The Holy See
back up
Search
riga

NOTE DE LA SECRÉTAIRERIE D'ÉTAT
AU MINISTÈRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES
DE LA RÉPUBLIQUE POPULAIRE FÉDÉRATIVE DE YOUGOSLAVIE*

N. 9414/52

 

Au Ministère des Affaires étrangères de la République populaire fédérative de Yougoslavie, Belgrade,

En réponse à la note 414385/52, du 1er novembre dernier, la Secrétairerie d’État de Sa Sainteté a l’honneur d’exposer ce qui suit :

1. Le gouvernement yougoslave parle d’un « arrangement bilatéral satisfaisant concernant les rapports avec le Saint-Siège ».

Le Saint-Siège, fidèle à sa mission et à son programme de concourir autant qu’il le peut à 1a pacification des esprits et bien-être spirituel des peuples, est constamment animé du désir de nouer et de conserver de bons rapports avec les autorités civiles des différents pays.

Mais, d’autre part, le Saint-Siège ne peut manquer au devoir qui lui incombe de protéger les droits imprescriptibles de la religion et de l’Église catholique, partout où ils sont méconnus ou violés et cette action ne peut être considérée comme une ingérence indue dans les affaires internes d’un État, puisque les catholiques, outre qu’ils sont citoyens d’un pays déterminé, sont aussi membres de l’Église.

2. Le Saint-Siège doit constater avec un profond regret qu’en Yougoslavie, aussi bien les autorités gouvernementales que les autres personnalités représentatives du communisme, par des déclarations solennelle et répétées, tout en faisant profession ouverte d’athéisme, manifestent l’intention d’ôter aux peuples – et en particulier à la jeunesse – toute idée et tout sentiment religieux, et mènent une lutte sans trêve contre la religion et spécialement contre l’Église catholique.

Il suffira de se borner à quelques exemples, choisis parmi les plus récents et concernant spécialement la Croatie et la Slovénie, où les catholiques constituent la grande majorité de la population.

Le 9 février 1952, le Slovenski porocevalec, de Ljubljana, publiait une circulaire envoyée aux diverses sections du parti communiste slovène. Il y était dit « Durant la période scolaire il faut aider la jeunesse à comprendre, sur la base de raisonnements scientifiques, l’influence négative et réactionnaire de la religion et de l’obscurantisme ».

Cette circulaire portait, entre autres, la signature de M. Edward Kardeli, vice-président du Conseil des ministres et ministre des Affaires étrangères de la République fédérative populaire de Yougoslavie, ainsi que celle de M. Bons Kidric, président du Conseil économique du gouvernement central.

Le Vjesnik, de Zagreb, du 20 avril 1952, rapportait la déclaration suivante du Dr Milos Zanko, ministre-président du Conseil pour la civilisation et la culture de la République populaire de Croatie « Qui pense, en vertu de la liberté de conscience – garantie par la Constitution. – à introduire des buts éducatifs contraires (au marxisme), n’accomplit pas son devoir culturel, comme s’il enseignait que 2 + 2 = 7 ».

Le 1er juin 1952, Naprijed, organe du parti communiste croate, citait quelques affirmations faites par M. Vicko Krstulovic, président de l’Assemblée de la République populaire de Croatie, à une réunion du parti communiste tenue à Osijek : « Avec la révolution que nous avons accomplie, nous avons brisé l’ancien cadre bourgeois, nous avons détruit le cadre matériel sur lequel se fondait la bourgeoisie et nous avons tout pris en main. Toutefois, nous ne pouvions détruire l’Église comme institution, non pas parce que notre pays et nos autorités sont faibles, mais bien parce que dans la conscience d’un grand nombre de gens, les paysans surtout, il existe encore de forts restes de foi. Nous avons conscience que l’Église a vécu comme institution et nous devons lutter contre elle dans la politique, dans la culture, relevant – en même temps que le niveau matériel de la vie – la conscience du peuple, afin qu’il comprenne toujours mieux que lé monde ne s’est pas développé selon l’esprit-saint (sic), mais selon les lois de la nature. Nous devons mobiliser l’opinion publique, dans les villages et dans les villes, contre le travail nuisible (des prêtres) ».

