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 Pontifical Council for the Pastoral Care of Migrants and Itinerant People

People on the Move

N° 101 (Suppl.), August 2006

 

 

« Darb Mariam », le chemin de Marie :

Une expérience laïque de

 pèlerinage partagé

 

 

Mme Thérèse FARRA

Darb Maryam, Liban

 

« Le chemin de Marie » est une démarche de dialogue et d’échanges, dans un climat d’amitié fraternelle, sur les lieux de pèlerinage partagés au Liban par les musulmans et les chrétiens.

En effet, la sainteté de Marie,- mère de Jésus, reconnu comme Issa, le prophète, - attire le respect des musulmans comme des chrétiens, et la contemplation du mystère de sa vie les élève dans la voie des vertus, et suscite une convivialité joyeuse. Il fait bon se rassembler autour d’elle comme un foyer ; l’amour qui naît de la reconnaissance de ce partage, génère une unité d’un genre nouveau. Cet amour transcende les barrières sociales et religieuses traditionnelles, et semble préfigurer l’unité à laquelle nous sommes tous appelés par notre Créateur.

Depuis l’année 2001, sous le vocable de « Darb Mariam », de petits groupes amicaux bi-religieux visitent villes et villages du Liban, en signe de paix. L’histoire et la géographie du Liban prennent un relief inédit, quand on les regarde avec des yeux qui choisissent les traits partagés, les caractères pluriels. La perspective mariale y révèle la valeur sublime de l’amour des mystiques, mais également, celle, plus cachée, de la foi populaire, à l’instar de la pierre précieuse brute, enfouie dans sa gangue.           

Quatre déplacements en moyenne, par année, ont conduit ces groupes de quinze à trente personnes, dans une quinzaine de lieux de pèlerinage, plus ou moins renommés. Le recrutement s’est fait par contacts personnels et a réuni des personnes de groupes sociaux très différents, tout à fait disjoints.

Le programme des journées comprenait la visite de sites musulmans et chrétiens (mazars, maqâms, mosquées, églises et couvents, tombes), avec audition de passages choisis du Coran dans les lieux de prière musulmane et de la Bible, dans les lieux de prière chrétienne. Des commentaires succinct, étaient présentés par une personne du groupe, ou par l’autorité religieuse de l’endroit. 

Des rencontres chaleureuses avaient lieu sur place avec des personnalités émérites - responsables civils, autorités religieuses…- pour entendre de leur bouche un témoignage à propos du sens de ce lieu de pèlerinage et de l’histoire des lieux, en insistant sur le passé récent. Nous leur demandions de nous parler de la vie conviviale intercommunautaire alentour. En nous faisant part de gestes de solidarité accomplis en temps de conflit, ils nous ont fait comprendre comment, petit à petit, le dialogue à l’appui, le consensus peut s’instaurer entre groupes sociaux d’intérêts divergents. Ce consensus qui autorise à donner au Liban son second titre à la dignité de sanctuaire, celui de la convivialité, le premier étant celui de Terre Sainte.[1] 

Nos pèlerins faisaient connaissance en partageant « le pain au thym » traditionnel du matin, ou man’ouché, et se rapprochaient durant le trajet et le repas de midi. La plupart n’avaient pas circulé sur ces routes durant les trente années d’évènements, et les sites depuis, ont tant évolué … Un Liban inconnu se révélait à eux, tant dans les rencontres que dans les paysages, ils découvraient l’autre religion de l’intérieur, guidés par la foi, l’espérance et la charité des présents, entrant d’emblée dans une relation amicale, et cela jusqu’au lieu du cœur où s’élabore la prière. Ceci, se faisait sans heurts, dans la joie, signe de Marie au Magnificat. 

Enfin, d’un pèlerinage à l’autre, un fil continu nous guidait, de petites lumières étaient mises sur notre chemin, qui relançaient l’attention et soutenaient l’espoir.

