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 Pontifical Council for the Pastoral Care of Migrants and Itinerant People

People on the Move

N° 99 (Suppl.), December 2005

 

 

Les jeunes du cirque et de la fÊte foraine

Acteurs de la rencontre entre 

foi et culture

 

 

Rev. P. Dominique Joly, OFM

ancien-Directeur National

France

 

Introduction

J’ai été très honoré de la demande qui m’a été faite de faire une conférence lors de ce congrès. Mais, lorsque je me suis penché sur le sujet qui m’a été proposé: « Les jeunes du cirque et de la fête foraine, acteurs de la rencontre entre foi et culture », j’ai éprouvé quelques difficultés dont je n’arrivais pas à percevoir la cause. En effet, je me demandais par quel biais j’allais bien pouvoir l’aborder. Après moult réflexion, j’ai compris d’où venait ma gêne: les jeunes dont il est question, ceux du cirque et de la fête foraine, ne se posent pas cette question, du moins pas de cette façon-là. La manière de poser la question présuppose que l’on a pris conscience de la foi qui nous habite, que l’on évolue dans une culture donnée, que l’on réfléchit sur ce que sont la foi et la culture, et qu’il peut y avoir une relation entre ces deux réalités. Peu de jeunes du cirque ou de la fête foraine répondent à ces conditions. La réponse à la question posée suppose une bonne connaissance du milieu, une prise de recul et une analyse des données observées au cours des rencontres faites lors des visites des fêtes foraines et des cirques. 

I. Les jeunes du cirque et de la fête foraine

Force est de constater qu’ils sont très divers.

A. Les jeunes du cirque

Les grands cirques ont un personnel international. Les cultures, les langues et les religions s’y côtoient. On peut voir dans les artistes originaires des pays d’Europe deux catégories: ceux qui sont passés par les écoles de cirque et qui exercent cette profession par vocation personnelle, et ceux dont la famille appartenait au métier depuis plusieurs générations (on dit en français « les enfants de la balle »). Il faut noter qu’il est de bon ton, dans certaines écoles de cirque, d’afficher un certain rejet au niveau religieux.

Les petits cirques ont une dimension quasi familiale. Ils sont tenus par des familles d’origine « circassienne » ou, bien souvent, tsigane. Nombreux sont ceux qui sont devenus pentecôtistes.

B. Les jeunes de la fête foraine

En France, les forains sont essentiellement français. L’ouverture européenne des frontières ne s’est pas manifestée par l’arrivée en France de forains étrangers.

Les forains ne forment pas un groupe homogène. Certaines familles sont dans la profession depuis bon nombre de générations. Des familles foraines ont également des liens familiaux avec les gens du voyage. D’autres étaient sédentaires, il y a encore une ou deux générations, et sont devenus forains à la faveur de tel ou tel événement.

C. Les jeunes

Nos jeunes de la fête foraine et des cirques sont bien des jeunes de leur époque. Mais cependant, on peut noter quelques différences avec la société ambiante:

Les familles de la plupart de ces jeunes gardent plus que les autres les valeurs familiales traditionnelles.

Ces jeunes arrêtent souvent l’école à 14 ans. Ils ont eu auparavant une expérience du métier. Assez rapidement, ils sont capables de se prendre en main et d’être autonomes. De ce fait, ils ont plus de maturité que les jeunes sédentaires. 

II. Culture et foi

A. La culture[1]

Des jeunes du cirque et de la fête foraine, on peut dire que leur culture est celle de leur milieu d’origine: familles du métier héritières d’une longue tradition, gens du voyage, sédentaires, appelés souvent « paysans », c’est-à-dire « du pays ». Les milieux forains et circassiens, de tout temps, ont favorisé un brassage de ces différentes cultures qui, finalement, leur donne une tonalité propre au monde du voyage.[2]

Évidemment, le monde moderne marque les jeunes artisans de la fête, et pas toujours dans le bon sens: mirages de la drogue, de l’alcool, de l’argent facile, familles divisées, sectes, suicide. Certains sont passés par ces « galères ». Quelquefois, ils vont trouver dans la foi, à travers quelqu’un de confiance, une aide et une lumière précieuses.

