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  ADRESSE D'HOMMAGE DU DOYEN
DU CORPS DIPLOMATIQUE
PRÈS LE SAINT-SIÈGE,
 
S.E. Mr. JOSEPH AMICHIA,
AMBASSADEUR DE CÔTE D'IVOIRE*

Samedi, 12 janvier 1985

 

Très Saint-Père,

La traditionnelle cérémonie de présentation des vœux nous donne l’heureuse occasion de nous retrouver autour de Votre Auguste personne. C’est pour moi un grand honneur et un insigne privilège de prendre la parole au nom de tout le Corps diplomatique pour présenter à Votre Sainteté nos vœux fervents de santé, de bonne et heureuse année. Nous prions le Tout-Puissant de vous donner force et lumière pour que vous puissiez poursuivre longtemps encore, à la tête de l’Eglise Universelle, votre inestimable œuvre en faveur de la paix, de la justice, et de la solidarité.

Très Saint-Père,

A notre réunion de l’année dernière et suivant la coutume désormais établie, nous avions évoqué quelques-uns des problèmes qui préoccupent Votre Sainteté, les Chefs d’Etat et Souverains que nous représentons en un mot la Communauté internationale toute entière. Ces problèmes ont pour noms: la menace d’une guerre nucléaire aux con séquences apocalyptiques, les conflits armés, les réfugiés, la crise économique, la drogue, la faim, la détérioration des termes de l’échange entre pays pauvres et pays riches, et j’en passe. A l’exception de la guerre nucléaire qui a été évitée mais dont la menace n’en demeure pas moins à cause de l’accroisse¬ment des stocks et des nouvelles perspectives dans ce domaine, tous les autres problèmes malheureusement demeurent. Bien plus, les conséquences de certains d’entre eux se sont même accentuées: tels la faim, la violence, le chômage, l’endettement des Pays du Tiers Monde.

L’année qui vient de s’écouler a eu son lot de violence sous toutes ses formes: assassinats, attentats, enlèvements, prises d’otage, tortures, détournements d’avions, etc... L’Eglise elle-même n’a pas été épargnée puisque plusieurs de ses prêtres figurent parmi les victimes. La tragédie que nous avons déplorée récemment en Italie, l’avant-veille de Noël, dans l’attentat meurtrier du train Naples-Milan est une démonstration de ce terrorisme aveugle qui frappe quotidiennement des victimes innocentes dans diverses parties du monde.

La faim reste le sujet préoccupant de ces derniers mois. Partout les mass-médias montrent des images bouleversant – pour ne pas dire humiliantes – d’enfants, de jeunes, de femmes et d’hommes dont le seul regard suffit pour faire comprendre le drame que vivent les populations des zones frappées par ce fléau. Des statistiques récentes donnent pour l’Afrique 12000 enfants qui meurent chaque jour et plus de 4 millions chaque année. La communauté internationale réagit généreusement et de nombreux dons sont collectés afin de sauver ceux qui peuvent l’être encore. Mais, la tragédie de la faim dans le monde nous amène à nous poser quelques questions. En effet, les pays frappés par ce fléau se situent généralement dans des zones immenses et peu peuplées, le manque d’eau, la désertification et les cataclysmes naturels en sont les principales causes; mais il y a aussi – il faut le dire – le fait que dans certains de ces pays il y a la guerre qui empêche les paysans de cultiver; certaines idéologies imposées aux populations constituent elles-mêmes un frein au développement. Pourquoi alors la communauté internationale, en plus de ses actions ponctuelles pour soulager les populations affamées, ne ferait-elle pas en sorte que les progrès gigantesques de la science et de la technologie soient déployés dans ces zones pour les rendre fertiles? De même, pourquoi des actions ne seraient-elles pas entreprises rapidement pour ramener la paix dans les pays où l’on ajoute aux victimes de la faim celles de la guerre?

