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INTERVENTION DE S.EXC. MGR BERTELLO,
CHEF DE LA DÉLÉGATION DU SAINT-SIÈGE
À LA SESSION EXTRAORDINAIRE DES NATIONS UNIES
SUR LA SITUATION AU TIMOR ORIENTAL

Jeudi 23 septembre 1999

 

Madame la Présidente,

Le Saint-Siège a accueilli favorablement l'initiative de convoquer la Commission des droits de l'homme en session spéciale pour examiner les graves violations, qui ont semé la destruction et la mort au Timor oriental dès le début de ce mois. Il félicite aussi Madame le Haut-Commissaire aux droits de l'homme pour sa visite à Darwin et à Jakarta ainsi que pour son témoignage poignant et le Rapport, clair, précis et concis, qu'elle nous a fourni.

Les faits sont exposés aux yeux de tous et la télévision a porté encore une fois dans nos maisons ces images de violence inhumaine, qu'on aurait voulu ne plus revoir: des milliers de personnes désarmées et sans défense ont été tuées; d'autres milliers ont été déportées de force ou sont en fuite dans les montagnes ou réfugiées dans les pays voisins. L'Eglise catholique n'a pas été épargnée et a payé un lourd tribut avec l'assassinat de prêtres, de religieuses et de responsables de ses communautés - qu'on pense seulement au massacre de l'équipe de la Caritas et à la tuerie dans l'église de Suai - ainsi qu'avec la destruction de ses églises et de ses structures.

«Je ne peux taire ma profonde amertume face à cette nouvelle défaite du sens de l'humanité - disait le Pape Jean-Paul II - quand, à l'aube du troisième millénaire, des mains fratricides se lèvent de nouveau pour tuer et pour détruire sans pitié» (Agence Fides, 17.9.1999; ORLF n. 37 du 14 septembre 1999: appel du Pape au cours de l'Angelus). Certes, on ne peut que constater avec amertume qu'une fois encore, après les drames du Rwanda, il y a cinq ans, et, plus récemment, du Kosovo, l'humanité n'a pas été capable d'apprendre les leçons de l'histoire.

L'affaire timoraise n'est pas seulement un conflit de plus dans le monde d'aujourd'hui. Elle acquiert une signification toute particulière parce qu'on a voulu anéantir dans le sang la volonté très majoritaire d'un peuple, exprimée presque à 80% des votes par un scrutin organisé et surveillé par la plus haute instance internationale.

Depuis les événements de 1975, le Saint-Siège n'a pas cessé d'encourager le dialogue entre l'Indonésie et le Portugal, sous l'égide de l'ONU, entre les Timorais eux-mêmes en vue d'un règlement pacifique capable de sauvegarder aussi l'identité culturelle et religieuse de la population. Il a donc accueilli avec satisfaction l'Accord du 5 mai de cette année entre la République d'Indonésie et la République portugaise sur la Question du Timor oriental, qui était censé déboucher sur une solution pacifique globale et internationalement acceptée de la question.

Plus encore: tout au long de ces années l'Eglise catholique, qui compte les 90% de la population parmi ses fidèles, a essayé d'être la voix des Timorais en défendant leur identité, a protégé les victimes de la répression et a pris en charge des services d'éducation et de santé, les ouvrant à tous les habitants. Le Prix Nobel décerné à l'Evêque Mgr Carlos Ximenes Belo est un signe éloquent de la reconnaissance de ce travail. Ici même, pendant les sessions de la Commission des droits de l'homme, des Organisations non gouvernementales d'inspiration catholique n'ont pas cessé de rappeler la réalité du Timor oriental et les aspirations légitimes de son peuple ainsi que de faire connaître les informations préoccupantes qui parvenaient de l'île.

Quand la violence des milices anti-indépendantistes a éclaté, le Saint-Siège a insisté pour que les Nations unies autorisent le déploiement d'une force internationale au Timor oriental, parce que, dans les conditions actuelles, elle demeure le seul moyen pour arrêter les massacres et rétablir un minimum d'ordre et de sécurité sur le territoire.

Madame la Présidente,

Certes, l'objectif de cette session extraordinaire de la Commission est de manifester la désapprobation de la Communauté internationale et la condamnation vigoureuse des violations des droits de l'homme perpétrées au Timor oriental. Mais ce n'est pas seulement avec les déclarations qu'on met un terme à une tragédie comme celle du peuple timorais. S'interroger sans rien faire laisserait une cicatrice dans l'histoire et mettrait en doute la réputation même de la Commission.

Maintenant que la force internationale est sur place, il y a urgence à ce que l'aide humanitaire internationale puisse rejoindre rapidement les personnes déplacées et réfugiées, qui risquent de mourir de faim et de maladie. La Communauté internationale doit aussi veiller sur leur protection et sur leur retour dans des conditions de sécurité et de liberté. Je pense en particulier aux personnes qui ont été forcées à fuir au Timor occidental.

En outre, comme Madame le Haut-Commissaire le souligne avec force dans son Rapport, l'établissement d'une Commission internationale d'enquête est une question prioritaire pour faire la vérité sur les événements et évaluer les responsabilités de ceux qui se sont rendus coupables de telles violations. Le dialogue et la réconciliation, que nous prônons tous et pour lesquels l'Eglise est engagée depuis toujours, ne peuvent plus être solidement fondés sans la recherche sereine et impartiale de la justice et de la vérité. Enfin, il faut désormais se tourner vers l'avenir. Le Saint-Siège exprime sa confiance que la force multinationale mandatée par l'ONU pourra accomplir la tâche qui lui a été fixée sans trop de difficultés et que la Communauté internationale saura accompagner jusqu'au bout le processus de transition amorcé et s'accorder sur une aide massive à apporter à cette population en vue de la reconstruction du Timor oriental.

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