La fête foraine, le cirque, c’est une façade, avec tout ce que l’on veut montrer: les lumières, les couleurs, les mouvements. Mais il y a l’autre côté des choses: les coulisses, les structures qui supportent la façade, qui sont nécessaires, mais que l’on cherche à dissimuler au regard. Dans la vie, il y a aussi la façade des choses: il est important d’être avenant, de plaire au client, au spectateur. Mais il y a la vie familiale, la vie privée, les relations entre collègues qu’on cherche à dissimuler, parce qu’elles révèleraient le mauvais côté des choses.

Les relations sont paradoxales: elles sont marquées par l’individualisme, chacun souhaitant rester libre par rapport aux autres, et défendant ses propres intérêts quelque­fois contre les autres, mais elles sont en même temps très communautaires, chacun communiant largement aux peines et aux joies des autres. 

B. La foi[3]

Quelle est la foi des jeunes du cirque et de la fête? Il est difficile d’en parler de façon générale… Pour les uns, il y a la foi populaire: croire en Dieu, prier les saints, penser que les prières protègent du malheur. Pour d’autres, la foi a pris les couleurs de l’Évangile: Jésus donne un sens à leur vie et les conduit vers le Père.

C. Foi et culture

Notre société est très marquée par le pluralisme religieux, par l’indifférence religieuse, par le retour à des formes non-chrétiennes de religiosité, et même quelquefois par l’opposition à la foi chrétienne. Les jeunes que nous rencontrons doivent se frayer leur propre chemin à travers ce maquis dans leur quête de la vérité. Souvent, le chemin que l’on indique à ceux qui cherchent la foi chrétienne est celui des valeurs. Je ne suis pas sûr qu’être chrétien consiste seulement à bien vivre des valeurs chrétiennes que sont la solidarité, le souci d’autrui, l’amour du travail, la droiture dans la vie sociale, le respect de la vie, etc. Ces valeurs ne sont plus l’apanage des seuls Chrétiens, et c’est tant mieux. La rencontre entre la foi et la culture ne concerne pas non plus la seule liturgie: il est très beau de célébrer la messe sur la fête foraine ou d’introduire un numéro du cirque dans l’eucharistie. « Ces manières de faire sont d’ailleurs ambiguës car, souvent, elles sont utilisées comme publicité pour le cirque et la fête foraine… ».

Plus fondamentalement, la rencontre entre la foi et la culture s’exprime par un double mouvement: la foi met en valeur les richesses d’une culture et en même temps transforme cette culture de l’intérieur. « La foi est source de culture et la culture est épanouissement de la foi »[4]. 

III. Les jeunes du cirque et de la fête foraine, acteurs de la rencontre entre foi et culture: quelques pistes

Cette question devrait se conjuguer: « Comment les jeunes du cirque et de la fête foraine sont-ils acteurs de la rencontre entre foi et culture » ou bien: « Comment les jeunes du cirque et de la fête foraine peuvent-ils devenir acteurs de la rencontre entre foi et culture ». C’est sous ce second angle, on le comprend, que nous envisagerons la question.

A. L’itinérance

L’histoire des hommes, la Bible commence par l’errance: Adam et Ève sont chassés du paradis terrestre[5]. L’histoire du croyant est faite d’itinérance, depuis qu’Abraham a été appelé par Dieu à quitter le pays qui l’a vu naître, sa famille, ses possessions, pour aller vers le pays qu’il lui donnerait[6]. Et Dieu lui-même n’a-t-il pas accompagné le peuple pendant quarante ans dans le désert, après la libération de l’esclavage d’Égypte[7]? Et, lorsque David veut lui construire une maison, il rechigne[8]: il ne veut être fixé nulle part, mais toujours cheminer avec les hommes. Le fils de Dieu vient « planter sa tente » parmi nous[9]. Le « fils de l’homme » partage la vie des « sans domicile fixe ». Il « n’a pas de pierre où reposer sa tête[10]. »

