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L’ABUS SEXUEL DE MINEURS :
UNE RÉPONSE MULTI-FACETTES À CE DÉFI

par le Cardinal William Levada

Université pontificale grégorienne,
6 février 2012

 

«Vers la guérison et le renouveau » : c’est le titre d’un symposium sur les abus sexuels à l’égard des mineurs destiné aux Evêques catholiques et aux Supérieurs religieux. Pour les responsables de l’Eglise auxquels ce symposium s’adresse, il s’agit d’un dossier à la fois délicat et urgent. Il y a deux ans à peine, dans ses réflexions sur «L’année sacerdotale » à l’occasion de ses vœux de Noël à la Curie Romaine, le pape Benoît XVI a parlé longuement et en termes directs des prêtres « qui transforment le Sacrement [de l’Ordre sacré] en son contraire ; sous le manteau du sacré, ils blessent profondément la personne humaine dans son enfance et lui causent un dommage pour toute la vie.» J’ai choisi cette phrase pour introduire mon propos de ce soir car j’estime qu’il est important de ne pas perdre de vue la gravité de ces délits alors que nous abordons les multiples aspects de la réponse de l’Eglise.

Je désire, en début de présentation, exprimer ma gratitude à l’Université pontificale grégorienne pour cette initiative. Ceux d’entre nous qui s’occupent de la question depuis des dizaines d’années reconnaissent, eux aussi, qu’ils sont encore en phase d’apprentissage et qu’ils doivent s’aider mutuellement à développer des procédures appropriées pour assister les victimes, protéger les enfants et former les prêtres d’aujourd’hui et de demain à prendre conscience de ce fléau et à l’éliminer de la prêtrise. J’espère que ce symposium fournira un apport important à la réalisation de ces objectifs. Je remercie en particulier le père Francois-Xavier Dumortier, S.J., recteur de l’Université, et le père Hans Zollner, S.J., ainsi que son équipe, d’avoir organisé ces journées ensemble.

Comme l’indique le programme du symposium, ma présentation s’intitule « L’abus sexuel de mineurs : une réponse multi-facettes à ce défi ». Pour des raisons dont je vous ferai part, j’ai choisi de me baser, pour élaborer cette réponse, sur des commentaires au sujet de la «Lettre circulaire» de la Congrégation pour la doctrine de la foi [dénommée ci-après CDF], envoyée l’an dernier à toutes les Conférences épiscopales du monde pour les aider à développer des directives afin de faire face aux cas d’abus sexuel de mineurs commis par des clercs. Pour situer cette lettre dans son contexte, j’évoquerai l’important motu proprio Sacramentorum sanctitatis tutela [dénommée ci-après SST], promulgué par le bienheureux pape Jean-Paul II le 30 avril 2001. Ce document papal a clarifié et mis à jour la liste des délits canoniques traditionnellement traités par la CDF (des exemples classiques en sont les délits contre la foi, à savoir l’hérésie, l’apostasie et le schisme, mais également les délits les plus graves – ou graviora delicta – contre les sacrements, tels que la profanation de l’Eucharistie ou la violation du secret de la confession). De ces derniers font partie les avances sexuelles dans le cadre d’une Confession ; le pape Jean-Paul II a explicitement inclus parmi ces délits graves l’abus sexuel de mineurs commis par des clercs. Le motu proprio demandait donc que tous les cas d’abus sexuel de mineurs commis par des membres du clergé soient rapportés à la Congrégation pour que celle-ci puisse guider et coordonner une réponse équitable des autorités de l’Eglise.

