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  ADRESSE D'HOMMAGE DU DOYEN
DU CORPS DIPLOMATIQUE
PRÈS LE SAINT-SIÈGE,
 
S.E. Mr. JOSEPH AMICHIA,
AMBASSADEUR DE CÔTE D'IVOIRE*

Lundi 13 janvier 1997

 

Très Saint-Père,

Au terme de ma mission, exceptionnellement longue, auprès du Saint-Siège, j’ai encore ce matin l’honneur et le privilège de prendre la parole au nom de tout le Corps diplomatique accrédité auprès du Saint-Siège pour adresser à Votre Sainteté nos vœux déférents de Bonne et Heureuse Année. Nous demandons au Tout-Puissant de vous donner la santé pour guider longtemps encore l’Eglise universelle et poursuivre votre action de paix, de fraternité et de solidarité en faveur de toute l’humanité.

Très Saint-Père,

A la fin de l’année écoulée, le monde entier a célébré dans la ferveur et la reconnaissance deux événements qui touchent Votre Sainteté: il s’agit de la célébration du 18e anniversaire de Votre Pontificat et du cinquantenaire de votre Ordination sacerdotale. L’Eglise, dans un élan unanime, a rendu grâce au Seigneur de vous avoir choisi pour en faire son Prêtre et le Pasteur universel de son Eglise. La Communauté internationale, quant à elle, a exprimé sa gratitude pour tout ce dont elle bénéficie de votre pontificat. C’est avec émotion que nous nous souvenons de la Sainte Messe que Votre Sainteté a concélébrée ce 10 novembre dernier avec des prêtres venus de divers continents et qui ont été eux aussi appelés au sacerdoce en cette année bénie de 1946. Permettez, Très Saint-Père, en cette occasion solennelle, que le Corps diplomatique accrédité près le Saint-Siège vous renouvelle ses vœux fervents et ses respectueuses félicitations. Nous vous exprimons aussi notre gratitude pour le magnifique ouvrage “Don et Mystère» que Votre Sainteté a écrit à cette occasion.

Très Saint-Père,

Comme les autres années, Votre Sainteté a effectué en 1996 plusieurs voyages apostoliques. Ainsi ont été successivement visités le Guatemala, le Nicaragua, El Salvador, le Venezuela, la Tunisie, la Slovénie, l’Allemagne, la Hongrie et la France. A ces voyages, il faut ajouter les nombreuses visites pastorales en Italie et dans les paroisses de votre diocèse de Rome. Des voix plus autorisées n’ont cessé de souligner l’importance de ces voyages apostoliques, tant pour les Eglises locales qui en constituent le but premier, que pour toutes les populations des pays visités. Pour ma part, dusse votre modestie en souffrir, j’ajouterai que par ces voyages apostoliques qui mènent Votre Sainteté aux confins de la terre avec tout ce que cela comporte de sacrifices – souvent au détriment de votre propre santé – Votre Sainteté est l’image parfaite de l’apôtre des gentils qui a écrit: «... Je complète en ma chair ce qui manque aux épreuves du Christ...» (Col I, 24).

Très Saint-Père,

Parmi les nombreux textes publiés par Votre Sainteté en 1996, nous mentionnerons ici l’Exhortation apostolique post-synodale sur la Vie Consacrée, et l’important message adressé à l’Eglise en Chine à l’occasion du 70e anniversaire de l’ordination du premier groupe d’évêques chinois à Rome et du 50e anniversaire de l’Institution de la hiérarchie ecclésiastique en Chine.

