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 Pontifical Council for the Pastoral Care of Migrants and Itinerant People

People on the Move - N° 88-89, April - December 2002

Le droit de vivre dans la dignité

ouverture de la Conférence sur 
"L’esclavage du XXIe siècle"*

S.Exc. Mgr Jean-Louis Tauran,
 Secrétaire pour les Rapports avec les États

Le 13 janvier 2001, le Saint-Père, s’adressant au Corps diplomatique accrédité près le Saint-Siège, réuni à l’occasion de la présentation des vœux au début de la nouvelle année, parlait du «devoir de combattre la honteuse traite des êtres humains», et, portant le regard plus loin, rappelait à l’assemblée face à lui, qu’«aux responsables des sociétés, il appartient de protéger l’espèce humaine, en faisant en sorte que la science soit au service de la personne, que l’homme ne soit pas un objet que l’on dissèque, que l’on achète ou que l’on vend, que les lois ne soient jamais conditionnées par le mercantilisme ou les revendications égoïstes de groupes minoritaires» (cf. ORLF n.3 du 16 janvier 2001).

Il est tout à fait significatif que ce soit précisément un groupe d’Ambassadeurs accrédités près le Saint-Siège, avec à sa tête l’Ambassadeur des Etats-Unis d’Amérique, James Nicholson, qui ait voulu répondre à cette préoccupation du Pape et, en collaboration avec certains dicastères de la Curie Romaine, ait voulu organiser cette Conférence internationale dans l’intention d’étudier les façons les plus adaptées de combattre l’ignoble phénomène de la traite des êtres humains.

Je suis honoré qu’à travers ma personne, la Secrétairerie d’Etat puisse exprimer ses félicitations pour l’initiative entreprise et former des vœux fervents pour le plein succès de vos travaux, sur lesquels le Saint-Père a imploré les Bénédictions divines à travers la Lettre qu’il m’a adressée.

Le programme que nous avons entre les mains montre bien que seront étudiées les diverses dimensions du terrible délit de l’esclavage, qui représente malheureusement encore une réalité au début de ce millénaire.

Au début de votre rencontre, je voudrais vous soumettre certaines considérations qui je l’espère pourront éclairer votre débat.

1.     La traite des êtres humains porte une grave atteinte à Dieu et à la personne humaine. Si l’on considère que l’homme, a été créé à l’image de Dieu et que depuis le premier instant de sa vie, il est doté d’une dignité innée, c’est-à-dire n’étant pas accordée par une autorité humaine et que personne ne peut lui ôter, on peut conclure qu’utiliser la personne humaine, comme n’importe quel objet, revient à insulter Dieu.

2.     Mais la traite des être humains constitue également une grave forme de violation des droits de l’homme. Victimes de personnes sans scrupules, trompées sur la destination de leur voyage, enlevées et démunies de papiers d’identité, soumises à toutes sortes de violences, ces personnes doivent être considérées comme des victimes dont il faut protéger les droits.

3.     Nous savons tous que la Communauté internationale s’est intéressée à cette question à l’occasion de diverses Conférences et Conventions internationales. 

La Convention contre le Crime international organisé, signée à Palerme en décembre 2000, a défini ce que l’on entend par «traite de personnes humaines». Elle est également accompagnée d’un protocole additionnel pour la lutte contre «la traite des personnes, en particulier les femmes et les enfants», à la préparation duquel le Saint Siège a activement participé auprès du Centre des Nations unies à Vienne. Récemment, à la fin du mois de février, la Conférence ministérielle régionale s’est occupée du même thème à Bali (Indonésie). Nous savons également que diverses Organisation des Etats américains, l’Organisation pour les Migrations, l’Organisation internationale du Travail, l’Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe, le Conseil de l’Europe et l’Union européenne, sont également engagées dans cette lutte légitime contre l’esclavage humain (un thème qui fera l’objet de débats lors d’un prochain sommet).

4.       De nombreuses initiatives montrent, bien qu’à travers des tonalités diverses, que la traite des êtres humains est un problème social et moral qui ne peut être réduit au seul aspect de l’ordre public. Celle-ci pose en réalité le problème des valeurs, des modèles et des styles de vie que propose la société. Le rôle de la femme, la place de l’enfant et des personnes fragiles ne peuvent être ignorées lorsque l’on prend en considération les racines d’un tel phénomène.

5. Les responsables de la société doivent avoir une réelle volonté politique de lutter contre un tel mal. Cela suppose l’adoption d’un cadre législatif adéquat, en particulier des peines sévères contre les coupables du trafic et des actes criminels qui les accompagnent (je pense en particulier au trafic de stupéfiants et au trafic d’armes). Un cadre qui ne se limite donc pas aux aspects de droit pénal du phénomène, mais qui est attentif à considérer les conditions d’inégalités, de discrimination et de pauvreté qui l’engendrent. 

Le Saint-Siège suit de près ce problème dans le cadre de la diplomatie multilatérale, c’est-à-dire dans les institutions internationales dans lesquelles il est présent, mais Il propose surtout la contribution de nombreuses organisations catholiques activement engagées à combattre ce problème. Je pense aux milliers de programmes d’accueil et de réhabilitation, aux centres médicaux, aux structures d’assistance juridique ou psychologique, aux logements temporaires, aux programmes de formation au travail, ainsi qu’à l’aide apportée aux personnes pour trouver des emplois dignes et recevoir une assistance en cas de maladie. Je suis certain que ce grand réseau de solidarité chrétienne mis en place par les religieux, les religieuses, les laïcs, les groupes de volontaires, en mettant souvent en danger leur propre vie, ne manquera pas d’être évoqué au cours de vos travaux. Très souvent, ce sont précisément des initiatives comme celles-ci qui ont été les seules bouées de sauvetage pour de nombreuses victimes.

Un chrétien, quoi qu’il en soit, devrait savoir que, dans ce cas également, l’indifférence, l’acceptation et le silence ne font que couvrir ce péché collectif, tandis que nous devons briser les chaînes de ceux qui sont aujourd’hui encore prisonniers. A chaque instant, nous devons dénoncer le mensonge et nous opposer à la désinformation.

En conclusion, je voudrais simplement souligner que la liberté des êtres humains constitue un tout, qui peut être exigé à chaque instant de la vie, et que les droits de l’homme qui en découlent se réduisent, en réalité, à un seul droit : le droit de vivre avec la dignité de personne humaine. 


*“L’Osservatore Romano”, édition hebdomadaire française, 4 juin 2002.

 

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