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CONSEIL PONTIFICAL POUR LA PASTORALE DES SERVICES DE LA SANTÉ 

LA PASTORALE SANITAIRE
ET LE SACERDOCE DE JEAN PAUL II
*

 

La Pastorale sanitaire sous le Pontificat de Jean-Paul II est une des composantes caractéristiques de son enseignement apostolique.

L'institution de la "Journée Mondiale du Malade" (1) et l'Exhortation Apostolique post-synodale Pastores dabo vobis (2) nous révèlent que la Pastorale Sanitaire est une constante de son Sacerdoce.

Il est évident que Jean-Paul II, dès le début, est apparu au monde comme le Pasteur Supreme de l'Eglise qui, fidèlement attaché au Concile Vatican II, a commencé - et poursuit - "une juste harmonisation entre la Christologie, la mariologie et l'anthropologie... Une anthropologie ayant comme centre le Christ est justement une constante de l'actuel enseignement pontifical: valorisation de l'homme, mise en évidence de sa dignité psychique et physique comme etre unique, original et individuellement inimitable, institué par Dieu et mis au dessus de la création; défense constante de cette dignité en diverses occasions, et dans les domaines les plus qualifiés" (3).

C'est dans ce sens aussi que se manifeste son intéret et son engagement pour la consacration et la défense de l'Homme - considéré et qualifié comme "la voie fondamentale et primordiale de l'Eglise" (4) - quand se manifeste en lui la pauvreté et la fragilité la plus extreme, une fois privé de son bien fondamental, la santé. Et qui serait alors le premier à etre interpellé et le plus concerné par cet aspect de la personne sinon le Pretre dans son projet d'évangélisation pour répondre aux signes des temps?

Dans l'exercice des ses fonctions de Pasteur Supreme, le Saint Père donne et laisse des signes inoubliables en temps et lieux divers (5), avec la spontanéité d'une personne qui vit au quotidien tout en se donnant fraternellement à qui est avec Lui responsable de la vie spirituelle des hommes.

C'est une foi profonde qui l'a porté à écrire le premier document sur la souffrance, la Lettre Apostolique Salvifici doloris (6), car par là il montre que "la souffrance fait partie de la transcendance de l'homme. C'est un état par lequel l'homme en un certain sens est appelé à se dépasser, et en cela d'une manière mystérieuse" (SD, 2); un moment propice (historique) qui fait que "l'homme devient d'une manière spéciale la mesure de l'Eglise, quand dans sa vie se manifeste la souffrance... qui semble être une composante de son existence terrestre" (ibid.).

L'année qui suivit la publication de Salvifici doloris, avec la Lettre Apostolique Motu proprio Dolentium hominum (7) le Saint Père institua le Conseil Pontifical de la Pastorale pour les Services de la Santé, ayant pour attributions de stimuler et de promouvoir la formation, l'étude, l'action menée par les diverses "Organisations Internationales Catholiques dans le secteur de la santé, et aussi par d'autres groupes, associations et organisations qui, d'une façon ou d'une autre, oeuvrent dans tel secteur; - coordiner les activités des divers Dicastères de la Curie romaine ayant rapport avec le monde sanitaire et ses problèmes; - diffuser, expliquer, et défendre l'enseignement de l'Eglise en matière de la santé et en favoriser l'acceptation dans la pratique sanitaire; -avoir des contacts avec les Eglises locales et en particulier avec les Commissions Episcopales pour le monde de la Santé; -suivre attentivement et étudier les orientations des programmes et les initiatives concrètes des politiques sanitaires, soit au niveau international que national, afin d'en indiquer l'importance et les implications pour la pastorale de l'Eglise" (DH, 6).

Le Saint Père est convaincu (8) que ceux qui sont engagés dans le monde de la santé - le personnel médical - entrent dans la réalité intime de l'homme: son existence, son incarnation, l'homme comme être spirituel, mystérieux, dans sa matérialité qui le réalise d'une façon unique dans l'histoire (9). C'est une catégorie spéciale qui établit, normalement, le contact avec le côté spirituel de l'homme (10).

Celui qui assiste l'homme au moment de la grande épreuve de la souffrance corporelle, peut influencer sa vie spirituelle. Quand sonne l'heure où l'homme est confronté à lui-meme, la présence du personnel médical qualifié est indispensable; un personnel qui doit être guidé d'une vision intégralement humaine de la maladie et qui doit savoir, en conséquence, faire preuve d'une approche authentiquement humaine du malade qui souffre. Pour le chrétien, la rédemption du Christ et sa grâce salvifique rejoignent tout l'homme dans sa condition humaine et donc aussi la maladie, la souffrance, la mort (DH, 2).

