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DE LA TOLÉRANCE AU RESPECT MUTUEL :
POUR UN NOUVEL HUMANISME PLÉNIER

Conférence au Centre Saint-Louis de France,
Rome, jeudi 17 décembre 1998.

Cardinal Paul POUPARD

Le titre de mon intervention, " De la tolérance au respect mutuel : pour un humanisme plénier ", introduit un déplacement significatif de la chronologie à l’éthique. Je voudrais l’honorer en partant de l’anthropologie et, après avoir parcouru brièvement l’histoire, conjoindre la foi et la raison, fides et ratio, pour un nouvel humanisme plénier au seuil du nouveau millénaire, qui soit empreint de vérité et d’amour.

Pour éclairer mon propos, je partirai de la remarque pertinente du regretté philosophe, maître et ami, Étienne Borne : " le terme de tolérance, pris en son sens propre, est inadéquat à la grande idée qu’on prétend lui faire exprimer. En effet, tolérer une différence d’être et de la pensée, c’est la tenir en quelque sorte à distance avec une note de condescendance et d’indulgence. Le respect d’autrui et de sa liberté demande plus et autre chose " (" La tolérance est-elle une vertu ? ", La Croix 12 décembre 1980).

Pour ce qui concerne les chrétiens, dans le cadre de la préparation à célébrer authentiquement le Grand Jubilé de l’an 2000, le Saint-Père nous invite à réfléchir à un chapitre douloureux sur lequel les fils de l’Église ne peuvent pas ne pas revenir en esprit de repentir: le consentement donné, surtout en certains siècles, à des méthodes d’intolérance - consensio data rationibus intolerantiae - et même de violence dans le service de la vérité.

Les chrétiens écoutent " la sagesse qui vient de Dieu et qui est tolérance ", nous dit saint Jacques (Jc 3 17), repris dans la Liturgie des Heures aux deuxièmes vêpres des Docteurs de l’Église. Qu’en est-il dans la pratique quotidienne, alors que pour Voltaire " les chrétiens sont les plus intolérants des hommes " ? " Si vous voulez ressembler à Jésus-Christ, soyez martyrs, et non pas bourreaux " (Traité sur la tolérance 14) ? Et de conclure : " Si vous voulez qu’on tolère ici votre doctrine, commencez par n’être ni intolérants, ni intolérables " (Traité sur la tolérance 19).

Quant à la doctrine, la récente encyclique Fides et ratio réaffirme à la fois la valeur de la raison et de la foi au Christ qui seul révèle l’homme à l’homme. Ni la foi sans la raison, ni la raison sans la foi : la foi et la raison sont comme les deux ailes qui permettent à l’esprit humain de s’élever vers la contemplation de la vérité. L’Église a conscience d’être dépositaire d’un message qui a son origine en Dieu même (cf. 2Co 4,1-2). Dans le Mystère pascal, elle a reçu le don de la vérité ultime sur l’homme. Elle ne se lasse pas d’annoncer que Jésus Christ est " le Chemin, la Vérité et la Vie " (Jn 14,6). C’est pour elle un service authentique rendu à l’humanité : la diaconie de la vérité. D’où la question du philosophe Étienne Borne : " s’il y a une tolérance suspecte, pourquoi n’y aurait-il pas une intolérance valable ? Une religion qui annonce la vérité et prêche le bien peut-elle composer avec l’erreur et tolérer le mal ? Bossuet ne craignait pas d’avancer que la tolérance est un poison qui introduit dans les sociétés la confusion de Babel et l’indifférence des religions ".

Sans conteste, notre culture est marquée par un subjectivisme épistémologique. Dans le domaine philosophique, la postérité de Kant en sa modernité ne connaît plus les choses en soi mais comme elles sont pour moi. Le relativisme entraîné par le doute systématique et le soupçon généralisé s’exprime dans le principe de la vérificabilité de Karl Popper . Par principe, toute hypothèse peut s’avérer inexacte : dès lors le concept de tolérance ne repose plus sur le respect de la personne, mais sur la conviction que tout se vaut puisque rien n’est plus vérité absolue. Dans ce contexte culturel, il était inévitable que le débat capital du Concile Vatican II sur la liberté religieuse soit entaché de passions antagonistes entre l’indifférentisme et le dogmatisme. La déclaration conciliaire Dignitatis humanæ affirme à la fois le devoir de rechercher la vérité, de l’embrasser et de lui être fidèles, et le droit à la liberté religieuse, à savoir : nul ne peut être contraint de croire, ni empêché de croire. A trente ans de distance, le vœu si clairement exprimé du Concile est encore loin d’avoir été entendu et compris. Appelé à surmonter l’antinomie ruineuse entre la liberté et la vérité, le chrétien entend conjoindre l’une et l’autre, tant il est vrai que, selon la promesse de Jésus, " la liberté vous rendra libres " (Jn 8 32). Alors la tolérance ne suffit plus, elle postule le respect des personnes. Ce respect implique la diaconie de la vérité.


