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  ADRESSE D'HOMMAGE DU DOYEN
DU CORPS DIPLOMATIQUE PRÈS LE SAINT-SIÈGE,
S.E. LE BARON PROSPER POSWICK,
AMBASSADEUR DE BELGIQUE*

 Lundi 8 janvier 1968

 

Très Saint-Père,

C’est un heureux début d’année pour le Corps diplomatique de voir Votre Sainteté rétablie après les mois d’épreuve qu’Elle a subis avec un courage et surmontés avec une énergie qui forcent l’admiration. Il y a là un exemple édifiant pour chacun, et plus encore pour ceux qui sont dans l’adversité. Aussi notre présence autour du Trône pontifical veut-elle être en premier lieu une action de grâce. Elle veut être aussi un hommage de reconnaissance, car nous avons été profondément sensibles à la bienveillance dont le Pape a témoigné envers le Corps Diplomatique en célébrant pour lui la Messe de Minuit dans la prestigieuse intimité de la Chapelle Sixtine alors que Sa convalescence Lui prescrivait encore bien des ménagements.

Ainsi rassurés, c’est d’un cœur plus serein que nous pouvons exprimer les vœux que nous formons pour la santé et le bonheur de Votre Sainteté, pour le succès de Ses entreprises, dont certes l’importance sur le plan religieux ne nous échappe pas, mais dont nous voulons aujourd’hui souligner le poids dans le domaine qui nous est propre, celui de la vie internationale.

Les circonstances elles-mêmes nous invitent à cette évocation. Grâce à l’initiative du Souverain Pontife, l’année a débuté dans les cinq continents par une journée consacrée à la paix, ce bien estimable, le premier pour les nations comme pour les individus. Tous les ans, désormais, le 1er janvier retentira des exhortations à la paix des gouvernants, des institutions internationales, des hiérarchies religieuses; tel le grain de sénevé de l’Évangile, d’année en année les ondes de cet appel s’élargiront, s’approfondiront, fixant l’attention des hommes sur la paix et les amenant à en méditer le sens.

Sans doute cette noble entreprise ne peut-elle écarter en un jour le spectre de la guerre. Il faut — Votre Sainteté l’a maintes fois souligné — que la véritable notion de la paix pénètre d’abord dans les cœurs pour déraciner les antiques habitudes meurtrières de l’homme, cet homme d’aujourd’hui, aussi fier cependant de ses progrès techniques que les bâtisseurs bibliques de la tour de Babel.

Cette véritable notion de la paix, Votre Sainteté l’a admirablement définie dans son appel: ce n’est pas celle des lâches. J’ai eu un jour l’honneur de dire ici même, en l’auguste présence du Pape, que, parfois, les mots détournés de leur sens par la malice des hommes, ne sont que de beaux masques sur de hideux visages: on voudrait citer tous les passages où Votre Sainteté démasque l’hypocrisie de ceux qui utilisent le mot de paix pour tromper l’opinion mondiale sous le couvert d’un pacifisme tactique, qui endort l’adversaire à abattre ou désarme dans les esprits le sens de la justice, du devoir et du sacrifice". La célébration que Votre Sainteté a instaurée, Elle l’a dit Elle-même, exalte "les plus hautes et universelles valeurs de la vie: la vérité, la justice, la liberté, l’amour".

Si le message est courageux par son contenu, il l’est aussi par sa destination. Il ne s’adresse pas seulement aux fidèles de l’Église catholique, ni aux nations avec lesquelles le Saint-Siège entretient des relations diplomatiques mais à tous les gouvernants, quelle que soit leur philosophie, et aux chefs de toutes les Églises et de toutes les grandes religions.

Ce qui nous frappe dans l’entreprise pontificale, c’est précisément son caractère œcuménique, propre à ce règne paulinien, cet œcuménisme dont l’année écoulée a apporté d’autres insignes témoignages: la promotion cardinalice qui a introduit dans la Curie des prélats de plusieurs nations et qui a élevé à la pourpre les titulaires de sièges résidentiels dans de nombreuses régions du globe; le Synode, cette nouvelle institution qui réunit en un conseil, autour du Souverain Pontife, les représentants de l’épiscopat mondial; les rencontres historiques de Votre Sainteté avec le Patriarche Athénagoras.

Arrêtons-nous un moment à un aussi grand spectacle. Rome et Constantinople, l’Occident et l’Orient du monde antique, se retrouvant après un millénaire, quel symbole pour le monde d’aujourd’hui! Le Pape devançant sur les rives du Bosphore la visite du Patriarche, et celui-ci rendant visite sur la tombe du prince des apôtres pendant la célébration du dix-neuvième centenaire de son martyre, quel enseignement pour les nations comme pour les individus! Car la valeur d’un tel exemple est grande. S’il est souvent coûteux de faire le premier pas, quel fruit pareil geste ne porte-t-il pas lorsqu’on est assuré de la sincérité de celui auquel il s’adresse! Il y a alors, autant de grandeur chez celui qui y répond généreusement que chez celui qui le pose.

Si le message nous frappe par son caractère œcuménique, il retient aussi notre attention par un autre aspect caractéristique de ce règne: l’intérêt du pape pour les nations en voie de développement. "Le développement est le nous nom de la paix" a écrit Votre Sainteté pour conclure la belle encyclique Populorum progressio. Mais, selon les termes mêmes de cet important document "le développement ne se réduit pas à la simple croissance économique". Ce qu’il faut développer selon les paroles mêmes du Pape, c’est "le goût de la recherche et de l’invention, l’audace dans l’entreprise, l’initiative généreuse, le sens des responsabilités". Le problème n’est pas seulement financier, mais moral: des hommes doivent aider d’autres hommes à changer des habitudes séculaires. Pour le développement, il est aussi nécessaire de payer de sa personne que de sa bourse. L’argent qui n’est pas investi au bénéfice d’un peuple, qui n’est pas la contrepartie d’une adaptation de ce peuple à un niveau plus élevé de développement, loin de le faire progresser, le démoralise. Voilà la véritable solidarité humaine: il faut qu’aux efforts de ceux qui aident correspondent les efforts de ceux qui sont aidés.

Ces problèmes si complexes évoqués par l’encyclique, Votre Sainteté a voulu qu’ils fissent l’objet d’une étude constante. Elle a créé, au cours d’une année si riche en initiatives fécondes, la commission "Justitia et Pax", qui a tenu sa dernière session à Bruxelles le mois dernier.

Ainsi trouvons-nous réunis dans la belle initiative du Pape pour le jour de l’an la trilogie que nous venons d’évoquer: la paix, l’œcuménisme, le développement, avec leur corollaire, le désarmement, et avec l’indication de la voie à suivre, le renforcement des institutions internationales.

Certain d’interpréter les sentiments de mes collègues, je prie Votre Sainteté de bien vouloir considérer la présence solennelle du Corps Diplomatique réuni aujourd’hui autour d’Elle comme un témoignage de l’assentiment des nations aux belles et grandes idées qu’Elle a développées dans Son message.


*L’Osservatore Romano, 8-9.1.1968 p.2.

Insegnamenti di Paolo VI, vol. VI, p.15-16.

L'Osservatore Romano. Edition hebdomadaire en langue française, n° 2 p.3.

P. Poswick, Un journal du Concile Vatican II vu par un diplomate belge, Paris: F.-X. de Guibert, 2005, p.671-673.

 

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