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CONSEIL PONTIFICAL POUR LA FAMILLE

FÉDÉRATION DES ASSOCIATIONS FAMILIALES CATHOLIQUES EUROPÉENNES (FAFCE)

RENCONTRE DES PRÉSIDENTS FAFCE

Bruxelles 9 décembre 2009

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La Famille et l'avenir de l’Europe

Rapport
de S.Em. le Cardinal Ennio Antonelli
Président du Conseil Pontifical pour la Famille

 

Introduction

Je suis très heureux de rencontrer la Fédération des Associations Familiales Catholiques Européennes (FAFCE). En vous dévouant à la promotion de la famille, vous travaillez pour donner une âme à l’Union Européenne, pour donner un avenir à notre civilisation. Vous appartenez à ces minorités créatives qui, selon l’enseignement de Benoît XVI, font l’histoire, tant civile qu’ecclésiastique. Vous n’êtes pas l’expression de quelque idéologie, ni de quelque groupe de pouvoir économique, politique ou médiatique, mais vous donnez la voix aux expériences et aux souhaits d’une multitude de sujets concrets, tels que les familles, qui sont les cellules vitales des peuples d’Europe.

Le Conseil Pontifical pour la Famille voit dans les Associations Familiales Catholiques des interlocuteurs privilégiés. Il comprend vos grandes possibilités de présence fructueuse dans la vie ecclésiale ainsi que dans la vie civile. Vous pouvez en effet exercer une activité multiforme à tous les niveaux; vous pouvez soigner l’animation culturelle dans les écoles, dans les paroisses, dans les diocèses, dans les moyens de communication (tels que la presse, la radio, la télévision, l’internet); vous pouvez organiser des grands événements qui auront un vaste écho dans l’opinion publique; par vos soins peuvent être dressés des projets et des expériences pilote pour que une ville soit davantage amie des familles; vous pouvez exercer une pression sur les responsables des institutions communales, régionales, nationales et européennes en vue d’une administration et d’une politique attentives aux familles. Encore, vous pouvez intervenir aux réunions des assemblées et des comités et promouvoir vous mêmes des rencontres d’études et de proposition sur les thèmes du jour. Vous pouvez prendre contact avec les parlementaires des différents pays qui ont des charges tant au niveau national que européen; suivre attentivement leur activité; signaler à l’opinion publique et récompenser par la voie électorale ceux qui se dépensent en faveur de la famille et de la vie, et de même dénoncer par les médias et punisser par la voie électorale ceux qui sont inertes, absents ou incohérents par rapport à vos valeurs. Vous pouvez garder les contacts et collaborer assidument avec ceux qui son les plus engagés et dignes de confiance.

Soyez des protagonistes. Souvenez-vous de l’exhortation adressée par Jean Paul II aux familles et aux associations qui les représentent: «Ce sont les familles qui en premier lieu doivent faire en sorte que les lois et les institutions de l'État non seulement s'abstiennent de blesser les droits et les devoirs de la famille, mais encore les soutiennent et les protègent positivement. Il faut à cet égard que les familles aient une conscience toujours plus vive d'être les «protagonistes» de ce qu'on appelle «la politique familiale» et qu'elles assument la responsabilité de transformer la société; dans le cas contraire, elles seront les premières victimes des maux qu'elles se sont contentées de constater avec indifférence.» (Familiaris Consortio n°44).

Tâchez de vous renforcer par des nouvelles adhésions et par la formation des cadres et des responsables qui soient très compétents et dévoués. Soyez unis à l’intérieur de chaque association; coordonnez vos associations au niveau national et européen. Encouragez les associations familiales dans les pays où elles n’existent pas encore ou bien elles ne sont pas encore engagées dans le domaine civil.

Vis-à-vis des adversaires idéologiques ou politiques gardez, autant que cela est possible, une attitude de dialogue constructif. Les catholiques acceptent les vraies valeurs modernes: la parité entre hommes et femmes; la liberté de pensée, de parole, de religion; la laïcité de l’État, pourvu qu’elle soit comprise à la lumière du respect et de la mise en valeur du pluralisme religieux et culturel de la société civile. Cependant, les catholiques ne confondent pas les droits de l’homme avec les désirs subjectifs des individus.