I. Disons-le d’emblée
 : les principes anthropologiques fondamentaux sont ceux de la vérité et de la liberté indissolublement unis en un lien réciproque intrinsèque. Quelle est à cet égard la situation de la culture moderne ? Les diagnostics abondent : sécularisme, indifférence, crise de la vie et de la morale, pseudo-démocratie, éclipse du sens de Dieu et du sens de l’homme. C’était le thème du Congrès international organisé pour le 30e anniversaire de la promulgation de la Déclaration conciliaire Dignitatis humanæ, du 5 au 7 décembre 1995, par le Conseil pontifical de la Culture et l’Athénée pontifical Regina apostolorum, et dont les Actes viennent d’être publiés par The Becket Fund for Religions Liberty à la Librairie éditrice Vaticane.

Pour le dire d’un mot, si le Concile Vatican II (cf. Lumen gentium 36) reconnaît les valeurs de la dimension séculière, il en relève en même temps les limites. Innombrables sont les études qui soulignent la dérive historique de la sécularisation au sécularisme et le passage de l’indifférence à l’indifférentisme qui, non seulement ne se décide pour aucune forme religieuse, mais attribue à toutes la même valeur. Or, comme l’a bien vu Romano Guardini dès 1950 dans son livre classique La fin des temps modernes : " sans élément religieux, la vie devient comme un moteur qui n’a plus d’huile: il chauffe. A tout instant, telle ou telle pièce brûle… Le centre et les attaches se rompent. L’existence se désorganise " (Seuil, Paris 1953, p. 111). Il ne saurait y avoir d’indifférence absolue : l’indifférence à certaines valeurs porte à reconnaître d’autres valeurs. Les valeurs religieuses et transcendantes sont remplacées par des valeurs terrestres et immanentes. Pascal déjà  le soulignait: " s’il se trouve des hommes indifférents à la perte de leur être et au péril d’une éternité de misère, cela n’est point naturel. Ils sont tout autres à l’égard de toutes autres choses... C’est une chose monstrueuse de voir dans un même cœur et en même temps cette sensibilité pour les moindres choses et cette étrange insensibilité pour les plus grandes ". Propos prémonitoire ? L’indifférence religieuse recèle un aspect psychologique contradictoire (C.G. Jung, Psychologische Typen, Zürich 1950, 260) : qui dit " religieux " dit " très significatif et intéressant singulièrement tout l’homme ". La justification rationnelle est remplacée par une indifférence apathique, une " crampe de la foi " comme l’appelle Jung (C.G. Jung, Untersuchungen zur Symbolgeschichte, Zürich 1951, 241), nous pourrions dire une " tolérance molle ", aux antipodes de la foi chrétienne. Guardini l’a bien perçu : " Depuis le début des temps modernes, une culture non chrétienne s’élabore " (ibid.).

La culture moderne anthropocentrique qui pose l’homme comme mesure de toute chose transforme le défi du sécularisme en défi anthropologique. L’éclipse du sens de Dieu obscurcit l’homme et son éthique. C’est la question incontournable du vieux capitaine des Démons de Dostoievsky : " Si Dieu n’existe pas, que signifie mon grade de capitaine ? " (Dostoievsky, Les démons, Paris 1955, 239). Une nouvelle conception de la démocratie et de la liberté intervient au premier plan en cette crise morale. Par la mystification des mots, on ne parle plus de la vérité mais des vérités (Cf. mon ouvrage Cercare la verità nella cultura contemporanea, Roma 1994, 15-16).

La toute récente session des Semaines Sociales de France du 20 au 22 novembre l’a cruellement souligné par la voix de son président, Jean Boissonnat : " Jamais la démocratie n’a été aussi répandue. Nulle part elle n’est contestée. Partout elle est anémiée. Lorsque la politique se veut religion, elle déconsidère à la fois la religion et la politique. Les peuples ont la gueule de bois, après une ivresse qui s’est achevée dans une bacchanale tragique ". C’est que la société de tolérance tolère tout, sauf l’absolu de la vérité, et qu’à force de relativiser l’absolu, l’homme est ainsi fait qu’il finit par absolutiser le relatif et sacraliser la dictature de l’arbitraire. Bien loin, comme il le croit, d’avoir conquis la liberté, " l’homme moderne fuit la liberté pour se comporter avec conformisme " (Jean-Paul II, " Discours au IXe symposium de la CCEE "). La vraie liberté est liberté pour la vérité, le bien et l’amour.

Désancrée de la vérité, la liberté n’accomplit plus l’homme car elle est pure " liberté de ", sans finalité, et non plus " liberté pour ", c’est-à-dire liberté de l’accomplissement de soi. Tel est l’enjeu du thème de la tolérance : que devient l’homme sans l’ouverture à l’Absolu ? C’est le drame de l’humanisme athée : " il n’est pas vrai que l’homme ne puisse organiser la terre sans Dieu. Ce qui est vrai c’est que, sans Dieu, il ne peut en fin de compte que l’organiser contre l’homme. L’humanisme exclusif est un humanisme inhumain " (H. de Lubac, cité dans Populorum progressio n°42).