L’année dernière, après avoir évoqué ce drame de la faim, Votre Sainteté a créé la «Fondation Jean-Paul II pour le Sahel». Ce n’est pas la première fois que l’Eglise s’intéresse à cette partie de l’Afrique qui souffre de la sécheresse depuis plus de dix ans; mais l’intérêt de cette Fondation, c’est l’orientation exemplaire que Votre Sainteté lui a donnée de former des animateurs pour lutter efficacement contre la faim. Au nom des populations du Sahel et de tous ceux qui bénéficieront de cette Fondation, nous vous remercions de tout cœur.

Parmi les conséquences de la grande crise économique mondiale actuelle, le chômage est le plus douloureusement ressenti. Dans les pays industrialisés comme dans les pays en voie de développement, ce sont des millions de jeunes qui attendent souvent sans espoir leur premier emploi et des millions de travailleurs qui ont perdu leur travail. Pour les pays du Tiers Monde cette crise est ressentie plus durement encore à cause des mauvaises conditions climatiques, notamment la sécheresse, qui font baisser continuellement le volume de leurs produits d’exportation avec pour conséquence la diminution de leurs recettes budgétaires déjà gravement compromises par la baisse incessante des prix des matières premières. De même, un système monétaire qui leur est défavorable fait augmenter le montant de leurs dettes. Il est par conséquent urgent que les responsables de l’économie mondiale recherchent des solutions à ces problèmes, car il y va de la paix dans les nations et dans le monde.

Très Saint-Père,

Le respect des droits de l’homme constitue le sujet sur lequel tout le monde est d’accord; à l’ouest comme à l’est, au nord comme au sud; il figure en bonne place dans toutes les constitutions qui régissent les états et tous s’y réfèrent pour être admis à l’Organisation des Nations Unies. Mais dans la pratique, très peu sont les pays où ces droits sont réellement respectés. Ici, l’individu n’a pas le droit de penser et de s’exprimer librement; de croire ou de pratiquer la religion de son choix; il ne peut écouter que les informations qu’on veut bien qu’il écoute et ne peut même pas sortir de son pays pour voir ce qui se passe ailleurs; là, c’est la vie que l’on supprime en toute légalité, les détentions arbitraires, les jugements et exécutions sommaires pour délits d’opinion, etc...

Parmi toutes ces atteintes à la liberté, et à la dignité de l’homme, une mention spéciale doit être faite à la discrimination raciale dont souffrent encore des millions d’êtres humains.

L’année dernière, Votre Sainteté a eu plusieurs fois l’occasion de stigmatiser ce mal et plus particulièrement dans le message adressé le 2 août à la première Assemblée générale de la réunion interrégionale des Évêques d’Afrique du Sud. A cette occasion, Votre Sainteté a rappelé une fois de plus la doctrine de l’Église sur ce sujet, et je cite «l’objet de la sollicitude de l’Eglise est chaque homme, chaque femme dans ce qui fait de lui un être humain absolument unique. Toute vie humaine possède une valeur inaliénable qui lui vient du fait que tout être humain est créé à l’image et à la ressemblance de Dieu une image et une ressemblance qui demeure toujours, en tout temps et en toutes circonstances». Cette doctrine, nous le savons, l’Eglise l’a toujours enseignée et mise en pratique depuis le début de son existence. Ainsi, en faisant prêtres et évêques des hommes de toutes conditions et de toutes races, pour partager le sacerdoce unique du Christ; en élevant certains de ses fils aux honneurs de l’autel, sans autres considérations que les vertus qu’ils ont pratiquées sur la terre, l’Eglise démontre avec éloquence l’égalité de tous les hommes devant Dieu. C’est pourquoi nous souhaitons, très Saint-Père, que s’intensifient votre action, celle de toute l’Eglise ainsi que de toutes les confessions chrétiennes dont se réclament d’ailleurs ceux qui ont érigé la discrimination raciale en institution, afin d’enrayer le plus rapide ment possible ce mal qui fait la honte de notre temps et constitue aussi une sérieuse menace à la paix.