Cherchez, autant que possible, à prévenir les mauvais choix, plutôt qu’à les combattre une fois qu’ils ont été décidés. Intervenez en temps utile lorsque sont présentés à la discussion parlementaire des propositions dangereuses comme les deux propositions Mc Cafferty tout récemment présentés au Conseil d’Europe qui ont pour but d’introduire le droit à l’avortement et à abolir contextuellement le droit à l’objection de conscience contre l’avortement; ou encore comme la proposition en cours de discussion sur l’homophobie qui tend à concéder aux homosexuels l’accès au mariage et à l’adoption des enfants, ainsi que a permettre aux transsexuels protection et d’autres avantages. À ce sujet, l’intervention de la Alliance des familles de Roumanie et du Forum des Associations Familiales italiennes contre la première proposition Mc Cafferty mérite d’être louée. Mais la satisfaction aurait été bien plus grande si les autres associations aussi étaient intervenues.

Privilégiez la stratégie de la proposition. Montrez le bien-fondé de vos positions, en vous appuyant surtout sur les faits. D’après plusieurs recherches sociologiques, effectuées en maintes nations, il en résulte que la famille naturelle, même lorsque celle-ci n’est pas parfaitement réussie, apporte plus de bienfaits et beaucoup moins de dégâts à la société que les familles détruites par le divorce, les familles monoparentales, les familles recomposées, les unions de fait ou les unions homosexuelles. Étudiez attentivement les données statistiques, recueillez-en de nouvelles, faites-les parler avec décision à l’opinion publique, aux classes dirigeantes et aux politiciens.

Le Conseil Pontifical pour la Famille, à la suite de la VI Rencontre Mondiale des Familles au Mexique, est en train d’entamer un projet d’études et de recherches sociologiques sur les bienfaits, tant pour les personnes que pour la société, procurés par les familles saines et, au contraire, sur les dégâts provoqués par les familles désagrégées et incomplètes. L’objectif est celui de sensibiliser, dans les différents pays, l’opinion publique, la politique et l’économie pour que les familles soient soutenues. Nous espérons que le langage des faits puisse être plus persuasif que celui des idées. Il faudra suivre deux pistes: le recueil et l’étude des données statistiques déjà existantes, l’actuation de nouvelles recherches qui ne soient pas seulement descriptives mais aussi explicatives, aptes à souligner les rapports causaux et les interventions les plus appropriées à entreprendre. On commencera par un petit nombre de pays échantillon en vue de présenter les résultats à la VII Rencontre Mondiale des Familles à Milan en 2012. Par la suite, si cette première expérience se réussit, on pourra éteindre ce projet à toutes les pays prêtes à l’accueillir.

Or, justement en me référant aux données statistiques (veuillez m’excuser si je ne cite pas les sources, et pour quelque éventuelle imprécision), je me permettrai d’indiquer deux pistes qui me semblent aujourd’hui prioritaires en Europe: la piste de l’urgence démographique et celle de l’urgence éducative. Tout d’abord, je voudrais cependant vous présenter une réflexion d’ordre anthropologique.

 

La famille dans la perspective de l’anthropologie chrétienne

Toute forme de vie, de croissance, d’amour, de beauté et de joie requiert une certaine multiplicité ainsi qu’une certaine unité. La famille est le lieu où sont valorisées au même temps que harmonisées les différences fondamentales de l’être humain: celle des sexes (homme-femme) et celle des générations (parents-enfants).

La sexualité, comme quelqu’un l’a dit (M. Zundel), est l’altruisme inscrit dans l’âme et dans le corps, différence dans l’égalité en vue du don mutuel et de la communion. L’homme et la femme sont, tous, des êtres humains doués de la même dignité. Ils sont cependant différents dans leur corps (organes génitaux, aspect, visage, voix). Tous deux engendrent, mais de façon différente: l’homme hors de lui, la femme à l’intérieur d’elle-même. Par conséquent, comme suite logique de cette différence de base, l’homme et la femme ont des aptitudes, des intérêts, une intelligence et des caractères différents; ils comprennent, ils aiment, ils communiquent par de manières distinctes. Ce qui est plus spontané chez l’un, l’autre doit s’efforcer à l’apprendre; l’homme, par exemple, peut apprendre de la femme le soin attentif et délicat envers les autres, la compréhension, le sens du concret, la résistance à la souffrance.

La différence dans l’égalité n’implique pas par elle-même la discrimination, mais bien l’interaction, l’échange, la complémentarité, la ‘collaboration’ (cf. Congrégation pour la doctrine de la Foi, Lettre Experte en humanité 2004). Surtout, chacun donne à l’autre le pouvoir de procréer et de devenir parent, à l’image de Dieu créateur et père (cf. St Thomas, S. Th. I q 99 a 2).

C’est l’amour qui harmoniseles différences entre les êtres humains dont il en fait un don réciproque. L’amour est l’énergie qui unie dans le respect de l’altérité, c’est une virtus unitiva, comme le dit St Thomas d’Aquin (S. Th. I-II q 26 a 2); et celle-ci est la seule attitude adéquate à la dignité des personnes.

