Le titre de mon intervention, " De la tolérance au respect mutuel : pour un humanisme plénier ", introduit un déplacement significatif de la chronologie à lÂéthique. Je voudrais lÂhonorer en partant de lÂanthropologie et, après avoir parcouru brièvement lÂhistoire, conjoindre la foi et la raison, fides et ratio, pour un nouvel humanisme plénier au seuil du nouveau millénaire, qui soit empreint de vérité et dÂamour.
Pour éclairer mon propos, je partirai de la remarque pertinente du regretté philosophe, maître et ami, Étienne Borne : " le terme de tolérance, pris en son sens propre, est inadéquat à la grande idée quÂon prétend lui faire exprimer. En effet, tolérer une différence dÂêtre et de la pensée, cÂest la tenir en quelque sorte à distance avec une note de condescendance et dÂindulgence. Le respect dÂautrui et de sa liberté demande plus et autre chose " (" La tolérance est-elle une vertu ? ", La Croix 12 décembre 1980).
Pour ce qui concerne les chrétiens, dans le cadre de la préparation à célébrer authentiquement le Grand Jubilé de lÂan 2000, le Saint-Père nous invite à réfléchir à un chapitre douloureux sur lequel les fils de lÂÉglise ne peuvent pas ne pas revenir en esprit de repentir: le consentement donné, surtout en certains siècles, à des méthodes dÂintolérance - consensio data rationibus intolerantiae - et même de violence dans le service de la vérité.
Les chrétiens écoutent " la sagesse qui vient de Dieu et qui est tolérance ", nous dit saint Jacques (Jc 3 17), repris dans la Liturgie des Heures aux deuxièmes vêpres des Docteurs de lÂÉglise. QuÂen est-il dans la pratique quotidienne, alors que pour Voltaire " les chrétiens sont les plus intolérants des hommes " ? " Si vous voulez ressembler à Jésus-Christ, soyez martyrs, et non pas bourreaux " (Traité sur la tolérance 14) ? Et de conclure : " Si vous voulez quÂon tolère ici votre doctrine, commencez par nÂêtre ni intolérants, ni intolérables " (Traité sur la tolérance 19).
Quant à la doctrine, la récente encyclique Fides et ratio réaffirme à la fois la valeur de la raison et de la foi au Christ qui seul révèle lÂhomme à lÂhomme. Ni la foi sans la raison, ni la raison sans la foi : la foi et la raison sont comme les deux ailes qui permettent à lÂesprit humain de sÂélever vers la contemplation de la vérité. LÂÉglise a conscience dÂêtre dépositaire dÂun message qui a son origine en Dieu même (cf. 2Co 4,1-2). Dans le Mystère pascal, elle a reçu le don de la vérité ultime sur lÂhomme. Elle ne se lasse pas dÂannoncer que Jésus Christ est " le Chemin, la Vérité et la Vie " (Jn 14,6). CÂest pour elle un service authentique rendu à lÂhumanité : la diaconie de la vérité. DÂoù la question du philosophe Étienne Borne : " sÂil y a une tolérance suspecte, pourquoi nÂy aurait-il pas une intolérance valable ? Une religion qui annonce la vérité et prêche le bien peut-elle composer avec lÂerreur et tolérer le mal ? Bossuet ne craignait pas dÂavancer que la tolérance est un poison qui introduit dans les sociétés la confusion de Babel et lÂindifférence des religions ".
Sans conteste, notre culture est marquée par un subjectivisme épistémologique. Dans le domaine philosophique, la postérité de Kant en sa modernité ne connaît plus les choses en soi mais comme elles sont pour moi. Le relativisme entraîné par le doute systématique et le soupçon généralisé sÂexprime dans le principe de la vérificabilité de Karl Popper . Par principe, toute hypothèse peut sÂavérer inexacte : dès lors le concept de tolérance ne repose plus sur le respect de la personne, mais sur la conviction que tout se vaut puisque rien nÂest plus vérité absolue. Dans ce contexte culturel, il était inévitable que le débat capital du Concile Vatican II sur la liberté religieuse soit entaché de passions antagonistes entre lÂindifférentisme et le dogmatisme. La déclaration conciliaire Dignitatis humanæ affirme à la fois le devoir de rechercher la vérité, de lÂembrasser et de lui être fidèles, et le droit à la liberté religieuse, à savoir : nul ne peut être contraint de croire, ni empêché de croire. A trente ans de distance, le vÂu si clairement exprimé du Concile est encore loin dÂavoir été entendu et compris. Appelé à surmonter lÂantinomie ruineuse entre la liberté et la vérité, le chrétien entend conjoindre lÂune et lÂautre, tant il est vrai que, selon la promesse de Jésus, " la liberté vous rendra libres " (Jn 8 32). Alors la tolérance ne suffit plus, elle postule le respect des personnes. Ce respect implique la diaconie de la vérité.