Les peuples autrefois nomades, préférant la stabilité, se sont sédentarisés. Le Chrétien n’est plus itinérant que spirituellement. L’itinérance, pour ceux qui la vivent réellement, est donc une chance. Les jeunes du cirque et de la fête foraine, s’ils accueillent cette dimension de leur vie, sont de plain-pied avec l’appel de Dieu et le message évangélique. « Vous êtes des pèlerins et des étrangers[11] ». Vivre l’itinérance dans la foi signifiera accepter de ne pas s’accrocher à la terre, aux possessions, à l’argent et accueillir chaque jour comme un don de Dieu. L’itinérant est vulnérable: il sera donc plus accueillant au pauvre et à l’étranger: « souviens-toi que tu as été un étranger en Égypte[12]. » Il aura un « cœur de pauvre » selon l’Évangile. Suscitant la méfiance, vivant dans l’insécurité, quelquefois rejeté, il sera une pierre d’achoppement pour le sédentaire en même temps envieux d’une telle liberté et craintif devant l’autre, différent, qui s’arrête devant sa porte. « Les itinérants nous provoquent à nous demander quelle est notre espérance. »[13]Ils témoignent qu’il n’est pas possible de se mettre en route sans risque ni peur, mais aussi de la chance de la rencontre. Ils nous rappellent la fragilité de la vie et nous invitent à la confiance.

B. La fête

Les fêtes prennent beaucoup de place dans l’Évangile. C’est à l’occasion d’une noce[14]que Jésus « annonce les couleurs » quant à sa mission. La vie avec lui sera aussi différente de la vie sans lui que le vin l’est de l’eau: le goût, la joie. Et la fête n’exclut personne: on voit Jésus aller manger avec les pécheurs[15], ce qui ne manque pas de « faire jaser » chez les pharisiens. La parabole du fils prodigue[16]se termine d’ailleurs par une fête où il ne manque ni les viandes savoureuses, ni les vins capiteux, ni les vêtements magnifiques. Fête rime avec surabondance et même excès. La fête nous donne un avant-goût de la fête du Royaume. C’est pourquoi rien ne doit manquer à nos fêtes, ni les lumières et les couleurs, ni les odeurs, ni les musiques. La surabondance exprime la générosité de Dieu.

À l’heure où les fêtes foraines ont tendance à devenir un loisir comme les autres, il est important, pour les jeunes forains, de redonner l’esprit de fête à la fête, par l’animation qu’ils lui apporteront, et surtout s’ils perçoivent la dimension prophétique de leur profession. Croire en la fête et mettre tout son cœur pour qu’elle réussisse c’est faire naître la joie au cœur des enfants, des personnes âgées, et en fin de compte de tous; c’est annoncer le Royaume de Dieu.

C. La joie

Le cirque, c’est aussi la fête: les clowns font rire. « Le clown blanc, au costume rutilant de paillettes, est signe d’autorité, de réussite, de pouvoir; son visage blanc, comme un masque impassible, n’exprime nul sentiment, sinon la sévérité. L’Auguste qui l’accompagne est le souffre-douleur. Il est le peuple qui prend les coups de pied au derrière, qui reçoit les tartes à la crème et les seaux d’eau. C’est lui dont on se moque, dont on rit, comme le Christ que l’on bafoue, que l’on humilie et à qui l’on demande de prophétiser. Il représente l’humanité déchue. »[17]« Le rire est pascal », dit encore Dominique Auduc: « Le rire, c’est la résurrection au quotidien. Ce qui nous aide à accepter nos limites, nos imperfections, c’est de savoir rire de nous-mêmes. Mais il faut une certaine dose d’humilité pour y arriver! ‘Arrête de te prendre au sérieux, rigole un peu, sois un peu humble dans toute ta vie!’ L’Auguste veut donner du bonheur à l’homme par le rire et la dérision de situations dramatiques. D’ailleurs, il est le premier à en subir les conséquences, ce qui provoque l’éclat de rire sinon le fou rire. Il est le miroir des faiblesses des hommes. Il nous invite à faire de même, à rire devant nos faiblesses, nos limites… Comme le Christ, il veut donner du bonheur. Les Béatitudes[18]commencent par heureux. L’Auguste illustre une béatitude qui pourrait figurer en bonne place dans l’Évangile, car elle ne le trahit en rien, bien au contraire: Bienheureux ceux qui rient d’eux-mêmes, ils n’ont pas fini de s’amuser.»[19]

