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DISCOURS DU CARDINAL JOZEF TOMKO 
À L'ASSEMBLÉE GÉNÉRALE DES DIRECTEURS NATIONAUX 
DU CONSEIL SUPÉRIEUR 
DES OEUVRES PONTIFICALES MISSIONNAIRES
 

Lundi 8 mai 2000


En cette année du grand Jubilé 2000, la traditionnelle Assemblée annuelle des Directeurs nationaux des OEuvres pontificales missionnaires revêt une signification particulière. Cette année, vous venez de 115 pays de tous les continents comme représentants qualifiés du mouvement missionnaire de l'Eglise. Mais vous venez aussi comme pèlerins du grand Jubilé pour renouveler le devoir que l'Eglise vous a confié dans vos pays respectifs.

Le rendez-vous est absolument spécial  parce  que  l'Année  2000 est spéciale.

Il s'agit avant tout de l'anniversaire de l'Incarnation du Fils de Dieu qui marque aussi la naissance de la mission de l'Eglise.

Il s'agit ensuite du passage du second au troisième millénaire après le Christ,  passage  qui  invite  à  une  réflexion sur l'histoire de l'humanité, sur le rôle de la mission et donc sur vos devoirs missionnaires au début du nouveau millénaire et du siècle nouveau qu'il faut mettre en route - pour être plus concrets - déjà en cette première année de cette nouvelle période d'activité.

En d'autres termes, "c'est maintenant le moment du salut" ("nunc tempus salutis") (cf. Cor 6, 2) pour les Oeuvres pontificales missionnaires appelées à diriger, au premier rang, l'effort missionnaire de l'Eglise. Aujourd'hui, plus que jamais, nous avons besoin de réfléchir sur l'engagement missionnaire dans toute son amplitude, à 360°, dans le temps et dans l'espace, pour pouvoir répondre fidèlement au mandat du Seigneur Ressuscité qui accompagne son Eglise "tous les jours jusqu'à la fin du monde" (Mt 28, 20), afin de porter la mission "jusqu'aux extrémités de la terre" (Ac 1, 8). Précisément dans le temps et dans l'espace concernés par la mission.


1. Mission enracinée dans le Mystère de l'Incarnation

Si le Jubilé est le temps de la mémoire, il l'est d'une manière particulière pour la mission. La mission est née "quand vint la plénitude des temps" (Gal 4, 4) et le dessein d'amour du Père s'est vérifié dans le mystère de l'Incarnation rédemptrice:  "Dieu, en effet, a tellement aimé le monde qu'il a donné son Fils unique, pour que quiconque croit en lui ne meure pas, mais ait la vie éternelle" (Jn 3, 16). Le Jubilé est la fête de la rédemption offerte à toute l'humanité par le Fils unique, Envoyé-Missionnaire du Père pour le salut de l'humanité:  "Pour nous les hommes et pour notre salut, il descendit du ciel et s'est fait homme... il est mort et ressuscité", comme nous le récitons dans la Profession de Foi. Le Jubilé est également la fête missionnaire par excellence, parce qu'il rappelle l'anniversaire de la naissance de la Mission dans le temps, comme une continuation des "missions" du Fils et de l'Esprit à l'intérieur de Dieu-Trine.