À Belgrade, Borba du 7 novembre 1953 rapportait que M. Aleksander Rankovic, ministre de l’Intérieur, parlant au VP Congrès du parti communiste yougoslave, avait souligné la nécessité d’une « lutte résolue, opiniâtre, incessante, contre les manifestations et les conceptions bourgeoises, cléricales et kominformistes ».

Et Vjesnik, de Zagreb, du 9 novembre 1952, expliquait comment il fallait entendre cette lutte dans un article de l’académicien Marko Kostrensic, propagateur bien connu de l’idée communiste. Il écrivait : « La moralité du Christ, il faut la rejeter, car elle est indigne de l’homme et elle condamne l’homme à une vie végétative. La moralité chrétienne est un stimulant à commettre des cruautés de grand style. La moralité socialiste provient de la conception marxiste du monde; elle nie l’existence d’un « autre monde meilleur », d’un « royaume du ciel » transcendant, avec tous ses épouvantails surnaturels et ses consolations, depuis Satan, les esprits, les anges et les saints jusqu’à dieu (sic) et aux dieux de toutes sortes. Pour cette conception du monde, dieu (sic) est mort et tous les dieux sont morts. Pour cette conception, il n’existe que ce monde visible, matériel ».

Avec ces affirmations concordent d’autres déclarations officielles du parti communiste Nova Makedonija, de Skopje, du 2 mars 1952, affirmait « Notre Parti n’a jamais été indifférent vis-à-vis de l’idéologie religieuse et de l’Église, mais aujourd’hui, il s’agit d’organiser la lutte idéologique systématique, quotidienne, au moyen de la presse, des organisations de masse, des institutions culturelles, pour détruire toutes les conceptions religieuses de l’univers, tous les préjugés, toutes les traditions religieuses ».

Dans le même sens, Borba, de Belgrade, du 1er mars 1952, rapportant les conclusions de la Ve session plénière du Comité central du parti communiste de Macédoine, écrivait : « Le travail idéologique du Parti sur nos travailleurs doit s’efforcer de les libérer de l’influence de la religion et du mysticisme ».

À Sarajevo, le journal Oslobodjenje (13 septembre 1952) rapportait que, au cours des réunions du parti communiste tenues à Foca et à Kiseljak, on avait déploré que quelques membres du Parti « estiment que l’accomplissement des rites religieux leur est permis puisque celui-ci est garanti à tous les citoyens de notre pays par la Constitution et par la loi, et (qu’)ils ne pensent pas que les membres du Parti doivent être les porteurs du progrès, qu’ils doivent être les premiers dans la lutte contre la superstition, l’arriérisme et tous les restes de la réaction ».

À Ljubljana, Slovenski Porocevalec, du 13 septembre également, rendant compte de la réunion du parti communiste tenue à Notranje Gorice, écrivait : « On a parlé de la nécessité de la lutte contre les préjugés religieux obscurantistes avant tout contre le clergé qui attise ces préjugés ».

Ljudska Pravica, organe du parti communiste slovène, disait clairement, le 16 février 1951, qu’ «un communiste n’est pas libre d’aller à l’église, de fréquenter les cérémonies religieuses, de contracter mariage devant le prêtre, de faire baptiser ses propres enfants. Pour le communisme, la religion est l’opium du peuple ».

Ces quelques citations, qui ne sont qu’un spécimen de très nombreuses et uniformes déclarations antireligieuses dont la presse de chaque jour abonde, sont en accord avec le statut même de l’Union des communistes de Yougoslavie qui déclare : « L’appartenance à l’Union des communistes de Yougoslavie est incompatible avec la profession de la religion et avec l’accomplissement des rites religieux ».

Du reste, le maréchal Tito lui-même, aux représentants du Congrès des associations de professeurs, instituteurs et maîtres de Yougoslavie (Barba du 30 avril 1952), déclarait : « Je sais qu’à l’étranger on nous reprochera d’éloigner la jeunesse de dieu (sic), de l’Église. (Mais) nous ne pouvons pas permettre que ces hommes pratiquent la superstition, puisque tout cela est superstition. Nous devons lutter contre la superstition ».

3. Les tristes conditions faites à la religion et à l’Église catholique en Yougoslavie ne sont hélas ! que la mise en pratique de ces affirmations et de ces principes.

