The Holy See
back up
Search
riga

 Pontifical Council for the Pastoral Care of Migrants and Itinerant People

People on the Move

N° 96 (Suppl.), December 2004

 

 

LE TOURISTE, UNE PERSONNE À RENCONTRER,

NON UN PORTEFEUILLE À PLUMER

 

R. P. Philippe GOUPILLE

Délégué de la Pastorale du Tourisme,

Île Maurice

 

D’où je parle?

L’Île Maurice est une petite île de 520 km2 avec une population de 1.200.000 habitants qui viennent de l’Europe, de l’Inde, de l’Afrique et de la Chine. Une population métissée qui a gardé un contact avec les cultures ancestrales. A l’école primaire, on enseigne le français, l’anglais, l’hindi, l’urdu, le mandarin, l’arabe. Une terre où cohabite différentes religions et différentes cultures devient indépendante en 1968. Quelques entrepreneurs rêvent d’en faire un paradis touristique. Ce rêve se réalise petit à petit en l’espace de 40 ans. En 1968, l’île accueillait 15.000 touristes par an. Aujourd’hui, elle en accueille 600.000.

L’industrie touristique est devenue un élément moteur du l’économie représentant 5,4% de PNB.

L’Eglise locale et le tourisme

Dès le départ, l’Eglise s’est intéressée à la promotion humaine et spirituelle des personnes qui travaillent dans l’industrie touristique. Cet intérêt de l’Eglise s’exprime d’une manière visible et concrète.

1) D’abord par la célébration annuelle de la Journée Mondiale du Tourisme à partir de 1990. L’évêque fonde en même temps la Commission Diocésaine de la Pastorale du Tourisme.

2) Ensuite, l’évêque publie le 3 février 1991 une Lettre Pastorale de Carême intitulée, « Le Tourisme, une chance à ne pas perdre ». Cette lettre a un impact très positif sur toute la société mauricienne bien que la population catholique ne représente que 30% de la population totale.

Dans la suite de ces deux initiatives, la Commission Diocésaine publie en 1999 un Code d’Ethique qui est distribué gratuitement sur tous les avions de la compagnie nationale et dans la plupart des hôtels de l’île.

Quel est le message de l’Eglise?

Encourager le personnel des hôtels à traiter les touristes comme des personnes et non comme des objets. Exemple:

C’est l’histoire de ce voyageur de commerce qui avait fréquenté les hôtels de tous les continents. Tous les soirs, à chaque fois qu’il arrivait dans une chambre d’hôtel, il avait l’habitude de mettre sur la table de nuit la photo de son enfant tragiquement disparu. Au lendemain de sa première nuit à l’île Maurice, il fut bouleversé de voir délicatement posé devant la photo, une petite fleur des champs. Il se demande d’où vient cette fleur. C’était la femme de chambre qui spontanément l’avait mise devant la photo. Le visiteur en fut profondément bouleversé et il disait à qui voulait l’entendre que c’était la première fois dans sa vie qu’un membre du personnel d’un hôtel avait su lire et comprendre l’importance de cette photo pour lui.

Mais la réciprocité ne tarde pas à venir quand on est capable dans un hôtel de sentiments d’une telle délicatesse.  

C’est l’histoire d’un marchand d’ananas qui vend ses fruits sur la plage. Il parle à peine le français mais, tous les jours, il porte un ananas frais à un enfant d’une famille française qui prend le soleil sur la plage. Des relations se tissent. L’année suivante, la famille l’invite à venir goûter des pommes et le cidre de sa Normandie natale.

Nous avons fait tout ce que nous avons pu au sein de la Commission Diocésaine pour rappeler que l’essentiel se trouve précisément dans l’accueil de l’autre, dans l’ouverture de son cœur à l’autre.

Donner un corps visible à l’intuition

Peu à peu se sont constituées dans les hôtels des petites « communautés ecclésiales de base » qui se réunissent régulièrement pour réfléchir ensemble et s’entraider afin de ne pas tomber dans des relations avec les clients basées uniquement sur l’argent et l’exploitation de l’autre. Ces petites communautés se retrouvent chaque année pour préparer la messe annuelle que nous célébrons pour la Journée Mondiale du Tourisme au mois d’octobre.

La célébration de la Journée Mondiale du Tourisme

Depuis 14 ans nous n’avons jamais manqué de célébrer cette journée mondiale. La célébration se fait toujours dans un hôtel. La liturgie s’inspire d’ordinaire du thème proposé par le Pape et qui nous parvient à travers le Conseil Pontifical. Dans cette liturgie nous prenons un soin particulier à intégrer les participants d’autres religions. Par exemple, ils interviennent au moment de la demande de pardon, ou dans les intentions de prières universelles. Nous les invitons aussi à trouver un texte de leur Livre Sacré, Coran ou Bhagavad Gita, qui fassent écho au thème choisi pour la liturgie. 

A un moment, pour respecter la foi des participants d’autres religions, nous avons pensé remplacer l’Eucharistie par une liturgie de la Parole. Nous en avons fait l’expérience en deux occasions. Mais il y a deux ans, les laïcs de la Commission Diocésaine ont demandé, à l’unanimité, que l’on revienne à la célébration de la messe dans la première formule que nous avions développé, en intégrant une participation des autres religions.

Les laïcs catholiques qui travaillent dans les hôtels veulent affirmer ainsi qu’ils tiennent beaucoup à leur identité chrétienne, qu’ils ne veulent pas la diluer. Ils affirment ainsi qu’en demeurant totalement ce qu’ils sont, ils peuvent encore mieux accueillir et partager avec les autres religions. C’est un sujet que nous pourrions discuter ici.

Pour que les employés des hôtels et les opérateurs dans le monde touristique puissent garder cette qualité d’accueil, ce sens de l’autre, il leur faut à eux aussi du temps libre. Nous ne pouvons nous boucher les yeux devant la différence qui se creuse entre ceux qui jouissent de plus en plus de temps libre, et le classes laborieuses qui n’en ont presque pas. Dieu veut que tout le monde travaille et que tout le monde dispose de temps libre. L’inégalité dans le droit au temps libre est contraire au plan de Dieu. Nous notons une espèce de frénésie dans la recherche des loisirs qui n’a rien à voir avec le véritable repos voulu par Dieu. C’est cette course folle aux loisirs qui conduit les hommes à faire violence à l’environnement et à exploiter des personnes comme des objets de plaisir. Notre vocation en tant que chrétiens, engagés dans le monde du Tourisme est de trouver le juste équilibre entre travail et repos et à faire en sorte que les loisirs servent à notre épanouissement humain. Voilà ce qui demeure pour nous un appel, un défi.

Le tourisme, « signe des temps » pour notre Église

Pour terminer je vous invite aussi à réfléchir au phénomène du tourisme comme un signe des temps capital pour notre époque. Dans un monde marqué par la guerre, la violence, le blocage entre cultures et religions, nous sommes interpellés, en tant que chrétiens. Jetons toutes nos forces dans la bataille pour que le Tourisme prennent un visage humain. Qu’il évite de s’enfermer dans une finalité purement économique. Qu’il développe, au contraire, le potentiel qu’il représente pour l’épanouissement de l’homme. La différence doit enrichir et non séparer. 

 

top