ASSEMBLÉE PLÉNIÈRE (27-28 mars 2006)

Le thème de lÂÂAssemblée plénière 2006 du Conseil Pontifical de la Culture sÂÂinscrit dans sa mission dÂÂaider lÂÂÉglise à transmettre la foi au Christ par une pastorale qui réponde aux défis de la culture contemporaine, notamment lÂÂindifférence religieuse et la non-croyance (Motu proprio Inde a Pontificatus). Par des projets et des propositions concrètes, il souhaite aider les pasteurs en suivant La Via pulchritudinis comme chemin dÂÂévangélisation des cultures et de dialogue avec les non-croyants, à conduire au Christ qui est « la voie, la vérité et la vie » (Jn 14, 6).

LÂÂavant-dernière Plenaria du Dicastère en 2002, qui avait pour thème « Transmettre la foi au cÂÂur des cultures, novo millennio ineunte »[1], et la suivante en 2004, sur « La foi chrétienne à lÂÂaube du nouveau millénaire et le défi de la non-croyance et de lÂÂindifférence religieuse »[2], ont souligné lÂÂurgence dÂÂun nouvel élan apostolique de lÂÂÉglise, pour évangéliser les cultures par une inculturation effective de lÂÂÉvangile.

La culture empreinte dÂÂune vision matérialiste et athée caractéristique des sociétés sécularisées, suscite une réelle désaffection et parfois une mise en accusation de la religion, en particulier du christianisme, et notamment un nouvel anti-catholicisme[3]. Beaucoup vivent comme si Dieu nÂÂexistait pas (Etsi Deus non daretur), comme si sa présence et sa parole ne pouvaient influencer dÂÂaucune manière la vie concrète des personnes et des sociétés. Ils éprouvent de la difficulté à affirmer clairement leur appartenance religieuse : celle-ci relèverait du strict domaine de la vie privée. LÂÂexpérience religieuse, par suite, se dissocie souvent dÂÂune claire appartenance à une institution ecclésiale : certains croient sans appartenir, tandis que dÂÂautres appartiennent sans donner de signes visibles de leur croire.

Le phénomène de la nouvelle religiosité et les spiritualités émergentes qui se répandent dans le monde, se dressent comme un grand défi pour la nouvelle évangélisation : elles prétendent répondre mieux que lÂÂÉglise ÂÂ ou, en tous cas, mieux que les formes religieuses traditionnelles ÂÂ aux attentes spirituelles, émotives et psychologiques de nos contemporains, et à travers rites syncrétistes et pratiques ésotériques, elles touchent à vif lÂÂémotivité des personnes dans une dynamique communautaire pseudo-religieuse qui, souvent, les étouffe, voire les prive de leur liberté et de leur dignité.[4]

Si en certains pays dÂÂanciennes chrétientés les chrétiens pratiquants ne constituent plus, comme dans un passé encore récent, la majorité de la population, ils demeurent une force vive, capable de témoigner avec discernement et courage, au cÂÂur dÂÂune culture néo-païenne. Les Journées mondiales de la Jeunesse, les grands rassemblements des Congrès eucharistiques et des sanctuaires de la Vierge Marie, la multiplication des lieux de ressourcement et la demande de séjours silencieux dans les hôtelleries des monastères, la redécouverte des antiques voies de pèlerinage et la floraison dÂÂune multitude de nouveaux mouvements religieux qui touchent jeunes et adultes, les foules immenses qui se sont pressées à Rome à la mort de Jean-Paul II et à lÂÂélection de Benoît XVI, sont autant de signes dÂÂespérance : « Oui, lÂÂÉglise est vivante, témoignait le Saint-Père dans son Homélie pour la messe inaugurale de son Pontificat ÂÂ telle est la merveilleuse expérience de ces jours-ci. Au cours des journées tristes de la maladie et de la mort du Pape [Jean-Paul II], précisément, sÂÂest manifesté de manière merveilleuse à nos yeux le fait que lÂÂÉglise est vivante. Et lÂÂÉglise est jeune. Elle porte en elle lÂÂavenir du monde et cÂÂest pourquoi elle montre aussi à chacun de nous le chemin vers lÂÂavenir. LÂÂÉglise est vivante et nous le voyons: nous faisons lÂÂexpérience de la joie que le Ressuscité a promise aux siens. »[5]

Devant les défis historiques, sociaux, culturels et religieux relevés dans les deux précédentes Assemblées plénières, quels aspects de la pastorale lÂÂÉglise est-elle appelée à privilégier dans son dialogue apostolique avec les hommes et les femmes de notre temps, notamment les non-croyants et les indifférents ?

LÂÂÉglise accomplit sa mission de conduire les hommes au Christ Sauveur par le partage de la Parole de Dieu et le don des Sacrements de la Grâce. Pour mieux les rejoindre par une pastorale de la culture adaptée, à la lumière du Christ contemplé dans le mystère de son Incarnation (Cf. Gaudium et spes, n. 22), elle scrute les « signes des temps » et y trouve de précieuses indications pour établir des « ponts » qui permettent de rencontrer le Dieu de Jésus Christ à travers un itinéraire dÂÂamitié dans un dialogue de vérité.

Dans cette perspective, la Via pulchritudinis se présente comme un itinéraire privilégié pour rejoindre beaucoup de celles et ceux qui éprouvent de grandes difficultés à recevoir lÂÂenseignement, en particulier moral, de lÂÂÉglise. Trop souvent en ces dernières décennies, la vérité a souffert dÂÂêtre instrumentalisée par lÂÂidéologie, et la bonté dÂÂêtre « horizontalisée », réduite à nÂÂêtre plus quÂÂun acte social, comme si la charité envers le prochain pouvait se priver de puiser sa force dans lÂÂamour de Dieu. Le relativisme qui trouve dans le « pensiero debole », la pensée faible, une de ses plus fortes expressions, contribue à rendre difficile une vraie confrontation, sérieuse et raisonnable avec les non-croyants.

La Voie de la beauté, à partir de lÂÂexpérience toute simple de la rencontre avec la beauté qui suscite lÂÂémerveillement, peut ouvrir le chemin de la recherche de Dieu et disposer le cÂÂur et lÂÂesprit à la rencontre du Christ, la Beauté de la Sainteté Incarnée offerte par Dieu aux hommes pour leur Salut. Elle invite les nouveaux Augustin de notre temps, chercheurs insatiables dÂÂamour, de vérité et de beauté, à sÂÂélever de la beauté sensible à la Beauté éternelle, et à découvrir avec ferveur le Dieu Saint, lÂÂAuteur de toute beauté.

Toutes les cultures ne sont pas également ouvertes au Transcendant et à lÂÂaccueil de la révélation chrétienne. De même, toutes les expressions de la beauté ÂÂ ou de ce qui prétend lÂÂêtre ÂÂ sont loin de favoriser lÂÂaccueil du message du Christ et lÂÂintuition de sa beauté divine. Les cultures, comme les expressions artistiques et les manifestations esthétiques, sont marquées par le péché et peuvent attirer, voire emprisonner lÂÂattention jusquÂÂà la faire se replier sur elle-même, et susciter de nouvelles formes dÂÂidolâtrie. Ne sommes-nous pas trop souvent confrontés à des phénomènes de réelle décadence où lÂÂart et la culture se dénaturent jusquÂÂà blesser lÂÂhomme dans sa dignité ? Le beau ne peut être réduit à un simple plaisir des sens : ce serait sÂÂinterdire dÂÂavoir la pleine intelligence de son universalité, de sa valeur suprême, transcendante. Sa perception requiert une éducation, car la beauté nÂÂest authentique que dans son lien à la vérité ÂÂ de quoi serait-elle dÂÂailleurs le resplendissement, si ce nÂÂest de la vérité ? ÂÂ et elle est en même temps « lÂÂexpression visible du bien, de même que le bien est la condition métaphysique du beau »[6] ÂÂ « Le beau ne serait-il pas la route la plus sûre pour atteindre le bien ? », se demandait Max Jacob. Largement accessible à tous, la Voie de la beauté nÂÂest pas pour autant exempte dÂÂambiguïtés et de fourvoiements. Toujours dépendante de la subjectivité humaine, elle peut être réduite à un esthétisme éphémère, se laisser instrumentaliser et asservir par les modes captatrices de la société de consommation. Aussi est-il urgent dÂÂéduquer au discernement entre lÂÂuti et le frui, cÂÂest-à-dire entre un rapport avec les réalités et les personnes fondé uniquement sur la fonctionnalité ÂÂ uti ÂÂ, et celui dÂÂune relation authentique et de confiance ÂÂ frui ÂÂ, solidement enracinée dans la beauté de lÂÂamour gratuit, selon saint Augustin dans son De catechizandis rudibus : ÂÂNulla est enim maior ad amorem invitatio quam praevenire amando ÂÂ Il nÂÂest pas de plus grande invitation à lÂÂamour que dÂÂaimer le premierÂÂ (Lib. I, 4.7, 26).

Aussi est-il nécessaire de clarifier ce quÂÂest et en quoi consiste la Via pulchritudinis : de quelle beauté sÂÂagit-il, qui permette de transmettre la foi par sa capacité à toucher le cÂÂur des personnes, à exprimer le mystère de Dieu et de lÂÂhomme, à se présenter comme un authentique « pont », espace libre pour cheminer avec les hommes et les femmes de notre temps qui savent ou apprennent à apprécier le beau, et les aider à rencontrer la beauté de lÂÂÉvangile du Christ que lÂÂÉglise a pour mission dÂÂannoncer à tous les hommes de bonne volonté.

Le Pape Jean-Paul II, inlassable scrutateur des signes des temps, indique la voie dans son Encyclique Fides et ratio : « Tandis que je ne me lasse pas de proclamer lÂÂurgence dÂÂune nouvelle évangélisation, je fais appel aux philosophes pour quÂÂils sachent approfondir les dimensions du vrai, du bon et du beau, auxquelles donne accès la parole de Dieu. Cela devient plus urgent lorsque lÂÂon considère les défis que le nouveau millénaire semble lancer et qui touchent particulièrement les régions et les cultures dÂÂancienne tradition chrétienne. Cette préoccupation doit aussi être considérée comme un apport fondamental et original sur la route de la nouvelle évangélisation. »[7]

Cet appel aux philosophes peut surprendre, mais la via pulchritudinis nÂÂest-elle pas une via veritatis sur laquelle lÂÂhomme sÂÂengage pour découvrir la bonitas du Dieu dÂÂamour, source de toute beauté, de toute vérité et de toute bonté ? Le beau, tout autant que le vrai ou le bien, nous conduit à Dieu, Vérité première, Bien suprême, et Beauté même. Mais le beau dit plus que le vrai ou le bien. Dire dÂÂun être quÂÂil est beau, nÂÂest pas seulement lui reconnaître une intelligibilité qui le rend aimable. CÂÂest en même temps dire quÂÂen spécifiant notre connaissance, il nous attire, voire nous captive par un rayonnement capable de susciter lÂÂémerveillement. SÂÂil exprime un certain pouvoir dÂÂattraction, plus encore, peut-être, le beau dit la réalité elle-même dans la perfection de sa forme. Il en est lÂÂépiphanie. Il la manifeste en exprimant sa clarté interne. Cette dernière est, selon saint Thomas dÂÂAquin, lÂÂune des trois conditions de la beauté. Dans son Traité sur la Trinité de la Somme Théologique, il sÂÂinterroge sur les attributs propres à chaque personne divine et rattache la beauté à la personne du Fils : « Pulchritudo habet similitudinem cum propriis Filii ÂÂ La beauté présente quelque similitude avec ce qui est le propre du Fils ». Et il indique les trois conditions de la beauté, pour les appliquer au Christ : lÂÂintégrité ou la perfection ÂÂ integritas sive perfectio ÂÂ, la juste proportion ou harmonie ÂÂ proportio sive consonantia ÂÂ et la clarté ÂÂ claritas (Ia, qu. 39, art. 8). Si le bien dit le désirable, le beau dit plus encore la splendeur et la lumière dÂÂune perfection qui se manifeste.[8]