En effet, la mission ne se termine pas avec la vie de Jésus-Christ sur cette terre. Au contraire, avec Lui, elle ne fait que commencer. Avant de monter aux cieux, Il a donné l'ordre à son Eglise de continuer la mission:  "Comme le Père m'a envoyé, moi aussi je vous envoie" (Jn 20, 21). Il ne s'agit pas d'une simple invitation facultative, mais d'un envoi solennel par la force de son autorité:  "Tout pouvoir m'a été donné (exousia) au ciel et sur la terre. Allez donc dans toutes les nations et faites des disciples. Et moi je suis avec vous tous les jours jusqu'à la fin du monde" (Mt 28, 19-20). Tous les peuples, jusqu'à la fin du monde! La mission de l'Eglise n'est pas limitée à une période ou à un continent. Ce n'est pas une mission purement nôtre, humaine; elle ne dépend pas de nos seules forces. La mission de l'Eglise est oeuvre de l'Esprit. "Vous aurez la force de l'Esprit Saint et vous serez mes témoins... jusqu'aux extrémités de la terre" (Ac 1, 8). Il s'agit d'une oeuvre divine et humaine fécondée et assistée divinement:  "Je suis avec vous jusqu'à la fin du monde". Nous, les chrétiens, mais plus encore nous, collaborateurs directs des OEuvres pontificales missionnaires, nous devons nous sentir très humbles et en même temps très honorés d'être appelés à participer, avec nos pauvres forces humaines, à cette oeuvre divine, grandiose et historique; à entrer dans ce flot d'activité mystérieuse qui, dans le Dieu Un et Trine, se poursuit à travers son Eglise jusqu'à la fin des temps.

Ce Jubilé du salut, Jubilé de la Mission, est pour nous un événement qui nous interpelle et nous touche personnellement; il est en même temps la source d'une inspiration nouvelle et d'un élan renouvelé pour un dévouement généreux à l'oeuvre d'animation et de coopération que l'Eglise et l'Esprit Saint nous confient.

Il est très significatif que Jean-Paul II, en sa qualité de Pasteur Suprême de l'Eglise catholique, ait voulu adresser depuis la Basilique du Saint-Sépulcre à Jérusalem, au moment indiqué par lui-même comme étant le "sommet de son pèlerinage", un appel pressant à l'Eglise entière à renouveler l'obéissance au mandat missionnaire du Seigneur. Il a dit:  "De ce lieu, où la Résurrection fut transmise d'abord aux femmes, puis aux Apôtres, j'exhorte tous les membres de l'Eglise à renouveler leur obéissance au commandement du Seigneur de porter l'Evangile jusqu'aux extrémités de la terre. A l'aube d'un nouveau millénaire, il y a grand besoin de crier du haut des toits la bonne nouvelle que "Dieu, a tant aimé le monde qu'il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne se perdre pas mais  ait  la  vie  éternelle"  (Jn 3, 16)" (ORLF n. 14 du 4 avril 2000).

Que signifie pour les Oeuvres pontificales missionnaires et, concrètement, pour les Directeurs nationaux l'obéissance au mandat du Seigneur? Dans quelle situation se trouve aujourd'hui, après deux milles années, la mission? Quel est le champ dans lequel nous devons agir pour être fidèles au mandat?


2. Mission dans le monde d'aujourd'hui

Lorsque Jean-Paul II publia l'Encyclique Redemptoris missio, son affirmation placée au début de cet important document a suscité une certaine surprise:  "La mission du Christ Rédempteur... est encore bien loin de son achèvement" (RM 1). Certains se sont émerveillés:  comment peut-on dire cela après deux mille années d'évangélisation?

Cependant, il suffit de considérer les statistiques de la population de notre planète qui compte 6 milliards d'habitants, dont les deux tiers ne connaissent pas encore Jésus-Christ, dont le nombre des catholiques dépasse à peine le milliard et celui de tous les chrétiens qui atteint presque les deux milliards. La croissance démographique des fidèles catholiques est inférieure par rapport à celle des peuples non-chrétiens. Malgré la hausse continuelle des fidèles de l'Eglise catholique, leur pourcentage ne représente qu'environ 17,4%, avec une très légère baisse au cours des dernières décennies.

La carte géographique de la mission varie aussi. A cause de la forte immigration, la mission Ad gentes se trouve déjà dans diverses régions de la vieille Europe qui révèle aussi le besoin d'une vigoureuse ré-évangélisation ou nouvelle évangélisation. En même temps, les jeunes Eglises en Afrique, qui atteignent 15% de la population se développent, sans parler de l'Amérique latine qui s'ouvre à la mission active vers d'autres continents. Le mouvement missionnaire ne se fait pas seulement du Nord au Sud, mais dans toutes les directions, car les nouvelles Eglises naissent avec une conscience missionnaire de plus en plus ouverte au monde, à toutes les nations, comme l'a souligné Redemptoris missio:  "Une conscience nouvelle s'affirme, à savoir que la mission concerne tous les chrétiens. Aucun de ceux qui croient au Christ, aucune institution de l'Eglise ne peut se soustraire à ce devoir suprême:  annoncer le Christ à tous les peuples" (RM 2, 3).