Si pour les laics engagés dans le soin et la défense de la vie, le Saint Père a une haute estime (11), c'est parce qu'il trouve que leur présence à côté des pasteurs d'àmes qui se consacrent à cette pastorale s'avère non seulement utile mais aussi indispensable et importante (12); ainsi pour les pretres - et particulièrement pour les jeunes appelés au sacerdoce - il propose comme modèle "Marie la Servante du Seigneur", inspirée et rendue disponible par l'Esprit Saint, celle qui s'exprime avec ces paroles que nous récitons à l'"Angelus": "Me voici, je suis la servante du Seigneur" (Lc 1, 38)(13).

Une telle disposition d'àme doit se retrouver en chaque pretre, non seulement pour ceux qui s'engagent spécialement dans le ministère pastoral auprès des malades, mais pour tous, car "cette disponibilité de Marie envers le Seigneur s'est prolongée dans le service envers le prochain, comme le prouve son voyage pour assister Elisabeth" (14).

Dès la conception du Fils de Dieu jusqu'au moment extreme, quand elle assiste le Dieu souffrant qui expire sur une Croix, Marie est présentée par Jean-Paul II comme modèle idéal de ce service pastoral de la souffrance de l'homme. Et précisément c'est en ce moment que le rapport amour-souffrance de l'homme-Dieu atteint son achèvement, quand, ayant été proclamée par Jésus mère d'un pretre - (Jean) - et étant par dessus-tout la mère de Jésus, Grand-Pretre, Marie est devenue d'une façon particulière la mère de tous les pretres... "Prendre Marie chez soi": voilà le devoir et le privilège de tout pretre (15).

Il est certain que dans la vie quotidienne du Sacerdoce de JeanPaul II, la Vierge Marie marque sa formation permanente à la pastorale de la souffrance, et en assure la croissance qui est en continuelle élévation.

 

Les origines lointaines

Spontanément on se demande d'où lui vient cette sensibilité pastorale particulière pour l'homme qui souffre.

Il surprit tout le monde quand il se rendit à la Polyclinique Gemelli de Rome pour visiter André-Marie Deskur, alors Archeveque et maintenant Cardinal, à quelques heures de son élection. C'était un après-midi du 18 octobre 1978. On ne lui connaissait pas cette àme de Pasteur qui se consacre totalement au service de l'homme qui souffre. Sans tarder on se rendit compte que chaque acte et geste posé en faveur d'un malade, petit ou grand, vient de cette grande conviction que "dans le mystère de l'Eglise qui est son corps, le Christ, en un sens, a ouvert sa souffrance rédemptrice à toute souffrance de l'homme. Dans la mesure où l'homme devient participant des souffrances du Christ -en quelque lieu du monde et à quelque moment de l'histoire que ce soit- il complète à sa façon la souffrance par laquelle le Christ a opéré la Rédemption du monde" (SD, 24).

Animé par cette conviction, ce jour là, rappelant ce qu'il avait dit aux Cardinaux le matin, le Saint Père exprime ainsi sa volonté: "Appuyer mon ministère papal spécialment sur tous ceux qui souffrent et qui unissent leur prière à la souffrance, à la passion, à la douleur... très chers frères et sceurs, je me confie à vos prières... (car vous etes) très forts; forts comme l'est Jésus Christ Crucifié" (16).

Au cours de ces dernières années, on avait la conviction que cette disposition avait des origines lointaines. Le Pape lui-meme le confirma l'année dernière lors de sa visite dans un Hôpital de sa terre natale: "Dès l'exercice de mon ministère pastoral, je me suis attaché au monde médical et au milieu sanitaire. Parmi vous ici présents, je revois les personnes que j'ai connues au début de mon travail pastoral" (17).

Une vocation incluse dans une autre. Maintenant nous savons que les racines de cette vocation plongent dans les premières années de sa vie àcause des "deuils qui ont marqué son enfance et son adolescence" (18). Dès son enfance, le Pape lui-meme a déclaré: "Je n'avais pas l'âge de la première communion quand j'ai perdu ma mère; ainsi elle n'a jamais eu la joie de voir ce jour tant attendu par elle comme le plus grand jour" (ibid.). Et Frossard dans son commentaire ajoute: "Il a connu sa mère toujours malade".