La joie, le rire sont d’autant plus importants que le cirque d’avant-garde est souvent sombre, pessimiste. Un optimisme béat n’est pas de mise: la souffrance, l’échec font partie de la vie. Mais l’espérance est comme une lumière au bout de la nuit: lorsque cette lueur disparaît, tout semble perdu. Les artistes ont donc une grande responsabilité pour donner à leur spectacle la couleur de l’espérance. 

D. La beauté 

Les jeunes artistes du cirque ne tarissent pas d’imagination pour que le spectacle fasse rêver le spectateur: les lumières, les vêtements, la mise en scène, la qualité du numéro, la poésie. « Â…Parmi les qualités de ce monde qui incitent à lever les yeux, il y a la beauté. Elle se manifeste dans les merveilles infinies de la nature… L’homme a conscience de recevoir toute cette beauté, même si, par son action, il a une part dans sa manifestation, il ne la découvre et ne l’admire pleinement que lorsqu’il reconnaît sa source, la beauté transcendante de Dieu. »[20]La beauté comme reflétant une qualité du créateur est aux antipodes de l’esthétisme, qui consiste à faire de la beauté un absolu, un en-soi et qui est donc le risque à éviter.

E. Le dépassement de soi

Les artistes du cirque - acrobates, trapézistes, dompteurs, etc. - veulent aller toujours plus loin, dépasser les limites: Ils répondent à un désir mis par Dieu dans le cœur de l’homme: « Dieu les bénit et leur dit: ‘Soyez féconds, multipliez, emplissez la terre et soumettez-la; dominez sur les poissons de la mer, les oiseaux du ciel et tous les animaux qui rampent sur la terre.’ »[21]

Ce n’est pas sans danger. Les accidents ne sont pas si rares que cela. On pourrait se dire que ce sont les risques du métier, mais a-t-on le droit de jouer la vie au jeu de hasard? La prise de risque limitée peut correspondre à un trait de générosité, à une grande confiance en la providence, à un désir de donner le meilleur de soi-même, de devenir capable d’exorciser les peurs, les limites, de se forger le caractère afin de pouvoir aussi être fort contre le mal. Mais, poussée à l’extrême, elle dénote soit le désir d’être le meilleur, quitte à faire de l’ombre aux autres, de gagner de l’argent et du succès, soit une certaine désinvolture apparente masquant un pessimisme profond confinant au nihilisme. 

F. La gratuité

La fête, la joie, la beauté, le dépassement de soi supposent la gratuité. Bien sûr, on ne va pas au cirque et à la fête foraine sans dépenser de l’argent. Il n’y a d’ailleurs rien de plus déplaisant que d’arriver à la caisse d’un manège et de se heurter à un mur de plexiglas muni d’une ouverture juste suffisante pour passer la main pour payer. Les jeunes de la fête foraine doivent réapprendre l’importance du sourire, de la parole échangée, de l’écoute du petit malheur de la grand-mère. La plupart ont été formés à cette vigilance par leurs parents et l’ont comprise. Rares sont les forains qui n’acceptent pas de donner gratuitement un sandwich au nécessiteux qui a faim. Et comme être artiste du cirque sans donner le meilleur de soi-même? J’ai été heureux, dans la préparation de la messe qui doit être retransmise à Noël prochain depuis le cirque Pinder par plusieurs chaînes nationales d’Europe et de plus loin, que tous les jeunes artistes, sauf une troupe, acceptaient de se mettre gratuitement au service de cette réalisation. Le rêve, l’émotion, la prière, la joie ne peuvent être facturés. La gratuité prend toute sa dimension lorsque des artistes se rendent à l’hôpital pour permettre aux enfants malades de passer un bon moment.