Il est significatif que les récents Synodes continentaux des Evêques aient eu comme unique thème, malgré quelques variantes, l'annonce de Jésus.

Les Assemblées synodales (pour l'Afrique, pour l'Amérique, pour l'Asie et pour l'Océanie) ont attiré l'attention du monde entier sur les jeunes Eglises missionnaires, sur leur vitalité et sur leurs défauts de croissance. L'Eglise y a gagné en communion plus profonde, en universalité plus vécue, en richesse culturelle plus vaste. Les jeunes églises, bien que pauvres économiquement et dépourvues de personnel, commencent à envoyer des missionnaires, au moins à titre temporaire, à l'intérieur de leur propre pays, dans les pays limitrophes et même en dehors de leur continent. A côté des missionnaires à vie toujours nécessaires, qui recrutent les vocations aussi en dehors de l'Europe ou de l'Amérique, lentement des nouvelles formes de coopération missionnaire prennent pied. C'est l'exemple des prêtres diocésains "Fidei donum" qui s'engagent dans les missions pour quelques années. L'aide des religieuses et des laïcs est également précieuse. Ces derniers ne peuvent certainement pas aider matériellement ni apporter les subsides nécessaires. Souvent, les pays les plus riches de l'Europe ou de l'Amérique du Nord les attire de façon exagérée. Si, d'une part, nous notons déjà la présence de missionnaires Indiens en Afrique et en Amérique latine, des latino-américains en Afrique et en Asie, d'autre part, des problèmes nouveaux surgissent que ni les évêques, ni les Oeuvres pontificales missionnaires ne peuvent négliger. La coopération de l'Eglise universelle doit soutenir le nouveau mouvement authentiquement missionnaire. La forte émigration de prêtres et de religieuses vers l'Occident riche matériellement, mais pauvre de vocations doit être prise en considération et régularisée par les Pasteurs afin que ce mouvement ne cause aucun dommage aux jeunes Eglises et ne soit un alibi pour les Eglises de vieille chrétienté, qui semblent se passer d'une pastorale vocationnelle plus incisive et familiale, en recourant tranquillement à ces forces toutefois nécessaires dans les pays d'origine. L'animation missionnaire des Oeuvres pontificales peut aider les communautés plus riches à ne pas s'enfermer, ni à s'accommoder de quelques offrandes matérielles, mais à rester ouvertes à offrir aussi leurs propres fils et filles au Seigneur dans le pays ou ailleurs.

En plus de ces observations générales sur la base des récentes expériences, je voudrais vous communiquer quelques brèves données concernant chaque continent, d'après les chiffres de l'Annuaire statistique de l'Eglise en 1998: 