La via pulchritudinis est une voie pastorale, qui ne saurait se réduire à une approche philosophique. Mais le regard du métaphysicien nous aide à comprendre pourquoi la beauté est une voie royale pour conduire à Dieu. En nous suggérant qui Il est, elle suscite en nous le désir dÂÂen jouir dans le repos de la contemplation, non seulement parce que Lui seul peut combler nos intelligences et nos cÂÂurs, mais parce quÂÂIl contient en lui-même la perfection de lÂÂÊtre, source harmonieuse et intarissable de clarté et de lumière. Pour y parvenir, il importe de savoir accomplir le passage « du phénomène au fondement ». CÂÂest encore lÂÂappel du pape philosophe : « Partout où lÂÂhomme constate un appel à lÂÂabsolu et à la transcendance, il lui est donné dÂÂentrevoir la dimension métaphysique du réel : dans le vrai, dans le beau, dans les valeurs morales, dans la personne dÂÂautrui, dans lÂÂêtre même, en Dieu. Un grand défi qui se présente à nous au terme de ce millénaire est celui de savoir accomplir le passage, aussi nécessaire quÂÂurgent, du phénomène au fondement. Il nÂÂest pas possible de sÂÂarrêter à la seule expérience ; même quand celle-ci exprime et rend manifeste lÂÂintériorité de lÂÂhomme et sa spiritualité, il faut que la réflexion spéculative atteigne la substance spirituelle et le fondement sur lesquels elle repose. » Et il ajoute : « Une pensée philosophique qui refuserait toute ouverture métaphysique serait donc radicalement inadéquate pour remplir une fonction de médiation dans l'intelligence de la Révélation. »[9]

Ce passage du phénomène au fondement ne se fait pas spontanément pour qui nÂÂest pas apte à passer du visible à lÂÂinvisible, parce quÂÂune certaine accoutumance à la laideur, au mauvais goût, à la grossièreté, se voit promue, tant par la publicité que par certains « artistes fous » qui érigent en valeur lÂÂimmonde et le laid, dans le but de susciter le scandale. Les fleurs captieuses du mal fascinent : « Viens-tu du ciel profond ou sors-tu de lÂÂabîme, ô Beauté ? », sÂÂinterroge Baudelaire. Et Dimitri Karamazov confie à son frère Aliocha : « La Beauté est une chose terrible. Elle est la lutte de Dieu et de Satan, et le champ de bataille, cÂÂest mon cÂÂur ». Si la beauté est image du Dieu créateur, elle est aussi fille dÂÂAdam et Ève et à leur suite marquée par le péché. LÂÂhomme souvent risque de se laisser prendre au piège de la beauté prise pour elle-même, lÂÂicône devenue idole, moyen qui engloutit la fin, vérité qui emprisonne, piège dans lequel tombent nombre de personnes, faute dÂÂune formation adéquate de la sensibilité et dÂÂune juste éducation à la beauté.

Parcourir la Via pulchritudinis implique de sÂÂengager à éduquer les jeunes à la beauté, les aider à développer un esprit critique face à lÂÂoffre de la culture médiatique et à façonner leur sensibilité et leur caractère pour les élever et les conduire à une réelle maturité. La « culture kitch » nÂÂest-elle pas caractéristique dÂÂune certaine peur de se sentir poussé à une profonde transformation ? Après un long refus de cette « passion », saint Augustin témoigne de la transformation profonde de lÂÂâme provoquée par la rencontre avec la beauté de Dieu : dans les Confessions, il songe avec tristesse et amertume au temps perdu et aux occasions manquées, et, en des pages inoubliables, il revit son parcours tourmenté à la recherche de la vérité et de Dieu. Mais, dans une sorte dÂÂillumination dans lÂÂévidence, il retrouve Dieu et le saisit comme « la Vérité elle-même » (X, 24), source dÂÂune joie pure et dÂÂun authentique bonheur : « Tard je tÂÂai aimée, ô Beauté si ancienne et si nouvelle, tard je tÂÂai aimée ! Mais quoi ! tu étais au-dedans de moi, et jÂÂétais, moi, en dehors de moi-même ! Et cÂÂest au dehors que je te cherchais ; je me ruais, dans ma laideur, sur la grâce de tes créaturesÂÂ Tu mÂÂas appelé, et ton cri a forcé ma surdité ; tu as brillé et ton éclat a chassé ma cécité ; tu as exhalé ton parfum, je lÂÂai respiré, et voici que pour toi je soupire ; je tÂÂai goûtée et jÂÂai faim de toi, soif de toi ; tu mÂÂas touché, et je brûle dÂÂardeur pour la paix que tu donnes. »[10] Cette expérience de la rencontre avec le Dieu de Beauté, est un évènement vécu dans la totalité de lÂÂêtre, et non pas seulement dans la sensibilité. DÂÂoù la confession du De musica (6, 13, 38) : « Num possumus amare nisi pulchra ? ÂÂ Que pourrions-nous aimer sinon le beau ? ».

En proposant une esthétique théologique, Urs von Balthazar entendait ouvrir les horizons de la pensée à la méditation et à la contemplation de la beauté de Dieu, de son mystère et du Christ en qui Il se révèle. Dans lÂÂintroduction au premier volume de son ouvrage magistral : La Gloire et la Croix, le théologien évoque ce mot « qui pour nous sera le premier », la beauté, et il en exprime la portée par rapport au bien qui « a aussi perdu sa force dÂÂattraction » et où « les preuves de la vérité ont perdu leur caractère concluant » :

« Le mot par lequel nous commenceronsÂÂ cÂÂest : beauté ; cÂÂest lui qui pour nous sera le premier. Beauté, cÂÂest la dernière aventure où la raison raisonnante puisse se risquer, parce que la beauté ne fait que cerner dÂÂune éclat impalpable le double visage du vrai et du bien et leur réciprocité indissoluble ; beauté désintéressée, sans laquelle le monde ancien refusait de se concevoir, mais qui, insensiblement, a pris congé du monde intéressé dÂÂaujourdÂÂhui, pour lÂÂabandonner à sa cupidité et à sa tristesse. Beauté, que même la religion nÂÂaime et ne choie plus et qui pourtant, ôtée comme un masque de son visage, met à nu des traits qui menacent de devenir incompréhensibles aux hommesÂÂ

Celui qui, à son nom, fait la moue comme si elle était le vain ornement dÂÂun passé bourgeois, on peut être sûr que ÂÂ en secret ou ouvertement ÂÂ il ne peut déjà plus prier, et bientôt ne pourra plus aimerÂÂ

Dans un monde sans beauté ÂÂ même si les hommes ne peuvent se passer de ce mot, et lÂÂont sans cesse à la bouche en le prostituant ÂÂ dans un monde qui nÂÂest peut-être pas dépourvu de beauté, mais nÂÂest plus capable de la voir, de compter avec elle, le bien a aussi perdu sa force dÂÂattraction, lÂÂévidence « quÂÂil doit être accompli »ÂÂ Dans un monde qui ne se croit plus capable dÂÂaffirmer le beau, les preuves de la vérité ont perdu leur caractère concluant. »[11]

Parallèlement, avec dÂÂautres préoccupations, Aleksandr I. Soljenitsyne note avec accent prophétique, dans son Discours pour la remise du Prix Nobel de littérature : « Cette antique tri-unité de la Vérité, du Bien et de la Beauté nÂÂest pas simplement une formule caduque de parade, comme il nous avait semblé aux temps de notre présomptueuse jeunesse matérialiste. Si, comme le disaient les sages, les cimes de ces trois arbres se réunissent tandis que les pousses de la Vérité et du Bien, trop précoces et sans défenses, sont écrasées, déchirées et nÂÂarrivent pas à maturation, il peut se faire que, étranges, imprévues, inattendues, les pousses de la Beauté pousseront et croîtront à la même place, et ce seront elles, de cette manière, qui accompliront le travail pour toutes les trois. »[12]

Le Père Turoldo, chantre de la beauté, rapporte cette affirmation significative de Divo Barsotti : « Le mystère de la beauté ! JusquÂÂà ce que la vérité et le bien ne deviennent beauté, la vérité et le bien semblent rester, en quelque sorte, étrangers à lÂÂhomme, et sÂÂimposent à lui de lÂÂextérieur ; il y adhère, mais ne les possède pas ; ils exigent de lui une obéissance qui, de quelque manière, le mortifie ». Et il en tire la conclusion suivante : « Le vrai et le bien ne suffisent pas à créer une culture, parce que seuls, ils ne semblent pas suffire à créer une communion, une unité de vie entre les hommes. Et parce que la culture est lÂÂexpression même dÂÂun développement individuel, dÂÂune certaine perfection atteinte, il sÂÂensuit que la culture semble sÂÂexprimer au plus haut point dans la beauté. » Ainsi, bien loin de renoncer à proposer la Vérité et le Bien qui sont au cÂÂur de lÂÂÉvangile, il sÂÂagit de suivre une voie privilégiée pour leur permettre de rejoindre le cÂÂur de lÂÂhomme et des cultures.[13] Le monde en a un urgent besoin, comme le soulignait le Pape Paul VI dans son vibrant Message aux Artistes le 8 décembre 1965, à la clôture du Concile ÂÂcuménique Vatican II : « Ce monde dans lequel nous vivons a besoin de beauté pour ne pas sombrer dans la désespérance. La beauté, comme la vérité, cÂÂest ce qui met la joie au cÂÂur des hommes, cÂÂest ce fruit précieux qui résiste à lÂÂusure du temps, qui unit les générations et les fait communiquer dans lÂÂadmiration. »[14] Contemplée avec une âme pure, la beauté parle directement au cÂÂur, et lÂÂélève intérieurement de lÂÂétonnement à lÂÂémerveillement, de lÂÂadmiration à la gratitude, et du bonheur à la contemplation. Par là, elle crée un terrain fertile pour lÂÂécoute et le dialogue, car elle aide à saisir lÂÂhomme tout entier, esprit et cÂÂur, intelligence et raison, capacité créatrice et imagination. Car elle laisse difficilement indifférent : elle suscite des émotions, elle met en mouvement un dynamisme de profonde transformation intérieure qui engendre joie, sentiment de plénitude, désir de participer gratuitement à cette même beauté, de se lÂÂapproprier en lÂÂintériorisant et en lÂÂintégrant dans son existence concrète.

La voie de la beauté répond au désir intime de bonheur qui habite le cÂÂur de tous les hommes. Elle ouvre des horizons infinis qui poussent lÂÂêtre humain à sortir de lui-même, de la routine et de lÂÂéphémère instant qui passe, à sÂÂouvrir au Transcendant et au Mystère, à désirer, comme but ultime de son désir de bonheur et de sa nostalgie dÂÂabsolu, cette Beauté originelle quÂÂest Dieu lui-même, Créateur de toute beauté créée. Nombre de Pères sÂÂy sont référés au cours du Synode des Évêques sur lÂÂEucharistie, en octobre 2005. LÂÂhomme, dans son désir intime de bonheur, ne peut éviter de se trouver au prises avec le mal, la souffrance et de la mort. Et les cultures elles-mêmes sont parfois confrontées à des phénomènes analogues de blessures qui peuvent conduire jusquÂÂà leur disparition. La voie de la beauté aide à sÂÂouvrir à la lumière de la vérité, et elle éclaire ainsi la condition humaine en aidant à saisir le sens mystérieux de la douleur. Ce faisant, elle facilite la guérison de ces blessures.

Trois développements sÂÂoffrent à nous comme voies privilégiées de la Via pulchritudinis pour dialoguer avec les cultures contemporaines :

La Beauté de Dieu, révélée par la beauté singulière de son Fils, constitue lÂÂorigine et la fin de tout le créé. SÂÂil est possible de partir du degré le plus élémentaire, pour ensuite remonter, selon un dynamisme inscrit dans lÂÂÉcriture Sainte, de la beauté sensible de la nature à la Beauté du Créateur, celle-ci resplendit dÂÂune manière unique sur le visage du Christ, et sur celui de sa Mère et des saints. Pour le chrétien, la « création » est inséparable de la « recréation », car si Dieu a jugé bonne et belle lÂÂÂÂuvre des six jours (cf. Gn 1), le péché, avec le désordre a introduit la laideur du mal et de la mort dont le Christ ressuscité est vainqueur. « Heureuse faute qui nous a valu un tel Rédempteur ! », chante la liturgie de Pâques : la Grâce qui se répand sur le monde du côté ouvert du Christ Sauveur, purifie et introduit dans une beauté tout autre le monde sauvé qui attend dans les gémissements lÂÂheure de la transformation finale (Rm 8, 22).

LÂÂÉcriture souligne la valeur symbolique de la beauté du monde qui nous entoure, reflet visible de la beauté de son créateur invisible : « Oui, vains par nature tous les hommes en qui se trouvait lÂÂignorance de Dieu, qui, en partant des biens visibles, nÂÂont pas été capables de connaître Celui-qui-est, et qui, en considérant les ÂÂuvres, nÂÂont pas reconnu lÂÂArtisanÂÂ SÂÂils les ont pris pour des dieux, quÂÂils sachent combien leur Maître est supérieur, car cÂÂest la source même de la beauté qui les a créés. » (Sg 13, 1 et 3). Il est toutefois un abîme entre la beauté ineffable de Dieu et ses vestiges dans la création, aussi lÂÂauteur sacré ne croit pas inutile de préciser le cadre de cette « dialectique ascendante » : « La grandeur et la beauté des créatures font, par analogie, contempler leur Auteur » (v. 5). Il importe de dépasser les formes visibles des choses de la nature, pour remonter jusquÂÂà leur Auteur invisible, le « Tout Autre » que nous professons dans le Credo : « Je crois en un seul Dieu, le Père tout-puissant, créateur du ciel et de la terre, de lÂÂunivers visible et invisible ».