Comment concevoir alors la liberté ? La quête de la liberté, signe des temps du monde contemporain, a sa racine première dans l’héritage du christianisme. " En réalité, le mystère de l’homme ne s’éclaire vraiment que dans le mystère du Verbe incarné " (Gaudium et spes 22). La vraie liberté ne se trouve qu’en Jésus-Christ. Il nous partage son Esprit de liberté des enfants de Dieu par sa Croix glorieuse : " C’est pour la liberté que le Christ nous a libérés " (Ga 5 1). En Lui, nous communions à " la vérité qui nous rend libres " (Jn 8,32). L’Esprit Saint nous a été donné et " là où est l’Esprit, là est la liberté " (2Co 3,17). Dès maintenant, nous nous glorifions de la " liberté des enfants de Dieu " (Rm 8,21). Salut et vraie liberté nous sont communiqués par la grâce qui ne se pose nullement en concurrente de notre liberté, quand celle-ci correspond au sens de la vérité et du bien que Dieu a placé dans le cœur de l’homme.

Dès lors, plus de conflit entre la liberté et la vérité. Le pouvoir de décider du bien et du mal n’appartient pas à l’homme, mais à Dieu seul. L’homme est libre, du fait qu’il peut comprendre et recevoir les commandements de Dieu. Dans cette acceptation, la liberté humaine trouve sa réalisation plénière. L’homme possède en lui-même sa loi reçue du Créateur. L’autonomie de la raison ne peut signifier la création des valeurs et des normes morales par la raison elle-même. La liberté de l’homme et la Loi de Dieu se rejoignent et sont appelées à s’interpénétrer. L’obéissance à Dieu n’est pas une hétéronomie, comme si la vie morale était soumise à la volonté d’une toute-puissance extérieure à l’homme et contraire à l’affirmation de sa liberté, mais une théonomie participée par obéissance libre de la raison et de la volonté humaines à la sagesse de Dieu. " C’est pour que nous restions libres que le Christ nous a libérés " (Ga 5 1). Seule la liberté qui se soumet à la Vérité conduit la personne humaine à son vrai bien. La question de Pilate : " qu’est-ce que la vérité ? ", jaillit aujourd’hui de la perplexité désolée d’un homme qui ne sait plus qui il est, d’où il vient ni où il va.

Dès lors, le respect de l’homme demande à l’Église une pédagogie respectueuse pour former une conscience qui conduit à des décisions selon la vérité : " Ne vous modelez pas sur le monde présent, mais que le renouvellement de votre jugement vous transforme et vous fasse discerner la volonté de Dieu, ce qui est bon, ce qui lui plaît, ce qui est parfait " (Rm 12 2). La condition de la liberté authentique est de reconnaître la vérité : " Vous connaîtrez la vérité et la vérité vous libérera " (Jn 8 32). Il en est ainsi de Jésus devant Pilate: " Je ne suis né et je ne suis venu dans le monde, que pour rendre témoignage à la vérité " (Jn 18 37). Jésus révèle, par sa vie même et non seulement par ses paroles, que la liberté s’accomplit dans l’amour, c’est-à-dire dans le don de soi. Jésus est la synthèse vivante et personnelle de la liberté parfaite dans l’obéissance totale à la volonté de Dieu.

C’est toujours librement que l’homme se tourne vers le bien. La vraie liberté est en l’homme un signe privilégié de l’image divine. La dignité de l’homme exige donc de lui qu’il agisse selon un choix conscient et libre. Ce n’est toutefois que par le secours de la grâce divine que la liberté humaine, blessée par le péché, peut s’ordonner à Dieu d’une manière intégrale. Nous voyons s’ouvrir devant nous la trilogie fondamentale, image trinitaire : liberté, vérité, amour. Soljénitsyne décrit en lettres de feu le caractère illusoire des libertés qui ne sont pas fondées sur la responsabilité : la liberté, qui se déploie dans la vérité, se rabougrit et s’atrophie quand elle se réduit à la tolérance.


II. La tolérance.
Qu’est-ce donc que la tolérance au double regard de la raison et de la foi ? Nos bibliothèques débordent de volumes sur les phases historiques de son apparition, son évolution conflictuelle et la plasticité même de son concept, dont témoignent les dictionnaires, à commencer par le classique Vocabulaire technique et critique de la philosophie de Lalande. Je le confesse : en préparant cet exposé, j’ai dû renoncer à en reprendre la substance, de la classique Histoire de la tolérance au siècle de la réforme de Joseph Leclerc (2 tomes, Paris, Aubier, 1955) à l’Essai d’anthologie publié par l’UNESCO en 1975 et réédité en 1993. Je me permets de vous recommander l’article clair et bref Tolérance religieuse que j’avais demandé à Étienne Borne pour le Dictionnaire des Religions (3e édition, PUF, Paris 1993, p. 2030-2032).