L'expérience de la souffrance vécue ainsi prématurément a beaucoup marqué son existence. Ainsi il avoue encore aujourd'hui: "Mon frère Edmond est mort d'une épidémie virulente de scarlatine, à l'hôpital même où il commencait à peine à exercer sa profession de médecin. Actuellement les antibiotiques l'auraient sauvé. J'avais 12 ans. La mort de ma mère est restée profondément gravée dans ma mémoire, peutetre encore plus celle de mon frère, à cause des circonstances dramatiques qui l'ont accompagnée, et parce que j'étais aussi plus mur. Ainsi, je suis très tôt devenu orphelin de mère et resté fils unique".

Nous ne voulons pas parler de conditionnements mais il s'agit plutôt de considérer les orientations décisives qui ont marqué sa vie.

Le niveau de sa vie spirituelle acquis à la maison où il grandit dans ces moments dramatiques -auxquels s'ajoute la perte de son père quand il avait l'àge de 21 ans (19)- lui a fait comprendre "qu'une mort sereine pleinement humaine et consciente ne provoque pas la peur mais rend la vie sérieuse à ceux qui en sont témoins et les mène à une réflexion plus profonde" (20).

On sait que le développement de la personnalité se fait durant l'enfance et l'adolescence. Déjà St Augustin écrivait que la raison et l'intelligence sont à l'état latent dans l'enfance et qu'ils se révèlent et se développent au fur et à mesure qu'on grandit (21).

De la meme manière, nous pouvons alors dire que dans l'esprit du jeune Karol, avec les années, s'est développée la détermination de devenir Pasteur de cette souffrance. L'attitude exemplaire des siens, aidés spirituellement par de bons Pasteurs à supporter la douleur, a orienté et déterminé son choix du Sacerdoce basé sur la pastorale sanitaire.

Si on veut retenir une date historique, on peut la situer au moment de sa présence à l'université de Cracovie où, jeune pretre encore, il aide spirituellement des jeunes universitaires de la Faculté de Médecine (22).

Il en garde un lien profond et durable, selon son propre témoignage: "Je parle de cet attachement avec une émotion particulièrement touchante, car en cette université j'ai grandi comme étudiant - en réalité j'y suis resté peu de temps - comme prêtre et professeur, comme Evêque, et à la fin comme Métropolitain de Cracovie. Dès le début j'ai développé un tel lien, ensuite je l'ai renforcé et bien defendu, quand de l'extérieur on cherchait à le briser" (23).

Aujourd'hui encore l'une des initiatives organisée et défendue par l'Archevêque de Cracovie d'alors à l'intention des services de la santé est en pleine activité: les rencontres spirituelles au Sanctuaire marial de Czestochowa destinées aux Agents sanitaires, auxquelles notre Dicastère a participé plus d'une fois, impressionnent par la grande affluence des pèlerins, meme au temps où la totale liberté de pratique religieuse faisait défaut (24).

Malgré sa lourde responsabilité de Pasteur Supreme de l'Eglise, Jean-Paul II se consacre à une étude de la théologie de la souffrance, organique et systématique (25) fondée sur la Croix du Christ et tout imprégnée du mystère pascal (cf. SD, 21).

Conscient que la parabole évangélique du Bon Samaritain "est l'une des composantes essentielles de la culture morale et de la civilité universellement humaine" (SD, 29) et, assuré que "le Christ en meme temps a enseigné à l'homme à faire du bien avec la souffrance et à faire du bien à celui qui souffre; il a, grâce à ces deux éléments, découvert totalement le sens de la souffrance" (SD, 30). Parole de Dieu que le Pape, Bon Pasteur, transforme en son Sacerdoce.

Qui cherche un modèle d'application reflétant les indications que traitent ces deux derniers Actes de Jean-Paul II, le trouve vivant et saisissant dans son Sacerdoce de Pasteur Supreme de l'Eglise.

 

P. FELICE RUFFINI, M.I.
Sous-Secrétaire du Conseil Pontifical
pour la Pastorale des Services de la Santé

* "Dolentium Hominum - Eglise et Santé dans le Monde",revue du Conseil Pontifical pour la Pastoral des Services de la Santé, n. 20 - 1992 (n. 2), pp. 73ss


NOTES

(1) "Lettre du Saint Père JEAN-PAUL II au Cardinal Fiorenzo Angelini, Président du Conseil Pontifical de la Pastorale des Services de la Santé - 13 mai 1992" in L'Osservatore Romano du 14 mai 1992, pp. 1 et 5.