G. Vie communautaire

À la fête foraine, on est toujours proches les uns des autres. Les caravanes se touchent presque. On se côtoie quotidiennement au « métier ». De même au cirque qui est comme un microcosme, un village qui se déplace mais qui, en fin de compte reste assez fermé. Les mondes de la fête et du cirque pourraient être des « petits  mondes » où la mesquinerie prend une grande place. La qualité de vie en société n’est pas réservée aux Chrétiens, mais pour le Chrétien, elle est enracinée en Dieu, elle est participation à la vie dans le Christ. « Aussi je vous en conjure par tout ce qu'il peut y avoir d'appel pressant dans le Christ, de persuasion dans l'Amour, de communion dans l'Esprit, de tendresse compatissante, mettez le comble à ma joie par l'accord de vos sentiments: ayez le même amour, une seule âme, un seul sentiment; n'accordez rien à l'esprit de parti, rien à la vaine gloire, mais que chacun par l'humilité estime les autres supérieurs à soi; ne recherchez pas chacun vos propres intérêts, mais plutôt que chacun songe à ceux des autres. Ayez entre vous les mêmes sentiments qui sont dans le Christ Jésus… »[22]. Les anciens se plaignent souvent: les jeunes sont individualistes, ils ne pensent qu’à eux, à l’argent; il est rassérénant de voir des plus jeunes prendre place pour donner du temps pour le syndicat, ou tous simplement pour le bien commun.  

Conclusion

La fête foraine, le cirque, comme tout secteur d’activité dans notre société, évoluent, se cherchent, mais toutes les évolutions ne sont pas bonnes. Les gens d’une époque ne sont pas meilleurs ou pires que ceux de l’époque précédente. Par conséquent, il faut éviter d’idéaliser le passé. On entend trop souvent: « les jeunes d’aujourd’hui ne sont plus comme les jeunes d’autrefois ! ». Mais justement, il vaut mieux transmettre aux plus jeunes les richesses plutôt que les « petits côtés ». Les relations des forains entre eux et entre eux et les municipalités, par exemple, sont régies par des règles tacites, comme la règle de l’ancienneté (les plus anciens sur une fête sont prioritaires quand il s’agit d’occuper une place qui se libère). La spéculation (les places se vendent au plus offrant) ne respecte pas cette entente et défavorise le plus démuni. Cet exemple est parlant: c’est un défi pour les plus jeunes de faire vivre leur profession avec toutes ses richesses, dans le respect les uns des autres. Les jeunes de la fête et du cirque peuvent jouer un grand rôle pour le relever. Mais ils agiront avec les autres, sans se particulariser comme meilleurs ou supérieurs. Qu’ils déclarent leur foi de façon explicite ou que leur foi transparaisse dans leur façon d’être, ils seront des témoins de l’Évangile dans leur milieu. Nous devons les y aider. En France, nous sommes réellement inquiets de voir que, le nombre des prêtres et des religieux diminuant, notre aumônerie soit souvent l’une des priorités les moins urgentes de nos diocèses. Il est plus qu’urgent de prier le maître et d’envoyer des ouvriers dans ce champ, car « la moisson est abondante »[23].

