza eccessiva dei paesi in via di sviluppo rispetto alle economie industriali.

Tutti avvertono che i modelli di crescita fondati sullo spreco e sull’incitamento al consumo non sono generalizzabili e devono al contrario trasformarsi profondamente. Anche su questo, voci autorevoli hanno richiamato la nostra attenzione al grave problema dell’energia, alla porzione eccessiva che le economie ricche prelevano sulle risorse disponibili nel mondo, alle minacce che pesano sull’ambiente. E’ dunque necessita inderogabile – cominciando evidentemente dai paesi ricchi – orientarsi verso modelli di sviluppo e più profondamente verso concezioni e modi di vita che economizzano le risorse limitate della natura, che stimolano al contrario le risorse illimitate dell’uomo, che sviluppano nell’uomo il gusto della creatività più che l’istinto del consumo.

La reale e crescente interdipendenza tra economie ricche e povere non deve nasconderci la dipendenza eccessiva delle seconde rispetto alle prime e la loro drammatica vulnerabilità ai rischi e agli errori di queste. Perciò la delegazione della Santa Sede invita a prestare la più grande attenzione alle misure capaci di garantire alle economie in via di sviluppo una maggiore indipendenza, alle misure che in particolare favoriscono la loro dotazione tecnologica, la loro self-reliance collettiva e la costituzione di un fondo comune quale strumento di un programma integrato dei prodotti di base.

In breve conviene agire perché la necessaria e rapida crescita quantitativa delle economie povere non sia indefinitamente obbligata a passare attraverso una crescita analoga da parte dei paesi ricchi. Un tale tipo di interdipendenza manterrebbe le disparità attuali con il conseguente predominio dei paesi ricchi, trascinerebbe l’intera economia mondiale verso uno spreco mortale e distoglierebbe i paesi poveri dalla ricerca di modelli qualitativamente nuovi.
 
3. Terzo esempio: sviluppo e disarmo.

La corsa agli armamenti minaccia direttamente la pace. Essa la mette in pericolo anche indirettamente, sottraendo risorse allo sviluppo sia presso le grandi potenze che in molti paesi in via de sviluppo.

Molte delegazioni hanno suggerito da costituire un fondo mondiale per lo sviluppo ricorrendo a una parte delle economie che il disarmo permetterebbe. Il Papa Paolo VI aveva già avanzato questo suggerimento in occasione del suo viaggio a Bombay nel 1964. La CNUCED non può rimanere indifferente a questo problema. Essa farebbe opera utilissima per la pace e per la causa che più direttamente ha il compito di promuovere se ottenesse che questo tema assuma un posto di rilievo nella strategia dello sviluppo degli anni Ottanta. E’ un tema che merita un esame approfondito. Occorre d’altronde esplorarlo nei due sensi: l’apporto che il disarmo può dare allo sviluppo; l’apporto inoltre che può venire alla causa del disarmo da una comunità internazionale risolutamente impegnata a promuovere lo sviluppo e a rendere sotto questo punto di vista più insopportabile all’opinione mondiale l’assurda corsa agli armamenti.

4. Sarò breve sull’ultimo punto, quello della conciliazione viva e dinamica della solidarietà universale e della self-reliance, due nozioni essenziali che rischiano di screditarsi reciprocamente qualora manchi una tale conciliazione.

La comunità universale degli uomini che, per il credente, trova una forza eccezionale nella certezza di una comunità d’origine, di natura e di destino di tutti gli uomini in Dio, si costruisce sia nel quadro di nazioni alle quali sia riconosciuto un loro spazio di libertà responsabile sia nel quadro – la cui costruzione è uno dei compiti appassionanti della nostra generazione – di istituzioni mondiali efficaci capaci di esprimere e di promuovere l’unità della famiglia umana

Questo concetto dell’unità nella diversità si riflette sul concetto etico delle relazioni degli uomini e dei popoli con i beni materiali e intellettuali: Questi beni hanno una destinazione universale. Essi devono servire a tutti e contribuire a cimentare l’unita tra gli uomini. Questa destinazione universale si realizza attivamente attraverso due serie di vie complementari:

– da una parte la gestione responsabile da parte di ciascun popolo dei beni che gli sono più immediatamente affidati perché 1a faccia fruttificare e la immetta in scambi benefici per tutti;
– d’altra parte la preservazione e la costituzione sotto forme appropriate di patrimoni comuni a tutta l’umanità.

Il Messaggio che Sua Santità Papa Giovanni Paolo II ha indirizzato al Segretario Generale della CNUCED propone su questi punti riflessioni che praticamente possano portare a tutti i capitoli del nostro ordine del giorno idee nuove suscettibili di sviluppi multiformi.

Signor Presidente

La delegazione della Santa Sede è cosciente della complessità dei problemi con i quali questa assemblea è chiamata a confrontarsi. Contribuendo a collocarli nella loro piena prospettiva etica e umana, essa vuole aiutare ad affrontarla senza forme di evasione e senza tattiche dilazionatorie e a trovare ad essi soluzioni coraggiose e realiste.

In considerazione del carattere particolare della partecipazione della Santa Sede a questa Conferenza, la delegazione si astiene dal partecipare ai lavori del gruppo al quale la Santa Sede geograficamente appartiene. Questa decisione non implica alcun giudizio su questo gruppo ma ha il solo fine di facilitare un dialogo più libero con tutti, con tutti i gruppi senza eccezione, in uno spirito di servizio disinteressato, con la volontà di contribuire al successo di questa Conferenza e allo sviluppo plenario e solidale di tutti i popoli.

La ringrazio, signor Presidente.


***L’Osservatore Romano 4-5.6.1979 p.9.

 

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