Pour notre philosophe, la tolérance apparaît toujours comme une mise en question tardive, difficultueuse, parfois fugitive, des intolérances toujours recommencées. Voltaire, avec les Lumières, à la source de notre idée moderne de la tolérance, pensait que la rationalité philosophique viendrait à bout du monstre de l’intolérance par une lutte assidue contre les religions établies. Mais, comme le montre l’histoire, un scepticisme moral et métaphysique crée un climat aussi favorable pour les procédures de l’intolérance que le dogmatisme d’une vérité exclusivement sociale et politique. Ni l’esprit ni l’action ne sauraient se passer de vérité, et plus cette vérité est flexible et pragmatique, plus la liberté, elle aussi sans vérité, se trouve exposée aux vertiges suicidaires et plus seront grandes les chances de l’intolérance.

Historiquement, c’est l’éclatement de la chrétienté médiévale qui a posé le problème alors tout nouveau du pluralisme religieux dans l’État et la chrétienté. De l’édit de Nantes aux droits de l’homme, de la tolérance intolérante aux totalitarismes nazi et communiste, des guerres de religion aux épurations sanglantes et aux exclusions mortelles, s’affirme la prise de conscience en son temps prophétique, du prince de Transylvanie, Étienne Bathory, catholique fervent, dont le règne de 1576 à 1586 sera l’un des plus glorieux de la Pologne : " Je suis roi des peuples et non des consciences ".

La tolérance ne saurait donc aller sans une séparation du politique et du religieux, et non se transformer en une usurpation et identification de l’un à l’autre. Amputée de sa dimension transcendante, la religion des philosophes dite naturelle ou déisme tolère tout, sauf la possibilité de la révélation.

On comprend dès lors que l’Église se soit opposée à des conceptions incompatibles avec le message qu’elle a la mission de transmettre. Si longtemps elle a refusé de parler comme elle le fait aujourd’hui de liberté de conscience et de tolérance, c’est parce que ce droit semblait indissociable du contexte philosophique antichrétien dans lequel il était revendiqué.

De nos jours, la Déclaration des droits de l’homme de 1948 affirme la transcendance de la personne par rapport à l’autorité politique. Cette conviction a entraîné l’adhésion de l’Église catholique, comme le rappelle Jean-Paul II en ce 50e anniversaire, dans son Message du 1er janvier 1999 pour la célébration de la Journée mondiale de la paix. Mais le consensus est de nouveau en crise, car les tentatives de légitimation juridique de l’avortement et de l’euthanasie, ont abouti à mettre en cause la reconnaissance universelle de la transcendance absolue du sujet humain. La démocratie ne peut pas vivre sans une idée de l’homme qui lui sert de référence et de point d’appui. Lorsqu’elle fait défaut, la vie sociale tend en conséquence à reposer sur des compromis, non entre des opinions contingentes, mais entre des conceptions divergentes de la nature de l’homme : comme si les fondements mêmes de l’anthropologie étaient matière à opinion. En cette crise d’ordre culturel, à défaut d’unanimité, c’est l’opinion de la majorité qui l’emporte et devient la mesure du bien et du vrai. Le Pape Jean-Paul II en prend acte et significativement remplace l’expression désormais gauchie des droits de l’homme par celle du respect des droits humains qu’il énumère : respect de la dignité humaine, patrimoine de l’humanité, universalité et indivisibilité des droits humains, le droit fondamental à la vie, à la liberté religieuse, cœur des droits humains, le droit de participer, le droit d’exister en tant que tels des groupes ethniques et des minorités nationales, le droit à l’épanouissement dans la solidarité et la responsabilité vis à vis de l’environnement, le droit à la paix fondé sur une culture des droits humains, qui est la responsabilité de tous. Et Jean-Paul II de conclure son Message en invitant à partager l’amour de Dieu, Père pour tous les hommes. C’est en lui que réside le secret du respect des droits de toute femme et de tout homme.

La tolérance est-elle une vertu ? A la question posée, Étienne Borne répond : " les effigies des vertus sont à bon droit inscrites au porche des cathédrales et aux chapiteaux des cloîtres. Car une vertu requiert une architecture et ne tient que par le religieux et métaphysique. Et il faut une haute idée de l’homme pour fonder ce respect fraternel d’autrui dans sa différence qui, mieux qu’une médiocre et équivoque tolérance, méritera le beau nom de vertu… La tolérance voltairienne n’est cependant pas sans un concours de vertu. Qui touche à un fragment de la vérité est implicitement riche de toutes les vérités de ce monde et de l’autre ".

Jusqu’ici portés par l’aile de la raison, élevons-nous maintenant par l’aile de la foi vers la contemplation de la vérité.

