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Pontifical Council for the Pastoral Care of Migrants and Itinerant People People on the Move - N° 87, December 2001
Le rôle du Directeur National de la Pastorale des Migrants[1]Rev. P. Abraham-Roch OKOKO-ESSEAU, S.J. IntroductionIl ma été demandé dintervenir sur le rôle du directeur national de la pastorale des migrants. Tout en remerciant le Conseil Pontifical pour lhonneur quil me fait en me retenant parmi les intervenants, je me réjouis de pouvoir partager ici ma petite expérience. La lettre dinvitation que jai reçue faisait clairement ressortir le désir des organisateurs de voir ce thème traité en rapport avec lexpérience vécue. Cest ce que je mefforcerai de faire au cours du temps qui mest imparti. Mais jaimerais signaler ici que ce nest pas sans embarras que je vais me livrer à cet exercice. Cet embarras vient du fait que mon expérience est limitée aux deux ans et demi passés à exercer les fonctions de coordonnateur national de la Commission Episcopale pour les Migrants et les Réfugiés au sein de la Conférence Episcopale du Congo. Ma démarche dans cet exposé sera simple. Après avoir présenté les caractéristiques du phénomène migratoire au Congo et les problèmes qui en découlent et qui constituent à mes yeux des défis pour lEglise, jessaierai, à la lumière des normes édictées par lInstruction sur la pastorale des migrants de 1969, des besoins émergeant du terrain et de mon expérience, de définir la manière dont je perçois le rôle dun directeur national. I. Le phenomene migratoire au Congo-BrazzavilleIl est difficile de parler du rôle du directeur national tel quil est vécu au Congo sans décrire préalablement le phénomène migratoire et ce quavait été jusque-là la réponse de lEglise dans ce pays. Cest en effet au regard des caractéristiques propres de la migration dans ce pays que lEglise particulière qui sy trouve élabore progressivement sa réponse pastorale et que le directeur national construit son action. Comment le phénomène migratoire se présente-t-il au Congo aujourdhui ? En labsence danalyses sur les migrations au Congo faisant autorité, notre Commission Episcopale est réduite à faire de lobservation empirique. Cette observation permet dappréhender à la fois la forme et la nature de la mobilité humaine dans notre pays. Sagissant de la forme, on remarque un double mouvement. Un mouvement transfrontalier et un mouvement à lintérieur des frontières nationales. Sagissant de la nature de ces mouvements, on peut distinguer une mobilité forcée et une mobilité volontaire. Ceci nous permet dappliquer au phénomène migratoire tel quil se donne à voir au Congo les catégories classiques de « migration interne », « migration internationale », « migration volontaire » et « migration forcée ». Cest sur ces catégories que nous allons nous appuyer pour décrire le phénomène migratoire au Congo-Brazzaville aujourdhui. La description proposée ici mettra avant tout en lumière les grandes tendances du phénomène migratoire et les problèmes quil pose. A. La migration interneCommençons par le plus simple à observer, à savoir la « migration interne ». Cest celle des populations principalement congolaises à lintérieur des frontières nationales. De nombreux congolais se déplacent chaque année dune région à une autre du pays. Ces déplacements se font principalement entre les villes et des zones rurales vers les zones urbaines, faisant ainsi du Congo un des pays les plus urbanisés dAfrique. En effet, il est aujourdhui communément admis que plus de 70% de la population congolaise habite dans les villes. La politique daménagement du territoire suivie depuis lindépendance ayant surtout privilégié les villes, les campagnes sont devenues au fur et à mesure de la dégradation des rares structures laissées par ladministration coloniale des milieux répulsifs. Pour se soigner et étudier convenablement, pour espérer trouver du travail et tenter de tirer profit des bienfaits du développement, il faut aller en ville. Les raisons majeures des migrations internes sont donc généralement les études, la formation, le travail et la recherche dune vie meilleure. Ces migrations peuvent souvent être temporaires, mais elles tendent de plus en plus à devenir définitives. Si autrefois, on allait se faire soigner ou travailler en ville et on regagnait la campagne, aujourdhui on sy installe. Lune des conséquences de ces déplacements est le développement de la pauvreté et de la misère dans les villes congolaises. Beaucoup de ceux qui viennent chercher des meilleures conditions de vie dans les villes vivent dans les zones périphériques de celles-ci dans des conditions souvent infra-humaines. Cest notamment dans ces zones que se développent les grands problèmes qui blessent la dignité humaine : prostitution, drogue, désoeuvrement, violence, éclatement de la structure familiale, alcoolisme, sida, etc. Cest