L'Afrique a connu un siècle de rapide évangélisation:  elle est passée de deux millions en 1900 à 116 millions aujourd'hui, ce qui représente 15% de la population; une hiérarchie en grande partie autochtone, de nombreuses vocations sacerdotales et pour la vie consacrée, un effort d'appliquer les orientations du Synode et l'Exhortation post-synodale Ecclesia in Africa, cordialement acceptée. Cependant, les défis intérieurs et extérieurs ne manquent pas, l'abandon de la part des puissants de ce monde, l'exploitation économique et militaire, les conflits tribaux, l'absence d'une classe dirigeante compétente, etc... Les régions les plus évangélisées sont aussi les plus touchées par les troubles provoqués par la recherche d'intérêts venant de l'intérieur, mais aussi de l'extérieur, surtout des pays limitrophes des Grands Lacs. L'Eglise paye un énorme tribut en vies humaines, en oppression, en limitations et en sacrifices. La mort de quatre évêques rwandais et d'un Congolais, l'emprisonnement de Mgr Misago et l'expatriation de Mgr Kataliko sont des signes éloquents. Pendant plusieurs années, les Pasteurs du Congo et de l'ACEAC ne pouvaient pas non plus se réunir. En novembre dernier, notre Congrégation a finalement réussi à rassembler à Nairobi, tous les Evêques du Congo, Rwanda et Burundi. Mais la situation demeure dramatique. Et pas uniquement dans cette région. Pensez aussi au Liberia, au Sierra Leone, au Congo-Brazzaville, à l'Angola, au Zimbabwe, sans parler des conditions de sécheresse et de la faim en Ethiopie, du Nord du Kenya (où j'ai consacré le nouvel Evêque à Lodwar, dans l'aride savane), de précarité dans les deux Congo, etc. La présence récente des catholiques dans les Etats musulmans de l'Afrique du Nord, comme j'ai pu l'expérimenter au cours de ma dernière visite en Libye, constitue une autre difficulté. Mais l'Eglise locale est toujours plus consciente et disponible, même si souvent, les moyens lui manquent, pour affronter les situations.

L'Asie est le continent vers lequel la mission Ad gentes doit davantage s'adresser. Ses habitants représentent 60% de la population mondiale. Les non-chrétiens forment à eux seuls 85%. Elle est aussi le continent le moins évangélisé. L'Eglise catholique y atteint à peine 2,9%, c'est-à-dire 105 millions, dont 60 millions vivent aux Philippines et 17 millions en Inde. Dans divers pays, les catholiques baptisés représentent une minorité, soit 0,5% ou même moins. Les difficultés externes pour l'évangélisation sont d'ordre politique et idéologique (Chine, Vietnam, Laos), culturel et religieux (fondamentalisme, fanatisme et nationalisme de certains groupes dans les religions antiques), économique et social (sécularisation et matérialisme croissants).

Dans certains pays, il existe de véritables campagnes contre la mission et contre les conversions, comme nous avons pu le constater dans les journaux et à la télévision à l'occasion de la visite du Saint-Père en Inde, en novembre 1999, à laquelle j'ai participé. Les catholiques ont subi des violences, des attaques lancées contre les églises et il y a eu même des morts, en Inde, en Indonésie et dans le Timor Est, tandis que la loi contre le blasphème semble maintenant être en quelque sorte régularisée au Pakistan.

Les tensions, d'ordre théologique ou structurel (discussions sur Jésus-Christ unique Sauveur et sur la Mission, ten-sions inter-rituelles, ingérences dans les nominations d'Evêques et dans le gouvernement des Eglises locales) à l'intérieur de l'Eglise ne sont pas encore terminées. Mais la mission continue sous toutes les formes possibles et elle emprunte en particulier la voie du dialogue. En Asie centrale, il y a eu la création des dernières circonscriptions ecclésiastiques  au  Kazakhstan  et  au Cambodge; les premiers baptêmes d'autochtones dans la communauté naissante de la Mongolie extérieure. Maintenant, nous attendons l'heure de la grande Chine.

Avec la publication de l'Exhortation post-synodale "Ecclesia in Asia" cette Eglise a un programme pastoral que la FABC a analysé dans son Assemblée plénière de janvier 2000 à Bangkok et à laquelle j'ai pu participer. Le devoir d'animation missionnaire des Directeurs nationaux dans l'aide aux Evêques est vaste et de grande importance.

