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ADRESSE D'HOMMAGE DU DOYEN
DU CORPS DIPLOMATIQUE
PRÈS LE SAINT-SIÈGE,
 
S.E. Mr. JOSEPH AMICHIA,
AMBASSADEUR DE CÔTE D'IVOIRE*

 10 janvier 1987

 

Très Saint-Père,

Le nombre élève de Chefs de mission et diplomates présents ce matin à cette cérémonie est la conséquence évidente du grand nombre de pays qui entretiennent désormais des relations diplomatiques avec le Saint-Siège; mais c’est aussi – je tiens à le souligner – le résultat de la volonté de chacun des membres de nos missions de participer personnellement à cette cérémonie pour exprimer ses sentiments de respect, d’estime pour Votre personne et de reconnaissance pour l’action accomplie par Votre Sainteté au cours de l’année qui vient de s’achever.

C’est avec une grande joie et un insigne honneur que j’use, une fois de plus, à l’aube de la nouvelle année, le privilège que me confère uniquement l’ancienneté, pour présenter à Votre Sainteté au nom de tout le corps diplomatique ainsi que de nos épouses, les vœux ferventes de bonheur et de santé que nous formons pour Votre personne. Daigne le Tout Puissant Vous combler de ses grâces afin que vous puissiez continuer longtemps encore Votre Noble Mission en faveur des Droits de l’Homme, de la justice, de la solidarité et de la paix.

Très Saint-Père,

L’année 1986 proclamée « Année de la Paix» par les Nations-Unies, a vu se dérouler dans de très nombreux pays des manifestations en signe d’adhésion à cette initiative. Le Saint-Siège qui a toujours œuvré pour la paix, a marqué cette année d’un événement unique dans l’histoire de l’humanité: je veux parler de Journée interreligieuse de prière pour la paix d’Assise. Le souvenir émouvant de cette journée reste gravé dans toutes nos mémoires. La trêve sollicitée, à cette occasion, par Votre Sainteté, a permis de sauver sans aucun doute de nombreuses vies humaines et d’épargner d’autres malheurs. Les dignitaires des principales religions du monde présentes à Assise ont donné aussi le témoignage de la tolérance religieuse. Nous souhaitons ardemment que cette tolérance soit vécue partout, à tous les niveaux, pour que l’on trouve rapidement des solutions aux nombreux et graves conflits engendrés malheureusement, ici et là, par suite de rivalités entre croyants de confessions différentes. En effet, l’intolérance religieuse pratiquée plus ou moins ouvertement dans de nombreux pays est devenue si préoccupante que pour la première fois la Commission des Droits de l’Homme de l’ONU vient de désigner un rapporteur spécial pour cette matière.

Durant l’année écoulée Votre Sainteté a poursuivi heureusement ses voyages apostoliques en visitant notamment l’Inde, la Colombie, Sainte-Lucie, la France, le Bangladesh, Singapour, les îles Fidji, l’Australie, les îles Seychelles, sans oublier plusieurs régions de l’Italie. L’accueil spontané et enthousiaste que réservent à Votre Sainteté toutes les couches des populations des pays visités, leur empressement à écouter vos messages et les fruits qui en résultent, témoignent de l’importance de ces voyages. A ce propos, je pense personnellement que la réussite de la Journée d’Assise est dûe en grande partie à ces voyages au cours desquels Votre Sainteté a rencontré la plupart des responsables religieux qui ont accepté de participer à cette manifestation. Nous souhaitons tous que Votre Sainteté continue ces voyages et que, de l’Est à l’Ouest, du Sud au Nord, toutes les régions puissent en bénéficier.

Très Saint-Père,

Le Corps diplomatique a été heureux d’avoir été associé à la célébration du cinquantenaire de la création de l’Académie Pontificale des Sciences. C’est avec intérêt que nous avons suivi l’évolution de cette illustre Institution composée de savants provenant de tous les continents, sans distinction de croyance et d’idéologie. En plus des services appréciables qu’elle rend à l’Eglise en l’aidant dans son magistère, Votre Sainteté a exhorté cette haute Institution à faire bénéficier davantage de son action à tous ceux qui exercent de hautes responsabilités dans la Communauté Internationale. En remerciant Votre Sainteté de cette offre généreuse de service, nous souhaitons que cette Institution accentue ses efforts notamment clans la recherche de solutions aux nouveaux et graves’ problèmes de santé que connaît actuellement le monde.

La Communauté Internationale suit avec intérêt et gratitude tous les efforts que le Saint-Siège déploie pour aider à la solution pacifique des différends entre certaines nations en Amérique Latine en offrant, soit sa médiation, soit en soutenant les initiatives locales et régionales.

Nous vous sommes également reconnaissants pour votre action soutenue pour que la paix soit retrouvée partout où elle est troublée, plus particulièrement au Liban, en Iraq. C’est aussi avec un vif intérêt que nous avons suivi votre sollicitude quand des catastrophes naturelles ont frappé certains pays comme en Colombie avec l’éruption du volcan Nevado del Ruiz et au Cameroun avec les émanations de gaz dans le lac de Nyos. La Communauté Internationale sait gré à l’Eglise qui, à travers son vaste réseau d’organismes n’a jamais manqué d’apporter sa contribution pour soulager moralement et matériellement les victimes de ces catastrophes.