I. Disons-le dÂemblée : les principes anthropologiques fondamentaux sont ceux de la vérité et de la liberté indissolublement unis en un lien réciproque intrinsèque. Quelle est à cet égard la situation de la culture moderne ? Les diagnostics abondent : sécularisme, indifférence, crise de la vie et de la morale, pseudo-démocratie, éclipse du sens de Dieu et du sens de lÂhomme. CÂétait le thème du Congrès international organisé pour le 30e anniversaire de la promulgation de la Déclaration conciliaire Dignitatis humanæ, du 5 au 7 décembre 1995, par le Conseil pontifical de la Culture et lÂAthénée pontifical Regina apostolorum, et dont les Actes viennent dÂêtre publiés par The Becket Fund for Religions Liberty à la Librairie éditrice Vaticane.
Pour le dire dÂun mot, si le Concile Vatican II (cf. Lumen gentium 36) reconnaît les valeurs de la dimension séculière, il en relève en même temps les limites. Innombrables sont les études qui soulignent la dérive historique de la sécularisation au sécularisme et le passage de lÂindifférence à lÂindifférentisme qui, non seulement ne se décide pour aucune forme religieuse, mais attribue à toutes la même valeur. Or, comme lÂa bien vu Romano Guardini dès 1950 dans son livre classique La fin des temps modernes : " sans élément religieux, la vie devient comme un moteur qui nÂa plus dÂhuile: il chauffe. A tout instant, telle ou telle pièce brûleÂ
Le centre et les attaches se rompent. LÂexistence se désorganise " (Seuil, Paris 1953, p. 111). Il ne saurait y avoir dÂindifférence absolue : lÂindifférence à certaines valeurs porte à reconnaître dÂautres valeurs. Les valeurs religieuses et transcendantes sont remplacées par des valeurs terrestres et immanentes. Pascal déjà le soulignait: " sÂil se trouve des hommes indifférents à la perte de leur être et au péril dÂune éternité de misère, cela nÂest point naturel. Ils sont tout autres à lÂégard de toutes autres choses... CÂest une chose monstrueuse de voir dans un même cÂur et en même temps cette sensibilité pour les moindres choses et cette étrange insensibilité pour les plus grandes ". Propos prémonitoire ? LÂindifférence religieuse recèle un aspect psychologique contradictoire (C.G. Jung, Psychologische Typen, Zürich 1950, 260) : qui dit " religieux " dit " très significatif et intéressant singulièrement tout lÂhomme ". La justification rationnelle est remplacée par une indifférence apathique, une " crampe de la foi " comme lÂappelle Jung (C.G. Jung, Untersuchungen zur Symbolgeschichte, Zürich 1951, 241), nous pourrions dire une " tolérance molle ", aux antipodes de la foi chrétienne. Guardini lÂa bien perçu : " Depuis le début des temps modernes, une culture non chrétienne sÂélabore " (ibid.).
La culture moderne anthropocentrique qui pose lÂhomme comme mesure de toute chose transforme le défi du sécularisme en défi anthropologique. LÂéclipse du sens de Dieu obscurcit lÂhomme et son éthique. CÂest la question incontournable du vieux capitaine des Démons de Dostoievsky : " Si Dieu nÂexiste pas, que signifie mon grade de capitaine ? " (Dostoievsky, Les démons, Paris 1955, 239). Une nouvelle conception de la démocratie et de la liberté intervient au premier plan en cette crise morale. Par la mystification des mots, on ne parle plus de la vérité mais des vérités (Cf. mon ouvrage Cercare la verità nella cultura contemporanea, Roma 1994, 15-16).
La toute récente session des Semaines Sociales de France du 20 au 22 novembre lÂa cruellement souligné par la voix de son président, Jean Boissonnat : " Jamais la démocratie nÂa été aussi répandue. Nulle part elle nÂest contestée. Partout elle est anémiée. Lorsque la politique se veut religion, elle déconsidère à la fois la religion et la politique. Les peuples ont la gueule de bois, après une ivresse qui sÂest achevée dans une bacchanale tragique ". CÂest que la société de tolérance tolère tout, sauf lÂabsolu de la vérité, et quÂà force de relativiser lÂabsolu, lÂhomme est ainsi fait quÂil finit par absolutiser le relatif et sacraliser la dictature de lÂarbitraire. Bien loin, comme il le croit, dÂavoir conquis la liberté, " lÂhomme moderne fuit la liberté pour se comporter avec conformisme " (Jean-Paul II, " Discours au IXe symposium de la CCEE "). La vraie liberté est liberté pour la vérité, le bien et lÂamour.
Désancrée de la vérité, la liberté nÂaccomplit plus lÂhomme car elle est pure " liberté de ", sans finalité, et non plus " liberté pour ", cÂest-à-dire liberté de lÂaccomplissement de soi. Tel est lÂenjeu du thème de la tolérance : que devient lÂhomme sans lÂouverture à lÂAbsolu ? CÂest le drame de lÂhumanisme athée : " il nÂest pas vrai que lÂhomme ne puisse organiser la terre sans Dieu. Ce qui est vrai cÂest que, sans Dieu, il ne peut en fin de compte que lÂorganiser contre lÂhomme. LÂhumanisme exclusif est un humanisme inhumain " (H. de Lubac, cité dans Populorum progressio n°42).