Nos recherches se sont enrichies de connaissances sur les religions d’un pèlerinage à l’autre : non seulement à cause de l’échange, et de l’étude, mais aussi de la richesse patrimoniale des lieux parcourus. Le Liban est une Terre Sainte. D’abord foulée et visitée par Marie et Jésus, ensuite bénie par toutes les personnes vénérables qui y ont vécu, de quelque religion qu’elles soient. Depuis des temps très reculés des prophètes, le souvenir des prophètes l’habite, à tel point que nous avons compris en circulant méthodiquement,la généalogie spirituelle de Marie.

Choisissant un jour, de voir le maqâm musulman où l’on révère Noé, à Karak Nouh, en route pour Bechouât, où se manifeste Marie dans l’église, nous avons découvert les symboles de l’arche d’alliance et de l’arc en ciel comme signe de paix. Une autre fois, du maqâm de Moïse (à Komatieh), nous nous sommes dirigés vers l’église de l’Annonciation, à Aïn Trez, où nous avons entendu l’annonce de l’Ange dans le texte de Saint Luc, et ainsi, avons approfondi notre perception de ce symbole de l’Arche d’Alliance, de même que nous avons découvert le Buisson Ardent… La fois suivante, c’est Jonas qui a précédé Notre Dame de Fatima…, et ainsi de suite, une dynamique des symboles anciens comme de la parole prophétique s’est mise en mouvement sous nos yeux. Mis en perspective avec Marie, les figures des saints et prophètes[2] s’animent, dans le cadre d’un paysage originaire.

Louis Massignon parle dans « Opéra Minora », d’une « géographie spirituelle du monde » : « Elle est dynamique, décrit-il, et c’est en situant les sens de ses déplacements, qu’on peut en caractériser la valeur finale pour nous. Tout déplacement humain a valeur universelle et peut être défini comme pèlerinage, et tout but d’un tel déplacement, terre sainte»[3].Cette lecture du paysage fait converger les pèlerins vers des pôles d’attraction, dont l’ultime serait le Cœur de Jésus, à l’Heure de son Triomphe, dans la Jérusalem Nouvelle (voir p. 820). En attendant celle-ci, d’autres déplacements, vers des pôles secondaires attirent les pèlerins dans des voyages symboliques, « moyens de sanctifications, d’ascèse et d’intercession à la portée des plus humbles ». Les pôles principaux sont, notamment, Jérusalem pour tous les croyants des religions abrahamiques, et La Mecque et Médine pour les croyants mahométans.

D’autres types d’itinéraires, virtuels ou réels, peuvent être envisagés : 

« Sur les pas de Marie Pèlerine », par exemple, en dénombrant les déplacements et les stations de Marie durant sa vie. Cela pourrait se faire sur le terrain dans les sites accessibles à partir du Liban, ou comme un itinéraire spirituel, à l’image du Chemin de Croix ou du Rosaire.

Les itinéraires peuvent être prolongés en dehors du Liban et englober des voyages dans tout le Moyen-Orient, dans la mesure où les évènements politiques et violents le permettent.

En fait, il est hors de question, pour le moment, d’effectuer ces voyages en groupe : à cause de la situation économique désastreuse, et de contraintes aux frontières, ils ne peuvent être réalisés qu’au niveau individuel. Mais on peut toujours en effectuer de façon fictive, avec des documents écrits et photographiques qui pourront étayer la méditation, par la suite.

Certaines stations au Liban, se font dans des agglomérations tragiquement touchées par la guerre, comme Damour ou Deir el Kamar. La première a été rayée de la carte, et la deuxième a subi plusieurs sièges. On peut s’y recueillir en mémoire des morts, faire une prière de demande de pardon, et écouter, en signe de compassion, les témoignages de vie.

Une de nos compagnes, sunnite, fait un doctorat sur « Mariam dans les trois religions monothéistes », dans une université du Canada. Elle nous a entretenu à plusieurs reprises sur « L’esprit prophétique en Marie, dans les religions musulmane et chrétienne ». Ces pèlerinages ont appuyé sa thèse. Elle tente de mettre sa recherche au service de la libération des femmes musulmanes. Les échanges avec elle complètent nos recherches individuelles.

Des amitiés durables se sont nouées, entre musulmanes et chrétiennes ; musulmanes sunnites et chiites, certaines de ces relations se sont étendues hors du cadre de Darb Mariam, par exemple vers l’apprentissage de la musique soufie, la randonnée en montagne, la lecture d’œuvres littéraires en groupe, etc. 