La tolérance de Dieu : Dieu a créé l’homme à son image et l’a destiné à " être parfait comme son Père du ciel " (Mt 5 48). L’attitude du Père présentée dans la Bible, qui est fondamentale pour notre anthropologie, nous montre un Dieu qui, en notre langage anthropomorphique, apparaît tolérant. Ainsi, le premier assassinat de l’histoire des hommes, celui d’Abel par son frère Caïn, nous révèle-t-il un Dieu qui n’exige pas mort du coupable, mais au contraire le protège par le fameux " signe de Caïn " (Gn 4 15). La loi de Moïse n’est pas imposée à Israël, mais proposée comme un pacte d’alliance à choisir en toute liberté. Nombreux sont les textes scripturaires qui expriment la patience bienveillante de Dieu qui fait paraître son soleil sur les bons et sur les méchants. Le bréviaire nous les a rendus familiers : " Dieu miséricordieux et compatissant, lent à la colère, riche en bonté et en fidélité " (Ex 34 6), " miséricordieux et compatissant, lent à la colère et plein de bonté " (Ps 144 8), " bon et vrai, lent à la colère et gouvernant l’univers avec miséricorde " (Sg 15 1), " miséricordieux et clément " (2Esdr 9 17). Les livres sapientiaux exigent de l’homme l’imitation de Dieu (Pr 15 18, 16 32, 31 26), créateur de la liberté des hommes.

La tolérance de Jésus-Christ : Jésus était-il tolérant ? Les prophètes de l’Ancien Testament décrivent le Messie à venir comme un roi de justice qui " présentera aux nations le droit ", mais d’une manière nouvelle : " Il ne crie pas, il n’élève pas le ton, il ne fait pas entendre sa voix dans la rue; il ne brise pas le roseau froissé, il n’éteint pas la mèche qui faiblit ". Sa persévérance est admirable : " il ne faiblira ni ne cédera jusqu’à ce qu’il établisse le droit sur la terre " (Is 42 2ss). En réalité, Jésus-Christ a été bien plus loin que la tolérance de l’ivraie qui croît avec le bon grain. Il ne s’est pas contenté de ne pas condamner, il a refusé de juger : " je ne suis pas venu pour juger le monde ". Il a condamné le mal et le péché, non les hommes pécheurs, l’adultère, mais non la femme adultère, et il propose le pardon, le pardon total qui est la rémission du péché. Le Christ ne se présente pas comme celui qui détruit les méchants, mais au contraire comme " le Fils de l’homme qui est venu sauver ce qui était perdu " (Mt 18 11). Il n’a pas simplement toléré le mal qui le frappait lui-même, il a accepté de boire la coupe jusqu’au bout : " Moi je n’ai pas résisté, je ne me suis pas dérobé. J’ai tendu le dos à ceux qui me frappaient et les joues à ceux qui m’arrachaient la barbe; je n’ai pas soustrait ma face aux outrages et aux crachats " (Is 50 5-6). Il conseille à ses disciples et exige d’eux la même attitude pendant sa Passion : " Rengaine ton glaive; car tous ceux qui prennent le glaive périront par le glaive. Penses-tu donc que je ne puisse faire appel à mon Père, qui me fournirait sur-le-champ plus de douze légions d’anges? Comment alors s’accompliraient les Écritures d’après lesquelles il doit en être ainsi? " (Mt 26 53-54). Les seuls envers qui il s’est montré très sévère, ce sont les orgueilleux, enfermés dans l’assurance de leur propre justice et le mépris des autres. Jésus a recommandé à ses disciples une attitude de vraie tolérance envers les personnes : "Ne jugez point, et vous ne serez point jugés; ne condamnez point, et vous ne serez point condamnés; absolvez, et vous serez absous. On vous mesurera avec la mesure dont vous vous serez servis " (Lc 6, 37-38). Outre la parabole de la paille et de la poutre, n’oublions pas la vive apostrophe de saint Jacques : " Qui es-tu pour juger ton prochain ? " (Jc 4 2). Dans l’Évangile et tout le Nouveau Testament, notamment les lettres de saint Paul, l’appel fondamental est, non seulement le respect de l’autre, mais l’amour du prochain.

Toutefois, Jésus-Christ ne supporte pas certains actes. Il ne tolère pas les erreurs morales et réprouve la dispute des disciples : " qui est le plus grand ? " (Mc 9 33), l’astuce homicide d’Hérode (Lc 13 32) ou le comportement de Simon le Pharisien (Lc 7 44ss). Mais Jésus préfère dénoncer en privé un acte mauvais : " Si ton frère vient à pécher, va le trouver et reprends-le, seul à seul. S’il t’écoute, tu auras gagné ton frère " (Mt 18 15). En une seule occasion, Jésus semble faire preuve d’intolérance violente : lorsqu’il chasse les vendeurs du temple. Ce geste fit une grande impression sur les disciples qui l’interprètent à la lumière de l’Écriture : " Le zèle pour ta maison me dévorera " (Jn 2 17, Ps 69 10). La zèle est un zèle jaloux, à l’image de Dieu Lui-même, " Dieu jaloux " (Dt 4 24, 5 9, 6 15 ; Ex 20 5, 34 14 ; Jos 24 19 ; Na 1 2). Ainsi, à l’imitation de Dieu, l’intolérance et la violence ne sont pas intrinsèquement mauvaises. Enfin, si Jésus est bon pour le pécheur repenti, il précise toujours : " va et ne pèche plus " (Jn 8 11). En définitive, il est nécessaire de cultiver en nous l’esprit même de Jésus : " Montrez-vous compatissants, comme votre Père est compatissant " (Lc 6 36), et en même temps son attitude de zèle pour le Père. La loi de la correction fraternelle explicite que la tolérance ne saurait être passivité ni indifférence.

