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HOMÉLIE DU CARDINAL MOUSSA Ier DAOUD, 
PRÉFET DE LA CONGRÉGATION 
POUR LES ÉGLISES ORIENTALES, 
LORS DE LA CÉRÉMONIE DES OSTENTIONS À LIMOGES


Dimanche 7 avril 2002

 

Ma joie est grande d'être à Limoges, en cette heureuse circonstance.

Je remercie de tout coeur Mgr Christophe Dufour, Évêque de Limoges, et le Premier Bayle de la Grande confrérie de Saint-Martial, M. Jean Sivigliani, pour leur invitation si aimable. Limoges est  bien  connue  pour  ses célèbres Ostensions. Je participe bien volontiers à ces 70 Ostensions.

A la ville de Limoges j'exprime mes hommages, avec mon admiration pour son histoire antique, et le chemin social et culturel glorieux accompli jusqu'à nos jours. Admiration et remerciement, surtout, pour le témoignage chrétien si fidèle et joyeux que la ville continue à offrir.

En saluant Mgr Dufour, je salue aussi avec déférence Monseigneur le Nonce apostolique et les autres Évêques, les Autorités et les personnalités civiles et religieuses présentes, particulièrement les représentants de la Mairie, avec un souvenir très cordial pour tous les chefs et les membres des Confréries, les fidèles et les citoyens de Limoges et du diocèse.

                                                              * * *

Chers frères et soeurs,

Des empereurs puissants, des savants renommés, des artistes célèbres, d'une grande intelligence, d'une forte personnalité, ont paru sur la scène de ce monde, ont séduit les foules, et peut-être ont changé le cours de l'histoire, mais après un éclat éphémère, n'ont pas tardé à tomber dans l'oubli, et on ne vient plus à eux, comme à des vivants, mais pour admirer les vestiges du passé.

Au contraire,  des  hommes,  des femmes, ordinaires, pauvres, simples, aux yeux du monde des ignorants, continuent à attirer les foules, les pèlerinages,  les  admirateurs.  On  vient  à  eux, comme à des vivants, pour les fêter, les honorer, les prier. Après mille ans, deux mille ans, ils sont encore plus vivants que les vivants, et plus actifs que lors de leur vie terrestre. Sainte Thérèse de l'Enfant Jésus promettait de passer son ciel à jeter des fleurs sur la terre.

Chers frères et soeurs,

Pourquoi ceux-ci sont restés au travers de l'histoire, tandis que les premiers ne sont plus que des restes du passé?

Le secret est clair.

La sainteté.

Les Saints ne sont plus à eux. Ils ne conservent rien pour eux. Ils sont à Dieu. Et comme Dieu est immortel, les Saints ne meurent pas. Ils entrent dans la gloire de Dieu. Ils reflètent la lumière de Dieu. Ils participent à la puissance de Dieu.
Les Saints dont nous vénérons aujourd'hui les reliques, saint Martial, le premier Évêque de Limoges, saint Loup et saint Aurélien, trois saints limousins et les autres saints vénérés dans la région:  saint Junien, saint Yrieix, saint Léonard et tous les autres, un peuple de saints, ont été des hommes comme les autres, des baptisés comme les autres, qu'est-ce qui les a distingués des autres?

Le secret:  encore une fois, la sainteté!
Mais qu'est-ce que la sainteté?
Comment devient-on saint?

La réponse peut être simplifiée ainsi:  on accepte le don de Dieu, on répond à son appel, on l'écoute, on se donne à lui, on l'aime, de tout son coeur, de toute son âme, de toute sa force, on lui reste fidèle jusqu'au bout, et on aime le prochain, on fait du bien à tout homme que l'on rencontre.
Saint Martial et les autres ont répondu à l'appel de Dieu, ils l'ont écouté, ils se sont donnés à lui jusqu'au bout. Ils ont aimé le prochain, ils ont annoncé la Parole de Dieu. Mgr Dufour, dans sa lettre pastorale, a trouvé dans la "fidélité" le secret de leur sainteté:  "Fidèles, dit-il, à une parole, fidèles à des valeurs, fidèles au bien commun, fidèles à un amour, fidèles à un message, fidèles du Christ, amis fidèles". Et il conclut:  "C'est parce qu'ils sont fidèles que les saints limousins sont le roc du peuple qui a mis en eux sa confiance".

Les saints de Limoges ont été fidèles à Dieu et les Limousins ont été fidèles à leurs saints. C'est votre mérite, chers Limousins, d'avoir gardé vivant au milieu d'un progrès dévorant, le souvenir de votre passé au travers des Ostensions.

Vous avez eu une vénération profonde pour vos saints et vous avez conservé avec foi et amour leurs reliques. Vous les avez enfermées dans des châsses ou d'autres réceptacles dont vous avez fait des oeuvres d'art de très grande beauté et de grande créativité artistique. Mais plus que les châsses et les pièces d'orfèvreries, vous avez organisé des cérémonies solennelles, d'abord irrégulières, du XIIIème au XVIème siècle puis vous avez décrété en 1519 de les rendre septennales. Des circonstances exceptionnelles vous ont obligés à les interrompre pour un certain temps, mais vous les avez reprises normalement depuis 1806, avec détermination et enthousiasme.
Vous voilà donc aujourd'hui, chers Limousins,  à  vos  soixante-dixièmes Ostensions septennales. Pendant plus de dix siècles, plus de mille ans, vous êtes restés fidèles à vos origines.

Que ces Ostensions soient un temps de bonheur pour tous! Qu'elles revivent la solidarité de tout un peuple! Comme le souhaite votre évêque.