Très Saint-Père,

Le dialogue interreligieux fait l’objet de votre constante préoccupation. C’est ainsi que lors de vos visites pastorales à travers tous les continents, Votre Sainteté rencontre des croyants de diverses religions. L’année dernière, Votre Sainteté a accordé une audience au Grand Rabin et à une délégation de la Communauté Juive de Rome en souvenir du 10e anniversaire de votre visite historique à la Synagogue de cette ville; lors de votre troisième visite pastorale en Allemagne, Votre Sainteté a également reçu les représentants de la Communauté Juive de Berlin; votre voyage pastoral en Tunisie a permis à Votre Sainteté de rencontrer une population en majorité musulmane. Votre Sainteté ne cesse d’œuvrer afin de parvenir à la pleine communion de tous ceux qui croient au Christ. A cet égard, je ne citerai que les récentes rencontres de Votre Sainteté avec l’Archevêque anglican de Canterbury et le Patriarche Suprême de tous les Arméniens. Votre Sainteté a aussi prononcé plusieurs allocutions, et adressé des messages à l’occasion de rencontres œcuméniques, notamment à la deuxième Conférence interconfessionnelle de Minsk en Biélorussie, à la rencontre œcuménique de Paderborn, à la liturgie de rite Byzantin-Ukrainien qui s’est déroulée en la Basilique Saint- Pierre de Rome.

Très Saint-Père,

L’année dernière, à Tours, en France, Votre Sainteté a reçu les «blessés de la vie», et à cette occasion, vous avez déclaré notamment: «Dans la société actuelle, nous connaissons trop de formes de pauvreté, de tristesse et d’affliction. La pauvreté matérielle, la maladie, la souffrance physique, les divers types d’exclusion qui frappent nos contemporains. Ces formes de malheurs sont multiples: personne ne peut être sûr d’y échapper au cours de sa vie».

Au récent Sommet mondial de la FAO, auquel a participé Votre Sainteté en personne, et en présence des délégations de 194 pays, Votre Sainteté a dit, entre autres: «... plus de huit cents millions de personnes souffrent encore de malnutrition et il est souvent difficile de trouver immédiatement des solutions pour améliorer rapidement des situations aussi dramatiques. Cependant, nous devons les rechercher ensemble, pour qu’il n’y ait plus, côté-à-côte, des personnes affamées et d’autres qui vivent dans l’opulence, des personnes très pauvres et d’autres très riches, des personnes qui manquent du nécessaire et d’autres qui gaspillent largement. De tels contrastes entre la pauvreté et la richesse sont insupportables pour l’humanité».

Les pays du Tiers-Monde, et plus particulièrement ceux de l’Afrique, connaissent de plus en plus de difficultés; les populations sont pauvres et ces pays ploient sous le poids de la dette extérieure. Dans les nations industrialisées, surtout en Europe, le chômage, l’immigration et toute sorte d’exclusion, frappent des franges de plus en plus importantes de la société.

Par ailleurs, si le spectre de guerre généralisée semble s’éloigner de l’humanité, au contraire, les conflits régionaux, ethniques, tribaux et religieux perdurent et se multiplient. Pour n’en citer que quelques-uns: le drame que vivent les populations de la région des Grands Lacs, du Libéria, de l’Angola, de la Somalie, de l’Afghanistan, du Sri Lanka, de l’Algérie, de la Terre Sainte. La violence aveugle continue de frapper dans plusieurs pays. En 1996, l’Eglise a payé un lourd tribut avec les assassinats des moines en Algérie, de l’Evêque d’Oran, de plusieurs Evêques et Archevêques au Zaïre, au Burundi...

Très Saint-Père,

Nous savons que rien de ce qui touche à la dignité de la personne humaine, à ses droits fondamentaux ne vous laisse indifférent, c’est pourquoi, tout en vous exprimant notre gratitude infinie pour votre action combien bénéfique à notre monde, nous vous demandons d’être toujours «la voix des sans voix».

Très Saint-Père,

Pour ne pas en rester sur les problèmes du monde que Votre Sainteté connaît parfaitement, nous voudrions ici souligner quelques points réconfortants:

– L’ouverture par Votre Sainteté de la période triennale qui précède le Jubilé de l’An 2000. Nous savons la place que cet événement tient dans le cœur de Votre Sainteté. Nous souhaitons vivement que les buts assignés à cette célébration de toute première importance soient atteints. De plus, et comme cela se faisait à l’origine, nous souhaitons que Votre Sainteté soit entendue et que des mesures soient adoptées dans toutes les nations pour la libération des prisonniers, pour l’accueil plus fraternel des immigrés et des réfugiés, pour la remise des dettes des pays pauvres...