Votre Sainteté a toujours fait entendre sa voix toutes les fois que le terrorisme a frappé aveuglément ou qu’il y a eu prise d’otages. Puissent vos incessants appels lancés en direction de tous ceux qui ont choisi la violence comme moyen d’exprimer leurs aspirations être entendus par tous afin que par le dialogue l’on arrive à bannir toutes les tensions entre les peuples.

Très Saint-Père,

Aucun des multiples problèmes qui se posent à l’humanité n’échappe à Votre Sainteté et à l’Eglise: l’homme étant l’objet de votre constante préoccupation c’est avec une connaissance approfondie et une lumière toujours grande que Votre Sainteté aborde les problèmes de la Communauté Internationale. C’est pourquoi je prie Votre Sainteté de m’excuser si j’ose évoquer en sa présence quelques uns de ces problèmes.

En Afrique du Sud le régime raciste au pouvoir continue de brimer la population noire. On assiste maintenant à une répression sans limite qui n’hésite même pas à frapper les enfants et à les jeter en prison. Nous nous félicitons de l’action des églises locales qui de plus en plus n’hésitent pas à proclamer ouvertement leur opposition à ce régime pour le moins inhumain. Nous espérons que les sanctions économiques adoptées par quelques pays du monde industrialisé seront appliquées honnêtement afin d’amener les tenants de ce régime barbare à changer leur conception de la personne humaine.

La menace de destruction nucléaire de l’humanité persiste et s’est même aggravée par l’utilisation éventuelle dans l’espace de nouvelles découvertes. Il est indéniable que la reprise des négociations et les différentes rencontres entre les représentants des deux superpuissances ont suscité quelques lueurs d’espoir; mais l’humanité reste inquiète et impatiente car, malgré les progrès gigantesques accomplis par l’homme dans le domaine de la science et de la technique, la nature cache encore beaucoup de ses secrets. Ainsi, le nucléaire, quand même il est utilisé à des fins pacifiques, n’en demeure pas moins dangereux: les incidents survenus dernièrement dans ce domaine l’ont démontré assez éloquemment. Qu’adviendrait il de notre planète si une erreur humaine ou une catastrophe naturelle survenait dans l’un des nombreux stocks d’armes atomiques?

A côté de l’armement atomique dont les conséquences seraient apocalyptiques, se développe d’une façon dangereuse l’armement dit conventionnel dont on inonde le monde. Comment peut-on parler honnêtement de la paix et dans le même temps chercher à tirer profit de la vente des armes? Comment peut-on lutter contre le terrorisme si l’on met à portée de tous les armes les plus meurtrières?

Très Saint-Père,

La dette du Tiers Monde qui fait l’objet à juste titre de la préoccupation de Votre Sainteté constitue actuellement le souci majeur de bon nombre de pays. Je sais que c’est un problème délicat car il y va de la dignité des nations et du respect de l’engagement pris; mais comment ne pas en parler quand il y va aussi de la survie même de certaines d’entre elles! Ce problème est grave – il faut avoir le courage de le dire – il pourrait faire douter de l’efficacité du système monétaire international en cours. En effet, les difficultés que connaissent les pays endettés sont dues en grande partie aux conditions dans lesquelles ils sont obligés d’accepter les prêts dont ils ont besoin pour leur développement. Nous pensons aussi que sa solution passe nécessairement par celle du système de fixation du prix des matières premières, pour enrayer le rôle néfaste que jouent les spéculateurs.

La drogue continue de faire des ravages un peu partout dans le monde. Les Etats déploient de louables efforts pour lutter contre ce fléau mais il est urgent que l’on s’attaque au fond du problème. Nous pensons qu’il est aussi urgent que l’on accentue la lutte contre ceux qui cultivent la drogue en les aidant à cultiver ce qui nourrit et non pas le poison qui tue! Il faut enfin lutter contre ceux qui, disposant de gros moyens financiers; rendent le marché de la drogue si attrayant!

Très Saint-Père,

Nous pourrions continuer ce tableau bien sombre qui revient hélas chaque année mais tel n’est pas l’objet de notre rencontre de ce matin.

Votre Sainteté ne cesse de proclamer, à juste titre, que la paix, qui est un bien universel et dont la recherche et le maintien incombent à tous, est aujourd’hui plus que jamais, à notre portée. Je pense par conséquent que le moment est venu où tous les responsables du monde feront en sorte que notre génération laisse aux générations à venir un monde qui ne connaitra pas la menace permanente de destruction mais où l’on vivra dans la paix, la justice, la solidarité et la fraternité.

Pour terminer, je renouvelle à Votre Sainteté les vœux déférents du Corps diplomatique pour une bonne et heureuse année.


*L’Osservatore Romano, 11.1.1987.

L'Osservatore Romano. Edition hebdomadaire en langue française n°3, p.7.

 

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