Ayant répondu avec joie et disponibilité à la double invitation de l'Évêque de Limoges et du Premier Bayle de la Grande Confrérie de Saint-Martial, je n'en suis que plus ébloui par la participation, l'enthousiasme, l'engagement, le recueillement de tout un peuple.

Dans le document qui m'est parvenu de la Grande Confrérie de Saint-Martial, deux résolutions ont attiré mon attention:  "La Grande Confrérie veut être la gardienne de la mémoire de saint Martial et participer à la transmission du message évangélique".
Je fais miennes ces deux prises de positions.

Oui chers frères:  gardez bien la mémoire de saint Martial, ne perdez pas vos origines, ne permettez à aucune forme de modernité de vous déraciner. Gardez vivante la flamme que vos pères vous ont léguée et transmettez-la à vos enfants, aux siècles futurs.

Chers amis,

Ces cérémonies officielles des Ostensions ne sont pas, certes, de simples manifestations culturelles, religieuses folkloriques, mondaines.

Elles sont reliées à une vérité centrale de notre foi:  la Résurrection de Jésus, et celle qui en découle nécessairement, comme le dit saint Paul, notre résurrection, la résurrection des corps.
Aujourd'hui est le Dimanche qui termine l'octave de Pâques. Nous l'appelons le Nouveau Dimanche. Notre Saint Père le Pape en a fait le Dimanche de la "Divine Miséricorde".

Nous avons écouté l'Évangile du jour. Les Apôtres ont été les témoins de la Résurrection de Jésus. Mais Thomas veut voir et toucher. Le Ressuscité ne le blâme pas mais l'invite à passer de la crédulité à la foi, d'une foi passive et soumise, à une foi active et tournée vers l'avenir.
Nos saints ont cru dans le Ressuscité. Le Ressuscité est le secret de leur sainteté. C'est avec et par le Ressuscité que nous deviendrons des saints.
Sans notre foi dans le Ressuscité, notre culte des reliques, notre messe, nos fêtes, nos Ostensions, sont vides de sens.
Les Ostensions sont un message de Résurrection.
Nous chrétiens, nous croyons sans avoir vu.

                                                                      * * *

Chers frères et soeurs,

Permettez-moi de partager avec vous deux expériences auxquelles le Seigneur m'a appelé, mon expérience orientale et mon expérience romaine.

Né dans l'Église syrienne catholique d'Antioche, appelé à la servir comme prêtre, puis comme évêque, puis comme Patriarche, me voici maintenant, depuis le début de l'année 2001 à Rome comme Préfet de la Congrégation pour les Églises orientales.

Je voudrais assumer en moi toutes les valeurs de l'Orient, unies à celles de l'Occident. Je voudrais témoigner en même temps de mon origine orientale et de ma foi catholique.

Je ne vois aucune contradiction entre mon appartenance à la petite Église syrienne catholique d'Antioche et mon appartenance à l'Église Une, Sainte, Catholique, Apostolique.

Nous, Orientaux catholiques, avons choisi la pleine unité avec l'Église catholique. L'oecuménisme est notre mission. Nous voulons être un pont. Nous voulons aider à la réunion, à l'unité.
Le Christ, apparaissant aux Apôtres, dans le Cénacle, leur a dit:  "la Paix soit avec vous"!

Mais où est la paix aujourd'hui?
Le monde change.
Et le 11 septembre 2001 projette de sombres traces sur tous les aspects de notre vie, en Orient et en Occident. Les tristes nouvelles de la guerre couvrent tous les pays de la planète. Partout on parle de paix, on appelle la paix et la paix ne vient pas.

Mais la guerre qui nous affecte le plus,  c'est la guerre en Terre Sainte. Elle n'est pas la guerre du Moyen-Orient, comme on l'appelle. Elle est la guerre qui nous touche tous, chrétiens, musulmans, juifs. C'est inacceptable. Les attentats et les représailles s'alternent avec acharnement, les droits de l'homme sont foulés aux pieds. La violence appelle une plus grande violence, l'injustice engendre une plus grande haine, la haine engendre la vengeance. Où est la solution?

Dans la sombre conjoncture mondiale actuelle, la rencontre d'Assise du 24 janvier 2002 est une lueur éclairante sur notre chemin.

Face aux fracas des armes, le tumulte des menaces et des déclarations, une voix s'élève qui rappelle la dignité de l'homme, le Dieu Amour, et les valeurs de la paix et de la justice.
Concernant la dignité de l'homme, sous l'égide de Dieu, Sa Sainteté le Pape Jean-Paul II dit:  "Offenser l'homme revient en définitive à offenser Dieu".

Concernant les relations entre les hommes, sous l'égide des religions, il dit:  "Aucune finalité religieuse ne permet de justifier la pratique de la violence de l'homme sur l'homme".

Concernant les religions elles-mêmes, il dit:  "Au nom de Dieu, chaque religion doit porter sur terre, justice et paix, pardon et vie, amour".

Pourquoi, la justice? Le Pape répond:  "parce que la justice humaine est exposée à la fragilité et aux limites des égoïsmes individuels et de groupe"!

Faisant appel à la conscience du monde entier, le Pape conclut:  "Jamais plus la violence. Jamais plus la guerre! Jamais plus le terrorisme!".

C'est la prière que nous élevons au Seigneur pour demander un miracle aussi grand que les miracles dont parle l'Évangile, la paix dans le monde, la paix en Terre Sainte!

Je suis certain que Jésus, devant les morts qui s'accumulent, interviendra, et, comme il a dit à la tempête:  "Calme-toi!", il répètera:  Que les armes se taisent! Que dans le monde entier vienne la paix!

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