A la lumière de l’évangile et de son radicalisme : " que votre oui soit oui, que votre non soit non ", qu’en est-il de la tolérance de l’Église de Jésus-Christ ? L’Église primitive nous fournit l’exemple de saint Pierre et saint Paul. Leur prédication est caractérisée par la volonté d’éviter la polémique. Si les paroles de saint Paul la suscitent, ce ne fut pas de son initiative. La Parole qu’il annonçait pouvait être exaspérante pour certaines oreilles, mais avec toutes les ressources de sa culture judaïque et hellénique, il tente de montrer combien l’Évangile du Christ n’est pas contraire à la raison, sans éviter pour autant le mépris des grecs.

Périodiquement, l’Église, de l’encyclopédie à la presse quotidienne, est accusée d’intolérance. Courageusement, le Saint-Père a rouvert le dossier de l’inquisition. Comme historien et sans m’aventurer à prévenir les jugements jubilaires, je voudrais rappeler la boutade récente de l’historien protestant Pierre Chaunu, dont le témoignage ne saurait être suspecté : " j’aurais bien préféré comparaître devant les tribunaux de l’inquisition que devant ceux du roi ". Dans ce domaine, combien sage me paraît l’attitude pluridisciplinaire du Saint-Père ! Le Magistère ecclésial ne peut s’appuyer sur les images du passé véhiculées par la culture médiatique dominante, souvent chargées d’une émotivité passionnelle dénuée d'épaisseur historique. L’intégration des différentes connaissances dans une unité harmonieuse qui respecte l’identité et l’autonomie de chaque discipline constitue l’une des acquisitions les plus précieuses de la pensée contemporaine (Jean-Paul II, Discours aux participants du Symposium international sur l’Inquisition, 31 octobre 1998).

Il me paraît important de ne pas perdre de vue un principe herméneutique que le Saint-Père rappelle opportunément en son exhortation apostolique Tertio millenio adveniente : " la considération des circonstances atténuantes ne dispense pas l’Église du devoir de regretter profondément les faiblesses de tant de ses fils qui ont défiguré son visage et l’ont empêchée de refléter pleinement l’image de son Seigneur crucifié, témoin insurpassable d’amour patient et d’humble douceur " (Tertio millenio adveniente 35).

En définitive, les rapports sont-ils toujours conflictuels ? La foi serait-elle intolérante par nature ? Certains pensent qu’il y aurait une " prétention de supériorité " à considérer Jésus-Christ comme Sauveur et unique médiateur pour tous les hommes. Il s’agit là d’un problème de vérité. Le Concile, à cet égard, montre une tension entre " un genre humain de jour en jour plus étroitement uni et où les relations entre les divers peuples augmentent " (Nostra ætate 1) et l’Église qui " ne rejette rien de ce qui est vrai et saint dans les religions ", mais n’en affirme pas moins sa conviction de foi : " le Christ est la voie, la vérité et la vie, dans lequel les hommes doivent trouver la plénitude de la vie religieuse et dans lequel Dieu s’est réconcilié toutes choses " (Nostra ætate 2). Tout dialogue du reste se nourrit du respect réciproque pour les convictions de ceux qui y participent et serait dénué d’intérêt sans la persuasion d’être dans la vérité. " Je crois qu’une doctrine puissante et jeune est par nature intolérante : une conviction qui commence par admettre la légitimité d’une conviction adverse se condamne à n’être pas agissante : elle est sans force, sans efficacité ", écrit Martin Du Gard (Jean Barois 2, Le semeur 3). Une véritable théologie des religions est indispensable à tout dialogue interreligieux, qui, pour le chrétien, précède et accompagne, mais ne saurait se substituer au témoignage de la vie, de la mort et de la résurrection de Jésus-Christ.