L'Amérique latine, où vivent 43% des catholiques du monde entier, continue à donner des satisfactions dans le domaine de la mission ad gentes. Les premiers jours d'octobre 1999 ont vu, à Panama  en  Argentine,  le  Congrès  missionnaire,  qui  devait  être  initialement COMLA VI, mais qui est devenu, selon les indications de la coopération ecclésiale avec l'Amérique du Nord du Synode des Evêques pour l'Amérique, le CAM 1, avec la présence de deux délégations des Etats Unis d'Amérique et du Canada. Le prochain CAM 2 aura lieu au Guatemala, en Amérique centrale, en 2003. Ayant participé, depuis 1987, à tous les Congrès missionnaires en tant qu'Envoyé du Pape, je peux témoigner de la participation remarquable de ces assemblées de travail et de célébration pour la croissance de la conscience missionnaire des Eglises, en commençant "par donner de leur propre pauvreté" et à "sortir de leurs frontières" vers d'autres continents. Il faut rappeler que dans toute l'Amérique, il existe encore des poches de populations prêtes à accueillir la première évangélisation ou à vivre une maturation de la foi.

La Congrégation pour la Propagation de la Foi est encore responsable de neuf diocèses en Amérique du Nord (Canada et Alaska) et de 74 circonscriptions en Amérique latine et dans les Caraïbes. Entre temps, les circonscriptions les plus anciennes continuent à passer sous la compétence de la Congrégation pour les Evêques, c'est-à-dire au "droit Commun".

Les Directeurs nationaux de tout ce continent devraient désormais élaborer les lignes d'une plus étroite collaboration missionnaire afin que l'Amérique latine puisse apporter plus d'élan et d'ardeur et celle du Nord plus d'efficacité au niveau  de  l'organisation  pour une coopération commune à la mission ad gentes.

Le continent flottant de l'Océanie, avec ses 8 millions de catholiques sur 30 millions de population globale, a révélé une problématique missionnaire absolument particulière au cours du Synode des Evêques, célébré en 1998 et dont nous attendons actuellement des directives post-synodales:  distances énormes, petites communautés éparses et  isolées,  manque  de  vocations  autochtones, avancée en âge des missionnaires, prolifération des sectes, etc. Ce sont là des thèmes importants pour les Directeurs nationaux de cette partie du monde.

Mais il y a aussi l'Europe, avec ses graves questions de la mission ad gentes à résoudre, comme il est apparu au moins en quelque partie au cours du Synode des Evêques de ce vieux Continent. Avec l'arrivée considérable des émigrés non-baptisés, la mission ad gentes entre en Europe et s'ajoute aux populations appartenant à d'autres religions qui sont maintenant sorties du communisme, comme:  l'Albanie, le Kosovo, la Bosnie-Herzégovine, qui sont encore sous la juridiction de la Congrégation. Il y a ensuite dans certaines régions de larges couches constituées par ceux qui "ont perdu le sens de la foi vivante ou vont jusqu'à ne plus se reconnaître comme membres de l'Eglise" (RM 33), parfois même non baptisés, complètement déchristianisées. Nous pouvons y voir là les "nouveaux aréopages" de la mission dont parle Jean-Paul II dans son Encyclique Redemptoris missio (RM 37). Le Saint-Père a adressé en particulier à l'Europe cet avertissement:  "Même dans des pays de tradition chrétienne, il existe des régions placées sous le régime spécifique de la mission ad gentes, des groupes humains et des contrées qui n'ont pas été touchés par l'Evangile. Dans ces pays aussi, ce n'est donc pas seulement une nouvelle évangélisation qui s'impose, mais, en certains cas, une première évangélisation" (RM 37).

Les Eglises d'Europe doivent rester ouvertes à la mission ad gentes, car "la mission renouvelle l'Eglise, renforce la foi et l'identité chrétienne, donne un regain d'enthousiasme et des motivations nouvelles. La foi s'affermit lorsqu'on la donne. La nouvelle évangélisation des peuples chrétiens trouvera inspiration et soutien dans l'engagement  pour  la mission  universelle" (RM 2).

Les Directeurs nationaux de l'Europe occidentale et orientale ont une grande responsabilité dans ce réveil de la foi à travers l'animation et la coopération missionnaire. La bonne organisation est importante, mais la profonde animation est celle qui crée "le feu de la mission".


