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 Pontifical Council for the Pastoral Care of Migrants and Itinerant People

People on the Move - Supp. N° 93,  December 2003, pp. 278-280

France

Rev. P. Claude DUMAS

Aumônier National

Dialogue et Mission

Dialogue et mission, deux mots que nous marions volontiers dans notre approche pastorale des Tsiganes. Celle-ci se veut animée du souci :

  • d’inculturation, de proximité, et de partenariat avec tous ceux qui travaillent à leur promotion,
  • de l’annonce explicite de la Parole par la formation ou les rassemblements religieux,
  • de l’ouverture aux autres Eglises particulières.

Le pari d’inculturationrepose d’abord sur les démarches quotidiennes de tous ceux qui, prêtres, religieux et laïcs, rencontrent les Tsiganes pour de simples temps de présence et d’amitié et s’attachent ainsi à « être » proches avant de « faire » (que ce soit dans le domaine de la catéchèse, de la sacramentalisation, du travail social…). Ce souci deproximitéaccorde une place privilégiée aux plus démunis et nous nous réjouissons de l’attention que le Secours Catholique accorde aux Tsiganes et de la manière dont il nous y associe. Il s’accompagne de la préoccupation constante de laformationdes Tsiganes et du désir de les voir devenir réellement acteurs de leur vie. Mon prédécesseur, le Père Denis MEMBREY, a joué un rôle déterminant dans la constitution de l’Association Nationale des Gens du Voyage Catholiques (ANGVC), qui est aujourd’hui un interlocuteur reconnu des pouvoirs publics et qui tient pleinement sa place dans la Commission Consultative chargée d’élaborer les nouveaux schémas des terrains de stationnement dans notre pays. L’ANGVC et l’Aumônerie sont partie prenante ducollectifformé pour lutter contre les conséquences, dans la vie quotidienne des Tsiganes, du projet de loi sur la Sécurité Intérieure élaboré par l’actuel gouvernement. Alors que le contexte législatif les présente comme autant de délinquants potentiels, ils y défendent leur droit au voyage et leur respectabilité. Ce thème du « droit à l’itinérance » a constitué celui d’uncolloqueorganisé en novembre 2002, conjointement avec les Aumôneries des Forains et des Bateliers. Depuis une dizaine d’années nous sommes également inquiets de la situation desTsiganes émigrés de l’Estet une commission de l’Aumônerie est particulièrement attentive à cette question ; en lien avec la Pastorale des Migrants et le collectif Romeurope, elle se trouve confrontée à des difficultés décuplées par le renforcement des dispositifs législatifs et le climat de suspicion qu’il provoque à l’encontre des Tsiganes et des étrangers. Celui-ci est tel que, dans un réflexe d’autodéfense inadapté, les Tsiganes français en viennent parfois à rejeter violemment les Tsiganes originaires d’Europe de l’Est avec lesquels ils craignent d’être confondus, puis rejetés ; cela fait partie de nos préoccupations et de notre responsabilité que de les ouvrir à d’autres perspectives et de les inviter à « donner une place » à leurs frères, même si leur propre image devait en souffrir dans le regard des Gadjé.

Nous voici introduits dans lacomposante plus explicitement religieusede notre action. Elle aussi est fortement marquée par une dimension deproximité. Au moment despèlerinagescelle-ci prend la forme de ce que nous appelons les « points d‘aumônerie » : composés de prêtres, de religieuses et de laïcs installés sur les terrains au milieu des caravanes de Tsiganes, ils constituent autant de petites cellules ecclésiales rassemblées dans le partage de la vie quotidienne (accueil, discussions informelles, repas…), autour de la prière (eucharistie) et de l’enseignement (catéchèse). A l’issue de notre derniercongrès nationalqui a réuni une centaine de Tsiganes en avril 2002, et dont ils se sont révélés les véritables animateurs, laformationa été réaffirmée comme une priorité pastorale. Cela nous conduit à impulser un nouvel élan auxécoles de la foiqui se déroulent un peu partout depuis une quinzaine d’années et selon des modalités variables ; déjà on peut noter une évolution des motivations : après être venus chercher des connaissances et des arguments pour faire face aux Pentecôtistes, les Tsiganes sont désormais habités par un besoin personnel d’approfondissement de leur foi. Le suivi desministères, ordonnés, institués ou confiés, se poursuit de manière un peu chaotique, témoignant des difficultés que rencontrent les Tsiganes en ce domaine ; actuellement un consensus se dégage pour favoriser le cheminement vers des ministères confiés pour un temps déterminé. L’attention auxjeunesest l’objet d’une commission spéciale ; elle persévère malgré les difficultés rencontrées : les jeunes sont ballottés entre deux cultures et basculent brutalement dans la vie adulte lors du mariage. Parmi les derniers projets notons celui lancé par lacommission « catéchèse », nouvellement créée : dresser un inventaire des pratiques utilisées, déterminer des objectifs communs et élaborer des documents pédagogiques.

Notre mission rejoint aussi la mission universelle de l’Eglise en s’inscrivant dans le contexte d’une Europe en construction. Cela passe par les rencontres régulières des Aumôniers nationaux de l’Ouest, dont nous rendons compte à la Commission des Conférences Episcopales Européennes. Par contre il n’est pas encore possible de parler d’œcuménisme avec la Mission Evangélique Tsigane ; même si, à la base, nous observons avec plaisir quelques indices de décrispation, les relations restent très ambiguës à un niveau hiérarchique supérieur ; peut-être nos conceptions de la mission, sont-elles trop distantes l’une de l’autre pour nous permettre d’entrer réellement en dialogue ? Celui-ci nous semble cependant le premier pas sur la route de la communion, communion au sein de l’Eglise, entre les Tsiganes, entre Tsiganes et Gadjé, et même communion au-delà des frontières ecclésiales entre tous les hommes de bonne volonté.
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