Faut-il enfin accuser les religions d’intolérance ? Répondre à cette question avec objectivité dépasserait - et de loin ! - le cadre d’un symposium ou d’une encyclopédie. Aussi voudrais-je me limiter à une simple remarque. Sans oublier le lourd passif de violences et de guerres qui dénaturent aussi bien l’esprit de l’Évangile que celui du Coran,  je relève que dans la plupart des conflits qualifiés de religieux, ce sont les facteurs politiques, économiques, culturels et idéologiques qui sont les causes prédominantes de la tension et de la violence, plutôt que des antagonismes religieux. Le fondamentalisme lui-même n’est pas un phénomène religieux, mais un mouvement de protestation séculier qui emprunte une forme religieuse. Protestation contre la pauvreté, la répression et la corruption, il ne se reconnaît pas dans le modèle d’intégration proposé et valorise à l’excès ses différences, se repliant sur une communauté soudée par son adhésion à une religion conçue comme rigoriste.

Le Saint-Père le rappelle avec force dans sa dernière encyclique : croire en la possibilité de connaître une vérité universellement valable n’est pas du tout une source d’intolérance, mais la condition nécessaire pour un dialogue sincère et authentique entre les personnes, pour surmonter les divisions et parcourir ensemble le chemin qui mène à la vérité tout entière.


III. De la tolérance au respect mutuel pour un humanisme plénier
. Chacun sait la boutade de Courteline : " S’il fallait tolérer aux autres tout ce qu’on se permet à soi-même, la vie ne serait plus tenable ". Disons plus sérieusement aussi que, chacun le sait : il y a des actes et des situations intolérables. Le fameux principe négatif du moindre mal ne saurait se transformer en permission positive de faire le mal : s’il est parfois licite de tolérer un moindre mal moral afin d’éviter un mal plus grand ou de promouvoir un bien plus grand, il n’est pas permis, même pour de très graves raisons, de faire le mal afin qu’il en résulte un bien (Rom 3 8). Le mal est toujours un mal.

C’est bien clair : la tolérance a des limites en dehors desquelles elle devient intolérable au regard des honnêtes gens, comme en témoigne le droit / devoir d’ingérence. Le Concile Vatican II déclare intolérables un certains nombre d’actes infâmes intrinsèquement mauvais : " tout ce qui s'oppose à la vie elle-même, comme toute espèce d'homicide, le génocide, l'avortement, l'euthanasie et même le suicide délibéré; tout ce qui constitue une violation de l'intégrité de la personne humaine, comme les mutilations, la torture physique ou morale, les contraintes psychologiques; tout ce qui est offense à la dignité de l'homme, comme les conditions de vie sous-humaines, les emprisonnements arbitraires, les déportations, l'esclavage, la prostitution, le commerce des femmes et des jeunes; ou encore les conditions de travail dégradantes qui réduisent les travailleurs au rang de purs instruments de rapport, sans égard pour leur personnalité libre et responsable: toutes ces pratiques et d'autres analogues sont, en vérité, infâmes. Tandis qu'elles corrompent la civilisation, elles déshonorent ceux qui s'y livrent plus encore que ceux qui les subissent et insultent gravement à l'honneur du Créateur " (Gaudium et spes 27).

Enraciner le spécifique et inestimable apport de l’Évangile dans les cœurs et la société, vers un humanisme chrétien authentique et plénier, est l’horizon des travaux du Conseil pontifical de la Culture pour préparer utilement le Jubilé désormais tout proche. C’est aussi le titre de cette conférence : " De la tolérance au respect mutuel : pour un nouvel humanisme plénier ". " L’esprit du bien est mystérieusement à l’œuvre en tant de nos contemporains, même en certains de ceux qui ne se réclament d’aucune religion, mais qui cherchent à accomplir honnêtement et avec courage leur vocation humaine " (Jean-Paul II, Discours au Conseil pontifical de la Culture, 18 janvier 1983, 11). Le programme est celui d’une " nouvelle culture de la vie ", " fruit de la culture de la vérité et de l’amour ", pour édifier une " authentique civilisation de la vérité et de l’amour ". Les deux expressions civilisation et culture se font référence : l’une manifeste l’aspect rationnel et moral, l’autre l’aspect social et politique du même développement humain. La vérité et l’amour sont à la fois la cause et la conséquence d’une authentique civilisation - culture.

Ce tournant culturel crée un nouveau style de vie fondé sur la primauté de l’être sur l’avoir et de la personne sur les choses. La fin poursuivie est avant tout l’amour. L’expression civilisation de l’amour, qui se trouve pour la première fois dans la bouche de Paul VI pour la Pentecôte 1970, devint un mot d’ordre mobilisateur couronnant l’Année Sainte 1975. " Une seule idée au fond est vraie et bonne, c’est celle de l’amour universel " (Paul VI, Message pour la Journée de la Paix 1970). Encore faut-il bien comprendre le sens du mot, car, comme le souligne Jean-Paul II qui reprend souvent l’expression (326 documents de Jean-Paul II emploient l’expression à la date du 31 décembre 1995) : " si c’est la charité qui sauve, il faut aussi sauver la charité, c’est-à-dire la réhabiliter, voir ce qu’elle implique au plan spirituel, la relier au grand Dessein d’Amour de Dieu, à la Vie Trinitaire " (Discours à l’Assemblée Plénière du Conseil pontifical Cor unum, 22 novembre 1982, 4). Vérité et amour vont de pair : l’homme ne peut vivre avec une vérité " froide ". Vérité et amour ne peuvent être séparés et c’est en ce sens que le titre de mon intervention porte le respect mutuel pour un nouvel humanisme. Le Concile Vatican II nous en avertit : " l’avenir est entre les mains de ceux qui auront su donner aux générations de demain des raisons de vivre et d’espérer " (Gaudium et spes 31). L’espérance est la foi en l’amour.