Sous la direction attentive du Préfet de la CDF l’époque, le cardinal Ratzinger, le Saint-Siège a pu assurer une réponse coordonnée au nombre croissant de rapports sur ces abus sexuels et traiter de manière efficace les questions canoniques qui s’y rattachaient, y compris le recours contre les décisions des évêques et des supérieurs majeurs. Alors que le déferlement médiatique au sujet des abus sexuels commençait à la fin de 2001 et en 2002 (à la suite duquel les évêques américains ont adopté leur Charte pour la protection des enfants et des jeunes adultes), une commission épiscopale a élaboré les Normes essentielles ; après leur reconnaissance par le Saint-Siège, celles-ci sont devenues des dispositions supplémentaires contraignantes pour les évêques américains et un instrument très utile pour traiter les nombreux cas historiques qui ont émergé à la suite de la publicité dans les médias. Je désire exprimer ma gratitude personnelle au pape Benoît XVI pour son rôle décisif, lorsqu’il était Préfet, dans la mise en place de ces nouvelles normes pour le bien de l’Eglise et pour son soutien lors de l’approbation des Normes essentielles pour les Etats-Unis. Pourtant, dans les dernières années, le Saint Père a dû subir les attaques des médias dans divers endroits de la planète, alors qu’il mériterait la gratitude de tous, aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur de l’Eglise.

Avec l’explosion de la couverture médiatique des cas d’abus sexuel de mineurs commis par des membres du clergé catholique surtout, mais non seulement, aux Etats-Unis, la Congrégation pour la doctrine de la foi, dirigée par le cardinal Joseph Ratzinger, a vu s’accroître de manière considérable le nombre des cas signalés ; elle a ainsi découvert les questions nombreuses et complexes liées au délit d’abus sexuel sur mineur commis par des clercs.

Plus de 4000 cas d’abus sexuels de mineurs signalés à la CDF dans les dix dernières années, y compris les accusations parvenues dans ces dernières décennies, ont révélé, d’une part, l’insuffisance d’une réponse uniquement canonique (basée sur le droit canon) à cette tragédie et, de l’autre, l’exigence d’une réponse véritablement multi-facettes. Bien que sa responsabilité première soit d’appliquer des normes équitables dans la discipline des clercs coupables, la Congrégation a été amenée à adopter une approche plus large qui consiste à voir comment contribuer au mieux à la guérison des victimes, promouvoir des programmes pour la protection des enfants et des jeunes, encourager les évêques à former les communautés de foi à la responsabilité vis-à-vis de leurs jeunes et travailler avec d’autres dicastères du Saint-Siège et d’autres Conférences épiscopales pour assurer une formation adéquate des prêtres d’aujourd’hui et de demain dans les divers aspects liés à l’abus sexuel de mineurs.

Neuf ans après l’introduction du SST et à la lumière de l’expérience acquise en traitant les milliers de cas présentés dans divers pays, la Congrégation pour la doctrine de la foi a présenté au Saint Père des propositions de modification de la législation adoptée en 2001. Les lignes générales du Sacramentorum sanctitatis tutela restent en place, mais un certain nombre de normes substantielles et procédurales sont modifiées pour que la loi puisse mieux affronter la complexité de ces cas. Le pape Benoît XVI a approuvé les normes révisées et ordonné leur promulgation le 21 mai 2010.

Les ajouts les plus importants à la législation précédente visent en partie à consolider les pratiques reconnues et approuvées par les papes Jean-Paul II et Benoît XVI, telles que le droit de déroger au délai de prescription de ces délits (parfois dénommé statut des limitations), la faculté de dispenser d’une procédure judiciaire afin de donner lieu à une procédure extrajudiciaire (administrative) dans les cas où les faits paraissent clairs ; la faculté de présenter des cas directement au Saint Père pour le renvoi de l’état clérical dans les cas extrêmement graves, l’ajout du délit de possession et/ou distribution de pornographie enfantine (concernant les moins de 14 ans) et d’autres spécifications relatives aux délits contre l’Eucharistie et le sacrement de Pénitence, ainsi que un délit contre le sacrement de l’Ordre sacré.

