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  ADRESSE D'HOMMAGE DU DOYEN
DU CORPS DIPLOMATIQUE
PRÈS LE SAINT-SIÈGE,
 
S.E. Mr. GIOVANNI GALASSI,
AMBASSADEUR DE LA RÉPUBLIQUE DE SAINT-MARIN*

Lundi, 10 janvier 2000

 

Très Saint-Père,

en tant que Doyen du Corps diplomatique accrédité près le Saint-Siège, j’ai l’honneur et la joie de Vous présenter, au nom de tous les Ambassadeurs ici réunis, nos vœux déférents et sincères de bonne et heureuse Année.

Cette nouvelle année est bien particulière car elle n’est pas seulement la première d’un nouveau siècle, mais elle est surtout l’année du grand Jubilé, par lequel l’Eglise invite tous les chrétiens à une purification de la mémoire individuelle et collective, à une réconciliation avec Dieu et avec le prochain, à une solidarité et à une charité fraternelles. Au cours de la Nuit de Noël, c’est avec émotion que nous Vous avons vu ouvrir la Porte Sainte: nous nous sommes reportés en esprit à l’an 1978 lorsque, pour la première fois, se leva Votre cri résolu: «Non abbiate paura, aprite anzi spalancate le porte a Cristo!», et nous nous sentons redevables à Votre égard de ce que Vous avez fait pendant tout Votre Pontificat pour ouvrir les portes du cœur de chaque homme.

Au cours du siècle qui vient de s’achever, l’humanité a vécu la tragédie de deux guerres mondiales, l’horreur des camps d’extermination, l’intolérance raciale et religieuse, le génocide d’ethnies entières, l’exploitation systématique des plus faibles; mais, en même temps, elle a été également témoin de progrès scientifiques et technologiques incroyables, qui se poursuivent aujourd’hui, et elle a cherché à grand peine des règles plus efficaces de convivialité, notamment au moyen de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, qui n’est malheureusement pas encore appliquée par tout le monde, et de l’institution d’un Tribunal Pénal International.

Votre voix, Très Saint-Père, s’est élevée à maintes reprises, faisant comprendre que les droits humains sont universels et indivisibles, et que l’on doit promouvoir le progrès intégral de l’humanité, dans la solidarité et dans le respect de l’environnement. Les murs des idéologies aberrantes sont tombés; mais, dans l’actuelle liberté reconquise et toutefois encore désorientée, se fait sentir de plus en plus la nécessité d’un Corpus de règles et d’éléments pour les choix collectifs, qui fasse obstacle à la progression d’un mur plus sournois, et néanmoins aussi délétère, tel celui de l’égoïsme personnel et de l’esprit de consommation matérialiste, soutenu par des intérêts économiques très forts et supranationaux qui voient dans les droits humains une sorte de turbulence exogène s’opposant à leurs profits.

C’est dans ce sens que vont Vos fréquents avertissements à considérer la dignité de la personne, patrimoine moral de l’humanité, comme source et fin des droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels.

On ne saurait non plus passer sous silence Vos fréquents rappels à l’humanité afin qu’elle s’interroge sur les raisons profondes et sur les finalités réelles de sa propre existence. Dans ce contexte, Votre Lettre aux Artistes a évoqué l’aspiration de l’âme humaine à contempler le mystère à travers la beauté et à éclairer par elle son propre parcours et son propre destin, en s’ouvrant à l’éternel. De même, Votre Lettre aux Personnes âgées, désignées comme gardiens de la mémoire collective, a revalorisé le sens de la vie pour atteindre le «savoir du cœur» à travers l’ensemble d’idéaux et de valeurs communes qui gouvernent et qui guident la vie en société.

Apôtre parmi les nations, Très Saint- Père, au prix de souffrances personnelles mais toujours soutenu par une grande foi, Vous avez continué, au cours de l’année passée, à parcourir les chemins du mon-, de, étant par Votre parole et par Votre présence témoin de la doctrine de l’amour entre les hommes.

Au Mexique, en déposant aux pieds de Notre-Dame de Guadalupe l’Exhortation apostolique «Ecclesia in America» – Une Eglise dans une unique Amérique –, Vous avez dénoncé l’exploitation, la violence, le trafic de drogue, la corruption, la discrimination raciale, la destruction de l’environnement, le néo-libéralisme économique appliqué dans le seul intérêt des puissants; mais en même temps Vous avez proposé avec force une «mondialisation de la solidarité» comme nouveau modèle de société ouverte aux droits de tous, notamment de ceux qui sont différents, des plus faibles et des marginaux.

A Saint Louis, Vous avez enthousiasmé des milliers de jeunes en les invitant à suivre les règles d’une vie plus austère et moralement responsable, qui abandonne pour toujours la culture de la mort et de la violence.

En Roumanie, Votre rencontre avec l’Eglise grecque-catholique fleurissant à nouveau, et avec Son Eminence le Cardinal Todea, vrai martyr de la persécution athée, a suscité une sincère émotion. Votre pèlerinage, le premier dans un pays à majorité orthodoxe, a éveillé, à cause du fraternel accueil du Patriarche Théoctiste, une attente énorme et confiante pour cet œcuménisme auquel Vous avez souvent consacré Vos réflexions, comme dans l’Encyclique «Ut unum sint» et dans la Lettre apostolique «Orientale lumen». A l’œcuménisme pourra aussi contribuer la cordiale disponibilité que Vous a manifestée Sa Béatitude Ilia II lors de Votre récente visite en Géorgie. Nous souhaitons, Très Saint-Père, que pendant l’Année jubilaire le dialogue sincère avec les Eglises sœurs conduise vraiment à la nouvelle Evangélisation dans l’unité que Vous avez soutenue si intensément; et dans cet esprit, les mosaïques de la Chapelle Redemptoris Mater constituent une splendide synthèse entre l’Orient et l’Occident de la théologie à deux poumons, décisive pour l’Église du troisième millénaire.