A) LÂÂémerveillement devant la beauté de la création. « La nature est un temple où de vivants piliers laissent parfois sortir de confuses parolesÂÂ ». Les poètes sont, avec Baudelaire, particulièrement sensibles aux beautés de la création et à leur mystérieux langage. Ainsi, en son Cantique spirituel, saint Jean de la Croix donne aux créatures de confesser :

et le poète anglais G.M. Hopkins : « Le monde est pénétré de la splendeur de Dieu ». CÂÂest que de la contemplation dÂÂun paysage au coucher du soleil, des sommets des montagnes enneigées sous le ciel étoilé, des champs couverts de fleurs baignés de lumière, du foisonnement des plantes et des espèces animales naissent une palette de sentiments qui nous invitent à « lire de lÂÂintérieur ÂÂ intus-legere », pour, du visible atteindre lÂÂinvisible et donner réponse raisonnable au questionnement incontournable : qui est cet artisan à lÂÂimagination si puissante à lÂÂorigine de tant de beauté et de grandeur, dÂÂune telle profusion dÂÂêtres dans le ciel et sur la terre ?

Voici deux mille ans, Platon avait dit : « Le beau, qui est lÂÂunité dÂÂune diversité, nous fait parvenir au seuil de la réalité suprême, le Bien », c'est à dire Dieu. Et Aristote affirmait que « dans toutes les choses de la nature, il est quelque chose de merveilleux ». LÂÂétude de la nature et du cosmos a, de fait, joué un rôle essentiel dans la philosophie, dès la Grèce antique. De même, en théologie, la cosmologie a constitué un élément fondamental pour comprendre lÂÂÂÂuvre de Dieu et son action dans lÂÂhistoire. Ainsi : la vision du Pseudo-Denys lÂÂAréopagite, tant de fois reprise dans la théologie et la mystique chrétienne, et la cosmologie aristotélicienne reprise par saint Thomas, présente dans ses « preuves de lÂÂexistence de Dieu ». Emmanuel Kant reconnaît lui aussi la beauté de la création et sa capacité à provoquer lÂÂémerveillement, dans la Critique de la raison pratique : « Deux choses remplissent le cÂÂur dÂÂune admiration et dÂÂune vénération toujours nouvelles et toujours croissantes, à mesure que la réflexion sÂÂy attache et sÂÂy applique : le ciel étoilé au-dessus de moi et la loi morale en moi. »

La contemplation des beautés de la création suscite la paix intérieure et aiguise le sens de lÂÂharmonie et le désir dÂÂune vie belle. Chez lÂÂhomme religieux, lÂÂétonnement et lÂÂadmiration se transforment en des attitudes intérieures plus spirituelles : lÂÂadoration, la louange et lÂÂaction de grâces envers lÂÂAuteur de ces beautés. Ainsi le psalmiste : « Quand je contemple les cieux, ouvrage de tes mains, la lune et les étoiles que tu as créées : QuÂÂest-ce que lÂÂhomme, pour que tu te souviennes de lui ? le fils de lÂÂhomme, pour que tu en prennes souci ? Tu lÂÂas fait de peu inférieur à Dieu, et tu lÂÂas couronné de gloire et de magnificence. Tu lui as donné la domination sur les oeuvres de tes mains, tu as tout mis sous ses piedsÂÂ Yahvé, notre Dieu, que ton nom est magnifique sur toute la terre ! » (Ps 8, 3-6 et 9). La tradition franciscaine, avec saint Bonaventure et Dun Scot Erigène[15], accorde une dimension « sacramentelle » à la création, qui porte en elle les traces de ses origines. Aussi, la nature est-elle considérée comme une allégorie, et chaque réalité naturelle le symbole de son Auteur.

B) De la création à la recréation. Parmi les créatures, il en est une qui présente une certaine similitude de Dieu : lÂÂhomme, créé « à son image et à sa ressemblance » (Gn 1, 27). Par son âme spirituelle, il porte en lui un « germe dÂÂéternité irréductible à la seule matière » (Gaudium et spes, 18). Mais lÂÂimage a été altérée par le premier péché, ce poison qui affaiblit la volonté dans son orientation vers le bien et, par là, obscurcit lÂÂintelligence et entache la sensibilité. La beauté de lÂÂâme, assoiffée de vérité et élan vers le bien-aimé, perd de son éclat et devient capable du mal, du laid. Un enfant témoin dÂÂun acte mauvais ne dit-il pas spontanément : « Ce nÂÂest pas beau ». Ainsi la laideur ÂÂ et donc a fortiori le bien ÂÂ apparaît dans le domaine de la morale et rejaillit sur lÂÂhomme, son sujet. Avec le péché, celui-ci a perdu sa beauté originelle et se voit nu, jusquÂÂà en éprouver de la honte. La venue du Rédempteur le rétablit dans sa beauté première, plus encore, le revêt dÂÂune beauté nouvelle : la beauté inimaginable de la créature élevée à la filiation divine, la transfiguration promise de lÂÂâme rachetée et élevée par la grâce, son resplendissement dans toutes les fibres du corps appelé à ressusciter avec le Christ (Eph 2, 6).

Si le Christ, Nouvel Adam, « manifeste pleinement lÂÂhomme à lui-même et lui découvre la sublimité de sa vocation » (Gaudium et spes, 22), le regard chrétien sur la beauté de la création trouve son achèvement dans la bouleversante nouvelle de la recréation : le Christ, parfaite représentation de la gloire du Père, communique à lÂÂhomme de sa plénitude de grâce. Il le rend « gracieux », cÂÂest-à-dire beau et agréable à Dieu. LÂÂIncarnation est le centre focal, la juste perspective dans laquelle la beauté prend son ultime signification : « "Image du Dieu invisible" (Col 1,15), le Christ Seigneur est lÂÂhomme parfait qui a restauré dans la descendance dÂÂAdam la ressemblance divine, altérée dès le premier péché. Parce quÂÂen lui la nature humaine a été assumée, non absorbée, par le fait même, cette nature a été élevée en nous aussi à une dignité sans égale. Car, par son incarnation, le Fils de Dieu sÂÂest en quelque sorte uni lui-même à tout homme. » Nous y reviendrons plus loin, la beauté de la sainteté qui émane de lÂÂhomme configuré au Christ sous le souffle de lÂÂEsprit-Saint, est lÂÂun des plus beaux témoignages, capable dÂÂébranler les plus indifférents et de leur faire ressentir le passage de Dieu dans la vie des hommes.

Dans une action de grâces continuelle, le chrétien loue le Christ qui lui a redonné vie, et se laisse transfigurer par ce don glorieux qui lui est fait. Nos yeux avides de beauté se laissent attirer par le Nouvel Adam, véritable icône du Père éternel, « resplendissement de Sa gloire » et « effigie de Sa substance » (He 1.3). Aux « cÂÂurs purs » à qui il est promis de voir Dieu face à face, le Christ donne déjà dÂÂentrevoir la lumière de la gloire au cÂÂur même de la nuit de la foi.

C) La création, utilisée ou idolâtrée. Nombreux, cependant, sont les hommes et les femmes qui ne voient la nature et le cosmos que dans leur matérialité visible, univers muet qui nÂÂaurait dÂÂautre destin que dÂÂobéir aux froides lois physiques immuables et invariables, sans évoquer nulle autre beauté, encore moins un Créateur. Dans une culture où le scientisme, cette science extrapolée hors de ses frontières, impose les limites de sa méthode dÂÂobservation valable dans le domaine des sciences exactes, jusquÂÂà en faire indûment la norme exclusive de toute connaissance, le cosmos est réduit à nÂÂêtre quÂÂun immense réservoir où lÂÂhomme puise jusquÂÂà lÂÂépuiser, en fonction de ses besoins croissants, démesurés.

Le Livre de la Sagesse met en garde contre une telle myopie que saint Paul dénonce comme un « péché dÂÂorgueil et de présomption » (Rm 1, 20-23). Au reste, la création nÂÂest pas muette : les phénomènes naturels extraordinaires, parfois tragiques, enregistrés ces dernières années, et les désastres écologiques qui ne cessent de se multiplier, suscitent une nouvelle compréhension de la nature, de ses lois, de son harmonie. Il sÂÂavère de plus en plus évident pour nombre de nos contemporains que la nature ne peut ni ne doit être manipulée sans respect.

Il ne sÂÂagit pas pour autant de faire de la nature un absolu, voire une idole, comme en certains groupes néo-païens : sa valeur ne saurait surpasser la dignité de lÂÂhomme appelé à en être le gardien.

Une attention particulière à la nature, aide à y découvrir le miroir de la beauté de Dieu. Aussi est-il urgent de promouvoir une plus grande attention à lÂÂégard de la création et de sa beauté, tant dans la formation humaine que chrétienne, en évitant de la réduire à un simple écologisme, voire à une vision panthéiste. Certains mouvements ÂÂ scoutisme, Action catholique de lÂÂenfance, etc. ÂÂ sÂÂemploient à éduquer à lÂÂobservation de la nature et sensibilisent à sa protection. Ils aident les jeunes à découvrir le projet créateur de Dieu, tout en éveillant en eux les sentiments liés à lÂÂémerveillement, à lÂÂadoration et à lÂÂaction de grâce. Il importe donc dÂÂêtre attentif à mettre en lumière la double dimension de lÂÂécoute :

ÂÂ et écoute de Dieu qui nous parle à travers sa création et se rend accessible à la raison, selon lÂÂenseignement du Concile Vatican I (Dei Filius, Ch. 2, can.1).

La catéchèse, dans son effort de formation des enfants et des jeunes, tire avantage à développer une pédagogie de lÂÂobservation des beautés naturelles et des attitudes humaines fondamentales qui sÂÂy rapportent : silence, écoute, admiration, intériorisation, patience dans lÂÂattente, découverte de lÂÂharmonie, respect de lÂÂéquilibre naturel, sens de la gratuité, adoration et contemplation.

LÂÂenseignement dÂÂune authentique philosophie de la nature et dÂÂune théologie de la Création mériterait un nouvel élan dans une culture où le dialogue science et foi est particulièrement crucial, où les clercs se doivent de posséder un minimum de connaissances épistémologiques, et où les scientifiques méconnaissent trop souvent lÂÂimmense profit à tirer de la sagesse chrétienne.[16] Les préjugés scientistes et le fidéisme sont encore trop souvent présents dans la mentalité commune, aussi est-il crucial de provoquer à tous les niveaux ÂÂ dans les Établissements dÂÂenseignement catholiques, les Instituts de formation, les Universités, les Centres culturels catholiques, etc. ÂÂ des occasions de rencontre et de dialogue entre hommes de science et de foi. Dans ce cadre, le Jubilé des Scientifiques, célébré pendant le grand Jubilé de lÂÂan 2000, a provoqué de nouvelles initiatives culturelles, destinées à renouveler le dialogue science et foi[17]. Parmi celles-ci, le projet STOQ, Science, Theology and Ontological Quest, promu par le Conseil Pontifical de la Culture en collaboration avec plusieurs Universités pontificales, aide un nombre croissant dÂÂétudiants à parcourir le chemin qui conduit de lÂÂobservation intellectuelle et de lÂÂexpérience humaine à la connaissance du Créateur, en utilisant avec sagesse sous la conduite de spécialistes reconnus les meilleurs acquis des sciences modernes, à la lumière de la droite raison. Par ailleurs, chaque branche du savoir ÂÂ philosophie, théologie, sciences humaines et sociales, psychologie ÂÂ peut contribuer au dévoilement de la beauté de Dieu et de sa création.

Les actions en faveur de la défense de la nature, de lÂÂhabitat naturel, organisées par des communautés chrétiennes ou des familles religieuses sÂÂinspirant de lÂÂexemple de saint François qui « contemplait le Très Beau dans les choses belles »[18], ont un certain écho et contribuent au développement dÂÂune vision moins « idolâtre » de la nature. La Lettre pastorale des Évêques Australiens du Queensland au titre évocateur : Let the Many Coastlands Be Glad ! A Pastoral Letter on the Great Barrier Reef, en est un exemple. Il est important de multiplier les initiatives pour transmettre, dans la culture contemporaine, le sens de la valeur authentique de la nature, de sa beauté, de sa puissance symbolique et de sa capacité à faire découvrir lÂÂÂÂuvre créatrice de Dieu.