Un réseau de relations s’établit, dans tout le pays, qui peut être réactivé à l’occasion.

Un groupe assez important parmi les participants, est au service des pauvres de toutes provenances au « Restos du Cœur ». Darb Mariam est leur fenêtre spirituelle, pour le moment, mais, en retour, pourrait envisager une ou des actions à l’appui de leur œuvre sociale. De plus, à partir de la table accueillante de cette association, nous distribuons souvent les invitations à nos pèlerinages aux donateurs, pour intéresser de nouvelles recrues.

Nous avons établi un premier contact, très positif, avec des personnes de la communauté druze.

En marchant et en priant ensemble côte à côte pour la Paix, nous essayons de la construire en nous, pour qu’elle se diffuse autour de nous. Chacun fait connaître une partie choisie de sa tradition aux autres, et en retour, il se met à leur écoute. Ce faisant, nous témoignons ainsi de notre foi en Dieu l’Unique, le Seul, le Révélé, ainsi que de notre espérance qu’il nous unisse par l’amour. C’est une grâce collective à laquelle nous aspirons.

Humbles et petits, nous nous tenons ensemble devant Dieu. Notre vérité subit l’épreuve de la fraternité. Peut-elle se commuer en amour universel ?                                              

Origine et croissance de Darb Mariam

L’élan premier de Darb Mariam est issu de circonstances multiples : un appel personnel, reçu par Thérèse à Ephèse (Turquie), au cours d’un pèlerinage à Meryem Ana : la maison de Marie Mère, une réflexion sur l’Exhortation Apostolique du Pape Jean-Paul II, à l’issue du Synode sur le Liban ; un désir de se porter au secours des chrétiens de Terre Sainte, en forçant par la prière, la frontière israélienne, au moment du début des incidents de la mosquée de Nazareth. 

Puis, grâce à l’ouverture sur des études d’anthropologie religieuse au sujet des pèlerinages et des rituels partagés, et de mystique comparée musulmane et chrétienne à l’Université St Joseph de Beyrouth, le projet s’est formé petit à petit, de mettre en pratique les richesses apparues dans les études théoriques, au service d’une action pour la paix.

Un noyau d’amis, recrutés dans des circonstances providentielles, s’est formé.

Des évêques et des religieux consultés nous ont donné le feu vert pour débuter ; l’Institut d’Etudes Islamo-Chrétiennes de l’Université Saint Joseph de Beyrouth nous a accordé son appui moral et un local à la demande, pour certaines réunions, ainsi que des conférences ou projections de films. C’est l’unique établissement au Liban, qui propose un diplôme universitaire pour le dialogue islamo-chrétien.

En 2003, Darb Mariam a pu être présenté au Conseil Pontifical de la Pastorale pour les Migrants et les personnes en Déplacement, ainsi qu’à l’Eglise catholique du Liban, à l’occasion du Congrès pour le Tourisme Religieux au MO. 

L’intérêt s’éveille à notre action et cela dépasse à présent les frontières nationales. Mais, jusqu’à présent, nous n’avons pas recherché de reconnaissance publique médiatisée. Conserver un aspect privé au mouvement, semble être pour le moment, une exigence de prudence. Que ce soit pour protéger l’intimité qui se crée entre les participants, ou pour éviter une main mise politique ou intégriste. 

Grandirons nous ? Cela nous est encore caché et exige certaines conditions, non encore réunies. 

Toutefois, pourrions-nous dégager certains acquis de notre expérience de pèlerinage et de tourisme religieux, au service d’un cercle plus vaste de pèlerins et de voyageurs? Ou de l’enseignement des voies du dialogue ? Notre mouvement sera-t-il semé comme une graine qui peut engendrer d’autres plantes et être à la source de leur multiplication ? 