Comment concevoir alors la liberté ? La quête de la liberté, signe des temps du monde contemporain, a sa racine première dans lÂhéritage du christianisme. " En réalité, le mystère de lÂhomme ne sÂéclaire vraiment que dans le mystère du Verbe incarné " (Gaudium et spes 22). La vraie liberté ne se trouve quÂen Jésus-Christ. Il nous partage son Esprit de liberté des enfants de Dieu par sa Croix glorieuse : " CÂest pour la liberté que le Christ nous a libérés " (Ga 5 1). En Lui, nous communions à " la vérité qui nous rend libres " (Jn 8,32). LÂEsprit Saint nous a été donné et " là où est lÂEsprit, là est la liberté " (2Co 3,17). Dès maintenant, nous nous glorifions de la " liberté des enfants de Dieu " (Rm 8,21). Salut et vraie liberté nous sont communiqués par la grâce qui ne se pose nullement en concurrente de notre liberté, quand celle-ci correspond au sens de la vérité et du bien que Dieu a placé dans le cÂur de lÂhomme.
Dès lors, plus de conflit entre la liberté et la vérité. Le pouvoir de décider du bien et du mal nÂappartient pas à lÂhomme, mais à Dieu seul. LÂhomme est libre, du fait quÂil peut comprendre et recevoir les commandements de Dieu. Dans cette acceptation, la liberté humaine trouve sa réalisation plénière. LÂhomme possède en lui-même sa loi reçue du Créateur. LÂautonomie de la raison ne peut signifier la création des valeurs et des normes morales par la raison elle-même. La liberté de lÂhomme et la Loi de Dieu se rejoignent et sont appelées à sÂinterpénétrer. LÂobéissance à Dieu nÂest pas une hétéronomie, comme si la vie morale était soumise à la volonté dÂune toute-puissance extérieure à lÂhomme et contraire à lÂaffirmation de sa liberté, mais une théonomie participée par obéissance libre de la raison et de la volonté humaines à la sagesse de Dieu. " CÂest pour que nous restions libres que le Christ nous a libérés " (Ga 5 1). Seule la liberté qui se soumet à la Vérité conduit la personne humaine à son vrai bien. La question de Pilate : " quÂest-ce que la vérité ? ", jaillit aujourdÂhui de la perplexité désolée dÂun homme qui ne sait plus qui il est, dÂoù il vient ni où il va.
Dès lors, le respect de lÂhomme demande à lÂÉglise une pédagogie respectueuse pour former une conscience qui conduit à des décisions selon la vérité : " Ne vous modelez pas sur le monde présent, mais que le renouvellement de votre jugement vous transforme et vous fasse discerner la volonté de Dieu, ce qui est bon, ce qui lui plaît, ce qui est parfait " (Rm 12 2). La condition de la liberté authentique est de reconnaître la vérité : " Vous connaîtrez la vérité et la vérité vous libérera " (Jn 8 32). Il en est ainsi de Jésus devant Pilate: " Je ne suis né et je ne suis venu dans le monde, que pour rendre témoignage à la vérité " (Jn 18 37). Jésus révèle, par sa vie même et non seulement par ses paroles, que la liberté sÂaccomplit dans lÂamour, cÂest-à-dire dans le don de soi. Jésus est la synthèse vivante et personnelle de la liberté parfaite dans lÂobéissance totale à la volonté de Dieu.
CÂest toujours librement que lÂhomme se tourne vers le bien. La vraie liberté est en lÂhomme un signe privilégié de lÂimage divine. La dignité de lÂhomme exige donc de lui quÂil agisse selon un choix conscient et libre. Ce nÂest toutefois que par le secours de la grâce divine que la liberté humaine, blessée par le péché, peut sÂordonner à Dieu dÂune manière intégrale. Nous voyons sÂouvrir devant nous la trilogie fondamentale, image trinitaire : liberté, vérité, amour. Soljénitsyne décrit en lettres de feu le caractère illusoire des libertés qui ne sont pas fondées sur la responsabilité : la liberté, qui se déploie dans la vérité, se rabougrit et sÂatrophie quand elle se réduit à la tolérance.
II. La tolérance. QuÂest-ce donc que la tolérance au double regard de la raison et de la foi ? Nos bibliothèques débordent de volumes sur les phases historiques de son apparition, son évolution conflictuelle et la plasticité même de son concept, dont témoignent les dictionnaires, à commencer par le classique Vocabulaire technique et critique de la philosophie de Lalande. Je le confesse : en préparant cet exposé, jÂai dû renoncer à en reprendre la substance, de la classique Histoire de la tolérance au siècle de la réforme de Joseph Leclerc (2 tomes, Paris, Aubier, 1955) à lÂEssai dÂanthologie publié par lÂUNESCO en 1975 et réédité en 1993. Je me permets de vous recommander lÂarticle clair et bref Tolérance religieuse que jÂavais demandé à Étienne Borne pour le Dictionnaire des Religions (3e édition, PUF, Paris 1993, p. 2030-2032).
