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ADRESSE D'HOMMAGE DU DOYEN
DU CORPS DIPLOMATIQUE
PRÈS LE SAINT-SIÈGE,
 
S.E. Mr. JOSEPH AMICHIA,
AMBASSADEUR DE CÔTE D'IVOIRE*

Samedi 11 janvier 1992

 

Très Saint-Père,

La solennité de la cérémonie de ce matin ne devrait rien permettre qui puisse être interprété, même à tort, comme une digression ; mais je ne peux m’empêcher de dire haut ce que je ressens intensément à cet instant et que partagent j’en suis convaincu tous mes collègues ici présents : qu’il fait bon se sentir auprès de Votre Sainteté et de l’écouter !

Très Saint-Père, Je dois encore à la préséance l’honneur et le privilège de prendre la parole au nom de tous mes collègues pour présenter à Votre Sainteté nos vœux choisis pour une bonne, heureuse et sainte année.

L’année dernière, au moment où nous nous réunissions pour cette même cérémonie, le monde était dans l’inquiétude à cause de l’imminence de la guerre du Golfe. Nous avons suivi vos interventions, voire supplications pour épargner au monde une nouvelle tragédie. Bien qu’elle ait été brève, cette guerre n’en a pas été moins meurtrière et destructrice. En outre, elle a causé d’immenses dégâts à l’environnement. Ce conflit qui n’a pas été improvisé, a mis aussi en évidence les puissants intérêts qui en ont favorisé la préparation, et qui constituent de véritables écueils sur le dur chemin de la paix.

Cette année, c’est tout près de nous, en Yougoslavie, que se déroule une autre guerre fratricide. Après la Conférence de Paris sur la Sécurité et la Coopération en Europe, nous étions loin de nous attendre à un tel affrontement armé, qui dure déjà depuis plusieurs mois sans que l’action de la communauté internationale ait pu y mettre fin.

Dans plusieurs régions de la planète, des conflits perdurent et gagnent même en ampleur. C’est le cas notamment au Libéria, en Somalie, en Ethiopie, au Soudan, au Burundi et en Géorgie, pour ne citer que ceux-là. Par ailleurs, le processus démocratique nouvellement engagé dans certains pays, entraîne malheureusement des heurts sanglants, comme en Haïti et au Togo.

Au moment où l’on croyait la menace d’une guerre nucléaire s’éloigner grâce aux décisions courageuses qui ont été prises par les super-puissances, voici que le monde est de nouveau gagné par la peur avec l’éclatement du bloc de l’Est, avant même que la destruction et la réduction des armes atomiques et conventionnelles envisagées aient effectivement commencé.

Très Saint-Père, La célébration du centenaire de l’Encyclique de votre illustre prédécesseur Léon XIII, a donné l’opportunité à Votre Sainteté d’adresser à l’Eglise et à tous les hommes de bonne volonté la Lettre Encyclique Centesimus annus. Par mon humble voix le Corps diplomatique se joint à celles plus autorisées qui se sont élevées pour rendre hommage à Votre Sainteté pour cet inestimable document sur la doctrine sociale de l’Eglise. Il ne fait aucun doute que cette Encyclique éclairera le chemin de tous ceux qui œuvrent pour la paix, la fraternité, la solidarité et pour le développement intégral de l’homme.

Très Saint-Père, Votre Sainteté a souvent évoqué la dette extérieure du tiers monde. L’important document publié à ce sujet en 1986 sous votre haute autorité par la Commission pontificale Justice et Paix garde toute son actualité. Dans l’Encyclique Centesimus annus, Votre Sainteté traite une fois encore de ce problème qui prend de l’ampleur après l’échec du modèle socialiste d’organisation économique. A la dette extérieure est étroitement liée, à notre sens, la juste rémunération du travail des producteurs de matières premières. En effet, les prêts aux pays en voie de développement ont été consentis, dans la majeure partie des cas, en tenant compte de la vente de leurs produits agricoles ou miniers. Or, les prix de ces matières ne cessent de baisser et, plus grave encore, toutes les négociations qui auraient pu créer des bases équitables dans les échanges internationaux piétinent depuis des années. Peut-on laisser longtemps encore des nations entières croupir dans la misère ! Nous sommes très reconnaissants à Votre Sainteté pour tout ce qu’elle fait en faveur du tiers monde.