Les dispositions législatives en matière de religion, les mesures adoptées par les autorités constituées, les initiatives du parti communiste et des organisations syndicales, le traitement réservé à beaucoup de fidèles et la situation créée aux évêques et à une grande partie du clergé, tout cela semble viser à l’élimination progressive de la religion et de l’Église catholique en particulier.

Il suffira ici aussi de citer quelques-uns des faits les plus significatifs.

Avant l’installation du régime communiste on comptait en Yougoslavie 152 feuilles catholiques – quotidiennes, hebdomadaires, mensuels – revues, bulletins, etc. À tant de publications correspondait un nombre proportionné de maisons d’édition et d’imprimeries, dont 24 étaient particulièrement importantes. À l’heure actuelle, toutes les imprimeries et maisons d’édition catholiques ont passé dans les mains de l’État. Les quotidiens et hebdomadaires, les revues, les bulletins diocésains et paroissiaux ont été, d’une façon ou d’une autre, supprimés.

Pendant un certain temps n’ont survécu que quelques feuilles, comme Vjerski list, de Maribor, Oznanilo, de Ljubljana, Gore Srca, de Zagreb. Toutes les trois, déjà limitées dans leur tirage, ont dû, l’une après l’autre, cesser de paraître. La presse catholique n’est représentée aujourd’hui que par Vjesnik, bulletin mensuel réservé au clergé, édité à Diakovo, et Blagovest, revue mensuelle de Belgrade, qui connaît bien des difficultés pour son impression. Depuis quelques mois parait Vipava, en quatre pages mensuelles demi-format, Druzina, éditée par l’administrateur apostolique de Nova Gorica. Et ces périodiques catholiques seraient immédiatement confisqués s’ils essayaient de répondre aux calomnies et aux blasphèmes répandus systématiquement par la presse communiste contre tout ce qu’il y a de plus vénéré et de plus sacré pour les fidèles. Actuellement, en Yougoslavie, Il n’est pratiquement plus possible d’imprimer de livres de caractère religieux.

Toutes les institutions catholiques d’éducation – qui se chiffraient par centaines, avec des dizaines de milliers d’élèves – ont été fermées. Dans toutes les écoles de l’État, à tous les degrés, l’enseignement religieux a été éliminé et le matérialisme athée est obligatoire. Bien des éducateurs qui n’enseignaient ou ne pratiquaient pas l’athéisme me ont été éloignés des écoles, ainsi que nombre d’élèves accusés de fréquenter l’église.

Vjesnik, de Zagreb, du 22 février 1952, informait que de nombreux étudiants avaient été expulsés des écoles secondaires croates pour délits religieux, c’est-à-dire pour avoir été absents des cours le jour de Noël. 32 étudiants ont été expulsés des Écoles normales de Maribor pendant les premiers mois de 1952 parce qu’ils fréquentaient l’Église.

Les arrestations de prêtres continuent pour des délits inexistants: ils sont presque toujours condamnés au maximum de la peine prévue par la loi. 200 environ sont encore en prison. Au cours de ces dernières années, une trentaine de prêtres ont été traîtreusement tués, et les coupables, ou n’ont pas été découverts, ou n’ont pas été punis, ou ils l’ont été d’une manière dérisoire.

Le clergé est continuellement attaqué par la presse qui excite les citoyens à la haine et au mépris envers les prêtres.

Les ecclésiastiques sont réduits à la pauvreté. Dans l’application de la réforme agraire on a souvent outrepassé à leur égard les limites prévues par la loi; on impose maintenant des taxes exorbitantes sur les propriétés ecclésiastiques et en même temps on empêche les fidèles d’aider leurs pasteurs à s’en acquitter. Dans une ville, une Curie épiscopale s’est vu confisquer tout l’argent des intentions de messes. Dans une autre, la cathédrale a dû payer une amende de 10 000 dinars parce que le sacristain avait pris sur l’autel quelques dinars qui y avaient été laissés par les fidèles.

Les mesures hostiles n’épargnent même pas les évêques. Tandis que S. Exc. Mgr l’archevêque de Zagreb, sorti de prison, se trouve en liberté conditionnelle, S. Exc. Mgr Cule, évêque de Mostar, est encore en prison. S. Exc. Mgr Garkovic, administrateur apostolique de Zadar, est actuellement confiné dans cette ville ; S. Exc. Mgr Nezic, administrateur de Porec-Pula-Pazin, se trouve dans les mêmes conditions à Pazin.

