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 Pontifical Council for the Pastoral Care of Migrants and Itinerant People

People on the Move

N° 101 (Suppl.), August 2006

 

 

Étudiants Étrangers 

en Pays MusulmanS

 

 

R.P. Bernard Lapize de SalÉe, S.J.

Algérie

 

Le sujet de cette communication concerne les étudiants subsahariens chrétiens qui sont présents en Algérie pour y faire des études supérieures.

LÂÂ’Algérie est un pays entièrement musulman. LÂÂ’Eglise y est présente et active, mais elle est toute petite, dispersée sur un immense territoire. Les chrétiens sont quelques milliers sur une population qui dépasse 30 millions, et ils sont presque tous étrangers. Durant les années de terrorisme, nos assemblées chrétiennes étaient réduites le plus souvent à la présence des prêtres, des religieuses, et de quelques chrétiens permanents le plus souvent âgés.

CÂÂ’est alors que sont venus les étudiants subsahariens, envoyés par leurs États avec des bourses dÂÂ’études. Ils sont inscrits dans des branches enseignées en français : les sciences et la médecine, et divers instituts de technologie ou écoles dÂÂ’ingénieurs concernant la météorologie, lÂÂ’arboriculture, etcÂÂ…).

Les étudiants subsahariens sont chaque année plus nombreux, mais je nÂÂ’en sais pas le nombre exact qui est supérieur à un millier, dispersés en divers points géographiques. Ils viennent essentiellement des pays francophones de lÂÂ’Afrique de lÂÂ’Ouest (Les deux Congos, le Cameroun, le Burkina-Faso, le Bénin, la Côte dÂÂ’Ivoire, le Tchad, le Mali, le Niger, le Sénégal, et beaucoup dÂÂ’autresÂÂ…). Parmi eux, les musulmans sont sans doute les plus nombreux. Les chrétiens ne sont pas tous catholiques : 1/3 dÂÂ’entre eux appartiennent à diverses Églises protestantes ou évangéliques, ou locales (comme les kimbanguistes du Congo). Tous les chrétiens, même les non-catholiques, participent à nos assemblées et sÂÂ’associent à leurs célébrations. Ils sont lÂÂ’élément le plus jeune de nos communautés. 

Leurs difficultés.

  • CÂÂ’est dÂÂ’abord lÂÂ’éloignement de leurs familles quÂÂ’ils ne peuvent pas revoir durant plusieurs années. Cet éloignement est particulièrement ressenti en cas de deuil, ou dans les périodes de troubles politiques, et aussi durant les vacances.
  • CÂÂ’est aussi le dépaysement total. Ils arrivent dans un pays quÂÂ’ils ne connaissent pas et auquel ils ne sont pas préparés. Ils en ignorent la langue et les coutumes qui sont très différentes de celles de leurs pays dÂÂ’origine. Ils sont doublement étrangers, parce quÂÂ’ils sont noirs et ils doivent souffrir parfois dÂÂ’une sorte de racisme un peu primaire venant dÂÂ’une société mal informée. Ce caractère dÂÂ’étranger est renforcé du fait quÂÂ’ils sont chrétiens, car les Algériens peu cultivés nÂÂ’imaginent pas que des Africains ne soient pas musulmans et soient encore dépendants de la religion des colonisateurs. Les étudiants leur montrent que le christianisme est leur religion, celle quÂÂ’ils choisissent de garder et quÂÂ’ils garderont. Je pense que ces préjugés sont en train dÂÂ’évoluer vers plus de tolérance, et nous sommes heureux que soit ainsi donné un témoignage de lÂÂ’universalité de lÂÂ’Eglise. Mais il est encore difficile et rare que sÂÂ’établissent des relations dÂÂ’amitié entre ces étudiants chrétiens et les étudiants algériens (encore plus avec les étudiantes). Tous les étudiants africains en souffrent, quÂÂ’ils soient chrétiens ou non.
  • LÂÂ’organisation sociale est musulmane. CÂÂ’est ainsi, par exemple, que le dimanche est un jour de travail ordinaire, et que les fêtes chrétiennes ne sont pas fériées. Il y a des cours le jour de Pâques ou de Noël (ils ont le droit de sÂÂ’en dispenser, mais cela les met en retard pour leurs études). Rien nÂÂ’est prévu pour eux les jours de fêtes musulmanes, ni durant les congés. Ils se rendent visite dÂÂ’une ville à lÂÂ’autre et cherchent comment occuper ces périodes.