(2) "Donné à Rome le 25 mars, solennité de l'Annonciation du Seigneur, de l'année 1992, en la quatorzième année de mon Pontificat. JeanPaul II P.P.".

(3) P. Card. POUPARD, "Le sens d'un Pontificat", in L'Osservatore Romano du 2.1.1992, p. 4.

(4) JEAN-PAUL II, Encyclique Redemptor Hominis, n. 14.

(5) JEAN-PAUL II, Cari Sacerdoti, Ed. Paoline 1990: Rio de Janeiro 2.VI1.1980, p. 236 -Orvieto, 22.XI.1981, p. 241 -Manchester, 31.V.1982, p. 159 -Giovedi Santo 1983, p. 57 -Togo, 9.VI11.1985, p. 271 -Augsburg, 4.V.1987, pp. 313-314. JEAN-PAUL II, Redemptoris Missio, 7.XI1.1990, n. 78.

(6) "Donné à Rome, près de Saint Pierre, le 11 février de 1'an 1984, en la sixième année de mon Pontificat" (DH).

(7) "Donné à Rome, près de Saint Pierre, le 11 février de 1'an 1985, en la septième année de mon Pontificat" (DH).

(8) Les réflexions qui suivent sont le résultat de l'audience accordée par Son Eminence le Cardinal Président, au Secrétaire et au Sous-Secrétaire de ce Dicastère le 30 janvier 1988.

(9) Dolentium Hominum, n. 2: "Maladie et souffrance sont des phénomènes qui, au fond, posent toujours des problèmes qui dépassent la médecine et qui touchent l'essence de la condition humaine dans ce monde" (cf. CS, 10).

(10) Ibidem: "La maladie et la souffrance, en fait, ne sont pas des expériences qui regardent seulement le côté physique de l'homme, mais l'homme dans son intégrité corporelle et spirituelle. Il est du reste évident que la maladie qui se manifeste physiquement tronve son origine et sa vraie cause dans le psychisme humain".

(11) Cf. JEAN-PAUL 11, Exhortation Apostolique post-synodale Christifidele Laici, 30.X11.1988, n. 38.

(12) Cf. Dolentium hominum, 2.

(13) Castel Gandolfo 5.V111.1990, récitation de "L'Angelus", in L'Osservatore Romano, 6-7.V111.1990, pp. 1,5.

(14) Ibidem.

(15) Récitation de "L'Angelus", 11.11.1990, in L'Osservatore Romano, 12-13.11.1990, p. 1.

(16) "Jean-Paul 11 avec les malades de la Polyclinique A. Gemelli", in L'Osservatore Romano, 19.X.1978, pp. 1-2.

(17) Discours prononcé à l'hôpital pédiatrique de Prokocim, Cracovie, mardi 13.VIII.I991, in L'Osservatore Romano du 14.V111.1991, p. 5.

(18) FROSSARD A., N'ayez pas peur, Rusconi, IV ed. 1983.

(19) Ibidem.

(20) POLTAWSKA W., "Le rô1e de la famille dans le développement de la personnalité", in Dolentium hominum, n. 16 (1-1991), p. 86 - cf. ibidem EDERMAN G.M. "Esprit et cerveau: centre vital de i'existence humaine", pp. 22-24; GRANT J.P. "Les enfants et l'existence", pp. 211-214.

(21) Cf. S. AUGUSTIN, La Cité de Dieu, 22, 24.

(22) Témoignage direct de Mme le Docteur Wanda Poltawska recueilli en date du 23.XI.I991.

(23) Discours prononcé le 15.VIII.1991 à Czestochowa au cours de la cérémonie pour la bénédiction du nouveau Séminaire. Dans le texte le Pape fait explicitement allusion à "L'Université Jagellonica et sa Faculté de Théologie", in L'Osservatore Romano du 16.V111.1991, p. 10.

(24) Cf. Dolentium hominum, revue..., n. 2 (2-1986) p. 79, n. 8 (2-1988) p 75.

(25) Cf. Angelini Fiorenzo, Quel soffio sulla creta, "La théologie de la souffrance dans la pensée de Jean-Paul II", Conseil Pontifical pour la Pastorale des Services de la Santé, Roma 1990, pp. 154-161.

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