Les évêques rencontrent de graves difficultés dans l’exercice de leur ministère, notamment au cours des visites pastorales. On leur défend de se rendre dans certaines paroisses; dans d’autres, les communistes organisent impunément des manifestations d’hostilité et des violences.

Le 20 janvier 1952, S. Exc. Mgr Vovk, administrateur apostolique de Ljubljana, pendant qu’il se rendait dans une paroisse pour une cérémonie religieuse, fut assailli à la gare de Novo Mesto, et les profondes brûlures qu’il en reporta l’obligèrent à se soigner pendant plusieurs mole. Un des coupables seulement fut condamné à neuf jours de prison avec sursis. S. Exc. Mgr Banic, administrateur apostolique de Sibenik, fut, lui aussi, objet de divers attentats au cours de la visite pastorale.

Les évêques sont soumis à de fréquents interrogatoires, à des intimidations et à des menaces de la part de la police. Mgr Vovk, mentionné plus haut, a été condamné, au printemps 1952, à de graves amendes pécuniaires pour avoir exposé dans des circulaires adressées à son clergé la doctrine catholique sur l’avortement et sur la profession de la foi.

Le fonctionnement et l’existence même des Séminaires – si nécessaires pour la formation du clergé – se heurtent à de nombreuses difficultés. Huit Séminaires ont été fermés : les édifices de certains autres, encore ouverts, sont partiellement occupés ainsi à Zagreb, à Ljubljana et à Split. Les Séminaires qui survivent sont soumis à des vexations et se trouvent dans de graves conditions économiques non seulement du fait de la confiscation des biens d’Église, mais aussi parce qu’il leur est presque toujours pratiquement impossible de rassembler les offrandes des fidèles du pays (en argent ou en nature) et de recevoir les secours offerts par les catholiques de l’étranger.

Par suite de mesures d’occupation ou de confiscation ont été fermés les Petits Séminaires de Maribor, Ljubljana, Senj, Skopje (à Prizren) Subotica, Sarajevo (à Travnik). Dans toute la Slovénie il n’existe plus aucun Petit Séminaire, parce que ne mérite pas d’être classé parmi les Séminaires le pensionnat qui vient d’être ouvert à Vipava, dans l’administration apostolique de Nova Gorica. Aucun Petit Séminaire également n’existe au Monténégro, en Bosnie-Herzégovine, en Voivodine, en Macédoine. Pour la Croatie, le ministre président du Conseil pour la civilisation et la culture, Dr Miles Zanko, a prescrit par circulaire du 31 janvier 1952 que tous les enfants au-dessous de 15 ans doivent fréquenter uniquement les écoles de l’État, où, comme on l’a dit plus haut, on enseigne le marxisme. De la sorte, il devenait impossible pour les Petits Séminaires d’avoir des élèves des quatre premières classes de gymnase.

En Slovénie, Bosnie et Herzégovine, les Congrégations religieuses féminines ont été dissoutes. Les organisations catholiques sont interdites presque partout sur toute l’étendue du territoire de la République fédérative populaire de Yougoslavie.

La liberté de culte elle-même est limitée et violée. Des édifices sacrés ont été soustraits à leur usage, ou même, dans certains cas, enlevés aux catholiques pour être donnés aux non-catholiques : c’est le cas de la vieille église de l’Ordre teutonique à Ljubljana, donnée à la secte des « vieux catholiques », qui n’a presque pas d’adeptes dans cette ville. La grande église du Très-Saint-Rédempteur, à Rjeka, a été détruite; d’autres églises ont été démolies dans le Banat et ailleurs. L’important sanctuaire marial de Ptuiska Gora a été transformé en musée contre la volonté des autorités ecclésiastiques, etc.

Les autorités civiles refusent la permission de construire de nouvelles églises et consentent à grand-peine à la réparation de certaines églises existantes.

Lies processions sont interdites presque partout ; on fait opposition aux solennités qu’il est d’usage de célébrer à l’occasion des premières messes.

L’enseignement du catéchisme aussi est soumis à de graves restrictions et limitations. En Croatie, la circulaire déjà mentionnée du 31 janvier 1952 bannissait des écoles de l’État l’enseignement du catéchisme – mesure adoptée aussitôt dans les autres Républiques populaires. Elle interdisait, en outre, de réunir les enfants pour leur enseigner le catéchisme dans les dépendances des églises, dans les maisons paroissiales et dans les habitations privées.