Être une personne humaine veut dire être un sujet spirituel et corporel, singulier et en relation éssentielle avec les autres sujets. Les autres ce sont des biens en eux-mêmes comme je le suis moi-même, et ils méritent comme moi d’être aidés à s’épanouir et être heureux. Tu aimeras ton prochain comme toi-même (Mat 22,39). Comme vous voulez que les hommes fassent pour vous, faites-le pour eux pareillement (Luc 6,31). Je ne peux pas vouloir que mon bien propre et utiliser les autres comme un moyen. Je dois harmoniser mon bien avec celui d’autrui. Avec le même sérieux par lequel je veux mon bien je dois vouloir le bien des autres. Je dois, selon mes possibilités, me charger de leur réalisation intégrale, en respectant leur altérité et liberté, en mettant en valeur leurs différences positives, en supportant même le poids de leurs limites et péché, comme a fait Notre Seigneur.

Il ne s’agit pas de renoncer à mon bien propre; il n’est pas interdit non plus de chercher mon bien auprès autrui. Mais je ne peux pas réduire à cela mon rapport avec eux. Cela serait ne pas les reconnaître pour ce qu’ils sont, ne pas respecter leur dignité de personnes. Je les respecte dans la mesure dans laquelle je me donne à eux et me dévoue à leur bien. En même temp c’est à ce moment là que je me réalise comme personne, parce que celui qui donne sa propre vie, la gagne (cf. Luc 17,33; Jn 12,25); et cela est encore plus vrai si cette action comporte un lourd sacrifice. Je ne donne pas pour recevoir, mais finalement je reçois. L’amour est la vocation et le bien souverain de l’homme (cf. Jean Paul II, Redemptor hominis, n°10).

Puisque la personne est un sujet inséparablement spirituel et corporel, elle communique et réagit envers les autres de façon spirituelle et corporelle. L’amour humain lui-même jaillit de l’intériorité profonde du sujet et s’exprime par des paroles et des actes, des gestes et des comportements, tels que le sourire ou la poignée de main, l’accolade ou l’union intime.

Aimer, comme l’enseigne Benoît XVI, est faire ce qui est juste et même plus. «La justice est inséparable de la charité, elle lui est intrinsèque, (…) son minimum, (…). La charité exige la justice (…). D’autre part, la charité dépasse la justice et la complète dans la logique du don et du pardon. La cité de l’homme n’est pas uniquement constituée par des rapports de droits et de devoirs, mais plus encore, et d’abord, par des relations de gratuité, de miséricorde et de communion.» (Caritas in Veritate n°6).

Comme le marché est l’institution de l’échange utilitaire selon la justice (malheureusement souvent déformé par le péché et par l’erreur), ainsi la famille est l’institution du don et de la communion entre personnes (malheureusement elle aussi déformée par le péché et l’erreur). Plus précisément la famille est l’institution du don réciproque et total et de la communion intégrale de vie. En elle, l’être avec et pour l’autre concerne la vie en toute ses dimensions, alors que l’amitié engage seulement quelques aspects de la vie. Le rapport sexuel entre les époux est l’expression corporelle propre et exclusive du don réciproque et total. Ce geste a une double valeur, unitive et procréative. L’amour, lorsqu’il unit ceux qui diffèrent, tend à un surcroît de vie et de bien. Il n’immobilise et ne renferme pas dans la situation présente; bien au contraire il pousse à avancer ensemble vers l’avenir, dans la même direction. Donc la communion est aussi une ouverture féconde en sens spirituel, physique, social. Lorsqu’ils se donnent l’un à l’autre, les époux s’ouvrent à une nouvelle altérité. L’enfant qui naîtra d’eux sera leur façon d’être une seule chair, au sens propre et permanent.

Unité et ouverture ne caractérisent pas seulement l’authenticité de l’acte conjugal, mais aussi l’authenticité de la vie commune et familiale en toutes ses dimensions. Les époux regardent ensemble envers les enfants, et au-delà des enfants et avec eux ils regardent envers la société et l’Eglise, en vue des objectifs et des projets communautaires. Le mari et l’épouse sont un don réciproque l’un pour l’autre; les parents sont un don pour les enfants et vice versa; les frères sont entre eux des dons réciproques. La famille tout entière est un don pour la société. En famille les personnes ne songent pas seulement à leur intérêt propre, mais aussi au bien des autres et au bien commun, qui est de tous et de chacun. S’il y a un soin de préférence, celui-ci est pour les plus faibles: les enfants, les malades, les invalides, les personnes âgées. Le mouvement d’amour et de don fait mûrir la conscience et le respect pour la dignité de toute personne, la confiance en soi-même, vis-à-vis des autres et des institutions. Ce mouvement d’amour et de don favorise aussi la responsabilité éthique pour le bien propre et celui d’autres, la sincérité, la fidélité, la générosité, le partage, la créativité, la laboriosité, la collaboration, le dévouement jusqu’au sacrifice et beaucoup d’autres vertus, qui sont précieuses pour les individus et pour la société.

