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ADRESSE D'HOMMAGE DU DOYEN
DU CORPS DIPLOMATIQUE PRÈS LE SAINT-SIÈGE,
S.E. LE BARON PROSPER POSWICK,
AMBASSADEUR DE BELGIQUE*

Samedi 28 décembre 1963

  

Très Saint-Père,

Le Corps diplomatique réuni au pied du trône de Votre Sainteté présente aujourd’hui au Saint-Père les vœux de Nouvel An des chefs d’état et des gouvernements accrédités auprès de Lui, ainsi que l’expression des vœux personnels de chacun de ses membres.

Mes collègues et moi-même nous voudrions aussi Lui exprimer nos sentiments de reconnaissance pour l’émouvante cérémonie que Votre Sainteté a eu la bonté, malgré tant de fatigues et de charges, de célébrer Elle-même pour les diplomates et leurs familles, au milieu de la nuit de Noël, dans cette Chapelle Sixtine où, à l’initiative des Papes, "quelques-uns des plus grands artistes de tous les temps ont contribué par leur talent à l’élévation des esprits et des âmes". Votre Sainteté commémorait ainsi en notre présence un événement qui, en promettant la paix aux hommes de bonne volonté, allait, comme une ligne de faîte, diviser l’histoire de l’humanité en deux versants.

Dans le message de Noël qu’Elle adressait en qualité d’archevêque de Milan en 1958, Votre Sainteté développait un thème qui s’applique d’une façon quasi prophétique à la Noël de cette année: l’unité et la paix. Votre Sainteté montrait avec éloquence que si cette fête est celle de la paix, elle est aussi celle de l’unité qui, disait-Elle, est "commandée par l’évolution actuelle du monde". "Il est clair, ajoutait-Elle, que le monde est en train de s’unifier: les distances s’annulent, les barrières tombent, les rapports se multiplient et deviennent toujours plus une trame de dépendances mutuelles". Votre Sainteté soulignait le caractère "équivoque et périlleux" de ce mouvement s’il n’était pas dirigé par des principes supérieurs, car il contenait les germes néfastes "de monopoles et d’organisations impérialistes ou totalitaires".

Jadis, le mot traduisait si honnêtement la pensée qu’une même expression, celle de "verbe", s’appliquait à l’un et à l’autre. Il n’en est plus de même aujourd’hui: parfois les mots détournés de leur sens par la malice des hommes, ne sont plus que de beaux masques sur de hideux visages. Voici cinq ans, l’archevêque de Milan définissait avec sagacité la grandeur et les périls de l’unité, selon le sens que le monde contemporain y donne. Quand Votre Sainteté S’est adressée pour la première fois du haut de ce même trône au corps diplomatique, Elle a souligné que le mot "paix" lui aussi, devait être purifié des utilisations abusives et souvent dégradantes auxquelles on le soumet, et se dresser, selon l’expression qu’Elle empruntait au Pape Jean XXIII, "comme la lumineuse coupole de Saint-Pierre qui repose sur les quatre pilastres de la vérité, de la justice, de l’amour et de la liberté". Avec quelle force et quelle clarté ne vient-Elle pas de revenir, dans son beau et substantiel message de Noël, sur la nécessité de garder à ce mot sublime son véritable sens! Avec quelle heureuse hardiesse n’a-t-Elle pas, en qualifiant la paix d’"équilibre dans le mouvement", insufflé la vie à la célèbre définition donnée par Saint Augustin!

N’est-ce pas le moment de rappeler cette harmonie entre la véritable paix et la véritable unité, alors que nous avons sous les yeux le spectacle réconfortant et grandiose d’un Concile dont la portée universelle semble épouser le vaste mouvement unificateur qui caractérise l’humanité d’aujourd’hui?

Nous qui avons le privilège d’être les témoins de ces assises mondiales, nous nous rendons compte du poids très lourd qu’elles font peser sur les épaules de Votre Sainteté. C’est ce poids sans doute qui, pour la première fois depuis près de deux mille ans, va conduire un Pape sur les lieux mêmes où s’est déroulé l’événement que Votre Sainteté a célébré au milieu du corps diplomatique. Ainsi, jadis, une étoile a guidé les sages dont une tradition ancienne et poétique a fait des rois, c’est-à-dire des souverains comme Celui auprès de qui nos propres chefs d’état nous ont accrédités.

Puisse ce voyage qui, avant même d’être accompli est déjà entré dans l’histoire, se dérouler heureusement! Puisse le Saint-Père y trouver un réconfort et un surcroît de force! Puisse-t-Il, plus fortuné encore que les Mages en ramener cette lumière qui les y avait conduits!


*L’Osservatore Romano, 29.12.1963.

Insegnamenti di Paolo VI, vol. I, p.? .

L'Osservatore Romano. Edition hebdomadaire en langue française, 1964, n°1 p.1.

P. Poswick, Un journal du Concile Vatican II vu par un diplomate belge, Paris: F.-X. de Guibert, 2005, p.392-393.

 

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