En Slovénie, les prêtres sont obligés (loi du 20 juillet 1951) de se munir d’une autorisation spéciale pour pouvoir enseigner la religion dans l’intérieur des églises, et l’autorisation est limitée aux jours de fêtes. De nombreux prêtres ont été frappés d’amendes ou arrêtés parce qu’ils avalent osé enseigner sans avoir cette autorisation.

En Bosnie-Herzégovine, dès 1946, l’enseignement du catéchisme a été interdit dans les écoles sous le fallacieux prétexte que l’école est séparée de l’Église; mais, d’autre part, il n’est pas autorisé dans les églises, parce que tout enseignement doit être donné à l’école.

Des obstacles sérieux sont mis également à l’administration des sacrements. De nombreux fidèles ont été attaqués dans la presse, congédiés de leur emploi pour des crimes comme suit avoir contracté un mariage religieux, avoir fait baptiser leurs enfants, avoir un enfant au Séminaire, avoir été absent du travail les jours de fête, etc ; Ainsi Ljudska Pravica, de Ljubljana, du 13 septembre 1952, menaçait de licenciement une sage-femme pour avoir invité un citoyen à faire baptiser son enfant. Le Rév. Pierre Berisa, curé de Djakovica, était condamné, le 24 octobre 1952 à trente mois de prison pour avoir cherché à régulariser la situation matrimoniale de certains de ses paroissiens unis seulement devant la loi civile ou même bigames.

Le seul fait d’aller à l’église constitue pour beaucoup de gens un grave danger. On a rappelé plus haut que des maîtres ont été déchargés de l’enseignement et des élèves expulsés de l’école parce qu’ils fréquentaient l’église. Les militaires sont mis en garde contre la participation aux cérémonies sacrées. L’accomplissement des rites religieux, on l’a vu plus haut, est interdit aux communistes. En outre, les autorités civiles ont supprimé toutes les fêtes religieuses, même les plus Solennelles (Noël, par exemple), en imposant l’obligation d’aller à l’école ces jours-là ou de se rendre au bureau et au travail.

Les dimanches aussi les élèves sont souvent contraints à travailler ou à participer à des excursions ou à des concours qui leur rendent impossible l’accomplissement de leurs devoirs religieux. Jusqu’à l’intérieur des églises, au cours des cérémonies sacrées, la police est présente pour surveiller et contrôler prêtres et fidèles.

Si, malgré tout cela, les églises en Yougoslavie sont très fréquentées, loin de témoigner en faveur d’une liberté religieuse qui n’existe pas de fait, cela démontre simplement combien est vif et profond le sentiment religieux de ces fidèles.

Une si longue série de dispositions et d’actes hostiles à la religion et à l’Église a été et est encore accompagnée et soutenue par de violentes campagnes de presse ; celles-ci travestissent souvent sans retenue les paroles, les faits, les documents et elles lancent sans cesse des calomnies et des insultes graves et blessantes contre les institutions et les personnalités les plus vénérées de l’Église catholique.

4. C’est dans le cadre de cette situation religieuse qu’il faut considérer la question des associations dites des «prêtres populaires». Il est connu que ce sont les autorités civiles qui sont à l’origine de ces associations. De très nombreux prêtres ont été et sont encore contraints à y adhérer par l’intimidation, la menace, la promesse de pouvoir exercer plus librement le ministère paroissial, par l’appât des avantages économiques qui sont accordés aux prêtres qui en font partie. C’est ainsi que, uniquement parce qu’ils ne sont pas membres de ces associations, certains prêtres se voient gravement entravés dans l’exercice de leur ministère sacré, d’autres n’ont pas pu prendre possession d’une paroisse où l’évêque les avait nommés, ou n’ont pas pu y résider. Au sein desdites associations, ceux qui exercent une influence particulière – sous les directives du dehors – sont des prêtres qui souvent ne sont pas en règle avec la loi divine ou la discipline ecclésiastique, ce qui a provoqué des sanctions canoniques.