Pour notre philosophe, la tolérance apparaît toujours comme une mise en question tardive, difficultueuse, parfois fugitive, des intolérances toujours recommencées. Voltaire, avec les Lumières, à la source de notre idée moderne de la tolérance, pensait que la rationalité philosophique viendrait à bout du monstre de lÂintolérance par une lutte assidue contre les religions établies. Mais, comme le montre lÂhistoire, un scepticisme moral et métaphysique crée un climat aussi favorable pour les procédures de lÂintolérance que le dogmatisme dÂune vérité exclusivement sociale et politique. Ni lÂesprit ni lÂaction ne sauraient se passer de vérité, et plus cette vérité est flexible et pragmatique, plus la liberté, elle aussi sans vérité, se trouve exposée aux vertiges suicidaires et plus seront grandes les chances de lÂintolérance.
Historiquement, cÂest lÂéclatement de la chrétienté médiévale qui a posé le problème alors tout nouveau du pluralisme religieux dans lÂÉtat et la chrétienté. De lÂédit de Nantes aux droits de lÂhomme, de la tolérance intolérante aux totalitarismes nazi et communiste, des guerres de religion aux épurations sanglantes et aux exclusions mortelles, sÂaffirme la prise de conscience en son temps prophétique, du prince de Transylvanie, Étienne Bathory, catholique fervent, dont le règne de 1576 à 1586 sera lÂun des plus glorieux de la Pologne : " Je suis roi des peuples et non des consciences ".
La tolérance ne saurait donc aller sans une séparation du politique et du religieux, et non se transformer en une usurpation et identification de lÂun à lÂautre. Amputée de sa dimension transcendante, la religion des philosophes dite naturelle ou déisme tolère tout, sauf la possibilité de la révélation.
On comprend dès lors que lÂÉglise se soit opposée à des conceptions incompatibles avec le message quÂelle a la mission de transmettre. Si longtemps elle a refusé de parler comme elle le fait aujourdÂhui de liberté de conscience et de tolérance, cÂest parce que ce droit semblait indissociable du contexte philosophique antichrétien dans lequel il était revendiqué.
De nos jours, la Déclaration des droits de lÂhomme de 1948 affirme la transcendance de la personne par rapport à lÂautorité politique. Cette conviction a entraîné lÂadhésion de lÂÉglise catholique, comme le rappelle Jean-Paul II en ce 50e anniversaire, dans son Message du 1er janvier 1999 pour la célébration de la Journée mondiale de la paix. Mais le consensus est de nouveau en crise, car les tentatives de légitimation juridique de lÂavortement et de lÂeuthanasie, ont abouti à mettre en cause la reconnaissance universelle de la transcendance absolue du sujet humain. La démocratie ne peut pas vivre sans une idée de lÂhomme qui lui sert de référence et de point dÂappui. LorsquÂelle fait défaut, la vie sociale tend en conséquence à reposer sur des compromis, non entre des opinions contingentes, mais entre des conceptions divergentes de la nature de lÂhomme : comme si les fondements mêmes de lÂanthropologie étaient matière à opinion. En cette crise dÂordre culturel, à défaut dÂunanimité, cÂest lÂopinion de la majorité qui lÂemporte et devient la mesure du bien et du vrai. Le Pape Jean-Paul II en prend acte et significativement remplace lÂexpression désormais gauchie des droits de lÂhomme par celle du respect des droits humains quÂil énumère : respect de la dignité humaine, patrimoine de lÂhumanité, universalité et indivisibilité des droits humains, le droit fondamental à la vie, à la liberté religieuse, cÂur des droits humains, le droit de participer, le droit dÂexister en tant que tels des groupes ethniques et des minorités nationales, le droit à lÂépanouissement dans la solidarité et la responsabilité vis à vis de lÂenvironnement, le droit à la paix fondé sur une culture des droits humains, qui est la responsabilité de tous. Et Jean-Paul II de conclure son Message en invitant à partager lÂamour de Dieu, Père pour tous les hommes. CÂest en lui que réside le secret du respect des droits de toute femme et de tout homme.
La tolérance est-elle une vertu ? A la question posée, Étienne Borne répond : " les effigies des vertus sont à bon droit inscrites au porche des cathédrales et aux chapiteaux des cloîtres. Car une vertu requiert une architecture et ne tient que par le religieux et métaphysique. Et il faut une haute idée de lÂhomme pour fonder ce respect fraternel dÂautrui dans sa différence qui, mieux quÂune médiocre et équivoque tolérance, méritera le beau nom de vertuÂ
La tolérance voltairienne nÂest cependant pas sans un concours de vertu. Qui touche à un fragment de la vérité est implicitement riche de toutes les vérités de ce monde et de lÂautre ".