Dans l’histoire de la culture occidentale n’ont jamais manqué les contestations à la famille, jugée comme nuisible pour la société et pour son développement. Précisément en ces jours-ci est sorti un livre en Italie (Alberto Alesina et Andrea Ichino, L’Italia fatta in casa, Mondadori) dans lequel on affirme que la famille endommagerait le développement économique et social du Pays, pour les raisons suivantes: tendance insuffisante à la mobilité dans le marché du travail; préférence d’un emploi plus proche de la maison même si celui-ci est moins rémunéré; attribution des emplois par recommandation ou parenté, plutôt que par compétence; renonciation chez les femmes à une carrière, même si elles sont très intelligentes, pour se dédier aux enfants; existence de petites entreprises familiales incapables d’investir en recherche et développement; nombre limité des écoles maternelles ou crèches; peu de donneurs de sang.

Il me semble que dans ce livre on ne reconnaisse pas la valeur du travail à la maison, de la solidarité horizontale entre les familles et verticale entre les générations. Et d’ailleurs en ce livre on ne tient pas en considération les coûts sociaux très lourds provoqués par la ‘Non-Famille’, et ceux pris en charge par la famille ce sont plutôt à attribuer à sa dégénération nommée familisme. Le fait de subordonner les personnes au travail et la famille à l’entreprise aboutirait à la lacération du tissu social et à la compromission du système économique lui-même.

L’homme ne vit pas seulement de pain, mais aussi et surtout des rapports humains cultivés dans la vérité et l’amour. Les personnes peuvent vraiment vivre, s’épanouir et être heureux seulement avec les autres. Seulement dans la famille, institution du don total et de la communion intégrale de vie, ils trouvent le milieu pour naître et commencer à grandir d’une façon conforme à leur dignité. La famille est le noyau et le modèle, la réalisation exemplaire de la socialité humaine; au même temps elle est l’image originaire de la Trinité divine, image qui, d’ailleurs, s’étend à toute forme de communion authentique entre personnes. Benoît XVI écrit dans sa dernière encyclique: «La créature humaine, qui est de nature spirituelle, se réalise dans les relations interpersonnelles (...) Ce n’est pas en s’isolant que l’homme se valorise lui-même, mais en se mettant en relation avec les autres et avec Dieu (...) Cela vaut aussi pour les peuples (…) le rapport entre individu et communauté est celui d’un tout vers un autre tout (…) la communauté familiale n’abolit pas en elle les personnes qui la composent (…) l’unité de la famille humaine n’abolit pas en elle les personnes, les peuples et les cultures, mais elle les rend plus transparents les uns aux autres, plus unis dans leurs légitimes diversités (...) Cette perspective est éclairée de manière décisive par la relation entre les trois Personnes de la Sainte Trinité dans leur unique Substance divine. La Trinité est unité absolue, car les trois Personnes divines sont relationnalité pure (...) Dieu veut nous associer nous aussi à cette réalité de communion: pour qu’ils soient un comme nous sommes un (Jn 17, 22). L’Église est signe et instrument de cette unité (…) C’est ce qui apparaît aussi à travers les expériences humaines communes de l’amour et de la vérité. De même que l’amour sacramentel entre les époux les unit spirituellement en une seule chair (Gn 2, 24; Mt 19, 5; Ep 5, 31) et de deux qu’ils étaient en fait une unité relationnelle réelle, de manière analogue, la vérité unit les esprits entre eux et les fait penser à l’unisson, en les attirant et en les unissant en elle.» (Caritas in Veritate n° 53, 54).

La famille, cellule vitale de la société et école d’humanité, est aussi une petite Église et sujet d’évangélisation.