Le Liban tout entier, sanctuaire marial 

Marie sanctuaire vivant

Partout dans ce pays, on vénère Marie, dans d’innombrables sanctuaires. Depuis le pèlerinage le plus ancien, la grotte de Maghdouché[4], là où, selon la tradition, elle attendait Jésus qui prêchait dans les villes païennes de Sidon et Tyr ; jusqu’au lieu le plus caché, au fond de la Vallée Sainte de la Qadischa, où l’on honore Notre Dame de Qannoubine, c'est-à-dire, Notre Dame de la vie en Communauté, et Notre Dame de La Vigne. 

La nature magnifique du Liban fait de lui tout entier, un symbole marial. Elle est chantée dans la Bible comme la Beauté de l’Epouse attendue.

Notre terre est bénie, par le passage de Jésus et Marie et celui de nombreux saints, - non seulement des saints chrétiens, mais aussi des musulmans, ermites, ascètes ou autres - et par le sang des martyrs de toutes époques.

De tous les sanctuaires qu’un pèlerin chrétien peut désirer visiter, le sanctuaire marial, du plus humble au plus renommé, est préféré. Marie est elle-même « sanctuaire vivant »[5], car elle porte le Verbe de Dieu. Celui qui se dirige vers elle, comme l’étoile de la bonne nouvelle est orienté vers son fils. 

Les musulmans aussi, ont les yeux fixés sur Marie, comme celle qui a su dans le dénuement du Temple, attendre tout don du Ciel[6], à tel point qu’elle a été jugée digne de former en elle la parole annoncée de la part de Dieu[7]. « (Rappelle–toi,) quand les Anges te dirent : « Ô Marie, voici qu’Allah t’annonce une parole de Sa part : son nom sera « al Massih » « Â‘Issa », fils de Marie, illustre ici-bas, comme dans l’au-delà, et l’un des rapprochés d’Allah ».

Dans certaines mosquées[8], un Mihrab[9] secondaire s’orne même, au dessus de l’arcade, d’une céramique gravée du verset suivant, qui décrit l’étonnement de Zacharie devant les dons reçus par Marie en prière : « Chaque fois que celui–ci entrait auprès d’elle dans le sanctuaire, il trouvait près d’elle de la nourriture. Il dit : « Ô Marie, d’où te viens cette nourriture ? ». Elle dit : « Cela me vient d’Allah. Il donne certes sa nourriture à qui Il veut sans compter ».

Tout croyant peut se souvenir de l’abandon total de cette jeune vierge, dans la prière, au Temple. C’est en s’émerveillant que l’on découvre la joie et l’enthousiasme des fidèles, depuis les plus humbles jusqu’aux autorités notables, quand on les interroge sur le rang de Mariam, sur sa dignité. C’est une expérience marquante qui peut faire tomber beaucoup de réserves et de préjugés et rassembler dans une sympathie commune les fervents de Marie.

Nombre de croyants musulmans, et notamment les femmes viennent dans les sanctuaires chrétiens qui lui sont consacrés se recueillir et faire des vœux, à tel point que l’on peut parler, dans l’analyse sociologique, de « pèlerinages partagés ». Ce phénomène est attribué également aux sanctuaires dévolus à d’autres saints. Citons principalement St Georges et St Elie, connus tous deux sous le vocable de  « El Khodr » en Islam.

Points de rencontre de communautés et de cultures diverses, lieux d’échanges économiques, arènes de rapports de force politique, à tel point qu’ils en deviennent l’enjeu, ce sont des carrefours où par l’action du brassage qui s’établit, un équilibre se crée en douceur entre les présents, ou bien peut se briser violemment, en déclenchant un conflit.

Là où l’on vit l’épreuve de la coexistence et du partage, une opportunité se présente pour le dialogue comme pour la détermination des identités, à des niveaux différends. L’individu et sa communauté réagissent là plus librement qu’ailleurs : on est sur des frontières, quelquefois sur des lignes de faille, au sens propre ou figuré. Plusieurs sens des manifestations cultuelles peuvent se côtoyer, ou bien un sens commun peut se présenter, avec toutes les nuances intermédiaires.

Les fêtes organisées durant les pèlerinages peuvent jouer un rôle unificateur important, en ralliant le public à la mémoire d’un évènement fondateur.  

