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  ADRESSE D'HOMMAGE DU DOYEN
DU CORPS DIPLOMATIQUE
PRÈS LE SAINT-SIÈGE,
 
S.E. Mr. GIOVANNI GALASSI,
AMBASSADEUR DE LA RÉPUBLIQUE DE SAINT-MARIN*

Lundi 13 janvier 2003

 

Très Saint-Père,

En cette année 2003, il m’est particulièrement agréable de vous présenter les vœux de nouvel an au nom du Corps diplomatique accrédité près le Saint-Siège, alors que vous célébrez vous-même la vingt-cinquième année de votre Pontificat.

Un Pontificat exceptionnel, qui, fondé dès le début sur une foi clairement affirmée en la place centrale de la Croix, mystère d’amour et de sacrifice, et sur la confiance totale en la Vierge Marie, s’est manifesté par une sollicitude continuelle envers l’homme, créé à l’image et à la ressemblance de Dieu.

En une période de l’histoire qui est empreinte de tant d’inquiétudes et qui se relève peu à peu de l’écroulement d’idéologies totalitaires, votre voix s’est élevée continuellement et avec force pour défendre la dignité de l’homme, ses besoins primordiaux et la nécessité de garantir l’intégrité de la création. Au cours des années, vous êtes devenu, Très Saint-Père, un point de référence indispensable pour les divers peuples de la terre, tous reconnaissant dans votre enseignement les éléments fondamentaux d’un nouveau et fraternel système de convivialité humaine basé sur la liberté, sur la justice, sur la solidarité et sur la paix, qui seules peuvent permettre un développement harmonieux de la terre.

Le récent grand Jubilé, pièce maîtresse de toute votre action pastorale, s’est présenté comme le levain d’une aventure culturelle et morale vraiment digne de l’homme et porteuse de nouveaux développements dans les années à venir. De même, vos nombreux pèlerinages dans toutes les parties du monde ont apporté des certitudes aux chrétiens et des espérances concrètes à chacun sur l’avenir de l’humanité, aujourd’hui encore à la recherche de valeurs universelles qui pourraient orienter son existence.

Au cours de l’année écoulée, en Azerbaïdjan, vous avez exhorté à refuser toute forme de fondamentalisme et d’impérialisme pour laisser la place au dialogue et au respect mutuel.

En Bulgarie, vous avez de nouveau rappelé la nécessité de rétablir l’unité des chrétiens entre catholiques et orthodoxes, et, dans ce sens, votre prière au Monastère de Rila, perle du patrimoine culturel mondial, s’est révélée fort significative. A cette même fin ont contribué, au cours de l’année, les Déclarations communes que vous avez signées avec le Patriarche œcuménique Bartholomaios ler et avec le Patriarche Théoctiste.

A Toronto, au Canada, à l’occasion des Mille Journées mondiales de la Jeunesse, nous nous sommes tous réjouis de voir un Pape, âgé de quatre-vingt-deux ans mais rempli d’enthousiasme, se fondre dans l’imposante multitude des garçons et filles de toutes nations, auxquels vous avez proposé une fois de plus, avec exigence, le Chemin des Béatitudes, en contradiction ouverte avec les séductions de l’argent, du succès, du pouvoir et de l’éphémère consumérisme dominant, afin de devenir réellement les bâtisseurs d’une nouvelle civilisation visant à empêcher trop de vies de commencer et de se terminer sans joie et sans espérance.

Au Guatemala et au Mexique, en accord avec vos appels à mettre à profit les cultures locales, vous avez eu la joie d’élever aux honneurs des autels le bienheureux Juan Diego Cuauhtlatoatzin, figure significative du continent latino-américain.

Lors de votre plus récent retour dans votre patrie, vous avez redit à vos compatriotes la valeur du pardon et de la miséricorde comme unique chemin vers la paix, ainsi que la nécessité de s’opposer à la désolation spirituelle, qui s’accompagne souvent de la prétention absurde d’intervenir, comme des apprentis-sorciers, dans le mystère même de la vie, à commencer par les manipulations génétiques jusqu’à la folie du clonage humain.

Mais on trouve le moment le plus exaltant et le plus impressionnant de votre engagement en faveur de l’homme dans la Journée de la Paix à Assise, le 24 janvier dernier, où des Représentants des religions les plus diverses se sont réunis en prière afin d’implorer pour l’humanité entière un progrès réel fondé sur la paix, inséparable de la justice, toutes deux couronnées par le pardon. Votre cri passionné «Jamais plus la guerre!» a trouvé un large écho dans le Décalogue d’Assise pour la Paix, publié en conclusion de cette rencontre historique, et que vous avez fait parvenir à tous les chefs d’État et de Gouvernement.

Malheureusement, la situation internationale actuelle s’avère toujours plus complexe et plus ambiguë, et menacée par de sombres nuages.

La lutte contre l’expansion planétaire du terrorisme aveugle et barbare, qui continue à frapper sans discrimination des victimes innocentes, est devenue une priorité mondiale. Tous les Etats doivent se solidariser pour s’y opposer avec détermination et efficacité par une action commune qui non seulement conduise à poursuivre les auteurs de telles atrocités mais qui affronte aussi, de façon lucide et rationnelle, les causes de ces haines extrêmes, souvent exacerbées par des situations de pauvreté, d’inégalité et d’injustice.

La situation en Terre Sainte, où les armes ont parlé jusque dans les églises, semble encore bien loin d’une solution concrète capable de faire face à la tragique spirale de la haine et de la vengeance, qui a provoqué un nombre élevé de victimes innocentes. On ne peut plus différer, comme vous l’avez maintes fois affirmé vous-même, un réveil universel des consciences qui prenne en considération la valeur de la vie de tout être humain, avec un engagement réel qui implique croyants et non- croyants au-delà des confessions et des ethnies.