Evangéliser veut dire transmettre aux autres l’amour du Christ par la foi professée et témoignée. Concrètement et en un sens propre, ce n’est pas l’homme simplement honnête qui évangélise, ni le baptisé qui s’est éloigné de l’Église, ni le pratiquant qui vit conformément au monde, mais seulement celui qui fait l’expérience d’un rapport sincère et vital avec le Christ (Écoute de la Parole, Eucharistie, prière, engagement permanent de conversion, vie nouvelle selon l’Esprit) et qui du Christ reçoit un surcroit d’espérance, un surcroit de sens et de valeur pour les personnes et la vie dans ses multiples dimensions, un surcroit de lumière pour discerner, un surcroit d’énergie et de joie pour se charger des autres et pour porter la croix de chaque jour.

De manière analogue, en un sens propre et crédible ce n’est pas la famille simplement respectable qui évangélise, ni la famille pratiquante et pourtant alignée sur les modes de penser et d’agir sécularisés; mais bien la famille qui vit une spiritualité christocentrique, biblique, trinitaire, ecclésiale, laïque, c’est-à-dire incarnée dans les réalités terrestres, dans les relations multiples et les activités de tous les jours. C’est la famille qui vit l’amour comme don et communion, comme participation à l’alliance nuptiale du Christ avec l’Église, comme reflet de la communion trinitaire des Personnes et anticipation du banquet nuptial dans l’éternité. «Les défis et les espoirs que vit la famille chrétienne - dit Jean Paul II – exigent que un nombre toujours plus grand de familles découvrent et mettent en pratique une solide spiritualité familiale dans le déroulement quotidien de leur existence» (Discours, 12/10/1980).

Il est nécessaire d’éveiller et d’encourager les familles qui fréquentent les sacrements à grandir dans la vie spirituelle et dans le témoignage de l’Evangile, afin qu’elles accueillent en elles-mêmes et communiquent aux autres l’amour du Christ. Élever quelques-uns est la meilleure méthode pour atteindre tout le monde. Il faut plus de famille et non moins de famille, pour soigner les maux de la société. Il faut beaucoup de familles qui aient un surcroit d’unité, d’ouverture, de beauté.

 

Perspective d’action à partir de l’urgence démographique

À partir du livre vert de 2005, le soi-disant hiver démographique, est toujours davantage à l’attention du Parlement européen et de la Commission européenne ainsi que de la presse et de l’opinion publique. On commence à se rendre de plus en plus compte, mais pas encore assez, que c’est le développement social, économique, culturel et religieux de nos peuples qui est en danger.

Plusieurs facteurs concourent au développement d’un peuple. Parmi eux l’équilibre démographique occupe une place importante. Une excessive densité de population peut engendrer des gros problèmes, comme c’est le cas du Bangladesh (156 millions d’habitants sur un territoire de 144.000 Km²; soit plus de 1000 habitants par Km²). De l’autre côté aussi la crise de natalité peut créer des gros problèmes. La conduite à suivre qui est éthiquement et socialement correcte s’appelle procréation généreuse et responsable.

À ce propos il convient de citer une page tirée de la toute récente encyclique de Benoît XVI. «L’ouverture moralement responsable à la vie est une richesse sociale et économique. De grandes nations ont pu sortir de la misère grâce au grand nombre de leurs habitants et à leurs potentialités. En revanches, des nations, un temps prospères, connaissent à présent une phase d’incertitude et, dans certains cas, de déclin à cause de la dénatalité qui est un problème crucial pour les sociétés de bien-être avancé. La diminution des naissances, parfois au-dessous du fameux seuil de renouvellement, met aussi en difficulté les systèmes d’assistance sociale, elle en augmente les coûts, réduit le volume de l’épargne et, donc, les ressources financières nécessaires aux investissements, elle réduit la disponibilité d’une main-d’œuvre qualifiée, elle restreint la réserve des cerveaux utiles pour les besoins de la nation. De plus, dans les familles de petite, et même de toute petite dimension, les relations sociales courent le risque d’être appauvries, et les formes de solidarité traditionnelle de ne plus être garanties. Ce sont des situations symptomatiques d’une faible confiance en l’avenir ainsi que d’une lassitude morale. Continuer à proposer aux nouvelles générations la beauté de la famille et du mariage, la correspondance de ces institutions aux exigences les plus profondes du cœur et de la dignité de la personne devient ainsi une nécessité sociale, et même économique. Dans cette perspective, les États sont appelés à mettre en œuvre des politiques qui promeuvent le caractère central et l’intégrité de la famille, fondée sur le mariage entre un homme et une femme, cellule première et vitale de la société. Prenant en compte ses problèmes économiques et fiscaux, dans le respect de sa nature relationnelle». (Caritas in Veritate, n°44).