L’expérience de la Congrégation dans les dix dernières années indiquait également qu’il fallait faire en sorte que les autorités ecclésiastiques du monde entier soient préparées à répondre de manière adéquate à la crise de l’abus sexuel de mineurs. De nombreuses Conférences épiscopales avaient déjà élaboré des directives, certaines même des normes, afin de fournir une réponse uniforme à ce problème complexe dans leurs territoires nationaux. Je mentionnerai, à titre d’exemple, le Canada et les Etats-Unis en Amérique du Nord, le Brésil en Amérique du Sud, la Grande-Bretagne et l’Irlande, l’Allemagne, la Belgique et la France en Europe, l’Afrique du Sud, l’Australie et la Nouvelle-Zélande dans l’hémisphère sud. Mais, dans de nombreux cas, cette réponse n’est venue qu’après que les médias publics avaient révélé les comportements scandaleux de certains prêtres. Ce qui pourrait être utile pour aller de l’avant est une approche plus proactive des Conférences épiscopales dans le monde entier. Que faire pour y parvenir ?

Afin d’aider l’Eglise universelle à adopter des mesures appropriées dans l’optique d’une approche élargie du problème de l’abus sexuel de mineurs, qu’il s’agisse du clergé ou d’autres agissant au nom de l’Eglise, la Congrégation pour la doctrine de la foi a publié une Lettre circulaire pour aider les Conférences épiscopales à établir des Directives pour le traitement des cas d’abus sexuel commis par des clercs à l’égard de mineurs. Cette lettre du 3 mai 2011 invite les Conférences épiscopales du monde entier à aborder les divers aspects de cette question : elles doivent prêter l’attention nécessaire à la discipline canonique des clercs responsables de ces délits, elles doivent avoir des critères pour évaluer l’aptitude des clercs et d’autres personnes exerçant leur ministère dans les institutions et les agences de l’Eglise, elles doivent superviser les programmes éducatifs pour les familles et les communautés ecclésiastiques afin d’assurer à l’avenir la protection des enfants et des jeunes contre le délit d’abus sexuel et elles doivent être pasteurs et pères de toutes les victimes d’abus sexuel dans leurs troupeaux qui s’adresseraient à elles pour obtenir un recours ou une aide.

La Lettre circulaire se divise en trois parties : d’abord, quelques Aspects généraux; ensuite, un Résumé succinct de la législation canonique en vigueur; enfin, quelques Indications aux Ordinaires sur la manière de procéder. Chaque partie de cette lettre propose des domaines de réflexion pour aider les Conférences épiscopales à fournir des directives uniformes aux Evêques diocésains membres de la Conférence et aux Supérieurs majeurs de religieux résidant dans le territoire de la Conférence pour qu’ils puissent répondre aux cas d’abus sexuels commis par des clercs et adopter les mesures nécessaires pour éliminer ces abus de l’Eglise et de la société. Le droit ecclésiastique évoque clairement la responsabilité des évêques diocésains et de ceux qui jouissent d’une juridiction personnelle ou territoriale similaire, et des supérieurs majeurs de congrégations religieuses pour leurs sujets en cas d’accusations d’abus sexuel de mineurs commis par des clercs. Le rôle de la Conférence épiscopale est double: offrir une aide aux évêques diocésains membres de la Conférence dans l’exercice de cette responsabilité et coordonner une réponse uniforme et efficace face à la crise de l’abus sexuel de mineurs pouvant être reconnue comme telle par les fidèles chrétiens, par les membres de la société dans son ensemble et par les autorités civiles qui ont la responsabilité de sauvegarder le bien-être public en conformité avec les dispositions de la loi.

Je veux être clair sur ce point. La Lettre circulaire aux Conférences épiscopales n’implique pas un transfert de l’autorité ou de la responsabilité des évêques diocésains et des supérieurs religieux à la Conférence. En même temps, la Congrégation considère comme une obligation pour les Evêques et les Supérieurs majeurs religieux de participer au développement de ces directives et de les observer pour le bien de l’Eglise une fois qu’elles ont été approuvées par la Congrégation pour la doctrine de la foi. Aucun évêque ou supérieur majeur ne peut se considérer comme étant dispensé de cette collaboration.