– Le prochain synode des Evêques pour l’Europe annoncé par Votre Sainteté pour préparer le Jubilé de l’An 2000 et qui aura aussi pour but «de travailler à ce que les grandes forces spirituelles du continent puissent se déployer dans toutes les directions et de créer les conditions d’une ère d’authentique renaissance spirituelle, sociale et économique». Nous souhaitons que cette importante annonce qui a été faite par Votre Sainteté sur les lieux mêmes où avait été érigé naguère le mur qui divisait l’Allemagne, puisse servir d’exemple à d’autres pays qui restent encore divisés par les guerres.

– La construction de l’Europe unie économiquement et politiquement qui se poursuit à la cadence prévue.

– La récente signature de l’Accord de Paix mettant fin à trente-six années d’hostilité entre le Gouvernement du Guatemala et la rébellion.

– Le VI’ Sommet ibero-américain qui s’est tenu à Vina del Mar, au Chili avec la participation de vingt-trois chefs d’Etat et de gouvernement de l’Amérique latine, ainsi que l’Espagne et le Portugal, au cours duquel a été reconfirmé le lien inaliénable qui unit la politique, la démocratie et le développement économico-social dans le domaine des relations internationales.

Très Saint-Père,

Vos enseignements, vos messages de solidarité, de fraternité et de paix, la défense des Droits de l’Homme, le réconfort et l’aide matérielle que Votre Sainteté apporte soit directement, soit par l’intermédiaire des Organismes de l’Eglise, concourent efficacement à l’avènement d’un monde meilleur, plus juste, plus solidaire et plus fraternel. La Communauté internationale vous en sait gré.

Très Saint-Père,

Je sollicite une fois de plus votre clémence et, avec la permission de mes collègues, de conclure par un souvenir personnel. Je suis à la fin de ma mission auprès du Saint-Siège et par conséquent de ma fonction de Doyen du Corps diplomatique. C’est au total quarante années de contacts, de réunions et de vie à Rome, depuis le 2e Congrès mondial de l’Apostolat des Laïcs en 1957, en passant par le Mouvement mondial des Travailleurs chrétiens et le Conseil pontifical des Laïcs. J’ai bénéficié de beaucoup de grâces, entre autres, celles d’avoir rencontré vos Illustres prédécesseurs de Vénérée mémoire: Pie XII, Jean XXIII, Paul VI, Jean-Paul Ier. Ce matin, je voudrais rappeler un fait dont je me souviens comme si c’était d’hier. En effet, le 14 octobre 1978, accompagné de mon épouse, nous nous rendions à la messe d’entrée en conclave, lorsque, apercevant le Cardinal Wojtyla qui entrait dans la Basilique Saint-Pierre, nous nous sommes approchés de lui pour le saluer. Son Eminence me prit alors par la main et, tout en marchant, me demanda des nouvelles de nos enfants. A la fin de la messe, lorsque les cardinaux, en procession, faisaient leur entrée en conclave, je désignai le Cardinal Wojtyla, en disant à mon épouse: «tu vois, celui-là, il ferait un très bon Pape, mais hélas, il n’a pas de chance...». Mais, quand le 16 octobre sur la place Saint-Pierre, j’entendis que le nouveau Pape était le Cardinal Wojtyla, je manifestai ma joie si fort que certains de ceux qui étaient autour de nous se demandèrent si c’était un africain qui venait d’être élu! Et lorsque le nouveau Pape déclara qu’il était «un Pape venu de loin», je rendis grâce au Seigneur dont l’Esprit guide son Eglise.

Très Saint-Père,

Après cette petite parenthèse personnelle, permettez qu’au nom de tous je vous renouvelle nos vœux de Bonne, Heureuse et Sainte Année.

Ad Multos Annos!


*L’Osservatore Romano, 13-14.1.1997, p.8.

L'Osservatore Romano. Edition hebdomadaire en langue française n°2, p.2, 4.

 

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