 
[1]Depuis plus d’un siècle maintenant, on sait que la culture ne comprend pas seulement la science, l’art, le patrimoine architectural, les techniques, mais englobe tout ce qui se manifeste dans la vie d’un peuple: la façon de s’habiller et de manger, les fêtes, les pratiques religieuses, les rites sociaux, la façon de se situer dans l’univers, le temps, des biens, la manière d’entrer en relation, les hiérarchies sociales, les modes de gouvernement et la gestion du pouvoir, la place des générations l’une par rapport à l’autre, les modèles familiaux, la langue et les façons de parler, etc. Il vaut donc mieux parler des cultures. 

Les cultures sont vivantes. Elles évoluent constamment, se modifient. En relation entre elles, elles s’enrichissement mutuellement, s’influencent. On est donc loin d’une conception de la Culture comme patrimoine immuable d’une civilisation. 

[2]L’une des plus significatives est le rapport au temps et à l’espace. Ce qui est stable, pour eux, c’est leur caravane, leur métier ou le chapiteau. Les artisans de la fête ont aussi besoin de retrouver leurs points de repère: les magasins habituels, l’école, le médecin, l’église sur la route où ils peuvent s’arrêter pour brûler un cierge. Mais ils n’ont pas le temps d’aller visiter un centre-ville, une curiosité locale; ils ne connaissent pas bien les endroits où ils passent. 

Le temps passe de façon cyclique dans une fuite incessante. Un lieu, un visage, une impression fugitive, évoquent une étape. Dans sa mobilité, le forain recherche des points d’appui, des choses qui lui paraissent stables. Il ne pense pas tellement à partir ailleurs pour les vacances, mais il se réjouit d’un moment d’arrêt, en hiver; à l’occasion d’une journée libre, il ira visiter une autre fête.

Les choses se décident rapidement, spontanément. Inscrire un rendez-vous par avance, c’est difficilement concevable. Décider de se lever le lendemain à trois heures du matin, de faire 1 000 Km aller-retour s’il y a urgence dans la famille, oui c’est concevable. 

Le rapport à l’argent est particulier: on en a, on en dépense. La générosité s’exerce en particulier pour celui qui passe et qui n’a rien, ou pour la solidarité en particulier lorsque quelqu’un du milieu a subi un « coup dur ».

[3]Pour la plupart des gens, avoir la foi est synonyme de croire en Dieu. Pour le Chrétien, la foi repose sur une expérience personnelle: celle de la rencontre de Dieu. Le théologien va préciser les choses: la foi est un don de Dieu et c’est la réponse à ce don; confesser la foi, c’est adhérer au « credo »; c’est donc accueillir toute la richesse de la tradition qui vient des apôtres et qui a été précisée et formulée par les premières générations chrétiennes et transmise jusqu’à aujourd’hui. Le cœur de la foi, comme ses premières expressions nous le disent, c’est Jésus, fils de Dieu, mort et ressuscité: « Jésus-Christ est Seigneur, à la gloire de Dieu le Père » ( Ph 2, 11).
[4]Jean-Paul II: Lettre au cardinal Agostino Casaroli, secrétaire d’État, 1982.
[5]Ge 3, 24
[6]Ge 12, 1
[7]Ex 16, 35
[8]2 S 7
[9]Jn 1, 14
[10]Mt 8, 20
[11]1 P 2, 11
[12]Ex 23, 9
[13]Colloque: Les itinérants dans une société sédentaire. Comment vivre ensemble? - Paris les 20 et 21 novembre 2002 - Organisé par les aumôneries nationales des gens du voyage, des bateliers, et des artisans de la fête avec le soutien du Secours catholique et du Service national de la pastorale des migrants.
[14]Jn 2
[15]Lc 5, 30
[16]Lc 15
[17]Entretien accordé à la chaîne de télévision KTO le 16 avril 2002. 
[18]Mt 5
[19]Dominique Auduc cite ici les « Petites Béatitudes » attribuées à Joseph Folliet.
[20]Jean-Paul II, La documentation catholique, 1 er-15 septembre 1985, N° 1902.
[21]Ge 1, 28
[22]Ph 2, 1-5
[23]Mt 9, 37

 

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