Je sais que les autres présentateurs de ce symposium parleront des aspects canoniques importants du droit ecclésiastique, et notamment du motu proprio SST. C’est pourquoi je me concentrerai sur la première partie de cette lettre, les Aspects généraux, car c’est dans cette partie que l’on peut mieux voir, à mon avis, la « réponse multi-facettes » de l’Eglise au défi que représente l’abus sexuel commis par des clercs à l’égard de mineurs.

Les victimes d’abus sexuel

Le premier aspect général abordé dans la Lettre circulaire est celui des victimes d’abus sexuel. Pour beaucoup de victimes, voire pour la plupart d’entre elles, le premier besoin est d’être écoutées, de savoir que l’Eglise écoute leurs histoires d’abus, qu’elle comprend l’ampleur de leurs souffrances, qu’elle veut les accompagner sur le chemin, souvent long, de la guérison et qu’elle a adopté ou qu’elle est prête à adopter des mesures efficaces pour que d’autres enfants soient protégés contre ces abus. Dans son discours aux Evêques des Etats-Unis (16 avril 2008) au Sanctuaire de l'Immaculée Conception de Washington, D.C., le pape Benoît XVI leur a rappelé : « C'est une responsabilité qui vous vient de Dieu, en tant que pasteurs, qui est celle de panser les blessures causées par chaque violation de la confiance, de favoriser la guérison, de promouvoir la réconciliation et d'aller à la rencontre de ceux qui ont été aussi gravement blessés, avec une sollicitude pleine d'amour. »

Notre Saint Père a donné un exemple personnel de l’importance d’être à l’écoute des victimes lors de ses nombreuses visites pastorales en Grande-Bretagne, à Malte, en Allemagne, en Australie et aux Etats-Unis. On ne saurait surestimer l’importance pour nous, évêques et prêtres, de cet exemple de disponibilité vis-à-vis des victimes à un moment important de leur guérison et de leur réconciliation. C’est en effet un représentant consacré de l’Eglise qui leur a infligé cet abus. Il n’est donc pas étonnant qu’elles nous disent combien il est important pour elles que l’Eglise, une fois encore par l’intermédiaire de ses représentants consacrés, les entende, reconnaisse leur souffrance et les aide à voir le visage de la compassion et de l’amour authentiques du Christ.

Ecoutons encore les paroles de notre pasteur le pape Benoît XVI dans sa Lettre pastorale aux catholiques d’Irlande s’adressant aux victimes d’abus sexuel : « Vous avez terriblement souffert et j'en suis profondément désolé. Je sais que rien ne peut effacer le mal que vous avez subi. Votre confiance a été trahie, et votre dignité a été violée. » La compassion profonde que ces paroles expriment devrait animer le coeur de chacun de nous, évêques et prêtres, lorsque – comme le Christ notre bon Pasteur – nous nous penchons vers ces personnes blessées et nous leur assurons que nous avons commencé à reconnaître la profonde trahison qu’ils ont subie. De plus, la volonté d’écouter les victimes parler de la douleur que leur a causée l’abus sexuel subi doit s’accompagner d’un engagement à fournir l’assistance psychologique et spirituelle nécessaire.

La protection des mineurs

Le deuxième aspect général traité dans la Lettre circulaire est «la protection des mineurs». Dans certains pays, des programmes ont déjà été développés par les autorités ecclésiastiques locales afin de créer un « environnement sûr » pour les mineurs. Ceci comprend la sélection et la formation des agents pastoraux engagés dans l’Eglise, dans les écoles et les paroisses, dans les programmes d’aide aux jeunes et de loisirs, en leur offrant notamment une formation pour qu’ils puissent identifier les signes d’abus sexuel. Le but de ces programmes de formation destinés aux membres du clergé et aux laïcs est, bien évidemment, de prévenir les cas d’abus en sensibilisant davantage au problème. De nombreux programmes initiés au sein de l’Eglise afin d’assurer un « environnement sûr » pour les enfants ont été reconnus comme des modèles dans l’engagement visant à mettre fin aux cas d’abus sexuel sur des mineurs dans les sociétés actuelles. »