3. Devoirs des Oeuvres pontificales missionnaires

Face à ce tableau rapide sur le monde missionnaire, le rôle que doivent avoir les OEuvres pontificales missionnaires apparaît toujours plus providentiel et nécessaire. Il y a quelques années, j'ai visité certains grands séminaires en Afrique, comme par exemple, le Bigard Memorial Seminary au Nigéria, et j'ai été frappé par l'oeuvre des deux dames laïques, Jeanne et Stéphanie Bigard, qui ont fondé l'Oeuvre de Saint-Pierre Apôtre, en faveur du clergé autochtone.

L'année dernière, je suis allé à Lyon et à Paris en France, aux sources de l'Oeuvre pontificale missionnaire de la Propagation de la Foi. En visitant la maison et la chapelle de Pauline Jaricot et en relisant ses écrits, je me suis rendu compte de nouveau que les Oeuvres pontificales missionnaires sont véritablement charismatiques. Toutes les quatre sont un don de l'Esprit Saint à l'Eglise, chacune d'elle a son propre charisme confirmé par l'Eglise. Celui qui accepte d'être Directeur national accepte donc d'entrer dans l'esprit du charisme, de l'assumer, de le vivre et de lui faire porter du fruit:  "N'éteignez pas l'Esprit" (1 Th 5, 19). La fidélité à l'Esprit requiert un supplément d'écoute, de courage et de créativité surtout dans ce passage d'une époque à une autre constitué par l'Année jubilaire 2000.

Les Oeuvres pontificales missionnaires doivent pour cela réaffirmer avec clarté leur propre identité charismatique d'une manière nouvelle dans la continuité. Aujourd'hui, de nombreuses initiatives locales ou régionales naissent, promues par les diocèses, les associations, les groupes ou les bureaux d'aide. Un regard très rapide sur le charisme de fondation de chacune des 4 Oeuvres révèle qu'elles n'ont pas été conçues pour une catégorie de personnes ou pour un espace géographique délimité, mais elles sont nées fermement enracinées sur l'universalité et la catholicité de l'Eglise. Il suffit de rappeler certaines lignes des programmes, comme:  "Toutes les Eglises pour toute l'Eglise. Tous les enfants pour tous les enfants. Tous les prêtres pour toute l'Eglise". Cette caractéristique demeure la principale raison pour que les Oeuvres restent aussi dans les Missions pontificales particulières, tout en dépendant des Evêques locaux.

L'Instruction "Cooperatio missionalis" rappelle:  "Que l'on soit attentif, toutefois, à ne pas limiter le propre rayon d'action à un seul objectif et à ne pas s'isoler par rapport aux autres initiatives générales de la coopération missionnaire, en particulier à celles des Oeuvres pontificales missionnaires, pour sauvegarder le principe d'égalité universelle dans la distribution des aides" (n. 18).

Les Oeuvres doivent avoir un caractère populaire et utiliser des moyens simples. La mission attire encore les fidèles de toute catégorie. Il faut les éduquer à une prière missionnaire dans l'esprit du "Notre Père", recruter aussi les enfants, les mères au foyer, des personnes âgées et malades, se rendre présents dans les séminaires, les noviciats, les mouvements et faire en sorte que "les Eglises locales utilisent l'action missionnaire comme un élément clé de leur pastorale courante, dans les paroisses, dans les associations et dans les groupes, surtout de jeunes" (RM 83). La mission n'est pas seulement une question de la Journée mondiale missionnaire mais elle est la vie essentielle de l'Eglise, missionnaire de par sa nature! La spiritualité missionnaire est en mesure de rejoindre tous les membres du Peuple de Dieu et trouvera aussi les diverses formes associatives d'animation. Le zèle de ce qu'on appelle les "communautés décimales" que Pauline Jaricot a su répandre rapidement dans les différents pays est frappant; il existe plusieurs "cercles missionnaires" dans les séminaires, des groupes de guides dans les paroisses, "des groupes des douze" parmi les enfants en Amérique latine et l'Union missionnaire du clergé a également connu son développement dans plusieurs pays.

