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 Pontifical Council for the Pastoral Care of Migrants and Itinerant People

People on the Move - Supp. N° 93,  December 2003, pp. 246-247

La scolarisation des enfants tsiganes

Rev. Frère Daniel ELZIERE

Aumônier national adjoint, France

Parler de en quelques minutes relève du défit tellement le sujet comporte de facettes et dépend de l'analyse du lieu d'observation où l’on se trouve. Enseignant auprès des enfants du voyage depuis près de 15 ans, et vivant dans le quartier gitan à Perpignan, je parlerai en me basant sur mes pratiques et les observations que je peux faire depuis plusieurs années sur le sujet

Durant les 20 dernières années, le problème de la scolarisation des enfants du voyage semble avoir guidé bon nombre de réflexions, de colloques et de décisions ministérielles. De plus, un dispositif social (Revenu Minimum d'Insertion) a permis de contrôler davantage la vie des voyageurs sur leurs déplacements, l'insertion professionnelle, la santé, la scolarisation.

Les Gens du Voyage en France sont de plus en plus des « semi-sédentaires » et de ce fait restent de longs mois sur un même territoire ce qui peut les pousser à mettre les enfants à l'école de la commune si celle-ci veut bien les accueillir… ce qui n'est pas toujours le cas !

Diverses structures existent pour favoriser la scolarisation des enfants du voyage :

  • Il y a des écoles communales qui ont obligation d'accueillir tous les enfants (même pour un temps très court) ;
  • Il y a des écoles sur certains terrains de stationnement (une ou deux classes adaptées) ; 
  • Il y a les « Antennes scolaires Mobiles » qui se rendent chaque jour sur les terrains.
  • Ces deux formes de scolarisation permettent une proximité avec les familles, développent une confiance réciproque avec des possibilités d'ouverture sur le monde extérieur pour éviter de faire de ces classes des ghettos.
  • Il y a les cours par correspondance (souvent encore inadaptés aux enfants concernés).

En réalité:l'éducation nationale se trouve devant une population mouvante... de tradition orale… peu motivée par les savoirs scolaires... qu'elle ne connaît pas bien et qu'elle veut à tout prix scolariser comme tous les enfants (lieux, horaires, programmes) sans tenir compte de nombreux paramètres notamment culturels. Si les enseignants ne sont pas tous bien préparés à recevoir les enfants du voyage, on peut dire que ces derniers font preuve de beaucoup de force pour rester à l'école toute une journée... Petit, l'enfant du voyage peut aimer aller à l'école s'il n'est pas isolé dans une classe et s'il se sent accueilli. Devenu grand, il sera plus attiré par « la vie » de son clan où il est capable, autonome et libre que par les apprentissages scolaires qui ne correspondent plus à ses attentes...

De nombreux parents, même s’ils reconnaissent de plus en plus les bienfaits d'une scolarisation précoce et durable, ont encore une image négative de l'école (violence, racisme), peur aussi de voir leurs enfants changer... devenir comme les gadgé ! 

Le manque d'aires de stationnement (malgré une loi qui fait obligation à toutes les communes de 5000 habitants d'en posséder une) implique une scolarisation très irrégulière et très peu productrice dans le domaines des acquis de base (lire - écrire - compter).

En voulant faire une école pour tous, l'éducation nationale se heurte aux cultures minoritaires lorsqu'elle ne tient pas assez compte de leur possible expression dans les démarches d'apprentissage. Ceci est frappant pour les enfants du voyage… qui ne peuvent suivre une scolarité régulière comme tous les enfants fixés dans une ville ou un village.

Des perspectives. Puisque des efforts notables sont faits un peu partout, il faut aider l'école à poursuivre sa transformation, son adaptation pour qu'elle soit capable d‘accueillir l’enfant tsigane du mieux possible (voyageur, semi‑sédentaire ou sédentaire) afin de répondre aux attentes des familles :

  • en lui permettant d'apprendre à son rythme, 
  • en accueillant sa différence, 
  • en partageant ses savoir‑faire, 
  • en valorisant sa culture. 

Pour y parvenir, il semble impératif que toute la société change sa façon de regarder le Tsigane et de le juger négativement sur ce qu'il vit, ce qu'il fait à la périphérie de nos villes ou dans les quartiers difficiles... 

Un manque de connaissance réciproque, un refus d'accueil sont néfastes pour tous : voyageurs et gadgé. Et l'enfant du voyage ne réussira pas à l'école ou s'en échappera vite s’il se sent étranger, s'il perçoit des sentiments de rejet à propos de sa communauté.

Ainsi, je pense que toutes les personnes actives dans le monde du voyage, doivent se rendre attentives aux événements pour que le droit à l'instruction soit respecté et favorisé par tous les moyens... Avec les Gens du Voyage, inventons de nouvelles formes de partages afin que l’on puisse s'instruire mutuellement.
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