aussi dans ces zones que des hommes et des femmes gagnés par le désespoir deviennent la proie facile des sectes qui y prolifèrent et développent souvent des formes dangereuses de religiosité, voire une conception fataliste de la foi. Ce sont là autant de problèmes qui interpellent lEglise. Les migrations internes que je viens de décrire soulèvent une question. Sont-elles forcées ou volontaires ? Certains considèrent les déplacements dus à la pauvreté ou à la misère comme relevant de la migration forcée. Ce nest en tout cas pas mon cas, du moins en ce qui concerne le Congo. Par respect pour ceux qui sont obligés de fuir leur domicile pour se protéger de la violence comme ce fut le cas au Congo pour 800.000 personnes entre décembre 1998 et janvier 2000, je préfère quon ne parle pas de migration forcée pour ceux qui recherchent simplement de meilleures conditions de vie socio-économiques. La migration forcée interne est un phénomène spécifique. Elle renvoie à la situation de ce que le droit international appelle communément les personnes déplacées. Le Congo des années 90 a bien connu ce phénomène avec les conflits socio-politiques qui ont accompagné le processus de transition démocratique. Nul nignore les causes et les conséquences dramatiques de ces déplacements. La presse a abondamment parlé des violations des droits fondamentaux et des destructions qui sen sont suivies. Ces questions ne peuvent pas non plus laisser lEglise indifférente. B. La migration internationalePar opposition à la « migration interne », la « migration internationale » est faite de déplacements des étrangers vers le Congo et de ceux des congolais vers les pays étrangers. Elle sera décrite ici sous les thèmes de limmigration et de lémigration. Et comme pour la migration interne, des problèmes susceptibles de constituer des défis pastoraux pour lEglise seront mis en lumière. 1. Limmigration au CongoLe Congo est un pays dimmigration. Même sil est difficile davoir accès aux statistiques précises, le phénomène est néanmoins visible. De nombreux étrangers vivent au Congo depuis des décennies. Commencée sous la colonisation lorsque Brazzaville était la capitale de lAfrique Equatoriale Française (AEF), cette tradition sest poursuivie jusqu'à nos jours. Parmi les étrangers qui vivent actuellement au Congo, on rencontre aussi bien des immigrants volontaires que des immigrants forcés. Les immigrants forcés sont principalement les réfugiés et les exilés politiques. Avec la guerre qui se poursuit actuellement en RDC, le nombre des réfugiés ayant trouvé asile au Congo a dépassé le seuil de 150.000 personnes. Ils sont dans leur grande majorité originaires des pays voisins ou de la sous-région en guerre comme la RDC, le Rwanda et lAngola (Cabinda). Il apparaît clairement ici que la question de la régionalisation des conflits doit interpeller lEglise dans sa recherche de solutions au problème de la migration forcée. Quant aux migrants volontaires, ce sont généralement des étudiants, des fonctionnaires internationaux, des cadres dambassades et dentreprises étrangères, des commerçants et des personnes venues tenter leur chance dans un pays relativement riche mais sous peuplé, sans oublier ceux que le hasard du mariage a conduit à vivre au Congo. Dans ce groupe de migrants volontaires, on dénombre aussi bien des saisonniers, des temporaires que des personnes qui ont choisi de sinstaller définitivement au Congo. Il y a beaucoup de catholiques chez les immigrants vivant au Congo, mais on dénombre aussi des musulmans et des adeptes de nouveaux mouvements religieux parmi eux. Les adeptes de ces mouvements sont souvent des anciens fidèles catholiques. Un problème qui ne peut manquer de nous interpeller. Il est difficile de parler de limmigration au Congo sans évoquer de nouvelles formes dimmigration qui se veulent certes temporaires, mais dont la nature est manifestement criminelle. Il sagit de personnes qui profitent de la vulnérabilité dhommes et de femmes persécutés ou tout simplement de la quête de meilleures conditions de vie de certains jeunes pour leur extorquer dénormes sommes dargent en échange dune aide pour un départ à létranger. Même si le phénomène ne se pose pas encore à grande échelle, il ne reste pas moins préoccupant. Il appelle une vigilance de lEglise, car il renvoie à un véritable phénomène dexploitation. Un autre problème me semble devoir appeler la vigilance de lEglise. Il sagit du risque de xénophobie à légard de certains immigrants. Je fais particulièrement référence ici aux réticences exprimées par un nombre non négligeable de citoyens congolais au sujet du processus dintégration des réfugiés rwandais hutu au Congo-Brazzaville. Ils justifient ces réticences par la participation active de quelques-uns de ces réfugiés aux opérations de pacification dans les régions sud du pays ou leur supposée implication dans le génocide des Tutsi en 1994 au Rwanda. Tout en protégeant ces réfugiés hutu contre des accusations non prouvées, lEglise doit aussi rester vigilante face à des attitudes qui, sous prétexte de rejet éthique, peuvent cacher en réalité des préjugés xénophobes. 