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  ADRESSE D'HOMMAGE DU DOYEN
DU CORPS DIPLOMATIQUE PRÈS LE SAINT-SIÈGE,
S.E. LE BARON PROSPER POSWICK,
AMBASSADEUR DE BELGIQUE*

Samedi 25 janvier 1964

 

Très Saint-Père,

Les membres du corps diplomatique accrédité auprès du Saint-Siège tiennent à manifester à Votre Sainteté l’intérêt et la sympathie qu’ont éveillés en eux Son voyage en Terre-Sainte ainsi que l’heureux déroulement de celui-ci.

Au début de ce siècle, un grand historien de mon pays a intitulé une de ses œuvres: "L’Église aux tournants de l’histoire". Mes collègues et moi-même nous assistons en témoins attentifs à un de ces mouvements historiques. Quelles que soient la philosophie ou les convictions de chacun de nous ou celles qui prévalent dans nos pays respectifs, la démarche accomplie par Votre Sainteté offre un intérêt exceptionnel.

Nous nous plaisons à le reconnaître une fois de plus aujourd’hui: ce voyage, comme toute l’activité du Saint-Siège, a été orienté vers la paix, vers la réduction des antagonismes, bref, vers un but qui est aussi celui de nos gouvernements.

C’est ainsi que les messages envoyés de Jérusalem par Votre Sainteté à tous les chefs d’état, et l’important passage du discours de Bethléem qui concerne la vie des nations, ont emporté l’assentiment unanime de ceux auxquels ils étaient destinés. Les messages de paix, si souvent répétés, ont rarement bénéficié d’un tel retentissement, grâce au prestige du Pape, prestige dont le voyage de Votre Sainteté a révélé toute l’ampleur.

Je ne crois pas me tromper en affirmant que parmi nos collègues du corps diplomatique, les représentants des états du Proche-Orient ont dû être particulièrement émus de l’accueil fait par les populations et par les autorités à Votre Sainteté, ainsi que de la façon dont le Pape y a répondu.

Notre rôle de diplomates près le Saint-Siège est, sur bien des points, privilégié par rapport à celui de nos collègues accrédités dans d’autres pays. Nous n’avons pas à nous inquiéter du nombre de divisions dont le Pape dispose. Nous n’avons pas à étudier le marché économique de la Cité du Vatican. Nous n’avons pas à apporter fiévreusement à nos gouvernements des informations et des armes pour les négociations bilatérales ou multilatérales qui forment ce que j’oserais appeler leur champ de bataille, si le but qu’ils poursuivent n’était pas un but de paix. Malgré le caractère harassant des tâches qui les sollicitent dans cette fièvre de la politique quotidienne où ils doivent, sur des fronts multiples, défendre les intérêts de leur pays, ils ne perdent pas de vue cependant les grands courants qui forment l’histoire. Ce qui fait d’eux non seulement des négociateurs mais des hommes d’état, c’est précisément que les arbres ne les empêchent pas de voir la forêt. Ils savent qu’un de ces grands courants, un des plus puissants, un des plus profonds, un des plus bénéfiques, est incarné par le Saint-Siège. Au reste, même s’ils avaient une tendance à l’oublier, ce qui n’est certainement pas le cas, les événements dont le Vatican fut au point de départ au cours de ces dernières années, auraient, par leur retentissement mondial, réveillé leur attention et leur intérêt. Ils sont conscients que le Saint-Siège a pris des initiatives dont l’influence sur le développement de l’humanité est considérable. Notre tâche est de reconnaître ces énergies spirituelles qui travaillent le monde comme un levain, de déterminer le sens de leur action, de prévenir ceux que nous représentons que ces courants qui ont la puissance, l’ampleur et la majesté d’un fleuve, tendent à une harmonie plus grande entre les hommes et sont toujours au service de la paix.

Le voyage en Terre Sainte constitue une nouvelle manifestation des forces mises en mouvement par la simplicité et le génie d’un grand Pape, promues par son Successeur, dont nous ne cessons d’admirer la lucidité d’esprit et intrépidité.

Comme j’ai eu le triste honneur de l’exprimer naguère dans un moment de deuil, devant le Sacré Collège réuni, c’est en foulant aux pieds les abîmes qui séparent les hommes, c’est en prenant tous les risques de la charité que le Pape donne aux idées de paix et d’unité une impulsion décisive. Nous tenons aujourd’hui à Lui exprimer notre respectueuse admiration pour cette démarche hardie et efficace. Certes, nous savons que le désir d’unité du Saint-Siège s’est manifesté avant tout au sein de la religion chrétienne, mais ce qui nous a frappés, c’est qu’il a débordé de ce cadre: il s’est adressé non seulement aux autres religions monothéistes, mais à tous les hommes de bonne volonté.

C’est pourquoi, au nom de mes collègues et de moi-même, je tiens à renouveler aujourd’hui l’affirmation de l’intérêt que nos gouvernements portent au Saint-Siège, la considération dont ils entourent Votre Sainteté, ainsi que leur désir de collaborer avec Elle, non seulement à l’œuvre de paix, mais aussi à cet aspect actif et particulier de cette œuvre qui est l’unification du genre humain, seul gage véritable d’un avenir pacifique.

Très Saint-Père,

Par une heureuse coïncidence, ce jour est aussi, pour Votre Sainteté, un jour de fête, puisque c’est celui où l’Église commémore la conversion de saint Paul, ce patron que le Pape a choisi, comme on choisit un étendard. Cette fête a certainement pour Votre Sainteté de profondes significations, au seuil desquelles nous nous inclinons. Pour chacun de nous, elle évoque la fresque étonnante et admirable que Michel-Ange peignit à la fin de sa longue vie pour la Chapelle Pauline dont, à l’ouverture du conclave, nous vîmes sortir le Cardinal Montini qui n’allait plus apparaître à nos yeux que revêtu de la robe blanche des Papes. La lumière qui aveugle l’apôtre des gentils en même temps qu’elle l’illumine, éclate au milieu du panneau, et, sur la route de Jérusalem à Damas, semble disperser le cortège aux quatre coins de l’horizon: image de l’œcuménisme paulinien qui caractérise ce règne.

C’est pourquoi nous sommes particulièrement heureux aujourd’hui d’offrir à Votre Sainteté nos vœux les plus déférents.


*L’Osservatore Romano, 26.1.1964 p.1.

Insegnamenti di Paolo VI, vol. II, p.90-91.

L'Osservatore Romano. Edition hebdomadaire en langue française, n°5 p.2.

P. Poswick, Un journal du Concile Vatican II vu par un diplomate belge, Paris: F.-X. de Guibert, 2005, p.402-404.

 

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