Les hommes témoignent de leur identité comme de leur foi par des gestes rituels, les lieux eux-mêmes « parlent », par leur géographie ou leur histoire ; les sociétés s’expriment par le folklore ou la politique ; le divin intervient par l’intermédiaire des textes sacrés, lus ou interprétés, ou, quelquefois directement par des apparitions ou d’autres manifestations extraordinaires.

Le sens du pèlerinage peut évoluer au cours du temps, des transferts religieux ou culturels de l’appartenance du site peuvent survenir (par exemple, une église peut être mutée en mosquée, puis redevenir ce qu’elle était). La mobilité sociale autorise le changement et le favorise.

Une dialectique réagit constamment entre le sacré informel et le sacré institutionnalisé discipliné par les autorités religieuses ; le religieux peut se sublimer en culturel, et à l’inverse, pour montrer le désir de vivre en frères. Et ce passage d’un niveau de vie à l’autre, peut adoucir le choc des différences. C’est le travail que peuvent faire les pèlerinages, au sein du tourisme religieux pour contrer les fondamentalismes.

Darb Mariam va à la rencontre de la diversité, religieuse ou sociale, là où elle se manifeste le plus, dans les lieux de pèlerinage partagés, dans l’esprit de discerner les valeurs que l’on partage déjà , sans en avoir pris conscience, et dans l’intention de panser autant que possible, les blessures de l’amour, que sont les drames passés, ou les souffrances actuelles des présents.

Au Liban 18 communautés vivent ensemble, côte à côte ou mélangées. La vie conviviale, aussi menacée soit-elle, y a été citée en exemple par le pape Jean-Paul II, lors de son Exhortation Apostolique post synodale. Il y avait qualifié ce pays de « Pays Message », et cela depuis ne cesse d’être repris dans les discours comme dans les dialogues, comme un leitmotiv porteur d’espérance. Et les plus fervents échos proviennent d’interlocuteurs non-chrétiens, qui demandent aux chrétiens d’être les garants de l’unité nationale[10].

Ce même pape a exhorté instamment au cours de son voyage, en 1997, à abattre les murs de la haine et de l’habitude, pour construire un nouveau modèle de fraternité, en bannissant toute peur.

A l’occasion de la « Première Rencontre sur la Pastorale du Tourisme dans les pays du Moyen Orient et de l’Afrique du Nord » il a invité à « (…) aller à la rencontre non seulement des sanctuaires mais aussi des communautés humaines ».

La jeunesse du Liban, sortie des abris après 24 ans de guerre s’était rassemblée en foule à Harissa pour l’entendre. Elle s’est engagée publiquement dans les manifestations géantes de février et mars 2005, et le serment proclamé par Gébran Tuéni avant sa mort tragique, sert de cri de ralliement pour l’unité nationale : « Au nom de Dieu le Tout-Puissant, nous faisons le serment, chrétiens et musulmans, de demeurer unis, éternellement, pour défendre notre majestueux Liban ».  

Depuis plus d’un an maintenant, il est admis et apprécié pour des musulmans et des chrétiens, de prier ouvertement côte à côte devant les tombes des martyrs. La Fatiha et le signe de la Croix, le muezzin et la cloche, ne se contredisent plus quand il s’agit d’exprimer le respect du sacrifice de la vie, joint à l’espoir de la vie en commun. Durant une année entière, un espace public, le centre ville de Beyrouth, a été le théâtre de la célébration solennelle du deuil du Premier Ministre Hariri et ses compagnons, assassinés le 14 février 2004. Toutes les communautés au Liban y ont participé publiquement, ses membres se sont mêlés à une foule d’ascendances multiples. 

Des gestes de solidarité économique fortement symboliques ont témoigné de l’effort communautaire officiel et privé pour dédommager les victimes des agressions terroristes de février 2006, pour reconstruire ensemble des quartiers ou des villages sinistrés à ce moment[11], et se démarquer de l’action terroriste.

Seize représentants de communautés confessionnelles et religieuses avaient proclamé solennellement par une prière commune - fait sans précédent -, la fin de la guerre du Liban, à la Place du Musée, le 13 avril 2005, après 30 ans de conflits[12].