JusquÂici portés par lÂaile de la raison, élevons-nous maintenant par lÂaile de la foi vers la contemplation de la vérité.
La tolérance de Dieu : Dieu a créé lÂhomme à son image et lÂa destiné à " être parfait comme son Père du ciel " (Mt 5 48). LÂattitude du Père présentée dans la Bible, qui est fondamentale pour notre anthropologie, nous montre un Dieu qui, en notre langage anthropomorphique, apparaît tolérant. Ainsi, le premier assassinat de lÂhistoire des hommes, celui dÂAbel par son frère Caïn, nous révèle-t-il un Dieu qui nÂexige pas mort du coupable, mais au contraire le protège par le fameux " signe de Caïn " (Gn 4 15). La loi de Moïse nÂest pas imposée à Israël, mais proposée comme un pacte dÂalliance à choisir en toute liberté. Nombreux sont les textes scripturaires qui expriment la patience bienveillante de Dieu qui fait paraître son soleil sur les bons et sur les méchants. Le bréviaire nous les a rendus familiers : " Dieu miséricordieux et compatissant, lent à la colère, riche en bonté et en fidélité " (Ex 34 6), " miséricordieux et compatissant, lent à la colère et plein de bonté " (Ps 144 8), " bon et vrai, lent à la colère et gouvernant lÂunivers avec miséricorde " (Sg 15 1), " miséricordieux et clément " (2Esdr 9 17). Les livres sapientiaux exigent de lÂhomme lÂimitation de Dieu (Pr 15 18, 16 32, 31 26), créateur de la liberté des hommes.
La tolérance de Jésus-Christ : Jésus était-il tolérant ? Les prophètes de lÂAncien Testament décrivent le Messie à venir comme un roi de justice qui " présentera aux nations le droit ", mais dÂune manière nouvelle : " Il ne crie pas, il nÂélève pas le ton, il ne fait pas entendre sa voix dans la rue; il ne brise pas le roseau froissé, il nÂéteint pas la mèche qui faiblit ". Sa persévérance est admirable : " il ne faiblira ni ne cédera jusquÂà ce quÂil établisse le droit sur la terre " (Is 42 2ss). En réalité, Jésus-Christ a été bien plus loin que la tolérance de lÂivraie qui croît avec le bon grain. Il ne sÂest pas contenté de ne pas condamner, il a refusé de juger : " je ne suis pas venu pour juger le monde ". Il a condamné le mal et le péché, non les hommes pécheurs, lÂadultère, mais non la femme adultère, et il propose le pardon, le pardon total qui est la rémission du péché. Le Christ ne se présente pas comme celui qui détruit les méchants, mais au contraire comme " le Fils de lÂhomme qui est venu sauver ce qui était perdu " (Mt 18 11). Il nÂa pas simplement toléré le mal qui le frappait lui-même, il a accepté de boire la coupe jusquÂau bout : " Moi je nÂai pas résisté, je ne me suis pas dérobé. JÂai tendu le dos à ceux qui me frappaient et les joues à ceux qui mÂarrachaient la barbe; je nÂai pas soustrait ma face aux outrages et aux crachats " (Is 50 5-6). Il conseille à ses disciples et exige dÂeux la même attitude pendant sa Passion : " Rengaine ton glaive; car tous ceux qui prennent le glaive périront par le glaive. Penses-tu donc que je ne puisse faire appel à mon Père, qui me fournirait sur-le-champ plus de douze légions dÂanges? Comment alors sÂaccompliraient les Écritures dÂaprès lesquelles il doit en être ainsi? " (Mt 26 53-54). Les seuls envers qui il sÂest montré très sévère, ce sont les orgueilleux, enfermés dans lÂassurance de leur propre justice et le mépris des autres. Jésus a recommandé à ses disciples une attitude de vraie tolérance envers les personnes : "Ne jugez point, et vous ne serez point jugés; ne condamnez point, et vous ne serez point condamnés; absolvez, et vous serez absous. On vous mesurera avec la mesure dont vous vous serez servis " (Lc 6, 37-38). Outre la parabole de la paille et de la poutre, nÂoublions pas la vive apostrophe de saint Jacques : " Qui es-tu pour juger ton prochain ? " (Jc 4 2). Dans lÂÉvangile et tout le Nouveau Testament, notamment les lettres de saint Paul, lÂappel fondamental est, non seulement le respect de lÂautre, mais lÂamour du prochain.
