Discours de S. Exc. Mgr Martin au cours de la session annuelle du conseil économique et social des Nations Unies (18 juillet 2001)
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DISCOURS DE S.EXC.MGR DIARMUID MARTIN,
CHEF DE LA DÉLÉGATION DU SAINT-SIÈGE 
AU COURS DE LA SESSION ANNUELLE 
DU CONSEIL ÉCONOMIQUE ET SOCIAL DES NATIONS UNIES
(ECOSOC)*

Monsieur le Président,

Le rapport  du  Secrétaire  général ainsi que la "Nouvelle initiative africaine", attirent constamment l'attention sur le besoin d'initiatives intégrées. De telles initiatives sont nécessaires non seulement pour éviter les répétitions qui caractérisent encore beaucoup de programmes internationaux, mais aussi pour assurer que tous nos efforts s'accomplissent à travers un processus qui intègre chacun.
La mondialisation ne servira véritablement la famille humaine que si elle devient un processus d'intégration. Le processus de mondialisation doit accroître le respect pour la dignité de chaque personne. Il doit encourager l'unité de la famille humaine. Il doit être au service de la gestion responsable pour tous de la création qui a été confiée à l'humanité. Une mondialisation qui s'accompagne d'une large exclusion n'est tout simplement pas mondiale.

La mondialisation est un fait, mais aussi un défi. La mondialisation peut créer d'importantes opportunités pour la créativité et l'initiative. Elle abat de nombreuses barrières du passé. Mais elle est conduite par des personnes humaines, et est influencée par leurs décisions. Elle n'est pas coupée des aspirations humaines les plus profondes. La mondialisation accompagnée de l'intégration peut être portée à terme qu'à travers un effort conscient de solidarité, fruit de décisions concrètes de la part d'êtres humains.

Atteindre la mondialisation avec l'intégration au niveau international demande des efforts concertés visant à identifier et à dépasser les facteurs qui causent l'exclusion. Cela requiert l'établissement d'un réseau de normes et de règles, mais également d'idéaux. Cela requiert également de se rendre compte que répondre aux besoins des plus faibles, constitue un investissement à long terme pour le bien de tous, y compris des plus forts et des plus puissants. Le Pape Jean-Paul II a souligné qu'il "est de l'intérêt des nations riches de choisir la voie de la solidarité, nécessaire pour assurer à l'humanité une paix et une harmonie durable" (Ecclesia in Africa, n. 114).

Le rapport du Secrétaire général illustre le besoin d'instaurer de nouveaux modèles de partenariat visant à l'intégration de l'Afrique et de tous les africains, hommes et femmes, en tant qu'acteurs de leur propre avenir et partenaires de notre recherche commune d'une vision du développement digne de la personne humaine. Nous avons besoin de formes de partenariat qui fassent de l'Afrique un partenaire puissant, à traiter sur le même plan que le reste du monde dans nos efforts mondiaux. Ces partenariats doivent être centrés sur la lutte contre la pauvreté, de façon à ce que toutes les personnes vivant en Afrique puissent être aidées à réaliser les potentialités qui leur viennent de Dieu.

Il existe quelque chose dans la solidarité qui la place au-dessus du simple calcul. Nous ne pouvons bâtir un ordre mondial fondé sur la solidarité en partant uniquement de la notion étriquée d'intérêt national ou d'intérêt économique et encore moins sur la base de la protection des avantages actuels ou d'une domination. La solidarité à l'ère de la mondialisation requiert un nouveau concept de citoyenneté mondiale, de responsabilité mondiale. Il est manifestement injuste de demander aux pays les plus pauvres d'ouvrir leurs marchés tout en maintenant de lourdes barrières protectionnistes face aux produits pour lesquels ils bénéficient d'un avantage comparatif. Un système ouvert, fondé sur le libre échange et la concurrence devrait être profondément préoccupé,  de  par sa logique interne elle-même, quand il voit la part de l'Afrique  se  réduire  sur  le  marché mondial.

Dans la plupart de nos débats, nous avons évoqué les problèmes de l'Afrique. Nous devrions aussi mettre en évidence les opportunités de l'Afrique et ses immenses richesses humaines et culturelles et dont nous avons tous à apprendre. La culture africaine, son sens profond de la famille et de la communauté se trouvent remis en cause par une culture mondiale parfois totalment dominée par l'individualisme. Le respect des droits de l'homme de chaque personne peut être atteint de la façon la plus efficace dans le cadre d'une  culture  qui  encourage  également un sens de responsabilité et de partage.

L'urbanisation galopante en Afrique, à laquelle se réfère également le Secrétaire général, soulève, elle aussi, un défi humain et culturel. Des efforts plus importants doivent être faits pour permettre aux communautés rurales d'être plus viables, non seulement grâce à une réforme agraire, mais aussi à travers l'investissement dans les communautés viables. Ce qui suppose de fournir de meilleurs services de santé, d'éducation et l'eau potable aux communautés rurales. Ce qui suppose également d'investir dans les domaines de la sécurité alimentaire et les infrastructures de communication. Les stratégies de réduction de la pauvreté doivent aussi conduire à l'intégration dans le sens où elle traitent les causes profondes de la pauvreté rurale et permettent aux communautés rurales de devenir des acteurs à part entière de la vie politique, économique et culturelle de leur pays. C'est un devoir spécifique que nous avons vis-à-vis des jeunes des communautés rurales d'Afrique qui ont le droit de nourrir de l'espoir pour l'avenir des communautés auxquelles ils appartiennent (cf. Ecclesia in Africa, n. 115).

En de nombreuses occasions, nos débats ont examiné les conséquences des conflits en Afrique. Nous avons besoin d'un nouvel effort concerté afin d'apporter la paix aux femmes, aux enfants et aux hommes qui n'ont connu que les horreurs de la guerre, dans certains cas depuis des générations. C'est notre responsabilité à tous, en Afrique et à l'extérieur. Il est inacceptable de parler ici de paix et de ne pas prendre les mesures nécessaires pour construire la paix à travers le renforcement d'institutions sûres, participatives et démocratiques. Il est inacceptable de demander des efforts pour la paix et dans le même temps, fermer un oeil sur les facteurs scandaleux d'intérêt économique qui alimentent certains conflits, ainsi que l'a remarqué le Secrétaire général, ou, pire encore, sur le trafic d'armes permanent qui se poursuit dans des zones de conflit ou à haut risque.

Seuls des programmes détaillés et intégrés qui soient adaptés aux citoyens des pays en voie de développement permettront de mener à bien un développement qui soit vraiment soutenu. Nous devons investir dans les peuples d'Afrique et avoir confiance dans le fait qu'ils sont les premiers à désirer la paix, à désirer un avenir meilleur et prospère pour eux-mêmes et pour leurs familles. Ce sont eux qui souhaitent le plus Ils sont les premiers à souhaiter un continent uni et florissant.


*L'Osservatore Romano. Edition hebdomadaire en langue française n.32 p.6, 12.



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