De la même façon, ce qui s’est passé et ce qui pourrait se passer dans d’autres pays du Moyen-Orient est pour tous un motif de profonde préoccupation en ce qui concerne la stabilité de la planète. Une grande partie de la Communauté internationale pense toutefois qu’une action militaire ne doit être entreprise que comme une solution extrême, lorsque des tentatives répétées de dialogue constructif et loyal se sont avérées vaines, et en plein accord avec les décisions de l’Organisation des Nations unies, laquelle, depuis sa fondation, est appelée à résoudre pacifiquement et avec pondération les différends entre pays. Malgré la gravité de la situation, il demeure à notre portée de tout faire pour éviter cette option du dernier recours, dont les conséquences pourraient être lourdes.

Chaque nation est du reste tenue, comme Votre Sainteté l’a rappelé dans son récent discours au Parlement italien, de faire preuve d’un grand sens du bien commun et d’agir envers ses citoyens avec un authentique esprit de service, en référence constante aux valeurs éthiques fondamentales inscrites dans la nature même de l’homme. C’est dans cette noble perspective que les multiples conflits locaux pourront trouver une solution adéquate, ainsi que les efforts de réconciliation ou de collaboration plus intense entre Etats, déjà entrepris depuis longtemps dans les divers Continents.

Des signes positifs sont donnés dans ce sens par l’élargissement de l’Union européenne à l’Est, décidé à Copenhague: la nouvelle Europe, forte de ses valeurs humanitaires, de ses traditions démocratiques, de son patrimoine culturel et spirituel qui ne peut être séparé de ses racines chrétiennes, pourra contribuer à une coopération concrète entre tous les Etats en faveur de la paix régionale et mondiale, à la prospérité des peuples et à la promotion des droits de l’homme.

Le récent sommet de Johannesburg sur le développement durable a réaffirmé les principes déjà exprimés à Rio de Janeiro, définissant mieux certaines priorités essentielles, même si les objectifs et les échéances prennent corps avec une lenteur notable. D’autre part, pour éviter que le fossé entre pays riches et pays en voie de développement ne devienne infranchissable, il serait nécessaire que la Communauté internationale soutienne plus fortement les pays émergents ou ceux qui sont en difficulté, réduisant la dette extérieure qu’ils ont contractée, éliminant des mesures d’embargo imposées depuis longtemps, mais considérées par la majorité des pays membres de l’O.N.U. comme injustes et inefficaces, et collaborant à des plans de développement inventifs, comme le tout récent «nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique» (NEPAD), qui vise à réduire la marginalisation de ce Continent et à améliorer effectivement la stabilité mondiale. Dans cette perspective, il importe de répondre dès à présent, par des actions de solidarité, à l’urgence de la crise alimentaire qui provoque une large famine.

En même temps, on s’aperçoit qu’il est de plus en plus nécessaire que les pays économiquement les plus forts, alors qu’ils demandent aux pays en voie de développement de s’ouvrir aux nouvelles technologies, permettent à ces derniers d’exporter librement leurs produits grâce auxquels ils pourraient trouver des avantages appréciables, de manière à apporter leur contribution à l’édification de la Maison commune, dans un souci d’équité et de justice. Il faut en outre parvenir à une vigilance globale effective du marché international, qui humilie souvent les pays économiquement les plus faibles, avec de graves répercussions sociales, et qui provoque de plus en plus souvent des dommages irréparables à l’environnement dans lequel nous vivons, comme cela est survenu récemment avec le naufrage d’un pétrolier qui a causé un désastre écologique durable sur les côtes de l’Espagne et de la France.

De même, sur le plan éthique, il est impératif d’appliquer la justice internationale, de manière déterminée et commune, pour mettre un terme aux nombreux trafics illégaux et au commerce barbare d’êtres humains, hommes et femmes de tous âges, qui sont utilisés dans leur pays ou qui sont obligés d’émigrer clandestinement dans la perspective illusoire d’une vie meilleure.

On ne peut différer de reconsidérer à frais nouveaux la question de la mondialisation économique, afin que les finalités de la réussite et du gain à tout prix soient remplacées par des objectifs plus humains et moralement plus valables, visant à augmenter – et cela serait possible avec les nouvelles technologies – le niveau de vie de nombreux peuples qui sont encore dépourvus des biens essentiels.

Vous avez plusieurs fois affirmé, Très Saint-Père, que l’homme compte COMME HOMME pour ce qu’il est plus que pour ce qu’il a, et que la valeur humai- né de la personne est en relation directe et étroite avec l’être et non avec l’avoir.

C’est pourquoi, Votre Sainteté, nous nous en remettons à votre Magistère qui, loin des intérêts partisans et des tactiques découlant de rapports de force, peut longtemps encore stimuler, avec clarté et lucidité, les responsables du bien commun à agir avec courage et avec une solidarité sincère au bénéfice de tous les peuples.

Dans votre récent pèlerinage à Ischia, en Italie, vous avez indiqué trois mots pour prendre le large après le grand Jubilé: ASCOLTA, ACCOGLI, AMA, (écoute, accueille, aime); habité par tout cela, je vous assure, Très Saint-Père, de notre «engagement permanent» en vue de la construction pacifique d’une société meilleure, en vous renouvelant nos vœux les plus sincères pour cette Année nouvelle, qui marque votre vingt-cinquième anniversaire de Pontificat.


*L’Osservatore Romano, 14.1.2003 p.8.

L'Osservatore Romano. Edition hebdomadaire en langue française n°2, p.3.

 

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