Toutefois, Jésus-Christ ne supporte pas certains actes. Il ne tolère pas les erreurs morales et réprouve la dispute des disciples : " qui est le plus grand ? " (Mc 9 33), lÂastuce homicide dÂHérode (Lc 13 32) ou le comportement de Simon le Pharisien (Lc 7 44ss). Mais Jésus préfère dénoncer en privé un acte mauvais : " Si ton frère vient à pécher, va le trouver et reprends-le, seul à seul. SÂil tÂécoute, tu auras gagné ton frère " (Mt 18 15). En une seule occasion, Jésus semble faire preuve dÂintolérance violente : lorsquÂil chasse les vendeurs du temple. Ce geste fit une grande impression sur les disciples qui lÂinterprètent à la lumière de lÂÉcriture : " Le zèle pour ta maison me dévorera " (Jn 2 17, Ps 69 10). La zèle est un zèle jaloux, à lÂimage de Dieu Lui-même, " Dieu jaloux " (Dt 4 24, 5 9, 6 15 ; Ex 20 5, 34 14 ; Jos 24 19 ; Na 1 2). Ainsi, à lÂimitation de Dieu, lÂintolérance et la violence ne sont pas intrinsèquement mauvaises. Enfin, si Jésus est bon pour le pécheur repenti, il précise toujours : " va et ne pèche plus " (Jn 8 11). En définitive, il est nécessaire de cultiver en nous lÂesprit même de Jésus : " Montrez-vous compatissants, comme votre Père est compatissant " (Lc 6 36), et en même temps son attitude de zèle pour le Père. La loi de la correction fraternelle explicite que la tolérance ne saurait être passivité ni indifférence.
A la lumière de lÂévangile et de son radicalisme : " que votre oui soit oui, que votre non soit non ", quÂen est-il de la tolérance de lÂÉglise de Jésus-Christ ? LÂÉglise primitive nous fournit lÂexemple de saint Pierre et saint Paul. Leur prédication est caractérisée par la volonté dÂéviter la polémique. Si les paroles de saint Paul la suscitent, ce ne fut pas de son initiative. La Parole quÂil annonçait pouvait être exaspérante pour certaines oreilles, mais avec toutes les ressources de sa culture judaïque et hellénique, il tente de montrer combien lÂÉvangile du Christ nÂest pas contraire à la raison, sans éviter pour autant le mépris des grecs.
Périodiquement, lÂÉglise, de lÂencyclopédie à la presse quotidienne, est accusée dÂintolérance. Courageusement, le Saint-Père a rouvert le dossier de lÂinquisition. Comme historien et sans mÂaventurer à prévenir les jugements jubilaires, je voudrais rappeler la boutade récente de lÂhistorien protestant Pierre Chaunu, dont le témoignage ne saurait être suspecté : " jÂaurais bien préféré comparaître devant les tribunaux de lÂinquisition que devant ceux du roi ". Dans ce domaine, combien sage me paraît lÂattitude pluridisciplinaire du Saint-Père ! Le Magistère ecclésial ne peut sÂappuyer sur les images du passé véhiculées par la culture médiatique dominante, souvent chargées dÂune émotivité passionnelle dénuée d'épaisseur historique. LÂintégration des différentes connaissances dans une unité harmonieuse qui respecte lÂidentité et lÂautonomie de chaque discipline constitue lÂune des acquisitions les plus précieuses de la pensée contemporaine (Jean-Paul II, Discours aux participants du Symposium international sur lÂInquisition, 31 octobre 1998).
Il me paraît important de ne pas perdre de vue un principe herméneutique que le Saint-Père rappelle opportunément en son exhortation apostolique Tertio millenio adveniente : " la considération des circonstances atténuantes ne dispense pas lÂÉglise du devoir de regretter profondément les faiblesses de tant de ses fils qui ont défiguré son visage et lÂont empêchée de refléter pleinement lÂimage de son Seigneur crucifié, témoin insurpassable dÂamour patient et dÂhumble douceur " (Tertio millenio adveniente 35).
En définitive, les rapports sont-ils toujours conflictuels ? La foi serait-elle intolérante par nature ? Certains pensent quÂil y aurait une " prétention de supériorité " à considérer Jésus-Christ comme Sauveur et unique médiateur pour tous les hommes. Il sÂagit là dÂun problème de vérité. Le Concile, à cet égard, montre une tension entre " un genre humain de jour en jour plus étroitement uni et où les relations entre les divers peuples augmentent " (Nostra ætate 1) et lÂÉglise qui " ne rejette rien de ce qui est vrai et saint dans les religions ", mais nÂen affirme pas moins sa conviction de foi : " le Christ est la voie, la vérité et la vie, dans lequel les hommes doivent trouver la plénitude de la vie religieuse et dans lequel Dieu sÂest réconcilié toutes choses " (Nostra ætate 2). Tout dialogue du reste se nourrit du respect réciproque pour les convictions de ceux qui y participent et serait dénué dÂintérêt sans la persuasion dÂêtre dans la vérité. " Je crois quÂune doctrine puissante et jeune est par nature intolérante : une conviction qui commence par admettre la légitimité dÂune conviction adverse se condamne à nÂêtre pas agissante : elle est sans force, sans efficacité ", écrit Martin Du Gard (Jean Barois 2, Le semeur 3). Une véritable théologie des religions est indispensable à tout dialogue interreligieux, qui, pour le chrétien, précède et accompagne, mais ne saurait se substituer au témoignage de la vie, de la mort et de la résurrection de Jésus-Christ.