Si la nature et le cosmos qui sont lÂÂexpression de la beauté du Créateur peuvent introduire au seuil dÂÂun silence tout de contemplation, la création artistique possède une capacité propre à évoquer lÂÂindicible du mystère de Dieu. LÂÂÂÂuvre dÂÂart nÂÂest pas « la beauté », mais elle en est lÂÂexpression, et si elle obéit à des canons ÂÂ par nature fluctuants : tout art est lié à une culture ÂÂ, elle possède un caractère intrinsèque dÂÂuniversalité. La beauté artistique suscite lÂÂémotion intérieure, provoque dans le silence le ravissement et conduit à la « sortie de soi », lÂÂextase où la personne se trouve comme transportée hors du monde sensible par lÂÂintensité du sentiment éprouvé.

Pour le croyant, la beauté transcende lÂÂesthétique et le beau trouve son archétype en Dieu. La contemplation du Christ dans son mystère dÂÂIncarnation et de Rédemption est la source vive à laquelle lÂÂartiste chrétien puise son inspiration pour dire le mystère de Dieu et le mystère de lÂÂhomme sauvé en Jésus Christ. Toute ÂÂuvre dÂÂart chrétienne a un sens : elle est, par nature, un « symbole », une réalité qui renvoie au-delà dÂÂelle-même, qui aide à avancer sur la voie qui révèle le sens, lÂÂorigine et la fin de notre cheminement terrestre. Sa beauté se caractérise par sa capacité à mouvoir de lÂÂintérieur le passage du « pour soi » au « plus grand que soi ». Ce passage se réalise en Jésus Christ, qui est lui-même « la voie, la vérité et la vie » (Jn 14, 6), la « Vérité tout entière » (Jn 16, 13).

A) La beauté suscitée par la foi. Les ÂÂuvres dÂÂart dÂÂinspiration chrétienne, qui constituent une part incomparable du patrimoine artistique et culturel de lÂÂhumanité, sont lÂÂobjet dÂÂun véritable engouement de foules de touristes, croyants ou non, agnostiques ou indifférents au fait religieux. Ce phénomène ne cesse de croître et touche toutes les catégories de la population, sans distinction de culture et de religion. La culture, au sens du « patrimoine spirituel », sÂÂest fortement « démocratisée » : grâce aux développements extraordinaires de la technologie, les ÂÂuvres dÂÂart se sont rapprochées du « peuple ». Désormais, un minuscule appareil électronique peut contenir toute lÂÂÂÂuvre de Mozart ou de Bach, et la mise sur vidéodisque de dizaines de milliers de miniatures de la bibliothèque du Vatican les met à la portée de tous.

LÂÂincarnation du Fils de Dieu est le fondement de lÂÂimage chrétienne. « Image du Dieu invisible » (Col 1, 15), le Christ qui repose dans le sein du Père nous lÂÂa fait connaître (cf. Jn 1, 18). Aussi les générations de chrétiens se succèdent qui gardent soigneusement le souvenir non seulement de ses paroles et de ses gestes, mais aussi de lÂÂimage de sa sainte Face. LÂÂamour du sauveur incite les croyants à lÂÂexpression artistique de leur foi. Dans sa Lettre apostolique Duodecimum Saeculum du 4 décembre 1987, le pape Jean-Paul II souligne comment la doctrine du IIème Concile de Nicée a nourri lÂÂart de lÂÂÉglise, tant en Orient quÂÂen Occident, lui inspirant des ÂÂuvres dÂÂune beauté et dÂÂune profondeur sublimes. Le pape rappelle lÂÂessentiel : « le croyant dÂÂaujourd'hui comme celui dÂÂhier doit pouvoir être aidé dans sa prière et sa vie spirituelle par la vue d'ÂÂuvres qui tentent d'exprimer le mystère et jamais ne l'occultent », « l'art pour l'art qui ne renvoie qu'à son auteur, sans établir un rapport avec le monde divin, n'a pas sa place dans la conception chrétienne de l'icône », et « lÂÂart sacré doit tendre à nous offrir une synthèse visuelle de toutes les dimensions de notre foi. ». Ainsi, « l'art d'Église doit viser à parler le langage de l'Incarnation et, avec les éléments de la matière, exprimer Celui qui "a daigné habiter dans la matière et opérer notre salut à travers la matièreÂÂ. » [19]

Le visage du Christ, en sa beauté singulière, les scènes de lÂÂÉvangile et les grands événements prophétiques de lÂÂAncien Testament, le Golgotha, la Vierge à lÂÂEnfant et la Vierge des Douleurs ont constitué au long des siècles une source féconde dÂÂinspiration pour les artistes chrétiens. En un foisonnement imaginatif extraordinaire, ceux-ci sÂÂefforcent, à travers une recherche continuelle et sans cesse renouvelée, de représenter la beauté de Dieu révélée dans le Christ, et de la rendre plus proche, presque tangible et visible. En quelque sorte, lÂÂartiste prolonge la Révélation par une mise en forme, en image, en couleur ou en sonorité. En montrant combien Dieu est beau, il dit combien il lÂÂest pour lÂÂhomme, comme son bien propre et la vérité ultime de son existence. La beauté chrétienne est porteuse dÂÂune vérité plus grande que le cÂÂur de lÂÂhomme, vérité qui dépasse le langage humain, et indique son Bien, lÂÂunique essentiel.

Les Cardinaux de la Sainte Église romaine nÂÂont-ils pas ressenti la terrible beauté du Jugement dernier de Michel Ange, en la Chapelle Sixtine, dans lÂÂacte dÂÂélire le nouveau Pontife Romain ? Les cathédrales et les églises dÂÂOrient et dÂÂOccident, nÂÂatteignent-elles pas un sommet de splendeur quand une liturgie ruisselante de beauté y est célébrée par tout un peuple rassemblé ? Les abbayes et les monastères, ne deviennent-ils pas des havres de paix quand y retentissent les mélodies inaltérables qui, à travers les siècles, poursuivent leur fonction de louange, de supplication et dÂÂaction de grâces ? Tant dÂÂhommes et de femmes, de toutes les époques et de toutes les cultures, ont éprouvé une profonde émotion, jusquÂÂà ouvrir leur cÂÂur à Dieu, en contemplant le visage du Christ en Croix, comme en son temps François dÂÂAssise, en écoutant une Passion ou un Te Deum, en sÂÂagenouillant devant un retable dÂÂor ou une icône byzantine.

Le pape Jean-Paul II, dans sa Lettre aux artistes, a appelé à une nouvelle épiphanie de la beauté et à un nouveau dialogue foi et culture entre lÂÂÉglise et lÂÂart, en soulignant le besoin réciproque de lÂÂun et de lÂÂautre et la fécondité de leur alliance millénaire dÂÂoù jaillit cet « enfantement dans la beauté » dont Platon déjà parlait dans Le Banquet.[20]

Si le milieu culturel conditionne fortement lÂÂartiste, alors se pose la question : comment être gardiens de la beauté, selon le vÂÂu de von Balthasar, dans cette culture artistique contemporaine où la séduction érotique omniprésente hypertrophie les instincts, pollue lÂÂimaginaire et inhibe les facultés spirituelles ? En réalité, sauver la beauté, nÂÂest-ce pas sauver lÂÂhomme ? NÂÂest-ce pas le rôle de lÂÂÉglise, « experte en humanité » et gardienne de la foi ?

B) Apprendre à accueillir cette beauté. Les ÂÂuvres dÂÂart inspirées par la foi chrétienne ÂÂ peintures et mosaïques, icônes et vitraux, sculptures et architectures, ivoires et argents, ÂÂuvres poétiques et littéraires, musicales et théâtrales, cinématographiques et chorégraphiques, et tant dÂÂautres encore ÂÂ possèdent un potentiel énorme, toujours actuel, qui ne se laisse pas altérer par le temps qui passe : il permet de communiquer de manière intuitive et savoureuse la grande expérience de la foi, de la rencontre avec Dieu dans le Christ en qui se dévoile le mystère de lÂÂamour de Dieu et lÂÂidentité profonde de lÂÂhomme.

En sÂÂadressant aux artistes dans la Chapelle Sixtine, le 7 mai 1964, le pape Paul VI dénonçait le « divorce » entre lÂÂart et le sacré, caractéristique du XXème siècle, et observait quÂÂaujourdÂÂhui nombre dÂÂentre eux éprouvent de grandes difficultés à traiter les thèmes chrétiens par manque de formation et dÂÂexpérience de la foi chrétienne.[21] La laideur de certaines églises et de leur décoration, leur inadaptation à la célébration liturgique, sont les conséquences de ce divorce, dÂÂune lacération qui demande à être soignée pour être guérie. Aussi importe-t-il de remédier à lÂÂignorance galopante dans le domaine de la culture religieuse pour permettre à lÂÂart chrétien du passé comme du présent dÂÂouvrir à tous la via pulchritudinis.[22] Pour être pleinement reçue et comprise, lÂÂÂÂuvre dÂÂart chrétienne a besoin dÂÂêtre lue à la lumière de la Bible et des textes fondamentaux de la Tradition auxquels se réfère lÂÂexpérience de foi. Si la beauté se dit, encore faut-il en apprendre le langage propre, éveilleur dÂÂadmiration, dÂÂémotion et de conversion. SÂÂil existe un langage de la beauté, celui de lÂÂÂÂuvre chrétienne ne transmet pas seulement le message de lÂÂartiste, mais la vérité du mystère de Dieu médité par une personne qui nous en livre sa propre lecture, non pour se glorifier, mais pour en glorifier la Source. LÂÂanalphabétisme biblique stérilise la capacité de compréhension de lÂÂart chrétien.

Par ailleurs, un effort conjoint doit être entrepris pour surmonter une difficulté due à un certain climat culturel suscité par une critique dÂÂart largement influencée par des idéologies matérialistes : la mise en évidence du seul aspect esthético-formel des ÂÂuvres, sans intérêt pour leur contenu qui a inspiré tant de beauté, stérilise lÂÂart, tarît le flot vivifiant de la vie spirituelle pour lÂÂenfermer dans la seule émotion sensible.

C) LÂÂart sacré, instrument dÂÂévangélisation et de catéchèse. Le Serviteur de Dieu Jean-Paul II qualifiait le patrimoine artistique inspiré par la foi chrétienne de « formidable instrument de catéchèse », fondamental pour « relancer le message universel de la beauté et de la bonté » (Aux Évêques de Toscane, 11 mars 1991). En syntonie avec lui, le Cardinal Ratzinger, en sa qualité de Président de la Commission spéciale de préparation du Compendium du Catéchisme de lÂÂÉglise catholique, justifiait ainsi lÂÂinsertion caractéristique des images dans cet ouvrage : « LÂÂimage est aussi une prédication évangélique. En tout temps, les artistes ont offert à la contemplation et à lÂÂadmiration des fidèles les évènements marquants du mystère du salut, les présentant avec la splendeur des couleurs et dans la perfection de la beauté. CÂÂest là un indice de ce que, aujourdÂÂhui plus que jamais dans la civilisation de lÂÂimage, lÂÂimage sainte peut exprimer beaucoup plus que les paroles elles-mêmes, car son dynamisme de communication et de transmission du message évangélique est autrement plus efficace ».[23]

Le futur Cardinal Christoph Schönborn, dans un article sur LÂÂIcône du Verbe Incarné publié dans LÂÂOsservatore romano à lÂÂoccasion de la publication de la Lettre apostolique Duodecimum Saeculum du Pape Jean-Paul II, sÂÂinterroge sur le regain dÂÂintérêt pour la théologie et la spiritualité des icônes orientales : « Dans un monde submergé par lÂÂimage, lÂÂimage de toute sorte, violente, érotique, commerciale, lÂÂimage qui choque ou qui séduit, nÂÂy a-t-il pas une soif de plus en plus grande de lÂÂimage pure, lÂÂimage sainte, lÂÂimage qui suscite la compassion, la joie, qui élève le cÂÂur vers lÂÂamour de Dieu et qui nous sensibilise à la vraie beauté, celle de Dieu et de sa création ? Soif de lÂÂimage « dÂÂen haut », de lÂÂimage qui nous parle du monde de Dieu, qui nous transcrit une inspiration qui ne vient pas simplement des bas-fonds de notre subconscient, de nos désirs refoulés ou inassouvis, mais qui est reçue « dÂÂen haut », dans une écoute et un accueil de ce que Dieu dit et donne à lÂÂhomme »[24]. CÂÂest pourquoi le document du Conseil Pontifical de la Culture, Pour une pastorale de la culture, souhaite quÂÂ« en notre culture marquée par un déluge dÂÂimages souvent banales et brutales, quotidiennement déversées par les télévisions, les films et les vidéocassettes », une « alliance féconde entre lÂÂÉvangile et lÂÂart » soit promue pour « de nouvelles épiphanies de beauté, nées de la contemplation du Christ, Dieu fait homme, de la méditation de ses mystères, de leur irradiation dans la vie de la Vierge Marie et des saints » (n. 36).

