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  ADRESSE D'HOMMAGE DU DOYEN
DU CORPS DIPLOMATIQUE PRÈS LE SAINT-SIÈGE,

S.E. M. MAGHALHAES DE AZEREDO,
AMBASSADEUR DU BR
ÉSIL
AU PAPE PIE XI*

Lundi 16 décembre 1929

 

Très Saint Père,

Pour la deuxième fois au cours de cette année historique, nous avons l’honneur de nous présenter devant le trône de Votre Sainteté comme interprète de la vénération, et de l’amitié de nos Gouvernements envers Votre auguste Personne.

Le 9 mars dernier, nous sommes venus Vous apporter les congratulations des Puissances pour la récente réconciliation du Saint-Siège avec le Royaume d’Italie : événement national sans doute, mais éminemment international aussi, par l’immense répercussion qu’il a eu dans le monde entier, comme s’il s’agissait, ainsi que Votre Sainteté l’a justement remarqué, d’un fait local pour les villes, les villages et les campagnes les plus éloignées de Rome ; et ce ne pouvait pas être autrement, parce que la source et le fondement de la souveraineté du Pape se trouvent dans le caractère universel de la religion dont il est le Chef Suprême, et que celle-ci ayant des fidèles dans toutes les contrées de la terre, aucun d’eux n’aurait pu et ne pourrait rester indifférent au sort du Pape.

Aujourd’hui, un autre événement nous appelle de nouveau au Vatican; un évènement dont l’origine a été, il y a un demi siècle, tout-à-fait personnelle et intime, mais qui maintenant, pour la même raison que je rappelais tout à l’heure, acquiert une portée et un intérêt universels.

Le jeune lévite qui, dans une matinée d’hiver de 1879, célébrait sa première messe dans le recueillement et le silence de la vieille église romaine où la gens mediovalensis vénère ses deux saints patrons, étant sans doute bien loin d’imaginer que cette humble initiation au sacerdoce ferait un jour l’objet d’une commémoration solennelle et splendide non seulement dalle Alpi alle Piramidi dal Manzanarre al Reno, comme l’a dit du génie foudroyant de Napoléon son bien aimé Manzoni, mais dans tous les pays et tous les continents, et avec la même intensité de dévotion et d’enthousiasme sous le soleil brulant des tropiques et dans la pâle atmosphère des régions polaires, que à Rome, à Milan, en Italie, en Europe.

Le pontificat de Pie IX venait de se clore après tant de luttes, de triomphes, de défaites : Léon XIII était au début de son règne. Deux autres Pontifes encore devaient se succéder sur la Chaire du Prince des Apôtres. Le jeune prêtre avait devant lui une longue route à parcourir, les yeux fixés sur les deux astres tutélaires de sa vie, la foi et la science. Il devait gravir les pentes de nombreuses montagnes, et s’agenouiller en adoration sur ces autels couverts de neiges éternelles que le Créateur à dédiés à sa propre gloire, avant d’être guidé par le Christ à ce sommet de la Papauté, Thabor et Calvaire à la fois, et qui ressemble aussi à l’Horeb, où Moïse parait face à face avec le Seigneur au milieu des buissons ardents. Il devait s’entretenir jour et nuit avec le savoir et la sagesse des morts à travers les milliers de livres confiés à sa garde dans la solitude des bibliothèques, avant d’être jeté parmi les foules des vivants dans ce Vatican où la solitude est impossible pour le Pape, fut-ce comme un court délassement de la pensée, car le Pape est, par excellence, l’homme des foules, continuellement présentes à son âme même quand elles sont éloignées de sa vue. Et les foules se suivent, se pressent, dans un courant jamais interrompu, pour écouter la voix qui parle au nom de Dieu, pour se prosterner devant la main qui bénit au nom de Dieu. Et elles sont accourues, en pèlerinage, de tous les points de l’horizon, pour dire au Pape que son jubilé est pour elles, une fête de famille ; mais les absents sont encore plus nombreux, immensément ; Ils sont innombrables, ceux qui, dans leur regret de ne pouvoir partir pour Rome, songent au Pape avec une tendresse filiale, causent du Pape dans leurs plus chers entretiens. Et quand lui, le jeune lévite d’il y a cinquante ans, devenu le prêtre de toutes les nations, sacerdos magnus, offrira de ses doigts tremblants d’émotion, le 21 décembre, à Saint Pierre, cathédrale universelle, l’hostie propitiatoire, il sentira en elle, non plus uniquement le poids de son cœur solitaire comme autrefois, mais le poids, et aussi les ailes, des centaines de millions de cœurs, qui, au même instant, dans toutes les contrées du monde, s’uniront au sien par la pensée et la prière. Nous venons à notre tour apporter à Votre Sainteté nos hommages les plus respectueux et nos vœux les plus fervents, ainsi que ceux des Gouvernements et des peuples; que nous avons l’honneur de représenter auprès de Vous. Un Archevêque de mon pays, dans une lettre pastorale commémorative du jubilé, que j’ai lue ces jours-ci, Vous appelle, – élégante et juste expression – le Plénipotentiaire de Dieu. Et bien ! que le Plénipotentiaire de Dieu daigne recevoir et agréer les félicitations des Plénipotentiaires de ceux qui régissent les hommes, dans cette cité du Vatican à laquelle, si réduite dans ses dimensions, est pourtant la maison commune de tous les catholiques, et, en outre, le foyer prodigieux où se concentre et d’où rayonne une force d’universalité telle qu’il n’y en a jamais eu, et qu’il n’y en aura jamais de pareille.

En ce moment dans l’accomplissement de notre mission, nous avons le sentiment consolant que souhaiter du bonheur au Pape c’est en souhaiter à l’humanité tout entière ; car, dans la hauteur morale où Son caractère sacré le place, il ne peut que désirer le bien de tous. Mais parmi les conditions essentielles de ce bonheur, j’en veux mentionner une particulièrement, celle dont les peuples saignants encore de profondes blessures, et attristés de tragiques souvenirs, ont le plus besoin : la paix. Puissent Vos appels à la paix, Très Saint Père, être écoutés et médités : puisse Votre œuvre de paix trouver des collaborateurs dévoués et de bonne foi; puisse se répandre et se consolider toujours davantage la persuasion salutaire que si la conservation de la paix ne dépend pas –, hélas !– toujours, de nous, le désir de la paix est, celui-là, en notre pouvoir, et qu’il implique comme conséquence logique, nécessaire, le devoir de préparer une ambiance morale qui favorise la solution pacifique des problèmes internationaux au bénéfice de la tache commune de la civilisation. Car, on le permettra de le redire, ou bien nous, qui nous appelons chrétiens, nous reconnaissons que tous les hommes sont frères dans la paternité éternelle du Christ, ou bien nous renions irrémissiblement la parole et l'amour de Celui en l’honneur duquel fut prononcé le plus beau message que le monde ait entendu « Gloire à Dieu dans le haut de cieux, et paix sur la terre aux hommes de bonne volonté ! ».


*L’Osservatore Romano 19.12.1929 p.1.

 

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