Dans l’Union Européenne 2/3 des familles sont sans enfants; l’index moyen de fécondité pour la femme est de 1,56 (en Italie il est même de 1,33; alors que aux États-Unis il est de 2,9). Nous sommes donc en dessous de la valeur de rechange générationnel (2,1 par femme) et bien en dessous du désir explicite, et pour des nombreuses raisons non réalisé, des jeunes ménages (avec une moyenne de 2,3 enfants). Les personnes âgées au dessus des 65 ans sont 85 millions avec une hausse de 16,5 millions dans les derniers 15 ans. Ils dépassent déjà les adolescents et les enfants qui ont moins de 14 ans et qui sont 78,5 millions avec une diminution de 10,5 millions dans les derniers 15 ans. Pour les prochaines décades et jusqu’au 2050 on prévoit une diminution de la population de 27,3 millions, c’est-à-dire encore plutôt contenu; mais il y aura un vieillissement très accentué parce que les anciens au dessus des 65 ans seront 135 millions, soit 1/3 de la population, tandis que les adolescents et les enfants avec moins de 15 ans seront seulement 60 millions, c’est-à-dire 1/8 de la population. Nous aurons beaucoup de grand-pères, quelque arrière grand-père, peu d’enfants et qui seront sans frères (déjà en 2007 les fils uniques représentaient le 25% de la population). Face à une productivité réduite, nous aurons une hausse très lourde des frais pour les retraites, pour la santé et pour l’assistance. Pour toute personne âgée au-delà des 65 ans il n’y aura que deux travailleurs, qui devront pourvoir à assurer son traitement, la moitié de la pension à la charge de chacun: c’est quelque chose d’insoutenable, si l’on songe que déjà aujourd’hui il est très difficile avec trois travailleurs pour chaque retraité. On s’achemine vers l’effondrement de l’état social et du bien être. Pour redresser la situation l’immigration ne pourra pas suffire; même dans l’hypothèse d’une positive intégration culturelle, qui est d’ailleurs beaucoup plus difficile de ce que l’on pense dans certains milieux. La solution doit être trouvée en une autre direction.

Benoît XVI dans sa dernière encyclique exhorte à refuser la mentalité antinataliste qui est répandue comme si c’était là un progrès culturel et à reconnaître que L’ouverture à la vie est au centre du vrai développement et L’accueil de la vie trempe les énergies morales et nous rend capables de nous aider mutuellement entre personnes et entre peuples (cf. Caritas in Veritate, n°28). Il faut revaloriser culturellement la maternité et la paternité en tant que dimensions importantes pour l’épanouissement humain et le bonheur des femmes et des hommes. L’avortement dans l’Union Européenne provoque chaque année un nombre de victimes équivalent à 1/5 des enfants nés, et supérieur à la somme des habitants de Malte et du Luxembourg: on peut du moins essayer à le contraster, en assurant à la mère les formes de soutien et d’aides dont elle nécessite. En tout cas il faut combattre l’introduction dans les législations du droit à l’avortement, qui perdrait ainsi sa configuration de mal toléré. Il faut en revanche revendiquer fermement le droit à l’objection de conscience des médecins, de ceux qui travaillent dans les services de la santé, des pharmaciens. Beaucoup de femmes sont contraintes à choisir entre la profession et la maternité: il faut s’engager sérieusement afin que cesse la primauté du travail sur les personnes ainsi que la primauté de l’organisation rigide sur la famille et qu’on introduise des formes de conciliation (horaires souples, télétravail, congés de maternité convenablement rémunérés, congés pour les parents, services pour l’enfance, réseaux de familles etc.). Finalement, il est urgent de promouvoir une courageuse politique de soutien économique aux familles qui ont des enfants. On estime que chaque fils jusqu’à la 25ème année représente un investissement de 125.000 Euros. Ce n’est pas juste que les parents aient à subir un appauvrissement à cause de cette contribution précieuse qu’ils donnent à la société. Il faut accorder des traitements favorables et des réductions d’impôts aux familles nombreuses (déductions, détractions, quotient familial pour l’impôt sur les revenues personnelles; l’estimation de l’impôt sur l’habitation calculée non pas seulement en raison de la superficie: 120 m² sont un luxe pour un célibataire, mais une nécessité pour celui qui a quatre enfants).

Les propositions pour favoriser la natalité ne manquent pas. Leur actuation demande des interventions difficiles pour la répartition des ressources publiques, et cela sera nécessairement graduel. Il est important de faire des pas concrets en la bonne direction. Du coté des Associations Familiales nous nous attendons une détermination ferme et de la persévérance pour aboutir à une véritable inversion de tendance.