La forte capacité de communiquer de lÂÂart sacré le rend capable de franchir les barrières et les filtres des préjugés, pour rejoindre le cÂÂur des hommes et des femmes dÂÂautres cultures et religions, et leur donner de percevoir lÂÂuniversalité du message du Christ et de son Évangile. Aussi, quand une ÂÂuvre dÂÂart inspirée par la foi est offerte au public dans le cadre de sa fonction religieuse, elle se révèle comme une « via », un « chemin dÂÂévangélisation et de dialogue » qui donne de goûter, en même temps quÂÂau patrimoine vivant du christianisme, à la foi chrétienne elle-même. Des guides expérimentés, comme Emile Berthoud en son monumental ouvrage de quelque 500 pages abondamment illustrées, 2.000 ans dÂÂart chrétien[25], permettent de présenter à nos contemporains, souvent imperméables à un autre enseignement, le souci permanent de lÂÂÉglise, depuis deux millénaires, de rapprocher tout un chacun du Dieu de beauté à lÂÂaide de lÂÂimage, certes imparfaite, mais suggestive, et de transmettre le message évangélique du Christ par le puissant moyen de lÂÂart et de ses expressions en syntonie avec les cultures, des premiers lieux de rassemblement de lÂÂassemblée chrétienne aux cathédrales, de lÂÂart byzantin à lÂÂart roman, de lÂÂart gothique à la Renaissance, de lÂÂart baroque à lÂÂart moderne.

Relire les ÂÂuvres dÂÂart chrétiennes, grandes ou petites, artistiques ou musicales, et les replacer dans leur contexte tout en approfondissant leurs liens vitaux avec la vie de lÂÂÉglise, en particulier la liturgie, cÂÂest faire « parler » à nouveau ces ÂÂuvres, leur permettre de transmettre le message qui en a inspiré la création. La via pulchritunidis, en empruntant le chemin des arts, conduit à la veritas de la foi, le Christ lui-même, devenu « par lÂÂIncarnation, icône du Dieu invisible ». Jean-Paul II nÂÂhésite pas à partager sa « conviction que, en un certain sens, lÂÂicône est un sacrement : en effet, dÂÂune manière analogue à ce qui se réalise dans les sacrements, elle rend présent le mystère de lÂÂIncarnation dans lÂÂun ou lÂÂautre de ses aspects ».[26] Michel Quenot en donne le témoignage : « Le regard se pose sur lÂÂimage sainte et le cÂÂur se laisse interroger. En effet, la plénitude pressentie de ces existences singulières éveille la curiosité : quÂÂest-ce qui fait la vérité dÂÂun visage ? DÂÂoù vient la lumière qui en rayonne ? A quelle source de vie sÂÂabreuvent ces existences pleines de paix, dÂÂunité profonde, dÂÂénergie et de rayonnement ? »[27]

Les ÂÂuvres dÂÂart chrétiennes offrent au croyant un thème de réflexion et une aide pour entrer en contemplation dans une prière intense, à travers un moment de catéchèse, comme aussi de confrontation avec lÂÂHistoire Sainte. Les chefs-dÂÂÂÂuvre inspirés par la foi sont de vraies ÂÂBibles des pauvresÂÂ, ÂÂéchelles de JacobÂÂ qui élèvent lÂÂâme jusquÂÂà lÂÂAuteur de toute beauté, et avec Lui, au mystère de Dieu et de ceux qui vivent dans sa vision béatifiante : « Vita hominis, visio Dei ÂÂ La vie de lÂÂhomme est la vision de Dieu », professe saint Irénée[28]. Ils sont les voies privilégiées dÂÂune authentique expérience de foi. En conclusion de sa lumineuse thèse de doctorat sur LÂÂicône du Christ. Fondements théologiques élaborés entre le Ie et le IIème Concile de Nicée (325-787), le futur Cardinal Christoph Schönborn fait de la contemplation le critère profond de lÂÂart sacré : « Pendant des siècles, lÂÂÉglise était le foyer rayonnant de la beauté, le lien dÂÂune créativité humaine transfigurée. Elle devrait se renier elle-même si, du fond de sa vocation, elle nÂÂaspirait pas à manifester la beauté dont elle a été comblée. LÂÂadmiration que suscite de nos jours lÂÂart des icônes, leur beauté si pure et si purifiante, ne viendrait-elle pas de lÂÂaspiration à cette beauté dont Dostoïevski a dit quÂÂelle sauvera le monde ? Or, dÂÂoù pourrait se nourrir un tel art, sinon de la contemplation du Christ ? Ne serait-ce pas là le seul critère profond quÂÂon puisse donner aujourdÂÂhui à ce qui constituerait un art spécifiquement chrétien ? Ce critère ne saurait être, ni un certain canon dÂÂexpression artistique, ni un certain choix thématique, mais un regard transformé par une longue et patiente contemplation de la Sainte Face du Christ notre Dieu. »[29]

La Lettre aux artistes du pape Jean-Paul II, qui constitue une référence fondamentale à cet égard, trouve un large écho dans le document du Conseil Pontifical de la Culture, Pour une pastorale de la culture.[30] Les conférences épiscopales peuvent prendre ces deux textes comme base de départ pour des initiatives concrètes.[31]

Il sÂÂagit par une éducation appropriée dÂÂinitier au langage de la beauté et de former lÂÂaptitude à saisir le message de lÂÂart chrétien : ce qui rend les ÂÂuvres belles, et surtout ce qui en elles favorise une rencontre avec le mystère du Christ. Dans ce domaine, une prise de conscience se fait jour, avec une reprise significative des études sur lÂÂart sacré chrétien, désormais mieux connu de ceux qui sont en charge de formation chrétienne. Ainsi, les cours de formation se multiplient dans les Universités catholiques, comme à la Faculté dÂÂHistoire de lÂÂÉglise et des Biens culturels de lÂÂUniversité pontificale Grégorienne, à lÂÂInstitut dÂÂArt Sacré et de Musique liturgique de lÂÂInstitut catholique de Paris et à lÂÂUniversité catholique de Lisbonne. Les revues dÂÂinspiration chrétienne abordent de plus en plus souvent ce sujet, comme par exemple Arte Cristiana de Milan, Humanitas de Santiago du Chili. Les Musées diocésains se multiplient, conçus comme de vrais Centres culturels catholiques. Des publications récentes empruntent la via pulchritudinis et aident le lecteur à entrer dans le langage de lÂÂart pour une méditation spirituelle.[32] Toutefois, un important travail de reformulation théorique de lÂÂenseignement de lÂÂart sacré à partir dÂÂune authentique vision chrétienne apparaît particulièrement nécessaire devant les interprétations idéologiques et athées largement répandues.

Il sÂÂagit aussi de créer les conditions du renouveau de la création artistique dans la communauté chrétienne, et pour cela nouer des liens personnels avec les artistes et les aider à saisir ce qui permet à une ÂÂuvre dÂÂart dÂÂêtre authentiquement religieuse et digne de lÂÂ« art sacré ». Si beaucoup a été fait en ces dernières décennies en de nombreux diocèses, beaucoup reste encore à faire pour valoriser le très riche patrimoine culturel et artistique de lÂÂÉglise né de la foi chrétienne, et lÂÂutiliser comme instrument dÂÂévangélisation, de catéchèse et de dialogue. Il ne suffit pas de faire des musées : il faut donner à ce patrimoine de pouvoir exprimer le contenu de son message. Une liturgie authentiquement belle aide à pénétrer dans ce langage particulier de la foi, fait de symboles et dÂÂévocations du mystère célébré.

Quelques initiatives ont déjà fait leurs preuves et méritent une attention particulière :

ÂÂ Dialogue avec les artistes, les peintres, les sculpteurs, architectes dÂÂéglise, restaurateurs, musiciens, poètes, dramaturges, etc., pour alimenter leur imaginaire aux sources de la foi et, dans le même temps, demeurer profondément enracinés dans les diverses cultures, pour permettre de nouveaux rapports entre les commandes de lÂÂÉglise et la production des artistes. LÂÂanalphabétisme liturgique de certains artistes choisis pour la construction dÂÂéglises, est un véritable drame trop largement répandu.

ÂÂ Formation à la beauté du mystère chrétien exprimé dans lÂÂart sacré, à lÂÂoccasion de lÂÂinauguration dÂÂune nouvelle église, dÂÂune ÂÂuvre dÂÂart, dÂÂun concert, dÂÂune liturgie particulière.

ÂÂ Organisation dÂÂévénements culturels et artistiques ÂÂ expositions, concours primés, concerts, conférences, festivals, etc. ÂÂ, pour valoriser lÂÂimmense patrimoine de lÂÂÉglise et son message, et favoriser une nouvelle créativité, en particulier dans le domaine de lÂÂart et du chant liturgiques.

ÂÂ Publications locales sous forme de dépliants touristiques, de pages web ou de revues plus spécialisées, sur le patrimoine, avec le souci pédagogique de mettre en évidence lÂÂâme, lÂÂinspiration et le message des ÂÂuvres, lÂÂanalyse scientifique se mettant au service de la compréhension profonde de lÂÂÂÂuvre.

ÂÂ Sensibilisation des agents de la pastorale, des catéchistes et enseignants de religion, mais aussi des séminaristes et du clergé, à travers des cours de formation, des séminaires, des rencontres thématiques, des visites guidées. Les Musées diocésains et les Centres culturels catholiques peuvent jouer un rôle important, notamment en proposant la lecture des ÂÂuvres dÂÂart locales ou régionales, et favoriser leur usage dans la catéchèse.

ÂÂ Formation de guides informés de la spécificité de lÂÂart dÂÂinspiration chrétienne, création de groupes spécialisés pour la mise en valeur des ÂÂuvres et Centres culturels qui partagent ces mêmes finalités.

ÂÂ Étude et approfondissement de la problématique au niveau scolaire et universitaire, par des masters, séminaires, laboratoires, etc. Proposition de bourses dÂÂétude ou dÂÂaides propres à sensibiliser les instances éducatives. Développement au niveau régional et national, dÂÂInstituts de Musique sacrée, de Liturgie, dÂÂArchéologie, etc., et constitution de bibliothèques spécialisées dans ce domaine.

Si la beauté de la création est, selon saint Augustin, une « confessio » et invite à contempler la beauté dans sa source, le « Créateur du ciel et de la terre, de lÂÂunivers visible et invisible », et si la beauté des ÂÂuvres dÂÂart nous dévoile quelque chose de la beauté dans sa figure, le Fils qui a pris chair, « le plus beau des enfants des hommes », il est une troisième voie fondamentale ÂÂ la première en importance ÂÂ qui conduit à la découverte de la beauté dans lÂÂicône de la sainteté, ÂÂuvre de lÂÂEsprit qui façonne lÂÂÉglise à lÂÂimage du Christ, modèle de perfection : cÂÂest, pour le baptisé, la beauté du témoignage donné par une vie transformée dans la grâce, et, pour lÂÂÉglise, la beauté de la liturgie qui donne dÂÂexpérimenter Dieu, vivant au milieu de son peuple, et qui attire à Lui celui qui se laisse prendre dans son étreinte toute de joie et dÂÂamour.

LÂÂEcclesia de caritate témoigne de la beauté du Christ. Elle se révèle comme son Épouse, embellie par son Seigneur lorsquÂÂelle accomplit ses actes de charité et ses choix préférentiels, quÂÂelle sÂÂengage pour la justice et lÂÂédification de la grande maison commune où toute créature est appelée à faire sa demeure, notamment les pauvres : ils ont, eux aussi, droit à la beauté. Dans le même temps, ce témoignage de la beauté par la charité et par lÂÂengagement au service de la justice et de la paix, annonce lÂÂespérance qui ne trompe pas. Proposer aux hommes et aux femmes dÂÂaujourdÂÂhui la vraie beauté, rendre lÂÂÉglise attentive à toujours annoncer, à temps et à contretemps, la beauté qui sauve, et qui sÂÂexpérimente là où lÂÂéternité a planté sa tente dans le temps, cÂÂest offrir des raisons de vivre et dÂÂespérer à celles et ceux qui en sont dépourvus ou qui risquent de les perdre. Témoin du sens ultime de la vie, ferment de confiance dans le cÂÂur de lÂÂhistoire humaine, lÂÂÉglise apparaît dès lors comme le peuple de la beauté qui sauve, car elle anticipe dans les temps qui sont les derniers, quelque chose de la beauté promise de ce Dieu qui se fait tout en tous à la fin des temps. LÂÂespérance, anticipation militante de lÂÂavenir dans le monde sauvé promis dans le Fils crucifié et ressuscité, est annonce de la beauté. Le monde en a particulièrement besoin.