Je conclus. Félicité de Lamennais (1782-1854) écrit dans son Essai sur l’indifférence de 1817 : " Le siècle le plus malade n’est pas celui qui se passionne pour l’erreur, mais le siècle qui néglige, qui dédaigne la vérité " (F. de Lamennais, Essai sur l’indifférence, Paris 18171, 3). Le problème central, crucial au sens étymologique, est bien celui de la vérité.

Le concile Vatican II (Dignitatis humanae 1) a énoncé une règle d’action dont nous n’avons sans doute pas encore mesuré toute la portée : " à côté du double devoir pour tous les hommes de chercher la vérité et une fois connue de l’embrasser et de lui être fidèles, le Concile déclare que la vérité ne s’impose que par la force de la vérité elle-même qui pénètre l’esprit avec autant de douceur que de puissance ", riposte efficace aux tentations de se servir idéologiquement de la vérité, enjeu décisif pour le destin de la culture et de la civilisation chrétienne au seuil du troisième millénaire.

Mais que serait la vérité sans l’amour ? Seul l’amour sauve le monde et " au soir de la vie, nous serons jugés sur l’amour ", a écrit saint Jean de la Croix (Maximes 80) et Saint François de Sales, en un raccourci saisissant : " une vérité qui n’est pas charitable est une charité qui n’est pas véritable ". Le respect mutuel dû aux personnes s’enracine dans l’amour et implique la diaconie de la vérité. Cette diaconie de la vérité fait participer la communauté des croyants à l'effort commun que l'humanité accomplit pour atteindre la vérité et elle l'oblige à prendre en charge l'annonce des certitudes révélées, tout en sachant que toute vérité atteinte n'est jamais qu'une étape vers la pleine vérité qui se manifestera dans la révélation ultime de Dieu. La vérité existe. L’homme la cherche par sa raison. Il est capable avec la grâce de l’atteindre par la foi au Christ, chemin, vérité et vie. Elle n’est plus un concept abstrait à rechercher mais une personne à aimer. De la tolérance au respect mutuel, l’homme mû par l’amour de la vérité trouve son humanisme plénier dans la vérité de " l’amour qui meut le ciel, la terre et les étoiles " (Dante).

Je voudrais terminer par une prière, vieille de plus de deux siècles, mais qui n’a pas vieilli :
" Ce n’est plus aux hommes que je m’adresse,
c’est à toi, Dieu de tous les êtres, de tous les mondes et de tous les temps.
S’il est permis à de faibles créatures d’oser te demander quelque chose,
à toi qui as tout donné,
daigne regarder en pitié les erreurs attachées à notre nature ;
fais que nous nous aidions mutuellement à supporter le fardeau d’une vie pénible et passagère ;
que toutes ces petites nuances qui distinguent les atomes appelés hommes
ne soient pas des signaux de haine et de persécution.
Si les fléaux de la guerre sont inévitables,
ne nous haïssons pas, ne nous déchirons pas les uns les autres,
et employons l'instant de notre existence
à bénir également en mille langages divers ta bonté qui nous a donné cet instant. Amen."

Cette prière de Voltaire (Traité de la tolérance, 1763, cité dans La Tolérance, UNESCO 1975, n°198) est clin d’œil de l’histoire: elle est un appel à tous les hommes de bonne volonté à passer, avec l’aide de Dieu, de la tolérance au respect mutuel pour un nouvel humanisme plénier.

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[English]
"From tolerance to mutual respect: the way to complete humanism". This is the theme of Cardinal Paul Poupard’s essay. Starting with anthropology and with a brief historical sketch, His Eminence says that faith and reason, fides et ratio, are both necessary for a complete humanism on the threshold of the third Millennium. Being open to the Absolute is essential for a sincere and authentic dialogue between cultures and persons; this is the only way to overcome divisions and to walk hand in hand along the road which is built on truth and love.

[Español]
"De la tolerancia al respeto mutuo, para un pleno humanismo" es el tema del artículo del Cardenal Paul Poupard. Iniciando con la Antropología y recorriendo brevemente la historia, su Eminencia conjuga la Fe y la Razón, "Fides et Ratio", para un Humanismo pleno en el umbral del nuevo milenio. Solamente estando abiertos al absoluto es posible el diálogo sincero y auténtico entre las culturas y las personas, para poder superar las divisiones y para caminar juntos la vía construida sobre la verdad y el amor.


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