Perspective d’action à partir de l’urgence éducative

L’opinion publique et les institutions européennes sont sensibles aux droits des enfants. La Commission Européenne en 2006 publia le document ‘Vers une stratégie européenne pour les droits de l’enfance’, où cependant les enfants sont considérés plutôt comme des individus isolés et non pas comme insérés dans une famille.

Une politique pour l’enfance ne devrait jamais faire abstraction du lien conjugal des parents. L’unité et la stabilité du couple sont le don et l’aide le plus grand que l’on puisse faire aux enfants. Ils ne veulent pas être aimés par deux parents qui ne s’aiment pas entre eux; ils ne veulent pas deux amours parallèles. Ils ont besoin d’un amour, pour ainsi dire, triangulaire, où les parents sont d’abord unis entre eux et ensemble ils se tournent vers les enfants. Les enfants ont besoin d’habiter et de vivre avec les deux parents. Je me souviens du tableau de Van Gogh, Premiers pas, où l’enfant est mis entre le monde de la mère, la maison, et le monde du père, le champ; la mère reste avec l’enfant et le protège; le père a arrêté son travail agricole, il s’est agenouillé pour se mettre au niveau de l’enfant, il est à une certaine distance de l’enfant et l’invite affectueusement à se détacher de sa mère et à venir ver soi. La figure maternelle et la figure paternelle sont complémentaires: l’une incarne l’accueil, la compréhension, la sureté affective et le bien être; l’autre incarne l’autorité qui fait grandir vers l’indépendance, l’initiative, l’autonomie, la responsabilité éthique et l’altruisme.

Malheureusement de nos jours les exigences du travail et surtout les séparations et les divorces divisent beaucoup de parents entre eux et ils les éloignent des enfants. En Europe, alors que les mariages diminuent sensiblement chaque année, les divorces augmentent: désormais ils sont plus d’un million par an et ils équivalent à la moitié des mariages célébrés annuellement. Dans les derniers dix ans ils ont été 10,3 millions et ils ont concerné plus de 17 millions d’enfants.

Les fils des divorcés dans le 85% des cas sont confiés à la mère, et nombreux d’entre eux, environ le 25%, perdent en deux ans tout contact avec leur père. Quelques années après la séparation des parents, la plupart des enfants, environ les ¾, se rétablissent et rentrent dans la moyenne des index d’adaptation et de rendement des autres jeunes gens. Mais le 25% présente des problèmes psychologiques, scolaires et sociaux qui sont en moyenne deux fois plus grands que les problèmes des enfants de ménages unis. Les enfants des séparés déclarent trois fois plus souvent que les autres d’avoir vécu en grande solitude; ils sont en raison du double à se sentir non compris; plus de deux fois plus que les autres ils abandonnent l’école et ils ont un rendement scolaire moins brillant (en France les enfants des séparés sont le 95% des collégiens). Plusieurs d’entre eux souffrent d’instabilité psychique (en France le 80% de ceux qui sont hospitalisés en psychiatrie sont enfants de séparés); beaucoup d’entre eux font usage de cigarettes, d’alcool, de drogues (en France ils sont le 50% des toxicomanes); divers d’entre eux deviennent des exclus (aux États-Unis le 90% des ‘SDF’[1] ont grandi sans un père). Beaucoup deviennent les protagonistes des conduites socialement déviées et criminelles, telles que les menaces, le vandalisme, le vol, le viol et l’homicide (aux États-Unis ont grandi sans père le 72% des adolescents qui ont commis un homicide, le 60% des violeurs, le 85% des jeunes qui vivent en prison). Tout cela parce que pour les enfants des divorcés le risque de s’adonner à la criminalité est plus que double en comparaison à celui des enfants qui vivent avec leurs deux parents.

Les études de psychologie montrent que l’absence du père pendant l’enfance et l’adolescence expose les enfants à plusieurs dangers: tout d’abord le narcissisme, par lequel manque le sens de la limite et on veut tout et tout de suite; après il y a le danger de la dépression, anxiété et d’une insuffisante estime de soi. Passivité et manque de projets, dépendance de l’avis des autres, de la télévision, de l’internet, de l’alcool et des drogues; sens d’impuissance, rage, agressivité, violence.

Benoît XVI a déjà dénoncé l’urgence éducative et récemment, dans sa dernière encyclique a souligné la nécessité de l’écologie de l’homme. Il faut sans doute préserver non seulement la terre, l’eau et l’air comme dons de la création appartenant à tous, mais surtout protéger l’homme de sa propre destruction. Le livre de la nature est unique et indivisible, qu’il s’agisse de l’environnement comme de la vie, de la sexualité, du mariage, de la famille, des relations sociales, en un mot du développement humain intégral (Caritas in Veritate, n°51).