Mais il faudrait encore progressivement soigner et guérir la mémoire de tous les libanais, et puis de leurs voisins, en inventant des mots et des gestes nouveaux pour se dire : « Je ne suis pas complet sans toi, c’est avec toi que je veux vivre aujourd’hui et construire demain ».

Il faudrait refaire connaissance, en allant vers les autres, après s’être côtoyés derrière des murs imposés, pour construire avec les valeurs que l’échange révèle, l’avenir, encore voilé aux yeux de notre jeunesse.

L’angoisse et la lassitude traquent tous les citoyens ; fatigués par les épreuves de la guerre et des difficultés économiques conséquentes à celle-ci, ils ne cessent de subir l’épreuve du désespoir. La pression à l’émigration est terrible, et dénoncée par les autorités de toutes les communautés.

Avec Darb Mariam, nous nous proposons de donner aux jeunes en éveillant leur intérêt pour les recherches qui y correspondent, un cadre de rencontres pour l’exercice au dialogue de la vie. En faisant « goûter » à nos amis la douceur du partage, nous tenterons, à notre échelle, de semer des graines d’espérance, de diffuser des raisons et des moyens de lutter pour la paix.

Ces jours-ci, dans la montagne libanaise, nous fêtons Notre Dame des Semences. C’est sous son signe que ce message vous est proposé, car la tâche est immense et les ouvriers encore peu nombreux. 

Bibliographie : 

Exhortation apostolique post-synodale pour le Liban, 1997

Discours du Pape Jean-Paul II aux jeunes du Liban, Harissa, 1997

Opera Minora, tomes I et III, par Louis Massignon

Voir dans : Les pèlerinages au Maghreb et au Moyen-Orient, Espaces publics, espaces du public ; par Sylvia Chiffoleau et Anna Madoeuf, IFPO 2005.

Les articles de Dionigi Albera : Pèlerinages mixtes et sanctuaires « ambigus » en Méditerranée

Et Nour Farra Haddad : Pèlerinages votifs au Liban : chemins de rencontre des communautés religieuses.

Sur les pas des Saints au Liban ; par Victor Somma

« Le Sanctuaire, mémoire, présence et prophétie du Dieu vivant », Document du Conseil Pontifical pour la Pastorale des Migrants et des Personnes en Déplacement. 



[1]Le premier étant celui de Terre Sainte, selon Fadi Noun, journaliste.
[2]Pour localiser les lieux de culte, et en savoir plus sur chacun, voir: « Sur les pas des Saints au Liban » par Victor Somma. 
[3]« Opera Minora », p. 817.
[4]Sur la colline au sud de Saïda, l’antique Sidon.
[5]Citons un document du Dicastère du Conseil pour la Pastorale des Migrants et des Personnes en Déplacement daté de 1999 : « Le Sanctuaire, Mémoire, Présence et Prophétie du Dieu vivant », paragraphe 18. Mais c’est un fait proclamé dans la théologie des Pères de l’Église et chanté dans les liturgies orientales.
[6]Coran, Sourate 3, verset 37.
[7]Coran, Sourate 3, verset 45.
[8]A Istanbul, dans toutes les églises converties en mosquées, comme l’a remarqué Louis Massignon, et à la Mosquée el Omari de Saïda. Mais surtout à la Mosquée El Aqça de Jérusalem. (voir dans Opéra Minora* de Louis Massignon, p 596 et 594).
[9]Niche de prière dans la direction de la Mecque
[10]Voir tout récemment un témoignage de Abbas Halabi, personnalité druze, familière du dialogue, dans le quotidien « L’Orient-Le Jour » du 7/4/2006, p. 5, dans le compte-rendu d’une conférence à l’USJ sur : « Les chrétiens et le renouveau de l’engagement politique au Liban »
[11]Je citerai l’ONG “Offre-Joie” qui emploie des jeunes volontaires à cela depuis déjà plusieurs années. 
[12]Voir « L’Orient-Le Jour » du 14/2/ 2005. Ce geste a été répété cette année, quoique moins médiatisé.

Il s’était accompagné d’une déclaration à signer pour que chaque libanais demande pardon à tous les autres, de tous les gestes de rejet de l’autre, qu’il avait pu commettre.

 

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