A) En chemin vers la beauté du Christ. La beauté singulière du Christ, comme modèle dÂÂune « vie vraiment belle », se reflète dans la sainteté dÂÂune vie transformée par la grâce. Beaucoup malheureusement perçoivent le christianisme comme la soumission à des commandements faits dÂÂinterdits et de limites à la liberté personnelle. Le pape Benoît XVI le rappelait dans un interview à Radio-Vatican, le 14 août dernier, avant de partir pour Cologne rencontrer des jeunes du monde entier réunis pour les Journées Mondiales de la Jeunesse. Il ajoutait : « Moi, au contraire, je voudrais leur faire comprendre quÂÂêtre soutenu par un grand Amour et par une révélation, ce nÂÂest pas un fardeau : cela donne des ailes, et que cÂÂest beau dÂÂêtre chrétiens. Cette expérience donne de lÂÂampleurÂÂ La joie dÂÂêtre chrétien : cÂÂest beau, et il est juste aussi de croire ». E. Bianchi fait écho à ces paroles quand il exhorte à « savoir annoncer la différence chrétienne » comme une vraie réponse à lÂÂindifférence : « Ou le christianisme est philocalie, amour de la beauté, via pulchritudinis, voie de la beauté, ou il nÂÂest pas ! Et sÂÂil est voie de la beauté, il saura attirer aussi les autres sur ce chemin qui conduit à la vie plus forte que la mort, il saura être une séquence des saints Évangiles pour les hommes et les femmes de notre temps. »[33] De la beauté intérieure et de la profonde émotion provoquée par la rencontre avec la Beauté en personne ÂÂ pensons à lÂÂexpérience de saint Augustin ÂÂ jaillit la capacité de proposer des événements de beauté dans toutes les dimensions de lÂÂexistence et de lÂÂexpérience de foi.

La pastorale de lÂÂÉglise, pour conduire à la rencontre du Christ, trouve dans la présentation de sa beauté le moyen dÂÂéveiller les cÂÂurs à cette découverte. Dans sa Lettre aux artistes, le pape Jean-Paul II souligne la fécondité de la nouveauté de lÂÂIncarnation : « En se faisant homme, en effet, le Fils de Dieu a introduit dans lÂÂhistoire de lÂÂhumanité toute la richesse évangélique de la vérité et du bien, et, en elle, a révélé aussi une nouvelle dimension de la beauté : le message évangélique en est totalement rempli » (n. 5). Cette beauté, toute particulière et unique, du « fils de lÂÂhomme » se révèle tout autant sur le visage du « Beau Pasteur », que sur celui du Christ transfiguré au Thabor et, dans le même temps, sur Celui qui a perdu, suspendu à la Croix, toute beauté corporelle : lÂÂHomme des douleurs. Précisément, le chrétien voit dans la difformité du Serviteur souffrant dépouillé de toute beauté extérieure, la manifestation de lÂÂamour infini de Dieu qui va jusquÂÂà se revêtir de la laideur du péché pour nous élever, par delà les sens, à la beauté divine qui dépasse toute autre beauté et jamais ne sÂÂaltère. LÂÂicône du Crucifié au visage défiguré contient pour qui veut le contempler, la mystérieuse beauté de Dieu. CÂÂest la Beauté qui sÂÂaccomplit dans la douleur, dans le don de soi sans aucun retour pour soi. CÂÂest la beauté de lÂÂamour, qui est plus fort que le mal et la mort.

B) La beauté lumineuse du Christ et son reflet dans la sainteté chrétienne. Le Christ Jésus est la parfaite représentation de la Gloire du Père. Il est « le plus beau des enfants de lÂÂhomme », parce quÂÂil possède la plénitude de la Grâce par laquelle Dieu délivre lÂÂhomme du péché, lÂÂarrache à la ternissure du mal et le restitue à son innocence première. Une multitude dÂÂhommes et de femmes se sont, en tous lieux et en toutes les époques, laissés saisir par cette beauté pour se consacrer à elle. Le pape Benoît XVI lÂÂexprimait ainsi lors de la première canonisation de son pontificat célébrée au cours de la messe de clôture de la XIème Assemblée générale ordinaire du Synode des Évêques sur lÂÂEucharistie : « Le saint est celui qui est tellement fasciné par la beauté de Dieu et par sa parfaite vérité quÂÂil en est progressivement transformé. Pour cette beauté et cette vérité, il est prêt à renoncer à tout, même à lui-même » (23 octobre 2005).

Si la sainteté chrétienne configure à la beauté du Fils, lÂÂImmaculée conception est la plus parfaite illustration de cette « ÂÂuvre de beauté ». La Vierge Marie et les saints sont les reflets lumineux et les témoins attrayants de la beauté singulière du Christ, beauté de lÂÂamour infini de Dieu qui se donne et se communique aux hommes. Ils reflètent, chacun à leur manière, comme les prismes du cristal, les facettes du diamant, les contours de lÂÂarc-en-ciel, la lumière et la beauté originaire du Dieu dÂÂamour. LÂÂImmaculée, la « toute belle » du Cantique des Cantiques, est, au dire même de lÂÂArchange au matin de lÂÂAnnonciation, « pleine de grâce ». Par son fiat, la Nouvelle Ève ouvre sans réserve la totalité de sa vie à lÂÂaction de lÂÂEsprit divin, et par là elle permet à son humanité créée de donner chair au Dieu infini, dÂÂune beauté indicible. La fête de lÂÂImmaculée conception ouvre les horizons de notre condition humaine aux espérances de la foi : la beauté à laquelle nous sommes appelés dans la création rénovée par la grâce, anticipée pour la Mère de Dieu, « premier fruit du salut et signe resplendissant de lÂÂhumanité rénovée », au jour de lÂÂAssomption. Marie, qui anticipe et réalise cette plénitude de beauté à laquelle nous tous sommes appelés à participer par la mort et la Résurrection du Christ notre Sauveur, nous donne de comprendre avec Divo Barsotti : « Au fond, la beauté cÂÂest la gloire de Dieu qui resplendit dans la création, cÂÂest dieu qui vit dans lÂÂhomme : cÂÂest la sainteté »[34]. Ainsi, la sainteté des hommes est participation à la sainteté de Dieu, et, par là, à sa beauté : celle-ci, accueillie pleinement dans le cÂÂur et dans lÂÂesprit, illumine et guide la vie des hommes et leurs actions quotidiennes.

La beauté du témoignage chrétien exprime la beauté du christianisme, et tout autant elle la fait advenir. « Comment pouvons-nous être crédibles dans notre annonce dÂÂune ÂÂbonne nouvelleÂÂ, si notre vie ne réussit pas à manifester aussi la ÂÂbeautéÂÂ de cette vie ? » De la rencontre de foi avec le Christ, jaillissent ainsi, dans un dynamisme intérieur soutenu par la Grâce, la sainteté des disciples et leur capacité à rendre « belle et bonne » leur vie comme celle de leur prochain. Ce nÂÂest pas une beauté extérieure et superficielle, toute de façade, mais une beauté intérieure qui se dessine sous lÂÂaction de lÂÂEsprit Saint. Elle resplendit devant les hommes : nul ne peut cacher ce qui est partie essentielle de son être.

CÂÂest lÂÂappel de Jean-Paul II à lÂÂintention des personnes consacrées, dans lÂÂExhortation apostolique post-synodale Vita consecrata : « CÂÂest à vous surtout, femmes et hommes consacrés, quÂÂau terme de cette Exhortation jÂÂadresse avec confiance mon appel : vivez pleinement votre offrande à Dieu, pour que ce monde ne soit pas privé dÂÂun rayon de la beauté divine qui illumine la route de lÂÂexistence humaine. Les chrétiens, plongés dans les occupations et les soucis de ce monde, mais appelés, eux aussi, à la sainteté, ont besoin de trouver en vous des cÂÂurs purifiés qui « voient » Dieu dans la foi, des personnes dociles à lÂÂaction de lÂÂEsprit Saint, qui marchent allègrement, fidèles au charisme de leur vocation et de leur mission. » (n. 109) Là où la charité rayonne, là se manifeste la beauté qui sauve, là est rendue gloire au Père, là grandit lÂÂunité des disciples de Notre Seigneur bien-aimé.

Pavel Florenskij, chantre russe de la beauté, martyr du XXe siècle, commente ainsi un passage de lÂÂÉvangile de saint Matthieu (5, 16) : « Vos ÂÂactes bonsÂÂ ne signifient pas en réalité ÂÂactes bonsÂÂ au sens philanthropique et moraliste : tà kalà érga veut dire ÂÂactes beauxÂÂ, révélations lumineuses et harmonieuses de la personnalité spirituelle ÂÂ surtout, un visage lumineux, beau, dÂÂune beauté qui donne à ÂÂla lumière intérieureÂÂ de lÂÂhomme de se répandre à lÂÂextérieur. CÂÂest alors que, vaincus par cette lumière irrésistible, les hommes rendent gloire au Père céleste, et son image resplendit ainsi sur la terre »[35]. Ainsi, la vie chrétienne est appelée à devenir, dans la force de la Grâce donnée par le Christ ressuscité, un événement de beauté susceptible de susciter lÂÂadmiration, de provoquer la réflexion et dÂÂinciter à la conversion. La rencontre avec le Christ et avec ses disciples, en particulier avec Marie sa mère et avec les saints, ses témoins, doit pouvoir toujours devenir, en toutes circonstances, un évènement de beauté, un moment de joie, la découverte dÂÂune dimension nouvelle de lÂÂexistence, une incitation à se remettre en route vers la Patrie du Ciel pour jouir de la vision de « la Vérité tout entière », de la beauté de lÂÂAmour de Dieu : la beauté est splendeur de la Vérité et floraison de lÂÂAmour. Comme lÂÂécrit saint Augustin dans La cité de Dieu : « Là nous verrons, nous aimerons et nous louerons sans fin ».

C) La beauté de la Liturgie. La beauté de lÂÂamour du Christ vient chaque jour à notre rencontre, non seulement à travers lÂÂexemple des saints, mais encore dans la sainte Liturgie, particulièrement dans la célébration de lÂÂEucharistie où le Mystère se rend présent et illumine de sens et de beauté toute notre existence. CÂÂest lÂÂextraordinaire moyen par lequel notre Seigneur, mort et ressuscité, nous communique sa vie, nous rattache à son Corps comme ses membres vivants, et ainsi nous rend participants de sa beauté.

Florenskij décrit la beauté de la liturgie, symbole des symboles du monde, comme ce qui permet la transformation du temps et de lÂÂespace « dans le temps saint, mystérieux, qui brille dÂÂune beauté céleste ». Dans lÂÂarticle déjà cité[36], le Père Schönborn indique trois fonctions des saintes images dans la vie de lÂÂÉglise, qui ne doivent pas manquer dans lÂÂart chrétien et donc, dans la liturgie : les images sacrées sont des « signes commémoratifs » : lÂÂÉglise ne peut vivre sans faire mémoire de ce qui le Seigneur a fait et dit ; des « signes démonstratifs » : elles ne commémorent pas seulement des faits du passé, elles indiquent la présence du salut ; et des « signes prognostiques » : en nous représentant le Christ et ses saints, lÂÂart chrétien tourne notre regard vers lÂÂavenir, vers notre but ultime, le Christ dans la gloire de son Père. Croix et résurrection sont inséparables : lÂÂart chrétien manquerait dÂÂune dimension essentielle sÂÂil ne donnait pas un certain avant-goût de la gloire à venir.