2. Lémigration des congolaisLémigration nest pas un phénomène inconnu des congolais. En effet, de nombreux congolais partent et vivent aujourdhui à létranger. Ce mouvement ira en saccentuant avec la mondialisation. En effet, lorsque ce phénomène saccompagnera dune ouverture poussée de frontières, davantage de congolais iront à létranger non pas seulement pour tenter déchapper à la misère, mais aussi mus par le désir de découvrir dautres réalités et de vivre dautres expériences. La mondialisation entraînera nécessairement une culture de la migration que nous devons nous préparer à affronter pastoralement. Lanalyse de lémigration congolaise daujourdhui montre que les pays européens sont actuellement parmi les principaux pays daccueil. Si certains y ont été attirés par de meilleures conditions de vie, dautres sy sont installés pour des raisons détudes, de stages de perfectionnement ou daffectation professionnelle (étudiants, stagiaires, diplomates et fonctionnaires internationaux). A côté de ces catégories, on rencontre des congolais installés à létranger en raison de leur mariage. Ces congolais de létranger sont généralement des migrants temporaires. A lexception des cas de mariage, ces congolais ne vont pas dabord à létranger avec lintention de sy installer définitivement. Ils commencent presque toujours par être des migrants temporaires avant de devenir des résidents permanents. Cest souvent lattrait de meilleures conditions de vie ou léchec qui rend tout retour socialement difficile à porter qui provoque le passage du statut de résident temporaire à celui de résident permanent. Cest généralement dans cette phase que se situe la fuite des cerveaux et que lon rencontre le plus grand nombre de migrants « sans papiers » avec tous les problèmes que cela suppose. Les congolais qui connaissent cette situation de « sans papiers » vivent souvent dans des conditions difficiles : clandestinité, absence de sécurité sociale, travail au noir, déstructuration des familles, mariages blancs, désaffection religieuse, perte de la foi, etc. Il peut se poser ici des questions de respect de la loi, daccompagnement pastoral, de défense des droits des travailleurs migrants et de leurs familles, de lutte contre lexploitation et linjustice sociale devant lesquelles lEglise ne peut se voiler les yeux. II. Responsabilités et fonctions du directeur nationalEn décrivant le phénomène migratoire au Congo, jai chaque fois essayé de mettre en lumière les problèmes qui constituent des défis pour lEglise aujourdhui et qui appellent des réponses pastorales de sa part. Lintérêt de cette démarche apparaîtra plus clairement dans la description de la réponse que lEglise du Congo essaie de mettre en place depuis quelque temps à travers sa Commission Episcopale pour les Migrants et les Réfugiés. Cest à travers cette même description que je tenterai de dégager les responsabilités et les fonctions dun directeur national de la pastorale des migrants. Mais avant dy arriver - cest en effet lobjet principal de cette communication -, permettez que je fasse le point sur ce quavait été la réponse de lEglise catholique du Congo face au phénomène migration avant la création de la Commission Episcopale pour les Migrants et les Réfugiés (CEMIR). A. La réponse pastorale de lEglise catholiqueJusqu'à une date récente, lEglise du Congo navait pas considéré le phénomène migratoire comme une priorité pastorale ou une question dintérêt pastoral. Cest ce qui explique le côté récent et la lenteur dans la mise en place dune réponse structurée et organisée face aux défis que pose le phénomène migratoire. La Commission Episcopale chargée de couvrir ce domaine na été formellement créée que le 25 mai 1995 lors de la 23ème session plénière de la Conférence Episcopale du Congo. Un travail apostolique organisé ny a véritablement commencé quen 1998 avec la nomination dun deuxième directeur national appelé « coordonnateur national[2] ». Vous comprenez que dans ces conditions, lexpérience de ce directeur ne peut-être que celle dun pionnier, confronté à la difficulté de travailler sans autre tradition que la voie ouverte par son prédécesseur et lInstruction de la Sacrée Congrégation des Evêques de 1969. Lorsquon analyse le magistère des évêques du Congo à travers leurs lettres pastorales et déclarations, on ne trouve aucune trace dun souci explicite pour les migrants. Ce ne sont pourtant pas les occasions qui ont manqué. Je me souviens par exemple de vagues dexpulsion détrangers qui avaient donné lieu à des atteintes aux droits humains et qui auraient même pu servir de prétexte aux évêques pour développer une pensée sur les migrations.
