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INTERVENTION DE S.EXC. MGR DARMUID MARTIN
LORS DE LA 58ème SESSION DE LA COMMISSION 
DES DROITS DE L'HOMME DE L'O.N.U.
*

Vendredi 12 avril 2002, Genève

 


Monsieur le Président,

Le droit à la liberté de religion - contenu dans l'article 18 de la Déclaration universelle des Droits de l'Homme - a toujours été considéré comme l'une des pierres d'angle de l'édifice des droits de l'homme, car il concerne l'une des dimensions les plus profondes de la vie d'une personne et de sa recherche de la vérité. Violer le droit à la liberté de religion signifie violer l'un des sanctuaires les plus sacrés de la dignité de la personne humaine.

La délégation du Saint-Siège désire soulever deux questions relatives à l'application de la liberté religieuse dans les sociétés démocratiques pluralistes.

1. Le respect de la liberté de religion signifie aujourd'hui considérer la contribution des fidèles religieux comme vitale pour l'édification d'une paix durable. En oeuvrant ensemble, dans un esprit de respect réciproque, les religions peuvent apporter une contribution vitale et originale à la coexistence des peuples et à la paix. Les chefs religieux, invités par le Pape Jean-Paul II le 24 janvier dernier à Assise, se sont engagés à un "Décalogue pour la Paix", en rejetant le terrorisme et en condamnant "tout recours à la violence et à la guerre au nom de Dieu ou de la religion" (1).

La Conférence internationale consultative sur l'Education scolaire en relation avec la Liberté de religion et de conviction, organisée par le Rapporteur spécial à Madrid en novembre dernier, a fourni un modèle utile pour examiner les moyens par lesquels la liberté de religion peut être garantie et la croyance religieuse peut s'épanouir dans le cadre de régimes démocratiques pluralistes.

Le terme même de "pluraliste" implique que les fidèles religieux doivent être reconnus, comme les autres, comme des protagonistes actifs au sein de leurs sociétés.  Cela  signifie que la croyance religieuse ou l'adhésion à une confession religieuse particulière ne devrait pas être un obstacle à l'accès aux professions dans la vie publique. Cela signifie que les enseignements contre la religion doivent être éliminés des programmes scolaires et des documents officiels.

2. La question des minorités religieuses, notamment lorsqu'une religion particulière est dominante, est abordée de différentes façons selon les législations nationales. En effet, quarante-huit pays reconnaissent une religion particulière comme ayant un statut particulier, soit comme religion d'Etat, soit comme religion officielle ou traditionnelle, soit comme la religion de la majorité de ses habitants. La position du Saint-Siège en ce qui concerne ces situations a été définie par le Concile Vatican II qui affirme - en plein accord avec les instruments des droits de l'homme - que "si, en raison des circonstances particulières dans lesquelles se trouvent des peuples, une reconnaissance civile spéciale est accordée dans l'ordre juridique de la cité à une communauté religieuse donnée, il est nécessaire qu'en même temps, pour tous les citoyens et toutes les communautés religieuses, le droit à la liberté en matière religieuse soit reconnu et respecté" (2). Ce droit doit être bien évidemment étendu également aux non-citoyens qui résident temporairement dans un pays, apportant la contribution de leur travail au bien de la société.

Le Saint-Siège salue le dialogue avec les gouvernements afin d'assurer le plus grand respect possible de la liberté religieuse pour tous. Un dialogue franc et ouvert contribuera à surmonter les malentendus. Tous peuvent oeuvrer de façon commune pour rechercher ensemble les moyens de s'assurer que les peuples de tout pays, dans le respect de la culture et des traditions locales, puissent professer librement leur foi, tout en pouvant "établir et maintenir des communications avec les individus et des communautés en matière de religion ou de conviction au niveau national et international" (3).

Permettez-moi, en conclusion, d'attirer votre attention sur une question d'une importance particulière aujourd'hui:  le respect des lieux de culte et des lieux saints en période de conflit. Le Premier Protocole additionnel aux Conventions de Genève (art. 53), tout comme la Convention de La Haye pour la Protection des biens culturels en cas de conflit armé, établit des normes particulières en ce qui concerne la protection des "monuments historiques, oeuvres d'art ou les lieux de culte qui constituent le patrimoine culturel et spirituel des peuples". Le Saint-Siège souligne que le respect de ces normes s'applique à tous les conflits et à toutes les parties en conflit. Les Lieux Saints dans Jérusalem et en Terre Sainte ont une signification particulière pour les trois religions monothéistes, et même pour toute l'humanité. Le mépris ou l'usage abusif de ces lieux constitue une violation des normes internationales ainsi que des accords bilatéraux.

Toute solution à long-terme à la crise au Moyen-Orient doit en effet répondre à la question du respect et de l'accès sans restriction aux lieux religieux, saints pour les trois religions monothéistes. Cela représente également une dimension de la liberté religieuse et un présupposé pour promouvoir un climat de paix et de dialogue entre les religions au Moyen-Orient au service de la paix.


NOTES

1) Cf. ORLF n. 6 du 5 février 2002.
2) Déclaration sur la Liberté religieuse, n. 6.
3) Déclaration sur l'Elimination de toutes les formes d'Intolérance et de Discrimination fondée sur la religion ou la conviction, art. 6.


*L'Osservatore Romano. Edition hebdomadaire en langue française n.17 p.2.

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