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 Pontifical Council for the Pastoral Care of Migrants and Itinerant People

People on the Move

N° 99, December 2005

 

 

ACCUEILLEZ-VOUS LES UNS LES AUTRES

(Message)

 

 

Conférence Episcopale Suisse

 

Chers frères et sœurs,

"Aussi soyez accueillants les uns pour les autres, comme le Christ le fut pour vous à la gloire de Dieu." (Rm 15,7)

Voilà l’exhortation que l’apôtre Paul adresse aux chrétiens de Rome. Apparemment il y a eu des disputes et des divergences d’opinion dans la communauté. Paul parle des "faibles" et des "forts" et invite les deux groupes à se réconcilier. Chacun doit accepter et respecter l’autre dans ses particularités.

C’est là une exhortation qui s’adresse aussi à nous, chrétiens du début du troisième millénaire, et nous devons la prendre au sérieux. Elle concerne spécialement les personnes et les chrétiens de notre pays. Car ici nous vivons entre Suisses et étrangers, entre ceux qui sont établis depuis longtemps en Suisse et les nouveaux venus. Mais elle concerne aussi les migrants des différentes générations entre eux. Il y a chez nous des migrants contraints de trouver une nouvelle existence loin de leur patrie; ils rencontrent des migrants qui ne sont venus chez nous que pour un temps limité, des hôtes en quelque sorte qui vivent et travaillent chez nous.

Mon oncle avait coutume de dire à ses enfants avant une visite dans une autre famille: "Pensez-y: les visites font toujours plaisir, si ce n’est en venant, c’est au moins en partant."

Est-il permis d’appliquer ces paroles - cette constatation? - à nos relations avec les immigrants? Si tel était le cas, cela voudrait dire que les personnes provenant d’autres pays sont certes les bienvenues chez nous pour un certain temps, dans une situation particulière, quand nous en avons besoin pour notre progrès. Mais après nous serions heureux de les voir repartir, travail accompli, dans leur patrie.

Dans ces conditions, nous accepterions en réalité le travail et le service des immigrants aussi longtemps que nous en avons besoin, mais pas les immigrants eux-mêmes. A plus forte raison ceux dont nous n’avons pas besoin, qui sont même devenus dérangeants, qui enlèvent le travail à notre jeunesse et font baisser les salaires: qu’ils restent plutôt chez eux.

C’est sous cette forme que nous avons péché contre l’hospitalité dans le passé. Nous risquons de répéter cela aujourd’hui dans certains domaines. Et quand il s’agit de personnes se trouvant dans une situation de détresse, nous paraissons oublier le principe selon lequel nous serons jugés un jour: "J’étais un étranger, et vous m’avez accueilli." (Mt 25,35)

L’Instruction "Erga migrantes caritas Christi", après avoir énuméré de tels comportements, poursuit: "Même sans parvenir à de telles extrémités, il faut rappeler que les travailleurs étrangers ne doivent pas être considérés comme une marchandise ou une simple force de travail et qu’ils ne doivent donc pas être traités comme n’importe quel autre facteur de production. Tout migrant jouit de droits fondamentaux inaliénables qui doivent toujours être respectés." (No 5)

C’est ce respect du migrant, sa dignité qui est visée par l’apôtre Paul quand il nous exhorte à "être accueillants les uns pour les autres". Nous devons accepter l’autre, et en particulier l’étranger, en tant que personne, même si nous ne pouvons pas toujours comprendre ses convictions, sa manière de vivre et sa différence. Par la notion de "tolérance", nous réalisons déjà quelque chose de ce respect. Mais Paul attend des chrétiens davantage que la simple "tolérance". Il attend de nous une acceptation sans restriction de l’autre comme frère ou sœur, ce qui est possible parce que Dieu nous a également acceptés en Jésus-Christ. Dans la mesure où nous nous tournons vers le Christ, notre Seigneur, les oppositions humaines s’atténuent et tendent à être dépassées.

Nous avons besoin d’apprendre cette attitude pour l’accueil actuel et futur des migrants. La migration est un des signes les plus importants des temps. Elle est un défi à relever en vue de la construction d’une humanité renouvelée et en vue de l’annonce de l’Evangile de la paix (cf. EMCC, No 14).

Comment allons-nous accepter ce défi et y répondre? Quel visage aura notre hospitalité à l’avenir? Aura-t-elle le visage de l’hospitalité telle qu’elle a été vécue par Abraham dans l’Ancien Testament et qui, depuis lors, dans la longue histoire du Peuple de Dieu, jusqu’à sa plénitude dans le Christ, a été présentée comme reflet de "l’hospitalité divine"? Est-ce que notre hospitalité sera "à la gloire et louange de Dieu"? Elle le sera dans la mesure où cette exigence d’accueil entre les hommes, qui constitue un défi permanent, est portée et remplie par l’amour de Dieu en Jésus-Christ.

Si nous nous efforçons de répondre à l’exhortation de l’apôtre Paul, nous pouvons nous attendre à ce que nos "hôtes" apportent leur part. Car l’apôtre Paul dit explicitement: "Soyez accueillants les uns pour les autres". Les migrants devront donc aussi s’efforcer de connaître et de respecter les caractéristiques du pays d’accueil. Ils s’intégreront selon leurs possibilités dans la société civile et dans la communauté chrétienne.

Ils devront pouvoir entretenir leur propre culture ainsi que prier et exprimer leur foi dans leur propre langue. En même temps, ils doivent avoir le désir de participer à la vie culturelle, liturgique et sacramentelle de la communauté chrétienne locale partout où cela est souhaitable et réalisable pour les migrants concernés. Car ce n’est que dans cet échange réciproque que l’acceptation des uns par les autres se réalisera. Elle se fera alors à la gloire de Dieu et deviendra espérance pour le futur.

Ainsi, devenus frères et sœurs d’une même famille, nous rendrons témoignage ensemble et en commun de l’espérance qui nous anime. Alors se réalisera aussi le vœux de l’apôtre: "Que le Dieu de l’espérance vous donne en plénitude, dans votre acte de foi, la joie et la paix, afin que l’espérance surabonde en vous par la vertu de l’Esprit Saint." (Rm 15,13)

 

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