La police est présente aux réunions, auxquelles interviennent souvent aussi des personnalités politiques. On y tient des discours où est ouvertement, et publiquement blâmée l’action des évêques et même de l’Église. Une étroite collaboration unissait et unit ces associations au « Front populaire » et par le truchement de celui-ci les unissait au Parti communiste et les unit à présent à l’Union des communistes de Yougoslavie.

Un tel état de choses ne pouvait manquer de préoccuper les évêques, surtout parce que ces associations troublent gravement la discipline ecclésiastique et constituent un danger de scission entre le clergé et la hiérarchie. Ces craintes des évêques sont justifiées aussi par le fait que les statuts de ces associations ne garantissent pas suffisamment le respect et la dépendance dus à l’autorité épiscopale. La nature des devoirs qui lient les prêtres aux évêques, et les uns et les autres au Saint-Siège, est d’ailleurs connue au monde entier par le Codex luris Canonici.

5. Devant d’aussi tristes conditions faites aux catholiques en Yougoslavie, le Saint-Siège se croit en devoir de préciser sommairement quels sont les droits fondamentaux de l’Église catholique, droits auxquels le Saint-Siège ne peut renoncer et dont la méconnaissance rendrait infructueuses d’éventuelles conversations avec le gouvernement yougoslave.

Aux catholiques devra être garantie la liberté non seulement de fréquenter les églises, mais aussi de manifester leur foi, en assistant et en participant aux rites et aux sacrements, en faisant des pèlerinages et des processions.

Personne ne devra être inquiété pour de tels motifs: à personne on ne devra empêcher ou défendre la pratique de la religion.

Aux parents catholiques devra être reconnu le droit non seulement de faire baptiser leurs enfants et de les envoyer à l’église, mais également de pouvoir les faire instruire et éduquer dans des écoles catholiques, dont les autorités civiles devront respecter l’existence et le fonctionnement. C’est en effet, une violation grave de la liberté de conscience que de contraindre les parents catholiques à faire élever leurs enfants selon des doctrines et des programmes antireligieux.

Les catholiques ne devront pas non plus être placés dans des conditions qui les privent de leur presse, laquelle expose et illustre les divers points de la doctrine catholique.

Aux mêmes catholiques devra être donnée la possibilité de fonder ces associations, dont l’objet est d’unir pour des buts religieux les fidèles autour de programmes de piété, de charité, de bienfaisance et d’action, programmes toujours et seulement orientés vers le bien commun. Pareillement les fidèles devront être libres de contribuer à l’entretien du clergé, du culte et des oeuvres de bienfaisance, aux réparations des édifices sacrés et à la construction de nouveaux temples.

En toute cette activité, selon que l’exigent la doctrine et la discipline de l’Église catholique, les fidèles devront – sans immixtion indue ni obstacle de la part des autorités civiles – se maintenir en contact et dépendance de leurs évêques. On ne pourra refuser à ceux-ci la possibilité de visiter les paroisses, d’accomplir les fonctions et les rites sacrés, d’annoncer la doctrine catholique et de promulguer des documents pour l’instruction et la direction pastorale de leur peuple. Pas plus que les évêques, le clergé ne sera entravé dans sa multiple activité d’assistance religieuse aux fidèles et dans la prédication de la doctrine catholique. Outre que dans les églises, l’enseignement de la religion pourra se tenir dans les écoles, soit paroissiales, soit diocésaines, et on n’empêchera pas les enfants d’y prendre part.

Et comme l’avenir de l’Église est directement lié aux Séminaires (Grands et Petits), ceux-ci pourront librement se constituer et remplir leur irremplaçable fonction.

Les Congrégations religieuses, masculines et féminines, ont, dans la vie de l’Église, une importance particulière leur activité religieuse, charitable, enseignante, devra donc pouvoir s’exercer sans obstacle.

Le Saint-Siège veut espérer que, de son côté, le gouvernement yougoslave ne se refusera pas à garantir la reconnaissance de ces libertés et de ces droits.

La Secrétairerie d’État de Sa Sainteté saisit cette occasion de présenter au ministère des Affaires étrangères de la République populaire fédérative de Yougoslavie l’assurance de sa haute considération.

Du Vatican, le 15 décembre 1952.


* L'Osservatore Romano. Édition hebdomadaire en langue française, 1953 n.4 p.3-4.

La Documentation catholique 1953 n.1140 col.129-137.

top