Un domaine plus délicat, mais tout aussi important, de l’action pastorale est l’éducation des parents et des enfants mêmes en ce qui concerne les abus sexuels dans la société en général. Les différences culturelles ont, dans ce cas, un poids important. Les Conférences épiscopales qui commencent à examiner le besoin de ces programmes de sensibilisation peuvent faire appel à l’expérience de ceux qui sont déjà engagés dans ce genre d’activité. Alors que notre Congrégation est en train d’évaluer une réponse à la Lettre circulaire dans ce domaine, mon vœu est que nous puissions engager le réseau de communications du Vatican à servir de centre d’information sur ces programmes afin d’assister l’Eglise dans les régions du monde où les ressources sont plus limitées.

La formation des futurs prêtres et religieux

Nous reconnaissons tous l’importance d’une formation adéquate des prêtres et des religieux. C’est le troisième aspect général abordé dans la Lettre circulaire. En 2002, le bienheureux pape Jean-Paul II a déclaré : «

il n'y a pas de place dans le sacerdoce et dans la vie religieuse pour quiconque pourrait faire du mal aux jeunes. » (Discours aux Cardinaux des Etats-Unis d’Amérique, n° 3, 23 avril 2002). Cette phrase puissante rappelle aux Evêques et aux Supérieurs majeurs des Ordres religieux l’exigence d’exercer une surveillance accrue lors de l’acceptation des candidats au sacerdoce et à la vie religieuse, et de dispenser des programmes de formation assurant une formation humaine fondamentale, y compris une formation adéquate en sexualité humaine. Je citerai ici quelques lignes de la Lettre circulaire à ce sujet : « Les indications données dans l’exhortation apostolique Pastores dabo vobis, ainsi que les instructions des Dicastères compétents du Saint-Siège, acquièrent une importance croissante pour un juste discernement de la vocation et pour une saine formation humaine et spirituelle des candidats. En particulier, on s’emploiera à faire apprécier aux candidats la valeur de la chasteté et du célibat. De même, on leur fera prendre conscience des responsabilités liées à la paternité spirituelle du clerc. »

La Lettre circulaire souligne également l’importance d’être vigilants : « un soin particulier sera réservé à l’obligation d’échanger des informations sur les candidats au sacerdoce ou à la vie religieuse qui passent d’un séminaire à un autre, entre différents diocèses ou entre les instituts religieux et les diocèses. » J’ajouterai aussi que la dimension internationale de ces passages est de plus en plus importante ; il est donc nécessaire que les Conférences épiscopales et les Ordres religieux fournissent des directives claires que chacun devra observer scrupuleusement pour le bien de l’Eglise.

L’accompagnement des prêtres

Le quatrième aspect général contenu dans la Lettre circulaire se rapporte directement au clergé. L’Evêque a toujours «le devoir de considérer tous ses prêtres comme leur père et frère.» En tant que manifestation de son attention paternelle et fraternelle pour tous ses prêtres, l’Evêque doit mettre à leur disposition des programmes de formation permanente, notamment au cours des premières années de sacerdoce. En tant que père, l’Evêque doit s’intéresser à la vie de prière de ses prêtres, en les encourageant à s’entraider comme des frères et à travailler ensemble en s’occupant les uns des autres, en s’exhortant mutuellement à un service plus saint et plus parfait en faveur du troupeau du Christ.

L’Evêque a la responsabilité non seulement d’assurer dans la continuité la formation et l’accompagnement spirituel de ses prêtres, mais aussi de leur fournir un soutien matériel approprié, y compris à ceux qui sont accusés ou déclarés coupables d’abus sexuel, en conformité avec les dispositions du droit canon. Alors que l’Evêque a le pouvoir de limiter l’exercice du ministère par un clerc accusé, même au cours de l’enquête préliminaire si les circonstances l’exigent (cf. CIC can. 1722 ; SST art.19 [vers. rév. 2010]), il a également la responsabilité, en tant que père et frère, de protéger la réputation de ses prêtres et doit s’employer à rétablir celle d’un clerc accusé à tort.