Très Saint-Père,

Votre Sainteté ne cesse de proclamer à juste raison que le nouveau nom de la paix est le développement. Apôtre infatigable de la paix, de la justice, de la concorde et des droits de l’homme, vos voyages apostoliques vous ont conduit l’année dernière au Portugal, en Pologne, en Hongrie, au Brésil, ainsi que dans plusieurs villes de l’Italie. Nombreuses sont les images de ces voyages qui montrent avec éloquence combien votre cœur souffre devant tant de misères qui ont pour noms : la drogue, la faim, le sida, le chômage, les sans-abris, les réfugiés, les personnes âgées...

De toutes ces misères, nous voudrions mettre un accent particulier sur la drogue, cette calamité de notre temps. Les difficultés que rencontre le monde rural en Afrique, en Amérique latine et même dans les pays développés incitent de plus en plus les paysans à cultiver l’herbe qui tue ! A ce sujet, nous avons suivi avec un vif intérêt les travaux de la Conférence internationale qui se sont déroulés dernièrement au Vatican et qui ont eu pour thèmes la drogue et l’alcoolisme. Nous vous exprimons notre gratitude pour l’importante contribution du Saint-Siège à la recherche de solutions à ces fléaux.

Très Saint-Père, Le processus engagé à travers les négociations qui ont débuté à Madrid et à Washington en vue d’une solution pacifique au problème du Moyen-Orient nous réjouit. Nous savons que depuis toujours le Saint-Siège se préoccupe de cette question et que Votre Sainteté y attache un grand prix. C’est pourquoi, nous souhaitons ardemment que Votre Sainteté, qui a toujours œuvré en faveur de la liberté religieuse pour tous les croyants, continue son action afin que dans le règlement de ce conflit soit trouvée une solution satisfaisante quant à ce qui est cher au cœur des adeptes des trois grandes religions monothéistes, à savoir les lieux saints dont la ville de Jérusalem.

Très Saint-Père, Dans le courant de cette année sera célébré le 5ème centenaire de l’évangélisation de l’Amérique latine. La préparation de cet événement s’intensifie et les populations attendent dans la ferveur et la joie votre visite. Vos enseignements et vos directives seront très précieux pour les habitants de ce continent, en grande majorité catholiques et qui travaillent pour que l’Évangile s’imprègne de toutes les réalités de leur vie.

Le dialogue œcuménique et interreligieux tient une place de choix dans votre ministère pastoral comme en témoignent les multiples rencontres que Votre Sainteté a avec les croyants des diverses religions au cours de vos voyages apostoliques, la mémorable journée de prières à Assises en 1985, et le travail important qui se fait sous votre haute autorité dans les dicastères compétents. Ainsi que l’a voulu Votre Sainteté, le récent Synode spécial pour l’Europe a permis aux délégués des différentes confessions chrétiennes de participer pleinement aux travaux de cette importante Assemblée qui a brisé par ailleurs le mur du silence dont a souffert si longtemps l’Eglise dans certaines parties de l’Europe. Nous espérons que les résolutions qui ont été prises au cours de cette rencontre en vue d’une nouvelle évangélisation de l’Europe, seront l’occasion pour un rapprochement de tous ceux qui professent la même foi, gage de concorde, de solidarité et de paix dans ce continent. Pour notre part, le Corps diplomatique a eu la joie de participer aux deux grandes célébrations œcuméniques qui se sont déroulées en la basilique Saint-Pierre, à l’occasion de la célébration du 4ème centenaire de la mort de sainte Brigitte et du Synode spécial pour l’Europe.

Très Saint-Père,

1991 a malgré tout suscité quelques lueurs d’espoir dans certaines parties du monde : le processus de paix engagé en Angola et au Mozambique, la réconciliation amorcée en Corée, le traité pour la paix au Cambodge, les progrès réalisés en Afrique du Sud pour la suppression de l’apartheid. Puissent les efforts de Votre Sainteté aboutir cette année, afin que cessent les souffrances de toutes ces populations.

Durant l’année écoulée Votre Sainteté a reçu en audience de nombreuses personnalités, Chefs d’Etat ou de gouvernement, hauts dirigeants d’Organisations internationales. Nous sommes convaincus que la paix basée sur la justice a été au centre de vos entretiens. Dans notre monde angoissé, la voix de Votre Sainteté est souvent l’unique voix de tous ceux qui ne peuvent se faire entendre et qui constituent la plus grande partie de l’humanité. C’est pourquoi, nous prions le Tout-Puissant, à l’aube de cette année, de donner à Votre Sainteté la santé et la force nécessaires pour continuer sa mission universelle en faveur de la paix, de la justice, de la solidarité et des droits de l’homme. Encore une fois, Très Saint-Père, bonne, heureuse et sainte année.


*L’Osservatore Romano, 12.1.1992 p.8.

L'Osservatore Romano. Edition hebdomadaire en langue française n°2, p.14-15.

 

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