The Holy See
back up
Search
riga

  ADRESSE D'HOMMAGE DU DOYEN
DU CORPS DIPLOMATIQUE PRÈS LE SAINT-SIÈGE,
S.E.MR. LUIS AMADO-BLANCO,
AMBASSADEUR DE CUBA*

Samedi 11 janvier 1975

 

Votre Sainteté,

Depuis peu de jours, nous vivons dans un nouveau régime, dans une insolite situation, dans une circonstance très singulière, grâce à l’heureux événement de l’ouverture d’une Porte. L’humanité qui a vécu murée dans le cercle crénelé de ses propres erreurs, de ses égoïsmes personnels, de ses limitations dans le discours sur les possibilités de rapport et par conséquent de communication entre les hommes, ne s’est pas encore rendue compte de l’importance capitale que représente, historiquement parlant, la création de la Porte: c’est-à-dire le fait de passer sans difficulté, comme miraculeusement, à travers un mur et d’aller en avant dans la poursuite de notre idéal. Un peu comme si nous pouvions nous débrouiller dans le cercle de nos habitudes coutumières et tout d’un coup être capables d’entrer en nous-mêmes pour reconnaître le lieu secret de nos tendances profondes. Parce qu’une des plus graves circonstances dans lesquelles se trouve l’homme d’aujourd’hui, est simplement la méconnaissance de lui-même, la précipitation de ses propres impulsions qui deviennent primaires seulement et uniquement à cause de la légèreté avec laquelle nous les remisons dans le grenier poussiéreux de notre façon agitée de vivre. Il est certain que nous faisons beaucoup de choses, que nous travaillons conjointement dans plusieurs directions, mais de cette multiple activité dérive une obscure dispersion de notre âme, une continuelle permanence en dehors de nous-mêmes, un éloignement des bases les plus intimes de l’être, nous écartant de notre noyau originel qui, après tout, est celui qui doit diriger la route de notre destin en harmonie avec notre vérité la plus authentique.

Nous nous ignorons. Et quand l’existence nous oblige à la découverte de nos recoins les plus cachés, nous avons peur non seulement d’un tel circuit aussi étrange qu’insolite mais également du désordre dans lequel nous nous trouvons. A présent, Saint-Père, avec le chemin ouvert à travers la Porte de l’Année Sainte 1975, à l’ouverture solennelle de laquelle nous avons eu la chance d’assister la nuit de la Nativité, l’homme de ce moment historique a le privilège de trouver un sentier qui l’invite à la méditation et par conséquent à la rectification de ses erreurs en passant idéalement sur le seuil de la Porte qui conduit à l’Année Sainte. C’est- à-dire, à la réconciliation, premièrement avec nous-mêmes, pour ensuite pouvoir aller vers la réconciliation avec nos prochains. Une pacification cachée et un but définitif de fraternisation totale avec le monde, de ce monde dont nous sommes partie intégrante. Sans la mise en marche de ce mécanisme spirituel, la paix est impossible. Saint-Père, votre auguste voix s’est élevée à plusieurs reprises, visant la réalité de ces ressorts psychologiques qui conditionnent notre authentique participation à la Paix. « La Paix est possible » avez-vous dit, mais en tant qu’elle est notre paix, celle que nous voulons implanter, celle que nous devons cultiver dans notre jardin intime avec une décision journalière, constante et tenace, pour qu’elle surgisse forte, vigoureuse et puisse arriver à s’imposer dans le dédale équivoque du terrain que nous foulons. Tant que nous ne ferons pas abstraction de nous-mêmes en faveur de nos frères, la paix ne sera pas possible. Parce que la Paix, comme l’a définie mille fois Votre Sainteté, est un acte de justice sociale, une conséquence de la justice internationale, et par conséquent, sans elles nous ne pourrons l’atteindre.

Et pour mieux dire, jusqu’à présent nous n’avons pas pu l’atteindre; mais peut-être qu’en cette Année Sainte de 1975 nous pourrons l’aborder, ou tout au moins nous approcher de la splendeur de sa beauté. La Porte était auparavant murée par nos torts personnels, et maintenant elle est ouverte pour que nous marchions tous ensemble vers la dignité de l’homme qui est, après tout, la reconnaissance de nos droits eux-mêmes. - Passez, mon frère. - Passez avant moi, mon ami. - Avez-vous besoin de vous appuyer à notre bras?

Grâce à votre voix, à vos courageuses exhortations, à votre continuelle anxiété qui ne vous laisse aucun repos, en faveur de la Paix, cette Année Sainte, cette Porte Sainte que nous avons passée ensemble, avec émotion, il y a quelques jours, se sont transformées en un formidable symbole de rectification de notre conduite, de notre compréhension de ce que doit être une vigoureuse solidarité entre tous les hommes. Quand, à la fin de l’année, tout un fleuve humain de pèlerins, proches et lointains, sera passé sous son linteau sacré, ennoblissant le but de leur vie, et que l’on murera à nouveau sa merveilleuse embrasure, il est juste, Saint-Père, d’avoir l’espoir que le plus grand ennemi de la. Paix, de la Concorde et par conséquent de la Justice, en un mot, l’égoïsme, restera également muré pour toujours. Ce sera alors le prodigieux moment de ne plus regarder en arrière, mais de continuer vaillamment en avant, suivant les exhortations de votre voix, sur le chemin d’une sublime vie sociale et internationale en commun; pour celle-ci nous faisons des vœux chaleureux en cette solennelle rencontre avec Votre Sainteté, nous tous qui avons le grand honneur de représenter nos nations respectives auprès du Trône de Pierre, source d’une constante inspiration de Paix, de Justice et de réconciliation pour tous les hommes de bonne volonté.


*L’Osservatore Romano, 12.1.1975, p.2.

Insegnamenti di Paolo VI, vol. XIII, p.40-42.

L'Osservatore Romano. Edition hebdomadaire en langue française,n°3 p.?

 

top