Dans une conférence au XXIIIème Congrès eucharistique national italien, le Cardinal Ratzinger reprenait, en introduction, la vieille légende relative aux origines du christianisme en Russie : le Prince Vladimir de Kiev se serait décidé à adhérer à lÂÂÉglise Orthodoxe de Constantinople après avoir entendu les émissaires quÂÂil avait envoyés à Constantinople, où ils avaient assisté à une liturgie solennelle dans la basilique Sainte-Sophie. Ils dirent au prince : « Nous ne savions pas si nous étions au ciel ou sur la terreÂÂ Nous en sommes témoins : Dieu a fait là sa demeure parmi les hommes. » Et le Cardinal théologien tirait de ce récit le fond de vérité à retenir : « Il est en effet certain que la force interne de la liturgie a joué un rôle essentiel dans la diffusion du christianismeÂÂ Ce qui a convaincu les émissaires du prince russe que la foi célébrée dans la liturgie orthodoxe était la vraie, ce ne fut pas une argumentation de type missionnaire dont les éléments fussent apparus, à ceux qui les écoutaient, plus convaincants que ceux des autres religions. Ce qui les a frappés, ce fut plutôt le mystère en tant que tel, un mystère qui, précisément parce quÂÂil se situait au-delà de toute discussion, imposait à la raison la force de la vérité. »[37] Comment ne pas souligner lÂÂimportance de lÂÂart de lÂÂicône, merveilleux héritage de lÂÂOrient chrétien, qui donne dÂÂéprouver encore aujourdÂÂhui quelque chose de la liturgie de lÂÂÉglise indivise : son langage dÂÂune grande richesse et si profond plonge ses racines dans lÂÂexpérience de lÂÂÉglise indivise, des catacombes romaines aux mosaïques de Rome et de Ravenne tout autant que de Byzance.

Pour le croyant, la beauté transcende lÂÂesthétique. Elle permet le passage du « pour soi » au « plus grand que soi ». La liturgie nÂÂest belle, et donc vraie, que « désintéressée », dépourvue de tout motif autre que celui de la célébration de Dieu, pour Lui, par Lui, avec Lui et en Lui. Il sÂÂagit « de se tenir devant Dieu et de porter son regard sur lui, éclairant dÂÂune lumière divine ce que se passe ». CÂÂest dans cette austère simplicité quÂÂelle devient missionnaire, cÂÂest à dire capable de témoigner aux observateurs qui se laissent saisir dans sa dynamique, la réalité invisible quÂÂelle donne de goûter.

Le poète dramaturge français Paul Claudel témoigne de la force interne de la liturgie dans le témoignage de sa conversion, pendant le chant des Vêpres, le Magnificat de Noël à Notre-Dame de Paris : « CÂÂest alors que se produisit lÂÂévénement qui domine toute ma vie. En un instant, mon cÂÂur fut touché et je crus. Je crus, dÂÂune telle force dÂÂadhésion, dÂÂun tel soulèvement de tout mon être, dÂÂune conviction si puissante, dÂÂune telle certitude ne laissant place à aucune espèce de doute que, depuis, tous les livres, tous les raisonnements, tous les hasards dÂÂune vie agitée, nÂÂont pu ébranler ma foi, ni, à vrai dire, la toucher. »[38]

La beauté de la liturgie, moment essentiel de lÂÂexpérience de foi et du cheminement vers une foi adulte, ne saurait se réduire à sa seule beauté formelle. Elle est dÂÂabord la beauté profonde de la rencontre avec le mystère de Dieu, présent au milieu des hommes par lÂÂintermédiaire de son Fils, « le plus beau des enfants de lÂÂhomme (Ps 45, 2), qui renouvelle sans cesse pour nous son sacrifice dÂÂamour. Elle exprime la beauté de la communion avec Lui et avec nos frères, la beauté dÂÂune harmonie qui se traduit en des gestes, des symboles, des paroles, des images et des mélodies qui touchent le cÂÂur et lÂÂesprit, et suscitent lÂÂémerveillement et le désir de rencontrer le Seigneur ressuscité, Lui qui est la « Porte de la Beauté ». Ce qui fait la beauté de la liturgie, ce nÂÂest pas tant la parfaite coordination des gestes et des attitudes, le parfait agencement des voix ou lÂÂharmonie du chÂÂur, cÂÂest lÂÂinspiration de la vision intérieure partagée par tous les acteurs de lÂÂaction sacrée. Cette source commune peut jaillir dans la mesure où le chantre, le liturge, se fond, sÂÂefface en quelque sorte pour devenir transparent de la lumière quÂÂil veut refléter. La beauté de la liturgie nÂÂest autre que le discret et humble reflet de la Beauté de Dieu. Elle a ses exigences, et la première est lÂÂhumilité du croyant. « Me voici, Seigneur, pour faire ta volonté. » La liturgie nÂÂest jamais la liturgie dÂÂun homme, ou dÂÂune communauté : elle est liturgie de lÂÂÉglise, Corps du Christ tout entier, et par là même, elle est la liturgie du Christ Grand Prêtre qui, sans cesse tourné vers le Père, lui présente le visage orant de ses frères.

La superficialité, et parfois même la banalité, voire la négligence de certaines célébrations liturgiques, non seulement nÂÂaident pas le croyant à avancer dans son cheminement de foi, mais surtout heurtent ceux qui reviennent aux célébrations chrétiennes et, en particulier, à lÂÂEucharistie dominicale. Ces dernières décennies, certains en sont venus à accorder une importance excessive à la dimension pédagogique et à la volonté de rendre la liturgie compréhensible même aux observateurs extérieurs, et ont minimisé sa fonction première : nous introduire de tout notre être dans un mystère qui nous dépasse totalement. Urs von Balthasar aide à en percevoir la profondeur par sa réflexion sur le « paradoxe insoluble » du mystère de la beauté. « Car toujours, dit-il, ce qui se manifeste est, dans sa manifestation même, ce qui ne se manifeste pasÂÂ Dans la surface visible de la manifestation, on perçoit la profondeur qui ne se manifeste pas, et cÂÂest cela seul qui donne au phénomène du beau son caractère enchanteur et subjuguant, de même que cela seul assure à lÂÂétant sa vérité et sa bonté ».[39] Célébration de la foi dans lÂÂaction salvifique de Dieu en Son Fils Jésus, cÂÂest par là que la liturgie est missionnaire. Essentiellement tournée vers Dieu, elle est belle quand elle permet à toute la beauté du mystère dÂÂamour et de communion, de se manifester.[40] La liturgie est belle, quand elle est « agréable à Dieu » et nous introduit dans la joie divine.

Il convient de proposer le message du Christ dans toute sa beauté, capable dÂÂattirer les esprits et les cÂÂurs par les liens de lÂÂamour. En même temps, les chrétiens sont appelés à vivre et à témoigner de la beauté de la communion dans un monde souvent marqué par la désharmonie et lÂÂéclatement. Il sÂÂagit de transformer en « évènements de beauté » tous les gestes de la charité quotidienne et lÂÂensemble des activités pastorales ordinaires des églises locales. La beauté salvatrice du Christ demande à être présentée de manière renouvelée pour être accueillie et contemplée non seulement par chaque croyant, mais aussi par ceux qui se déclarent peu concernés, voire indifférents. Il sÂÂagit notamment de sensibiliser les pasteurs et les catéchètes pour que, joignant la beauté de lÂÂexpression à la rigueur de lÂÂexposé, leurs prédications et leurs enseignements conduisent leurs auditeurs à être saisis par la beauté du Christ. Les chrétiens sont appelés à témoigner de la joie de se savoir aimés de Dieu et de la beauté dÂÂune vie transformée par cet amour qui vient dÂÂEn-haut.

Pour la clôture du grand Jubilé de lÂÂan 2000, Jean-Paul II a adressé à toute lÂÂÉglise sa Lettre apostolique Novo millennio ineunte, où il invite expressément à repartir du Christ et à apprendre à contempler son visage. De cette contemplation jaillit le désir, la nécessité et lÂÂurgence de redécouvrir le sens authentique du mystère et de la liturgie chrétienne, dans laquelle se vit concrètement la rencontre avec le Seigneur mort et ressuscité[41].

Pour répondre à cette invitation, de nombreux évêques ont adressé à leurs diocésains des Lettres pastorales sur la beauté du salut et le sens de la célébration liturgique, tout en soulignant la beauté de la rencontre avec le Christ, le dimanche, jour qui Lui est consacré et qui permet de faire une pause dans les rythmes frénétiques de nos sociétés.[42] Par ailleurs, au cours des dernières décennies, et surtout à partir du discours de Paul VI au VIIème Congrès International de Mariologie, le 16 mai 1975, la Via pulchritudinis a été amplement parcourue en mariologie, avec des résultats positifs et prometteurs.[43]

Il importe de présenter dans un langage qui parle et plaît à nos contemporains, en utilisant les moyens les mieux adaptés, les précieux témoignages donnés par la Mère de Dieu, les martyrs et les saints qui, dÂÂune manière particulièrement « attrayante » ont suivi le Christ. Beaucoup est fait, en catéchèse, pour faire découvrir les figures extraordinaires des saints qui, nous le constatons aujourdÂÂhui encore, exercent une authentique fascination sur les jeunes, tels François dÂÂAssise et José de Anchieta, Juan Diego et Thérèse de lÂÂEnfant-Jésus, Rose de Lima et Bakhita, Kisito et Maria Goretti, le Père Kolbe et Mère Teresa, etc., à travers bandes dessinées, théâtre, publications, films, récitals et comédies musicales. Leurs exemples le rappellent : chaque chrétien est un authentique pèlerin sur le chemin de la beauté, de la vérité, de la bonté, en marche vers la Jérusalem Céleste où nous contemplerons la beauté de Dieu, dans une intense relation dÂÂamour, dans le « face à face ». « Là , nous nous reposerons et nous verrons ; nous verrons et nous aimerons ; nous aimerons et nous louerons. Voilà ce qui sera à la fin, sans fin. »[44]

Une formation appropriée aidera les fidèles à progresser dans le sens de la prière dÂÂadoration et de louange pour participer en vérité à une liturgie vécue dans sa plénitude de beauté qui introduit au mystère de foi. Aussi est-il nécessaire, en même temps que de réapprendre aux fidèles à sÂÂémerveiller devant lÂÂÂÂuvre que Dieu accomplit dans nos vies, de redonner à la liturgie sa vraie « splendeur », toute sa dignité et sa véritable beauté, par la redécouverte du sens véridique du mystère chrétien, et de former les fidèles pour les rendre aptes à entrer dans le sens et la beauté du mystère célébré, et en vivre dÂÂune manière authentique.

La liturgie nÂÂest pas un facere de lÂÂhomme, mais une ÂÂuvre divine. Il est important dÂÂaider les fidèles à percevoir que lÂÂacte de religion nÂÂest pas le fruit dÂÂune « activité » ÂÂ un « produit », un « mérite », un « gain » ÂÂ, mais lÂÂexpression dÂÂun mystère, dÂÂune réalité qui ne peut être entièrement comprise mais qui demande à être reçue plus quÂÂà être conceptualisée. Il sÂÂagit dÂÂun acte purement libre de toute considération dÂÂefficience. LÂÂattitude du croyant dans la liturgie est caractérisée par sa capacité à recevoir, condition du progrès dans la vie spirituelle. Cette attitude nÂÂest plus spontanée dans une culture où le rationalisme dominant tend à étouffer jusquÂÂaux sentiments les plus intimes.

Il nÂÂest pas moins urgent de favoriser la création artistique pour revivifier un art sacré qui soit apte à accompagner et soutenir la célébration des mystères de la foi, capable de redonner une beauté expressive aux édifices du culte et au mobilier liturgique. Ainsi, les liturgies seront, certes, accueillantes, mais surtout capables de communiquer le sens authentique de la liturgie chrétienne, tout en favorisant la pleine participation des fidèles aux mystères, selon le vÂÂu formulé à maintes reprises par les Pères du Synode des Évêques sur lÂÂEucharistie, convoqué par le serviteur de Dieu Jean-Paul II et présidé par le pape Benoît XVI à lÂÂautomne 2005.

Certes, les églises doivent être esthétiquement belles, bien décorées, les liturgies accompagnées de beaux chants et de pièces musicales de valeur, les célébrations dignes et les prédications soignées, mais ce nÂÂest pas cela qui, en définitive, est via pulchritudinis capable de conduire à Dieu. Ce ne sont que les conditions qui facilitent lÂÂagir de la grâce de Dieu. Il sÂÂagit donc dÂÂéduquer les fidèles à ne pas laisser cours à la seule dimension esthétique, pour suggestive quÂÂelle soit, et de les aider à percevoir que la Liturgie est un acte divin qui ne se laisse pas déterminer par une ambiance, un climat, ni même des rubriques, car il est mystère de foi célébré en Église.