Nos évêques étaient restés silencieux à chacune de ces vagues dexpulsion. Sils ont jamais parlé de la migration, ce fut surtout comme une conséquence des conflits ethniques ou de la guerre civile; ce qui nest pas considérer le phénomène en lui-même. On peut évidemment sinterroger sur ce silence difficile à interpréter. Etait-il le reflet dune conscience refusant dinclure les étrangers et des non catholiques dans leurs préoccupations pastorales? Considéraient-ils que ce type de question relève exclusivement du politique et non de la mission de lEglise ou avaient-ils peur de se trouver en délicatesse avec les pouvoirs publics? Même sil ny a pas eu de sollicitude particulièrement affirmée pour les migrants dans le magistère des évêques congolais, leur pratique laisse toutefois apparaître autre chose. En effet, malgré les défaillances signalées, on peut aussi y trouver quelques indications dun souci pour les migrants. Je voudrais évoquer ici quelques exemples qui expriment ce souci avant la déterminante étape que constitue la création de la CEMIR.
De lexpression dun souci à lorganisation dune pastorale, il y avait certes encore un chemin à parcourir. Cest sans doute pour cela que les évêques décidèrent en 1995 de créer une Commission Episcopale chargée de traiter des problèmes de la migration. Avec le travail initié par cette Commission, on est donc passé au Congo dune réponse pastorale pas du tout pensée ni structurée à un début dorganisation. Des éléments relatifs à cet effort dorganisation seront donnés dans la section qui suit et permettront de mieux cerner ce qui nous semble être le rôle dun directeur national de la pastorale des migrants. B. Le triple rôle du directeur nationalComme directeur national, jai toujours considéré que javais des responsabilités aussi bien par rapport à lEglise, qui ma confié une mission, que par rapport aux immigrés et aux émigrés que je suis appelé à servir. Ceci ma amené à minterroger sur ce que je devais faire pour permettre à lEglise du Congo daccomplir sa mission et quel type de service pastoral je devais proposer aux migrants dans le contexte actuel de notre pays. Cest une certaine manière de comprendre ma mission qui ma conduit à prendre un certain nombre dinitiatives pastorales. Et analysant mon cheminement personnel, et en le confrontant aux orientations données dans lInstruction de 1969 plusieurs fois évoquée ici, je peux aujourdhui définir le rôle dun directeur national comme celui dun promoteur, dun organisateur et dun coordonnateur. 1. Le directeur national comme promoteurIl sagit de promouvoir un type de pastorale qui avait jusque-là reçu peu dattention de la part des ordinaires. Malgré la création dune Commission Episcopale pour les Migrants et les Réfugiés, je nai pas limpression que tous les évêques de mon pays aient totalement perçu la spécificité de la pastorale des migrants. Il me semble quils nont pas encore tous intégré lidée selon laquelle « ceux qui laissent leur famille et leur patrie pour sétablir ailleurs » « ont besoin dégards particuliers correspondant à leurs besoins ». Leur souci semble être dabord le maintien des oeuvres traditionnelles héritées des missionnaires (les paroisses, les séminaires et certaines oeuvres sociales). Ils ont jusque-là considéré que les étrangers devaient purement et simplement sintégrer dans les paroisses existantes. Je pense quils nont pas encore pris toute la mesure ni saisi lenjeu du phénomène migratoire dans la construction du monde actuel. Dans ce contexte particulier, la première tâche du directeur national est de promouvoir la pensée de lEglise sur les migrations et la pastorale des migrants au sein même de lEglise particulière. Promouvoir ici, cest essentiellement mettre en valeur, faire connaître et défendre auprès des évêques, de leurs collaborateurs et des chargés de la formation des futurs prêtres et religieux. Javoue que ce nest pas chose facile. Notre commission épiscopale essaie de faire ce travail de promotion à la fois à travers des contacts directs et la publication dun bulletin trimestriel de liaison, dinformation et de formation appelé « Echos de la CEMIR ». Dans les numéros déjà publiés, nous avons par exemple essayé de faire connaître les messages du Saint Père pour la Journée des Migrants ainsi que les orientations du Conseil Pontifical pour la Pastorale des Migrants et Personnes en Déplacement, et les initiatives de la Commission Internationale Catholique pour les Migrations (CICM). Nous réfléchissons aussi actuellement à la possibilité de créer un cadre de recherche et de réflexion sur les migrations. Ceci non seulement pour les comprendre, mais pour