Le monde entier a accueilli avec soulagement la décision des deux Super Puissances de reprendre enfin les négociations sur les armements atomiques. Nous souhaitons ardemment que ces négociations aboutissement effectivement à éliminer complètement, sinon à réduire considérablement, ce que l’homme a créé pour sa propre destruction. Nous souhaitons également que des négociations soient entreprises dans le même sens pour ce qui concerne les armes dites «conventionnelles» qui abondent partout où il y a le moindre conflit. Il est vrai que la vente de ces armes constitue un commerce florissant, mais en œuvrant pour en limiter le nombre, on lutte aussi efficacement contre le terrorisme.

Très Saint-Père,

Il est très réconfortant de constater qu’en toutes occasions Votre Sainteté se fait toujours le porte-parole de millions d’hommes et de femmes qui refusent de vivre dans un monde où la guerre semble n’être évitée que par un précaire équilibre de la terreur. Nous voudrions saluer ici l’heureux aboutissement de votre médiation dans le différend qui a opposé l’Argentine et le Chili; sans cette action désintéressée, le monde aurait ajouté encore à la liste déjà trop longue de pertes de vies humaine et la destruction de toute sorte qu’entraine la guerre. Nous formons également le vœu que votre action discrète et soutenue dans les autres conflits soit couronnée de succès afin que le monde croie que le dialogue pour la paix est possible comme Votre Sainteté l’a souvent souligné.

Votre Sainteté a effectué au cours de l’année écoulée plusieurs voyages apostoliques en Europe, en Asie et en Amérique. On n’insistera jamais assez sur les bienfaits de ces voyages pour les précieux enseignements qu’ils permettent de tirer tant par les sujets qui sont traités au cours de ceux-ci que par le choix même des itinéraires. Le caractère universel de ces voyages n’est plus à démontrer. Ainsi, au Canada, Votre Sainteté en s’adressant à cette grande nation à la pointe du progrès industriel et au glorieux passé missionnaire, s’est adressée également à tous les pays industrialisés et a abordé la quasi totalité des problèmes du Tiers Monde. De même, en se rendant à Saint Domingue, Votre Sainteté a voulu passer par l’Espagne pour rendre hommage à tous les missionnaires qui sont partis de ce noble Pays pour apporter le message de la Bonne Nouvelle à toutes ces populations lointaines, et parcourir ainsi le même chemin que ces pionniers qui permirent de découvrir le «Nouveau Monde».

A propos de ces voyages, nous savons que beaucoup de pays attendent, cette année encore, dans la ferveur votre visite. Nous souhaitons de tout cœur que cette attente ne soit pas vaine, et formulons enfin le vœu que les dirigeants qui hésitent encore ouvrent les portes de leurs pays à Votre Sainteté, pour le plus grand bien de leurs populations.

Très Saint-Père,

Votre Sainteté a placé l’homme au centre de son Pontificat. Depuis votre première Encyclique Redemptor hominis, jusqu’à la récente «Exhortation Apostolique Post Synodale» sur la réconciliation et la pénitence dans la mission de l’Eglise aujourd’hui, Votre Sainteté parle toujours de l’homme et s’adresse à son cœur. Déjà, comme Prêtre et Evêque dans votre cher Pays natal, vous avez consacré votre apostolat à la formation des hommes et plus particulièrement des jeunes. Fasse le Tout Puissant, en cette période qui suit l’Année Sainte Extraordinaire de la Rédemption et au début de cette Année de la Jeunesse proclamée par l’O.N.U., que notre monde accueille avec un cœur sincère vos messages d’amour, de justice, de solidarité et de paix.


*L’Osservatore Romano, 13.1.1985.

L'Osservatore Romano. Edition hebdomadaire en langue française n°3 p.9.

 

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