La coopération avec les autorités civiles

Le dernier aspect général abordé dans la Lettre circulaire est la coopération avec les autorités civiles. Tout aussi importante que les autres aspects, la coopération de l’Eglise avec les autorités civiles reconnaît, dans ces cas, une vérité fondamentale : que l’abus sexuel de mineurs est non seulement un délit au plan canonique, mais aussi un délit qui enfreint les lois pénales dans la plupart des juridictions civiles. Etant donné que les lois civiles varient d’un pays à l’autre et que l’interaction entre les fonctionnaires de l’Eglise et les autorités civiles peut différer selon les pays, la manière dont cette coopération a lieu sera forcément différente dans les divers pays. Le principe reste cependant le même. L’Eglise a l’obligation de suivre les prescriptions des lois civiles en ce qui concerne le fait de déférer ces crimes aux autorités compétentes. Cette coopération s’étend naturellement aux accusations d’abus sexuel par des religieux ou des laïcs travaillant ou engagés comme volontaires dans des institutions et des programmes de l’Eglise. A cet égard, les fonctionnaires de l’Eglise doivent éviter toute atteinte au for interne sacramentel, qui doit rester inviolable.

* * * * *

Outre ces aspects généraux, la Lettre circulaire fournit un résumé des normes canoniques à appliquer dans les cas d’abus sexuel de mineurs, ainsi que des indications sur les procédures à suivre, basées sur l’expérience de la Congrégation dans le traitement de ces cas au cours des dix dernières années. Ces dernières parties de la Lettre circulaire peuvent être considérées comme le volet « juridique » de la «réponse multi-facettes» de l’Eglise au défi que représente l’abus sexuel de mineurs commis par des clercs.

Le chemin «Vers la guérison et le renouveau » doit être parcouru ensemble par toute l’Eglise, toujours convaincue de la puissance de Dieu « qui guérit les cœurs brisés et qui bande leurs blessures» (cf. Ps 147:3). Notre Saint Père le pape Benoît XVI, lors de sa rencontre avec les victimes d’abus sexuels à Malte, a prié pour une guérison et une réconciliation des victimes non génériques, mais susceptibles de les conduire, ainsi que l’Eglise tout entière, « vers un espoir renouvelé ».

J’espère que mes propos de ce soir contribueront à cet espoir renouvelé, en ce qu’ils attirent l’attention sur les mesures concrètes adoptées par une Eglise qualifiée de « catholique » - universelle - pour aborder les différentes facettes du défi que représente l’abus sexuel de mineurs par des clercs. Il convient de répéter que les auteurs de ces abus ne représentent qu’une toute petite minorité d’un clergé fidèle et engagé. Et pourtant cette minorité a fait beaucoup de mal aux victimes et a porté atteinte à la mission de l’Eglise, qui est de porter l’amour du Christ dans le monde d’aujourd’hui.

Je suis personnellement convaincu que les actions en cours, à savoir le motu proprio SST et la Lettre circulaire de la Congrégation, ainsi que les innombrables initiatives locales entreprises pour répondre au défi de l’abus sexuel de mineurs commis par des clercs, nous aideront à trouver de nombreuses réponses utiles afin de guérir les blessures du passé et à renouveler notre engagement pour un avenir rempli d’espoir, comme notre Dieu miséricordieux nous l’a promis. Merci d’avoir pris l’initiative de ce symposium « Vers la guérison et le renouveau » : qu’il soit un modèle pour de futures études qui nous aident tous à affronter ce qu’il faut que nous fassions en tant qu’Eglise. Qu’il soit aussi une source de savoir-faire et d’espoir pour ceux qui cherchent à éliminer de la société dans son ensemble le fléau de l’abus sexuel à l’égard de mineurs.

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