influencer à terme les politiques qui sélaborent dans ce domaine. Ceci mamène à faire une remarque dordre général. Contrairement à dautres Commissions Episcopales chargées de la pastorale des migrations, la nôtre essaie de promouvoir une vision globale et intégrée du soin pastoral des migrants. Cette vision refuse la séparation entre le spirituel et le social et cherche à dépasser le clivage entre assistance spirituelle et assistance sociale. Tout en les distinguant, elle prend en compte tout lhomme avec la soif de Dieu qui lhabite, son besoin de cheminer dans une communauté de foi et de voir sa dignité promue et protégée. Il me semble que cette approche peut trouver une justification dans une lecture conjuguée des points 4 et 5 de lInstruction de la Sacrée Congrégation pour les Evêques sur la Pastorale des Migrants. a. Le directeur national comme organisateurLe travail de promotion appelle nécessairement celui dorganisation. Cest pourquoi, comme pionnier, je vois le rôle du directeur national aussi comme celui dun organisateur. Cest dailleurs lun des aspects auxquels lInstruction de 1969 donne le plus dimportance. Je me permets de retenir trois points qui se dégagent des n°s 23 et 24 de lInstruction et qui correspondent à notre expérience actuelle. Il sagit des initiatives pastorales appropriés, des aumôniers des émigrés et de la Journée des Migrants. Dans la mesure où nous touchons aux questions de structures, nous sommes en plein dans lorganisation. Cest ici que le directeur national doit pouvoir jouer un rôle dorganisateur. Ce rôle dorganisateur impliquera par exemple la planification, la recherche des fonds, la mise en place des structures et pourquoi pas des réseaux de négociation ou de facilitation. Outre le suivi des problèmes principaux des migrations que nous essayons de faire en partie dans le cadre de nos relations avec le Haut Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés (HCR) et le Comité National dAssistance aux Réfugiés (CNAR), il est demandé au directeur national « de prendre les initiatives pastorales appropriées, grâce auxquelles les migrants seront préparés spirituellement à sadapter aux nouvelles conditions de vie et seront accueillis convenablement...dans les pays dimmigration » ( Cf. 23.1). En conformité avec cette recommandation, notre Commission a dabord obtenu des évêques la nomination des directeurs diocésains de la pastorale des migrations. Sans eux, les orientations et les politiques de la Commission Episcopale resteront lettres mortes. Ces directeurs diocésains, même sils ne jouent pas encore pleinement leur rôle, sont nommés depuis juin 1999. Contrainte par le contexte qui est le nôtre, notre commission épiscopale avait dabord mis laccent sur la migration forcée. Fonctionnant à la fois comme structure dinspiration pastorale pour les diocèses et comme organe opérationnel dassistance aux migrants et aux réfugiés, notre Commission Episcopale a mis en place un programme socio-pastoral en faveur des réfugiés. En plus de lassistance pastorale (baptême et obsèques), la protection physique et juridique, nous assistons les réfugiés et les demandeurs dasile, en partenariat avec le HCR, dans les domaines de léducation, de la santé, de la distribution des biens dassistance sociale et des projets générateurs de revenus. Après avoir donné trop longtemps la place à la migration forcée, nous avons fait adopter par nos évêques le 28 janvier 2000 un programme de travail pour faire face aux problèmes des migrants volontaires. Ce programme fut ensuite complété au regard des besoins se faisant sentir. Nos évêques ont donné leur accord de principe à la mise en uvre des initiatives pastorales suivantes:
Létat de réalisation ou de mise en uvre de ces initiatives varie. Dans certains domaines les choses avancent plus rapidement que dautres. Ces initiatives peuvent surprendre certains qui auront du mal à y voir de la pastorale. Je rappelle simplement quelle reflète bien notre vision globale et intégrée de la pastorale des migrants. B. Le directeur comme coordonnateurComme on vient de le constater, la réponse de lEglise aux défis de la migration donne actuellement lieu au Congo à une pluralité dinitiatives. Leur mise en uvre pourra donner lieu, le cas échéant, à des formes de collaboration avec dautres structures ecclésiales (congrégations religieuses, commissions épiscopales, associations, etc.) pour le plus grand bien des migrants. Les relations avec ces structures soeurs appellent un travail de coordination de la part du directeur national. Ce dernier doit assumer la responsabilité de coordonner les initiatives extérieures ayant des implications dans le