27ème conférence internationale de la croix-rouge et du croissant rouge (1999)
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INTERVENTION DU SAINT SIÈGE 
À LA 27ème CONFÉRENCE INTERNATIONALE 
DE LA CROIX-ROUGE ET DU CROISSANT ROUGE 
SUR LE THÈME DE LA PROTECTION DES VICTIMES 
DANS LES CONFLITS ARMÉS*

2 novembre 1999

 


Monsieur le Président,


A l'heure même où notre Conférence est réunie, des conflits armés sont, hélas, en train de sévir et ils frappent sans merci la population civile.

C'est le grand défi auquel est affronté le droit international humanitaire:  ou bien il arrivera à s'imposer et donc à être respecté, ou bien ce sera la logique de la guerre qui l'emportera et la paix deviendra une image illusoire, destinée à s'estomper dans le miroir du nouveau millénaire qui s'annonce dans l'histoire de l'humanité.

Le défi est toujours le même:  mettre la force au service du droit et ne pas permettre que le droit soit dicté par le plus fort. C'est le défi qui a été si clairement résumé dans l'antiquité par l'historien Thucydide:  "Dans le monde des hommes, les arguments de droit n'ont de poids que dans la mesure où les adversaires en présence disposent de moyens équivalents et que, si tel n'est pas le cas, les plus forts tirent tout le parti possible de leur puissance tandis que les plus faibles n'ont qu'à s'incliner".

Depuis lors, la conscience de l'humanité a muri progressivement et l'élaboration du droit international humanitaire, en est un signe remarquable. Toutefois, paradoxalement, cette maturation n'a pas produit les résultats souhaités:  loin de diminuer, les violations de ce droit ont augmenté tout au long de notre siècle tourmenté, au point que l'autodestruction du genre humain a pu apparaître comme une possibilité réelle, à cause de l'arme nucléaire.

On peut légitimement s'interroger sur l'avenir du droit humanitaire. En fait, ce droit dans la réalité des conflits reste souvent suspendu par rapport aux causes de ces mêmes conflits, qui exigent des réponses d'ordre politique et non seulement humanitaire.

Si, comme avait jadis argumenté le philosophe Emmanuel Kant, le respect de certaines règles de conduite pendant les hostilités est un gage de paix, la violation croissante de ces règles postule-t-elle l'impossibilité d'assurer aujourd'hui des relations pacifiques entre les nations et les peuples?

Le bilan des cent ans qui se sont écoulés depuis la première Conférence internationale de la paix, tenue à La Haye en 1899 - une initiative qui a été dignement et opportunément marquée, il y a quelques mois, par les gouvernements des Pays-Bas et de la Russie - est un bilan qui n'encourage pas l'optimisme mais qui ne décourage pas l'espérance.

Dans l'optique du Saint-Siège, la guerre n'est pas une fatalité, mais une paix véritable ne peut être atteinte par les seules forces humaines, car en définitive il s'agit d'un don de Dieu. L'homme n'est cependant pas dispensé de faire tous ses efforts sur le plan éthique, politique et juridique pour conjurer le fléau de la guerre.

La pleine mise en oeuvre du droit humanitaire, y compris de mesures répressives efficaces, reste un chemin obligé pour garantir les conditions minimales de respect de la dignité humaine. Le volet juridique demeure néanmoins impuissant à rejoindre l'objectif recherché s'il ne s'accompagne en même temps d'une action de caractère préventif, visant à éduquer les consciences afin qu'elles sachent reconnaître dans le visage de l'autre - fût-ce un adversaire - les traits indélébiles de la commune et égale dignité qui appartient à tout être humain, quelle que soit la situation où il se trouve.
Cette commune et égale dignité est le fondement du droit humanitaire. C'est sur  cette  base  solide  que  peut s'appuyer une activité pédagogique capable non seulement d'enseigner les normes, mais aussi de faire comprendre les principes qui les inspirent. En fait, la conviction profonde de la valeur de ces principes est l'unique garantie d'un comportement conforme aux dispositions juridiques au milieu des combats. Dans ce cadre, les religions peuvent offrir une contribution précieuse et notre Conférence ne devrait pas négliger de relever l'utilité d'une collaboration appropriée avec les autorités religieuses.

De son côté, le Saint-Siège a voulu saisir l'occasion du Jubilé de l'An 2000 pour orienter les énergies des fidèles de l'Eglise catholique vers un service accru à la justice et à la paix (cf. Lettre apostolique Tertio millennio adveniente, n. 51), en dialogue avec les autres confessions chrétiennes, les autres religions et tous les hommes de bonne volonté.

A ce sujet, il est bon de rappeler les paroles que le Pape Jean-Paul II a prononcées lors de sa visite historique au siège du Comité international de la Croix-Rouge, le 15 juin 1982:  "Dans ce service de l'homme, les chrétiens rejoignent facilement les buts et la pratique de la Croix-Rouge. Ils trouvent dans leur foi un stimulant et les motivations supplémentaires pour voir dans l'homme blessé, avili ou dans la détresse, un prochain à aimer et à secourir, quelle que soit son identité; bien plus, ils y voient la figure même du Christ qui s'est identifié au prisonnier, au malade, à l'étranger, à l'homme dépouillé de tout. Combien de pages de l'Evangile prennent ici un relief saisissant, à commencer par la parabole du Bon Samaritain!".

En outre, pour souligner l'importance de la dimension éducative, le Saint-Siège s'engage, compte tenu de sa mission et de sa nature, à mettre en route un processus de formation au droit humanitaire du personnel religieux catholique en service auprès des forces armées.

Enfin, Monsieur le Président, ma délégation fait volontiers sien l'appel lancé par un groupe de personnalités le 12 août dernier, lors du 50 anniversaire des Conventions de Genève, et souhaite que notre Conférence puisse donner un nouveau souffle à la défense et à la promotion du droit humanitaire.

S.Exc. Mgr Giuseppe Bertello, Observateur permanent du Saint-Siège auprès du Bureau des Nations unies et des Institutions spécialisées à Genève.

 


*L'Osservatore Romano. Edition hebdomadaire en langue française n.45 p.7.

 


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