L'animation missionnaire dans tous les continents et dans toutes les Eglises, d'ancienne ou de nouvelle fondation, doit se mouvoir sur deux lignes directrices qui coïncident, c'est-à-dire:  informer et former. L'animation a un but bien précis:  orienter toute la communauté ecclésiale vers la coopération missionnaire et faire en sorte que chaque Eglise particulière et chaque mouvement ecclésial devienne, non seulement de droit, mais aussi de fait, participants à l'effort missionnaire de l'Eglise. Et cela est valable - je le répète - pour toutes les Eglises, les jeunes Eglises aussi.

La coopération doit être avant tout spirituelle grâce à la prière et à l'offrande des sacrifices en communion d'amour avec le Christ et avec le plan divin du salut. Susciter les vocations missionnaires, particulièrement celles "à vie" et collaborer à la formation du clergé et des vocations à la vie consacrée autochtone, est un des devoirs et des fruits les plus beaux et les plus durables de ce genre de coopération qui ne doit être oublié dans aucun pays.

L'animation doit ensuite susciter aussi la coopération matérielle, en gardant toujours à l'esprit le rappel de l'Encyclique Redemptoris missio, qui dit que "la générosité avec laquelle on donne doit toujours être éclairée et inspirée par la foi" (RM 81) pour qu'elle soit en même temps un don dans la croissance spirituelle. Il faut insister sur le devoir de tous, pasteurs et directeurs nationaux, de remettre le fruit de la quête de la Journée mondiale missionnaire au Fonds central que le Saint-Siège destine intégralement en faveur de la première évangélisation et des nécessités toujours croissantes des jeunes Eglises, presque toutes situées dans des régions pauvres. Le devoir de conscience de respecter l'intention des donateurs le requiert, de même que le sens de solidarité ecclésiale et de justice dans la distribution l'exige et que le droit au développement l'impose. Rappelons-nous que le nombre de ces Eglises, en peu de temps seulement, est passé de 877 à 1045, ce qui représente une hausse de 18%, tandis que le nombre des grands séminaristes est passé de 99 à 374, sans parler des 50.000 étudiants dans les petits séminaires. Nous ne pouvons abandonner les subsides aux catéchistes qui sont plus que 400.000 et il est nécessaire de réactiver le programme de construction de petites églises, des dispensaires avec un service des urgences et des autres oeuvres sociales et éducatives indispensables. Les OEuvres pontificales dans chaque nation, mais spécialement dans les nations plus riches devraient s'entendre avec les autres organismes d'aide pour coordonner les subsides dans un esprit de véritable solidarité humaine, chrétienne et ecclésiale.

Conclusion

Le grand Jubilé constitue pour toute l'Eglise un temps fort pour entendre le rappel du Seigneur Ressuscité à prendre au sérieux son solennel envoi missionnaire. A Rome, de nombreuses occasions afin que reprenne le "feu de la mission" se multiplient:  le 7 mai, le Saint-Père s'est rendu au Colisée pour la Commémoration oecuménique des témoins de la Foi du XX siècle et des "nouveaux martyrs" de notre époque; en juin s'ouvrira l'Expo-missionnaire 2000; du 18 au 22 octobre aura lieu à Rome le Congrès missionnaire mondial, sur le thème "Jésus, source de vie pour tous" et le Congrès missiologique international, avec l'inauguration de l'activité de l'Association missiologique catholique. La célébration de la Journée missionnaire mondiale sur la place Saint-Pierre avec la Messe présidée par le Saint-Père, le 22 octobre prochain marquera le sommet. Mais les Oeuvres pontificales missionnaires dans chaque nation doivent s'engager à faire de ce Jubilé une fête mémorable de la mission, une occasion nouvelle de jubilation "à cause de la part que vous avez prise à répandre la bonne nouvelle" (Ph 1, 5) et d'action de grâces car "notre Evangile ne vous a pas été présenté avec des mots d'hommes seulement, mais avec la  puissance  de  l'Esprit  Saint"  (1 Th 1, 5).


Jozef Card. TOMKO

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