champ des migrations. Ce rôle nest pas toujours bien perçu par dautres qui ont tendance à linterpréter comme une volonté de domination ou à considérer leur propre champ daction comme une chasse gardée. Le rôle de coordination du directeur national ne se limite pas aux initiatives extérieures à la Commission Episcopale pour les Migrants. Il doit sappliquer aussi et surtout dans le champ de compétence de cette dernière. En effet, si le directeur national est responsable de ce qui sy fait devant la conférence épiscopale à qui il fait régulièrement des rapports, les directeurs diocésains sont chargés de la mise en uvre des orientations et initiatives concrètes à léchelon de leurs diocèses. Mais ils le font dans le contexte propre des Eglises locales qui peut imposer des aménagements. Le problème dune certaine cohérence et unité peut alors se poser. Le souci de maintenir une cohérence et une unité entre les initiatives dune part et les efforts de mise en uvre dautre part doit être une préoccupation constante du directeur national. Il ne pourra le faire quen jouant un véritable rôle de coordination entre les directeurs diocésains aujourdhui et les aumôniers des migrants demain. Cest à travers ce rôle quil pourra aider les évêques à manifester la réalité de la communion ecclésiale y compris dans la pastorale des migrations. ConclusionLe rôle du directeur national peut donc se résumer en trois choses : promouvoir, organiser et coordonner. Promoteur, organisateur et coordonnateur, le directeur national apparaît clairement comme la cheville ouvrière de la pastorale des migrants au niveau national. Sa responsabilité est énorme au regard de lInstruction de 1969 et des problèmes concrets qui surgissent autour du phénomène migratoire. Même si les évêques, en leur qualité de pasteurs, sont les principaux responsables de la pastorale des migrations dans leurs diocèses, le directeur national est celui qui au sein de la Conférence Episcopale nationale doit veiller à ce que la sollicitude pastorale pour les migrants acquière toutes ses lettres de noblesse. La forme que prendra cette sollicitude pastorale dépendra en grande partie de ses propres convictions et de son engagement personnel. Mais que pourra-t-il faire de sérieux et de durable sil ne rencontre aucun écho dans les diocèses et la Conférence Episcopale ? De quelle force disposera-t-il pour faire avancer les choses si les évêques ne soutiennent pas son action ? Malgré son importance dans la pastorale des migrants, un directeur national ne pourra rien sans lappui des évêques. Cest donc leur appui et leur engagement aux côtés du directeur national que le Conseil Pontifical doit désormais rechercher. Je suggère quil pense à organiser au plus tôt une réunion conjointe des évêques présidents ou promoteurs et des directeurs nationaux pour obtenir cet appui. Le document fondateur pour le directeur national reste encore lInstruction de 1969. Sans nier le profit que les directeurs nationaux ont tiré de ce document au cours de ces trente dernières années, je ne peux mempêcher de reconnaître quil est aujourdhui un peu dépassé. Le phénomène migratoire ayant connu de profondes modifications et évolutions depuis 1969, la pastorale qui sy intéresse doit les assumer aujourdhui. Une charte de cette pastorale dans laquelle le rôle du directeur national pourra être réexaminé devient une urgence. Je suggère donc que le Conseil Pontifical remplace lInstruction de 1969 par une nouvelle. Celle-ci pourrait par exemple inclure la nécessité dune approche régionale et sous-régionale du traitement pastoral des questions liées à la migration volontaire et forcée. Elle pourrait aussi proposer une vision plus globale et intégrée de la pastorale des migrations. Ce dernier point permettrait de dépasser le clivage entre assistance sociale et assistance spirituelle, et donc de faire disparaître le malaise quéprouvent certaines personnes dans les nombreuses structures catholiques qui manifestent aujourdhui la sollicitude de notre Eglise à légard des migrants.
Notes:
[1]Cette communication a été préparée pour la Rencontre Mondiale des Directeurs Nationaux de la Pastorale des Migrants ( Rome, 10-12 octobre 2000, Salesianum).
[2]Jai été nommé comme « Coordonnateur national » en fin mars de lannée 1998. Mais avant la création dun poste de « Coordonnateur national », la personne qui jouait ce rôle était appelée « Vice-Président ». Ce poste fut occupé pendant près de deux années par un prêtre carmes espagnol. Il sagit du Père Gabriel SERRANO dont laction est exclusivement limitée à lassistance sociale des réfugiés.
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