Vos compatriotes Vous ont submergé par leur chaleureux accueil pendant Votre long pèlerinage en Pologne, commencé justement à Gdansk, où fut martyrisé saint Adalbert et où naquit le mouvement Solidarnosc, qui a largement contribué à changer le visage de l’histoire récente en Europe.

Nous aussi, nous avons tous été très émus quand Vous avez visité Wadowice, Votre pays natal, quand Vous Vous êtes agenouillé sur la tombe de Vos parents dans le cimetière de Rakowice, quand Vous Vous êtes absorbé dans la prière devant la Vierge Noire de Czestochowa; et nous avons aussi réfléchi à la profondeur de Vos enseignements. L’invitation pressante à donner une nouvelle vigueur au christianisme, souvent négligé en raison d’une sécularisation croissante de la société, la nécessité d’avoir des hommes au grand cœur qui servent avec humilité et amour, la pureté du cœur et de la famille indispensable à la santé de la nation, la nécessité de ne pas sacrifier sa propre humanité et le bonheur d’autrui sur l’autel du confort matériel, tout cela ne représente que quelques-unes de Vos exhortations, bien adaptées à toute société civile qui veut progresser spirituellement dans un monde libre et pacifique.

La Slovénie, elle aussi, Vous est reconnaissante, Très Saint-Père, pour Votre récente visite au cours de laquelle Vous avez eu le plaisir de canoniser le premier Bienheureux slovène, Anton Martin Slomsek.

A New Delhi enfin, pendant les jours de la Fête de la Lumière, Vous avez publié Votre Exhortation apostolique «Ecclesia in Asia», et Vous avez aussi souhaité un dialogue plus serein et plus fécond entre les disciples de toutes les religions.

Les Pays du Centre et du Sud de l’Amérique Vous sont reconnaissants, Très Saint-Père, pour la sollicitude paternelle dont vous avez fait preuve à l’occasion des désastreuses calamités naturelles qui se sont abattues sur ce continent, en dernier lieu au Venezuela, et ils s’en remettent à la coopération internationale pour rétablir leur frêle économie. L’Argentine, quant à elle, se réjouit pour la canonisation de son premier Saint, Benito de Jesús.

Les pays de l’Afrique progressent avec conviction vers une «renaissance» de leur Continent et ils mettent leur confiance en Vos fréquents appels à un effacement de leur dette extérieure à l’occasion de l’Année jubilaire. De toute façon, comme Vous l’avez Vous-même souligné, Très Saint-Père, on ne peut plus différer davantage le devoir d’émanciper l’Afrique et les pays en voie de développement d’une forme d’assistance humiliante et souvent hypocrite à laquelle se livrent les pays les plus forts; et cela en adoptant une politique internationale qui, leur reconnaissant le droit à être convenablement rétribués pour le travail fourni et pour les biens produits, permette à tous une croissance libre, progressive et autonome.

Le Continent asiatique Vous est reconnaissant, Très Saint-Père, de Vos initiatives pour une solution de la situation précaire au Moyen-Orient, pour la conclusion de la guerre fratricide au Timor Oriental, pour le soutien que vous apportez aux négociations et au dialogue, pour la promotion du dialogue entre les religions.

En Europe, malgré la tragédie qui s’est déroulée au Kosovo et qui se renouvelle en partie aujourd’hui en Tchétchénie, on voit progresser le projet ambitieux de l’Union européenne, qui tend à s’étendre vers les pays de l’Est et vers la Turquie, se fondant sur le primat du Droit, qui assure liberté, sécurité et justice, mais qui devra aussi prendre en compte des valeurs fondamentales comme le sens sacré de la vie, la dignité de la personne, la protection de la famille, l’engagement pour la paix dans la solidarité. Vous-même, Très Saint-Père, après avoir solennellement proclamé Co- patronnes de l’Europe Sainte Brigitte de Suède, Sainte Catherine de Sienne et Sainte Thérèse Bénédicte de la Croix, Vous avez souhaité ardemment, au terme de la deuxième Assemblée spéciale pour l’Europe du Synode des Evêques, que la nouvelle Europe, dans une attitude de fidélité créatrice à sa tradition humaniste et chrétienne, sache garantir la primauté des valeurs éthiques et spirituelles.

Très Saint-Père, dans l’espoir de participer nous aussi à Votre pèlerinage en Terre Sainte, désormais tout proche, avec les mots d’une enfant d’une école catholique qui affirmait candidement «Vous mettez dans les cœurs un battement de joie», nous Vous souhaitons de pouvoir embrasser bientôt tous les enfants de Bethléem où, il y a deux mille ans, naquit l’Enfant Jésus pour réconcilier le monde entier.

Très Saint-Père, au cours des premières célébrations jubilaires de cette année, nous avons pu constater la force et le courage avec lesquels vous nous avez entraînés à passer la Porte Sainte. Très Saint-Père, nous vous souhaitons encore de nombreuses années comme Successeur de Pierre, car nous avons besoin de vous pour nous inviter à marcher avec vous à la suite du Christ et pour nous communiquer votre dynamisme.

Bonne Année, Très Saint-Père!


*L’Osservatore Romano, 11.1.2000.

L'Osservatore Romano. Edition hebdomadaire en langue française n°2, p.4, 5.

 

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