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INTERVENTION DE S.EXC. MGR SGRECCIA, 
VICE PRÉSIDENT DE L'ACADÉMIE PONTIFICALE POUR LA VIE, 
À PROPOS DE LA RÉSOLUTION DU PARLEMENT EUROPÉEN
 
SUR "LA SANTÉ ET LES DROITS SEXUELS ET GÉNÉSIQUES"

Un document emblématique à tendance radicale et amorale


La Résolution du Parlement européen "sur la santé et les droits sexuels et génésiques", approuvée le 3 juillet 2002 avec 280 votes pour, 240 contre et 28 abstentions, a déjà suscité des réactions à chaud dans la presse à travers des commentaires différents et parfois trop hâtifs. Certains ont parlé d'"assemblée divisée en deux". En effet, si en vertu d'un écart non négligeable des voix, a prévalu l'adoption du texte parlementaire, on enregistre toutefois une expression consistante, et il semblerait même accrue, de voix contraires, qu'il faut vivement encourager en vue d'une utilisation adéquate du texte dans les politiques qui en découlent.

Le texte était issu du Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes qui agit au sein du même Parlement. Cette provenance caractérise de façon revendicative et unilatérale le texte lui-même qui, dans le débat final, n'a reçu que peu de modifications, de surcroît peu significatives.


La première remarque concerne la nature juridique du texte approuvé.

Certains commentateurs de la radio et de la presse ont déjà observé qu'il ne s'agit pas d'un texte ayant un caractère obligatoire pour les Parlements nationaux et cela est désormais acquis; toutefois, nous considérons qu'une Résolution du Parlement européen n'est pas un simple message qui exprime la conviction d'un groupe, mais qu'il représente un fait culturel et politique sérieux; en effet, celui-ci provient d'un Parlement élu directement par les citoyens européens et exprime une volonté de direction, n'ayant certes pas une valeur d'obligation, ni, souhaitons-le, irréformable, mais qui a une valeur d'orientation. C'est pourquoi, un tel document, en vertu de la source dont il provient, doit susciter l'inquiétude, en particulier lorsqu'on en considère les contenus.

Les contenus ne sont pas seulement à caractère technique, ni d'ordre économique et financier, ni même seulement politiques; ils sont également et je dirais même surtout, d'ordre moral car ce Document entend favoriser, et entend voir mis en oeuvre des comportements qui concernent l'éthique personnelle, la famille, la survie même et le droit à la vie des nouveau-nés.

Lorsque nous parlons d'éthique, nous ne voulons pas en limiter la signification à la morale catholique et religieuse - qui a aussi le droit d'être respectée dans une véritable démocratie - mais nous parlons d'éthique naturelle, d'éthique "tout court" [ndlr:  en français dans le texte]. Sous prétexte d'uniformiser les lois nationales, on risque d'imposer une éthique conforme au radicalisme politique et au nihilisme éthique soutenus par la majorité qui prévaut actuellement. Mais l'Etat éthique semblait désormais dépassé et sa réapparition devrait inquiéter les véritables démocrates de toute l'Europe. A juste titre, au sein de certains Etats qui conservent dans leurs lois une fidélité aux valeurs offensées par cette Résolution, se sont élevées des voix mettant en doute l'opportunité d'adhérer de façon définitive à une Europe qui menace d'imposer "sa" conception morale de la vie et des relations entre les hommes et les femmes.

Il n'en demeure pas moins, et personne ne peut l'ignorer, que ce texte ne considère absolument pas le droit à la vie et exalte de façon unilatérale, et même exclusivement, le droit de la femme à avorter sans limites de loi. Si mes souvenirs sont bons, pas même dans les lois sur l'avortement approuvés dans les divers Etats, le caractère insignifiant des droits du nouveau-né n'avait atteint un tel nihilisme.

En effet, le droit de la femme à porter à terme la grossesse, ne s'appuie que sur la volonté de la femme elle-même. Le texte de la Résolution, à l'article 12, "recommande, pour protéger la santé et les droits génésiques des femmes, que l'avortement soit légalisé, sûr et accessible à tous". Et l'article 13 ajoute:  "[le parlement européen] appelle les gouvernements des Etats-membres et des pays candidats à l'adhésion à s'abstenir dans tous les cas de poursuivre en justice des femmes qui se seraient fait avorter illégalement".

On demande donc la dépénalisation totale de toute illégalité en matière d'avortement:  cela veut dire que l'avortement doit être légal, ou tout au moins dépénalisé, quelle que soit le moment de la grossesse auquel il est effectué et le motif eugénique ou social pour lequel il est accompli, clandestinement ou pas. Et ce en excluant totalement les droits du père.