Proposer la Via pulchritudinis comme chemin dÂÂévangélisation et de dialogue, cÂÂest partir dÂÂune interrogation lancinante, parfois latente, mais toujours présente au cÂÂur de lÂÂhomme : « QuÂÂest-ce que la beauté ? », pour conduire « tous les hommes de bonne volonté, dans lesquels, invisiblement, agit la grâce », vers « lÂÂhomme parfait » qui est lÂÂ « image du Dieu invisible » (Col 1, 15).[45]

Cette interrogation remonte à lÂÂorigine des temps, comme si lÂÂhomme recherchait désespérément, depuis la chute originelle, ce monde de beauté désormais hors de sa portée. Elle traverse lÂÂhistoire sous de multiples formes, et la profusion dÂÂune multitude dÂÂÂÂuvres de beauté en toutes les civilisations ne parvient pas en étancher la soif.

Pilate pose au Christ la question de la vérité. Le Christ ne répond pas, ou plutôt sa réponse est silence : cette vérité-là ne se dit pas, mais se rejoint sans paroles au plus intime de lÂÂêtre. Jésus sÂÂétait révélé à ses disciples : « Je suis le Chemin, la Vérité et la Vie ». Maintenant il se tait. Dans un instant il va montrer le chemin, chemin de vérité, qui aboutit à la Croix, mystère de sagesse. Pilate ne comprend pas, mais mystérieusement, il donne lui-même la réponse à sa question : « QuÂÂest-ce que la vérité ? ». Devant le peuple, il sÂÂécrie : « Voici lÂÂhomme ». CÂÂest le Christ qui est la vérité.

Si la beauté est la splendeur de la vérité, alors notre interrogation rejoint celle de Pilate, et la réponse se fait identique : cÂÂest Jésus lui-même qui est la Beauté. Il se manifeste du Thabor à la Croix pour éclairer le mystère de lÂÂhomme, défiguré par le péché, mais purifié et recréé par lÂÂAmour rédempteur. Jésus nÂÂest pas un chemin parmi dÂÂautres, une vérité parmi dÂÂautres, une beauté parmi dÂÂautres. Il ne propose pas une vie parmi dÂÂautres : Il est le chemin vivant qui conduit à la vérité vivante qui donne la vie. Beauté suprême, splendeur de Vérité, Jésus est à la source de toute beauté, parce que, Verbe de Dieu fait chair, il est la manifestation du Père : « Celui qui mÂÂa vu a vu le Père » (Jn 14, 9).

Le sommet, lÂÂarchétype de toute beauté se manifeste dans le visage du Fils de lÂÂhomme crucifié sur la Croix des douleurs, révélation de lÂÂamour infini de Dieu qui, dans sa miséricorde pour ses créatures, restaure la beauté perdue avec la faute originelle. « La beauté sauvera le monde » parce que cette beauté est le Christ, seule beauté qui défie le mal, et triomphe de la mort. Par amour, le « plus beau des enfants de lÂÂhomme » sÂÂest fait « lÂÂhomme des douleurs », « sans beauté ni éclat pour attirer nos regards » (Is 53, 2), et il a ainsi rendu à lÂÂhomme, à chaque homme, en plénitude sa beauté, sa dignité et sa vraie grandeur. Dans le Christ, et seulement en Lui, notre via Crucis se transforme dans la sienne en via lucis et en via pulchritudinis.

LÂÂÉglise du troisième millénaire recherche cette beauté dans la rencontre avec son Seigneur, et, avec Lui, dans le dialogue dÂÂamour des hommes et des femmes de notre temps. Au cÂÂur des cultures, pour répondre à leurs angoisses, leurs joies et leurs espoirs, elle ne cesse de professer avec le pape Benoît XVI : « Celui qui fait entrer le Christ ne perd rien, rien ÂÂ absolument rien de ce qui rend la vie libre, belle et grande. Non ! Dans cette amitié seulement sÂÂouvrent tout grand les portes de la vie. Dans cette amitié seulement se dévoilent réellement les grandes potentialités de la condition humaine. Dans cette amitié seulement nous faisons lÂÂexpérience de ce qui est beau et de ce qui libère. »[46]

[1] Cf. Cultures et foi, Cité du Vatican, n° 2, 2002.

[2] Cf. le document « Où est-il ton Dieu ? », publié en différentes langues : P. Poupard ÂÂ Conseil Pontifical de la Culture, Où est-il ton Dieu ? La foi chrétienne au défi de lÂÂindifférence religieuse, Salvator, Paris 2004 ; Fede cristiana, non credenza e indifferenza religiosa, in ÂÂReligioni e sette nel mondoÂÂ, 26, 2003-2004 ; Where Is Your God ? Responding to the Challenge of Unbelief and Religious Indifference Today - Dónde está tu Dios ? La fe cristiana ante la increencia religiosa, Chicago 2004 ; Dónde está tu Dios ? La fe cristiana ante la increencia religiosa, Valencia 2005 ; Gdje je tvoj Bog ? KrÂÂćanska vjera pred izazovom vjerske ravnoduÂÂnosti, Sarajevo 2005.

[3] Cf. R. Rémond, Le Christianisme en accusation, Paris 2000 ; Le nouvel antichristianisme, ibid., 2005.

[4] Outre les textes de la Plenaria 2004, cf. le document Jésus-Christ, le porteur dÂÂeau vive. Une réflexion chrétienne sur le « Nouvel Âge », Cité du Vatican 2003 ; Gesù Cristo portatore dellÂÂacqua viva. Una riflessione cristiana sul ÂÂNew AgeÂÂ; Jesus Christ the Bearer of the Water of Life. A Christian Reflection on the ÂÂNew AgeÂÂ; Jesucristo portador del agua de la vida. Una reflexión cristiana sobre la ÂÂNueva EraÂÂ; Jesus Christus der Spender lebendigen Wassers. Überlegungen zu New Age aus christlicher Sicht.

[5] Benoît XVI, Homélie pour la messe dÂÂinauguration du Pontificat, le 24 avril 2005, La Documentation catholique, CII (2005) 545-549.

[6] Jean-Paul II, Lettre aux artistes, 4 avril 1999, n. 3.

[7] Jean-Paul II, Fides et ratio, 14 septembre 1998, n. 103.

[8] Pour une réflexion sur une philosophie du beau et sur lÂÂactivité artistique, voir M.-D. Philippe, LÂÂactivité artistique. Philosophie du faire, 2 vol., Paris 1969-1970, avec une importante bibliographie. Pour une réflexion théologique, voir B. Forte, La porta della Bellezza. Per unÂÂestetica teologica, Brescia 1999 ; Inquietudini della trascendenza, chap. 3 : ÂÂLa BellezzaÂÂ, Brescia 2005, p. 45-55, et La bellezza di Dio. Scriti e discorsi 2004-2005, Edizioni San Paolo, 2006.

[9] Jean-Paul II, Fides et ratio, op. cit., n. 83.

[10] St Augustin, Confessions, X, 27.

[11] H. Urs Von Balthasar, La Gloire et la Croix. Les aspects esthétiques de la Révélation, I ÂÂ Apparition, Coll. Théologie 61, Aubier, 1965, p. 16-17.

[12] Discours pour le Prix Nobel, in ÂÂuvres, t. IX, YMCA Press, Vermont-Paris 1981, p. 9.

[13] D. M. Turoldo, ÂÂBellezzaÂÂ, in Nuovo Dizionario di Mariologia, Ed. Paoline, 1985, p. 222-223.

[14] Le pape Jean-Paul II a repris cette affirmation essentielle dans sa Lettre aux Artistes, n. 11.

[15] Cf. Jean Scot Erigène, De divisione naturae 1.3, et saint Bonaventure, Collationes in Hexaemeron II, 27.

[16] Cf. Conseil Pontifical de la Culture, Pour une pastorale de la culture, Téqui, 1999, n. 35.

[17] Cfr. The Human Search for Truth: Philosophy, Science, Theology. International Conference on Science and Faith. The Vatican 23-25 may 2000, Saint JosephÂÂs University Press, Philadelphia, USA, 2002; tr. it. LÂÂuomo alla ricerca della verità. Filosofia, scienza, teologia: prospettive per il terzo millennio. Conferenza internazionale su scienza e fede ÂÂ Città del Vaticano, 23-25 maggio 2000, Vita e Pensiero, Milano 2005.

[18] St Bonaventure, Legenda Maior, IX.

[19] Cf. Jean-Paul II, Lettre apostolique Duodecimum Saeculum, 4 décembre 1987, Ch. IV : LÂÂart chrétien authentique, N. 10-11.

[20] Jean-Paul II, Lettre aux artistes, n. 12-13.

[21] Cf. Associazione Arte e Spiritualità, Sulla via della Bellezza. Paolo VI e gli artisti, Cahier n. 3, Brescia 2003, p. 71-76.

[22] Cf. D. Ponnau, dans Forme et sens. Colloque de formation à la dimension religieuse du patrimoine culturel, Ecole du Louvre, Paris, 1997, p. 20.

[23] Catéchisme de lÂÂÉglise catholique ÂÂ Abrégé. Introduction, Bayard, Cerf, Fleurus-Mame, 2005, p. 21.

[24] LÂÂOsservatore Romano, édition française, n. 15, 12 avril 1988, p. 13.

[25] E. Berthoud, 2000 ans dÂÂart chrétien, CLD, 1998.

[26] Jean-Paul II, Lettre aux artistes, op. cit., n. 12 et 8.

[27] M. Quenot, Du Dieu-homme à lÂÂhomme-Dieu. De lÂÂicône du Christ à lÂÂicône des saints, Cerf, 2004, avec 150 illustrations.

[28] St Irénée, Adversus hæreses, IV, 20, 7.

[29] C. Schönborn, LÂÂicône du Christ. Fondements théologiques élaborés entre le I^e et le II^ème Concile de Nicée (325-787), Editions Universitaires, Fribourg, Suisse, 1976. Cf. aussi Paul Evdokimov, LÂÂart de lÂÂicône. Théologie de la beauté, Paris, 1970.

[30] Cf. n° 17 : Art et loisir et surtout n° 36 : LÂÂart et les artistes.

[31] Cf. la Lettre circulaire de la Commission pontificale pour les biens culturels de lÂÂÉglise, sur La formation aux biens culturels dans les séminaires, 15 octobre 1992 ; la Note pastorale de la Conférence épiscopale régionale de Toscane : La vita si è fatta visibile. La comunicazione della fede attraverso lÂÂArte, du 23 février 1997, et celle du Bureau national pour les Biens culturels ecclésiastiques de la Conférence Épiscopale Italienne : Spirito Creatore, du 30 novembre 1997.

[32] Cf. M. G. Riva, NellÂÂarte lo stupore di una Presenza, San Paolo, Milano, 2004.

[33] E. Bianchi Perché e come evangelizzare di fronte allÂÂindifferentismo, in ÂÂVita e pensieroÂÂ 2, 2005, p. 92-93.

[34] D. Barsotti, Il mistero cristiano nellÂÂanno liturgico, Cinisello Balsamo 2004, p. 70.

[35] P. Florenskij, Les portes royales. Essai sur lÂÂicône, Milan 1999, 50.

[36] Cf. note 27.

[37] Card. J. Ratzinger, Eucharistie et mission, dans Liturgie et Mission, Centre international dÂÂétudes liturgiques, Paris, 2002, p. 13-16.

[38] Cf. P. Claudel, Ma conversion, dans Contacts et circonstances, Gallimard, 1940, p. 11 sq ; repris dans Ecclesia, Lectures chrétiennes, Paris, No1, avril 1949, p. 53-58.

[39] Urs von Balthasar, La Gloire et la Croix, op.cit., p. 373.

[40] Cf. T. Verdon, Vedere il mistero. Il genio artistico della liturgia cattolica, Mondatori 2003.

[41] Cf. aussi Exhortation Apostolique post-synodale Ecclesia in Europa, 28 juin 2003, n. 66-73 ; Encyclique Ecclesia de Eucharistia, 17 avril 2003 ; Lettre Apostolique Mane nobiscum, 17 octobre 2004.

[42] Cf. par exemple : C.M. Martini, Quelle beauté sauvera le monde? Lettre pastorale 1999-2000, Milan 1999 ; B. Forte, Pourquoi aller à la messe le dimanche. LÂÂEucharistie et la beauté de Dieu, Cinisello Balsamo 2004 ; G. Vecerrica, Diamo forma alla bellezza della vita cristiana, Lettera pastorale, Fabriano 2006.

[43] Cf. Académie Pontificale Mariale Internationale, La mère du Seigneur. Mémoire, présence, espoir, Cité du Vatican, 2000, p. 40-42.

[44] St Augustin, La Cité de Dieu, XXII, 30, 5.

[45] Concile Vatican II, Gaudium et spes, 22.

[46] Benoît XVI, Homélie pour la messe dÂÂinauguration de son Pontificat, le 24 avril 2005, Documentation catholique CII (2005) 545-549.