L’écologie de l’homme demande que les enfants naissent et grandissent en une véritable famille. Cela était déjà proclamé par la convention des droits de l’enfant approuvée par l’ONU (20 novembre 1989): «La famille, unité fondamentale de la société et milieu naturel pour la croissance et le bien être de tous ses membres et en particulier des enfants, doit recevoir la protection et l’assistance dont elle a besoin pour pouvoir jouer pleinement son rôle dans la communauté».

D’autre part, le divorce cause des dommages aussi aux époux qui se séparent. Il provoque souvent l’appauvrissement de la famille, qui à son tour exerce une influence très lourde sur le malaise social des enfants. Il cause auprès des époux séparés la dépression et d’autres formes de malaise existentiel, dont il est symptôme, par exemple, le pourcentage des suicides: en France l’index des suicidaires est six fois plus haut chez les hommes separés et deux fois plus haut chez les femmes separées. Les divorcés vont grossir le nombre remarquable des gens seuls qui en Europe sont plus de 55 millions, soit le 29% des foyers.

Les familles désagrégées et déformées qui participent à la déliquescence des vertus sociales et gâtent la cohésion et le développement de la société. Hillary Rodham Clinton a dit que, comme tout organisme a besoin d’une masse critique de cellules saines pour vivre, ainsi la société requiert une masse critique de familles traditionnelles pour tenir débout. Selon Benoît XVI le marché lui-même, qui est l’institution de l’échange utilitaire par excellence, a besoin de la famille, institution du don et de la communion entre personnes, et non pas seulement afin d’alimenter la vertu de justice qui est nécessaire, mais aussi parce qu’il a besoin d’assimiler en quelque mesure le sens de la fraternité, de la solidarité, de la gratuité. Le marché sera alors en même temps plus civil et plus compétitif, s’il saura voir le profit comme un moyen en vue des buts humains et sociaux. En toutes ses formes à divers degrés et selon des modalités spécifiques, l’aspect de la réciprocité fraternelle doit être présent. À l’époque de la mondialisation, l’activité économique ne peut faire abstraction de la gratuité, qui répand et alimente la solidarité et la responsabilité pour la justice et pour le bien commun auprès de ses différents sujets et acteurs. Il s’agit, en réalité, d’une forme concrète et profonde de démocratie économique. (Caritas in Veritate, n°38).

La société deviendra alors amie de la famille à mesure qu’elle arrivera à la concevoir non seulement comme un ensemble d’individus à assister dans leurs besoins (enfants, jeunes, invalides, personnes âgées), mais comme une richesse nécessaire, un sujet communautaire doué d’importantes fonctions sociales.

La société a besoin de la famille; mais la famille aussi a besoin de la société et elle attende de pouvoir accomplir son irremplaçable mission éducative. Il faut garantir, autant que cela est possible, le droit des enfants à vivre avec les deux parents et à avoir un père et une mère en cas d’adoption; il faut décourager le divorce et favoriser la stabilité de l’union conjugale. Il est nécessaire de protéger l’identité naturelle de la famille vis-à-vis des autres formes de vie en commun, différemment de ce qu’à fait le Parlement Européen il y a quelque temps lorsqu’il sollicita les états membres à assimiler dans leurs législations les unions de fait. Il faut répandre une culture des droits et des devoirs de la famille; reconnaître le droit des parents à éduquer les enfants selon leurs convictions éthiques et religieuses; il faut rendre effective leur liberté de choisir entre école d’état et école privée. Il faut sauvegarder l’unité familiale des immigrés et favoriser leur intégration sociale et culturelle, en respectant les valeurs authentiques de leurs traditions. L’Union Européenne devrait être stimulée à se douer aussi des institutions et des instruments spécifiques pour une politique familiale efficace.

 

Conclusion

Chers amis, poursuivez votre engagement avec confiance et courage. Vos adversaires sont des puissantes élites intellectuelles, économiques et politiques, qui cherchent à imposer l’idéologie du genre et opérer ainsi une révolution anthropologique par la codification des nouveaux droits, comme ils les appellent, et qui ne sont rien d’autre que des désirs subjectifs et individuels qui sont contraires à la cohésion et au développement intégral de la société. Vous en revanche vous avez de votre côté les peuples européens qui, c’est démontré par les recherches sociologiques, croient encore à la famille et ils la posent au sommet de leurs aspirations et valeurs. Votre cause est la cause de l’homme et c’est la cause du Christ sauveur de l’homme.



[1] SDF=Sans demeure fixe, senza tetto (pron. “Es-de-ef”).

 

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