Face à ces affirmations, les invitations contenues dans les articles précédents sont vidées de tout leur contenu, même si, dans un contexte de droit à la vie du nouveau-né, elles auraient eu un certain poids, comme l'article 9, où il est recommandé de "mettre en oeuvre une politique sanitaire et sociale permettant une inflexion du recours à l'avortement", et les énoncés des articles 10 et 11 relatifs à la nécessité de l'information et d'une consultation.

Toutes ces précautions atténuent à peine les affirmations draconiennes des articles 12 et 13 que nous venons de présenter. En ce qui concerne ce que l'on appelle la "santé génésique et sexuelle" et l'éducation des adolescents, nous nous trouvons également face à certaines affirmations positives sur la nécessité d'une éducation sexuelle devant être proposée de façon différenciée, selon l'âge et la sensibilité sexuelle des garçons et des filles, et sur le caractère "holistique et positif, prenant en considération les aspects psychosociaux et biomédicaux de la question et se fondant sur le respect mutuel et le sens des responsabilités" (art. 17).

Toutefois, ces affirmations se placent dans le cadre d'une politique d'orientation générale selon laquelle les gouvernements doivent s'engager à favoriser "une information globale quant aux méthodes effectives et responsables de régulation des naissances, en garantissant un accès égal pour tous à toutes les formes de moyens contraceptifs de qualité et aux méthodes de connaissance de la fécondité" (art. 2). Il n'existe aucune réserve, ni médicale, ni morale, ni d'âge, sur l'accès à ces méthodes, qui sont dites "de qualité". Le jugement sur l'accès indiscriminé à ces moyens est aggravé par l'article 6, qui demande aux gouvernements de promouvoir la contraception d'urgence, en faisant en sorte que ces médicaments soient vendus sans prescription, et à des prix abordables, à titre de pratique standard dans le cadre de l'assistance sanitaire, sexuelle et génésique. On sait que, si l'on veut être objectifs et sincères, la soi-disant "contraception d'urgence" est par nature abortive, car son mécanisme d'action implique, entre autre effet, qu'en cas de fécondation de l'ovule, l'embryon qui vient d'être conçu est expulsé du fait de l'impossibilité de s'implanter dans la paroi utérine.

Il est paradoxal que cette pillule soit appelée "médicale", sans doute est-ce du fait de la nécessité de la vendre en pharmacie.

L'article 7 a un goût de provocation, lorsqu'il invoque l'égalité des femmes et des hommes en ce qui concerne la nécessité d'"encourager la recherche scientifique dans le domaine de la contraception destinée aux hommes", alors que la participation des hommes n'est pas prise en compte lorsqu'il s'agit de la décision d'avorter! La méthode de promotion de la contraception est également alarmante.

La Directive "invite les gouvernements des Etats membres [...] à recourir à diverses méthodes pour s'adresser aux jeunes:  enseignement formel et informel, campagnes de publicité, vente subventionnée de préservatifs, ligne d'assistance téléphonique confidentielle..." (art. 18). On se demande comment on peut maintenir dans ces conditions la gradualité et le respect des diverses sensibilités, le caractère holistique et positif, etc. dont il est question dans les articles 16 et 17!

On comprend bien que certains articles ont été rédigés pour répondre à certaines demandes et d'autres pour éliminer toute limite et tout rappel aux valeurs.

Nous nous dispenserons ici d'analyser les formules de "santé génésique" (qui comporte le droit à l'avortement) et de droit "sexuel et génésique", qui ne font aucune différence de terminologie entre la procréation humaine et la reproduction animale. Tout cela en l'absence de concepts et de termes tels que le droit à la vie du nouveau-né, la paternité et la maternité et le concept d'enfant qui est propre à l'individu humain conçu.

Certes, il n'est pas toujours nécessaire de rappeler ce que dit l'Eglise dans "Humanae vitae" en ce qui concerne la contraception, qui demeure une offense à la dignité du mariage et des époux, et nous ne nous arrêterons pas pour rappeler les nombreux documents, parmi lesquels l'Encyclique "Evangelium vitae", relatifs à l'avortement, qui demeure un "délit" et ne pourra jamais s'ériger en "droit" et cela vaut non seulement pour les croyants, mais également pour toute conscience éclairée par la juste raison. Il nous semble pouvoir conclure que ce document sera cité à l'avenir comme étant emblématique d'une tendance radicale et amorale de certains secteurs d'une Europe qui vieillit dans sa composition démographique et dans ses contenus civils.

S.Exc. Mgr Elio SGRECCIA
Evêque titulaire de Zama mineur Vice-Président de l'Académie pontificale pour la Vie

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