Faut-il enfin accuser les religions dÂintolérance ? Répondre à cette question avec objectivité dépasserait - et de loin ! - le cadre dÂun symposium ou dÂune encyclopédie. Aussi voudrais-je me limiter à une simple remarque. Sans oublier le lourd passif de violences et de guerres qui dénaturent aussi bien lÂesprit de lÂÉvangile que celui du Coran, je relève que dans la plupart des conflits qualifiés de religieux, ce sont les facteurs politiques, économiques, culturels et idéologiques qui sont les causes prédominantes de la tension et de la violence, plutôt que des antagonismes religieux. Le fondamentalisme lui-même nÂest pas un phénomène religieux, mais un mouvement de protestation séculier qui emprunte une forme religieuse. Protestation contre la pauvreté, la répression et la corruption, il ne se reconnaît pas dans le modèle dÂintégration proposé et valorise à lÂexcès ses différences, se repliant sur une communauté soudée par son adhésion à une religion conçue comme rigoriste.
Le Saint-Père le rappelle avec force dans sa dernière encyclique : croire en la possibilité de connaître une vérité universellement valable nÂest pas du tout une source dÂintolérance, mais la condition nécessaire pour un dialogue sincère et authentique entre les personnes, pour surmonter les divisions et parcourir ensemble le chemin qui mène à la vérité tout entière.
III. De la tolérance au respect mutuel pour un humanisme plénier. Chacun sait la boutade de Courteline : " SÂil fallait tolérer aux autres tout ce quÂon se permet à soi-même, la vie ne serait plus tenable ". Disons plus sérieusement aussi que, chacun le sait : il y a des actes et des situations intolérables. Le fameux principe négatif du moindre mal ne saurait se transformer en permission positive de faire le mal : sÂil est parfois licite de tolérer un moindre mal moral afin dÂéviter un mal plus grand ou de promouvoir un bien plus grand, il nÂest pas permis, même pour de très graves raisons, de faire le mal afin quÂil en résulte un bien (Rom 3 8). Le mal est toujours un mal.
CÂest bien clair : la tolérance a des limites en dehors desquelles elle devient intolérable au regard des honnêtes gens, comme en témoigne le droit / devoir dÂingérence. Le Concile Vatican II déclare intolérables un certains nombre dÂactes infâmes intrinsèquement mauvais : " tout ce qui s'oppose à la vie elle-même, comme toute espèce d'homicide, le génocide, l'avortement, l'euthanasie et même le suicide délibéré; tout ce qui constitue une violation de l'intégrité de la personne humaine, comme les mutilations, la torture physique ou morale, les contraintes psychologiques; tout ce qui est offense à la dignité de l'homme, comme les conditions de vie sous-humaines, les emprisonnements arbitraires, les déportations, l'esclavage, la prostitution, le commerce des femmes et des jeunes; ou encore les conditions de travail dégradantes qui réduisent les travailleurs au rang de purs instruments de rapport, sans égard pour leur personnalité libre et responsable: toutes ces pratiques et d'autres analogues sont, en vérité, infâmes. Tandis qu'elles corrompent la civilisation, elles déshonorent ceux qui s'y livrent plus encore que ceux qui les subissent et insultent gravement à l'honneur du Créateur " (Gaudium et spes 27).
Enraciner le spécifique et inestimable apport de lÂÉvangile dans les cÂurs et la société, vers un humanisme chrétien authentique et plénier, est lÂhorizon des travaux du Conseil pontifical de la Culture pour préparer utilement le Jubilé désormais tout proche. CÂest aussi le titre de cette conférence : " De la tolérance au respect mutuel : pour un nouvel humanisme plénier ". " LÂesprit du bien est mystérieusement à lÂÂuvre en tant de nos contemporains, même en certains de ceux qui ne se réclament dÂaucune religion, mais qui cherchent à accomplir honnêtement et avec courage leur vocation humaine " (Jean-Paul II, Discours au Conseil pontifical de la Culture, 18 janvier 1983, 11). Le programme est celui dÂune " nouvelle culture de la vie ", " fruit de la culture de la vérité et de lÂamour ", pour édifier une " authentique civilisation de la vérité et de lÂamour ". Les deux expressions civilisation et culture se font référence : lÂune manifeste lÂaspect rationnel et moral, lÂautre lÂaspect social et politique du même développement humain. La vérité et lÂamour sont à la fois la cause et la conséquence dÂune authentique civilisation - culture.
Ce tournant culturel crée un nouveau style de vie fondé sur la primauté de lÂêtre sur lÂavoir et de la personne sur les choses. La fin poursuivie est avant tout lÂamour. LÂexpression civilisation de lÂamour, qui se trouve pour la première fois dans la bouche de Paul VI pour la Pentecôte 1970, devint un mot dÂordre mobilisateur couronnant lÂAnnée Sainte 1975. " Une seule idée au fond est vraie et bonne, cÂest celle de lÂamour universel " (Paul VI, Message pour la Journée de la Paix 1970). Encore faut-il bien comprendre le sens du mot, car, comme le souligne Jean-Paul II qui reprend souvent lÂexpression (326 documents de Jean-Paul II emploient lÂexpression à la date du 31 décembre 1995) : " si cÂest la charité qui sauve, il faut aussi sauver la charité, cÂest-à-dire la réhabiliter, voir ce quÂelle implique au plan spirituel, la relier au grand Dessein dÂAmour de Dieu, à la Vie Trinitaire " (Discours à lÂAssemblée Plénière du Conseil pontifical Cor unum, 22 novembre 1982, 4). Vérité et amour vont de pair : lÂhomme ne peut vivre avec une vérité " froide ". Vérité et amour ne peuvent être séparés et cÂest en ce sens que le titre de mon intervention porte le respect mutuel pour un nouvel humanisme. Le Concile Vatican II nous en avertit : " lÂavenir est entre les mains de ceux qui auront su donner aux générations de demain des raisons de vivre et dÂespérer " (Gaudium et spes 31). LÂespérance est la foi en lÂamour.
Je conclus. Félicité de Lamennais (1782-1854) écrit dans son Essai sur lÂindifférence de 1817 : " Le siècle le plus malade nÂest pas celui qui se passionne pour lÂerreur, mais le siècle qui néglige, qui dédaigne la vérité " (F. de Lamennais, Essai sur lÂindifférence, Paris 18171, 3). Le problème central, crucial au sens étymologique, est bien celui de la vérité.
Le concile Vatican II (Dignitatis humanae 1) a énoncé une règle dÂaction dont nous nÂavons sans doute pas encore mesuré toute la portée : " à côté du double devoir pour tous les hommes de chercher la vérité et une fois connue de lÂembrasser et de lui être fidèles, le Concile déclare que la vérité ne sÂimpose que par la force de la vérité elle-même qui pénètre lÂesprit avec autant de douceur que de puissance ", riposte efficace aux tentations de se servir idéologiquement de la vérité, enjeu décisif pour le destin de la culture et de la civilisation chrétienne au seuil du troisième millénaire.
Mais que serait la vérité sans lÂamour ? Seul lÂamour sauve le monde et " au soir de la vie, nous serons jugés sur lÂamour ", a écrit saint Jean de la Croix (Maximes 80) et Saint François de Sales, en un raccourci saisissant : " une vérité qui nÂest pas charitable est une charité qui nÂest pas véritable ". Le respect mutuel dû aux personnes sÂenracine dans lÂamour et implique la diaconie de la vérité. Cette diaconie de la vérité fait participer la communauté des croyants à l'effort commun que l'humanité accomplit pour atteindre la vérité et elle l'oblige à prendre en charge l'annonce des certitudes révélées, tout en sachant que toute vérité atteinte n'est jamais qu'une étape vers la pleine vérité qui se manifestera dans la révélation ultime de Dieu. La vérité existe. LÂhomme la cherche par sa raison. Il est capable avec la grâce de lÂatteindre par la foi au Christ, chemin, vérité et vie. Elle nÂest plus un concept abstrait à rechercher mais une personne à aimer. De la tolérance au respect mutuel, lÂhomme mû par lÂamour de la vérité trouve son humanisme plénier dans la vérité de " lÂamour qui meut le ciel, la terre et les étoiles " (Dante).
Je voudrais terminer par une prière, vieille de plus de deux siècles, mais qui nÂa pas vieilli :
" Ce nÂest plus aux hommes que je mÂadresse,
cÂest à toi, Dieu de tous les êtres, de tous les mondes et de tous les temps.
SÂil est permis à de faibles créatures dÂoser te demander quelque chose,
à toi qui as tout donné,
daigne regarder en pitié les erreurs attachées à notre nature ;
fais que nous nous aidions mutuellement à supporter le fardeau dÂune vie pénible et passagère ;
que toutes ces petites nuances qui distinguent les atomes appelés hommes
ne soient pas des signaux de haine et de persécution.
Si les fléaux de la guerre sont inévitables,
ne nous haïssons pas, ne nous déchirons pas les uns les autres,
et employons l'instant de notre existence
à bénir également en mille langages divers ta bonté qui nous a donné cet instant. Amen."
Cette prière de Voltaire (Traité de la tolérance, 1763, cité dans La Tolérance, UNESCO 1975, n°198) est clin dÂÂil de lÂhistoire: elle est un appel à tous les hommes de bonne volonté à passer, avec lÂaide de Dieu, de la tolérance au respect mutuel pour un nouvel humanisme plénier.
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