Que fait lÂÂ’Eglise pour ces étudiants ?

  • LorsquÂÂ’ils arrivent, ils ne savent rien de cette Eglise quÂÂ’ils apprennent à connaître et à fréquenter. Elle devient vite le lieu de leur fidélité religieuse, et aussi le lieu où ils trouvent une communauté humaine qui se veut accueillante. Très souvent un local est aménagé et mis à la disposition des étudiants pour quÂÂ’ils puissent se retrouver ensemble, y compris avec leurs compatriotes musulmans. Il nous a semblé quÂÂ’il fallait avoir le souci dÂÂ’humaniser la condition de ces étudiants qui se sentent souvent exilés et isolés.
  • Dans les célébrations, dans les rassemblements chrétiens locaux, régionaux, nationaux, la présence de ces étudiants africains est importante. Ils représentent très souvent le plus grand nombre dans nos assemblées eucharistiques et ils prennent une part active à la préparation et à lÂÂ’animation de nos cérémonies. Ils en sont heureux, et tout le monde en est heureux aussi.
  • Ils sont particulièrement sensibles à la simplicité des rapports avec les responsables de lÂÂ’Eglise. Ils sÂÂ’étonnent de pouvoir rencontrer si facilement et si naturellement les évêques et les prêtres. Grâce à cette facilité de communication, ils sont mieux disposés à comprendre le sens de la présence de notre église en milieu musulman et à essayer, avec elle, dÂÂ’entrer en contact avec ce peuple et de lÂÂ’aimer.
  • LÂÂ’Eglise locale apprécie beaucoup leur présence, pas seulement parce quÂÂ’ils apportent un peu de jeunesse et de diversité à nos assemblées. Nous sommes surtout intéressés par lÂÂ’expérience de ces jeunes qui sont en contact direct avec la jeunesse algérienne avec laquelle ils vivent dans les cités universitaires. Par certains côtés, ces étudiants venus de loin sont les chrétiens les plus proches des Algériens musulmans, surtout des jeunes.
  • LÂÂ’Eglise essaie aussi de répondre à leur grand désir de formation et de réflexion sur les questions religieuses qui se posent dans leur vie. Elle organise alors, en collaboration avec des professeurs et des prêtres africains, des week-ends de réflexion sur la famille, lÂÂ’amour, la vie de couple, la réussiteÂÂ…etc. De plus, chaque année a lieu à Alger une université dÂÂ’été, comme cela se fait aussi dans le diocèse de Rabat, au Maroc.
  • Les étudiants africains sont très désireux de faire des séjours dÂÂ’été à Taizé en France. Ils y rencontrent des jeunes de tous pays, avec lesquels ils peuvent prier, discuter dans un climat de grande convivialité. Mais pour aller à Taizé, il faut un visa et il est de plus en plus difficile de lÂÂ’obtenir lorsquÂÂ’on est un jeune africain. Les frères de Taizé ont le projet dÂÂ’organiser des rencontres lÂÂ’été en Algérie même, à Tlemcen, et cela sera certainement très apprécié par les étudiants africains présents en Algérie et même dans les pays voisins.

Que souhaitons-nous ?

  • Il serait bon quÂÂ’il y ait une collaboration entre les Eglises des pays dÂÂ’origine et celles qui sont en Afrique du Nord. Il faudrait au moins quÂÂ’il y ait des liens. Nous avons essayé de savoir sÂÂ’il existait des mouvements dÂÂ’action catholique étudiante, des aumôneries universitaires, mais nous nÂÂ’avons pas eu de réponses précises. Les étudiants qui sont chez nous ne les connaissent pas et nous disent que les seules structures sont paroissiales.
  • Il arrive que des étudiants nous demandent une aide matérielle. Certains le font sans vraie nécessité, pensant que lÂÂ’Eglise est riche et généreuse, mais ils comprennent vite dans quelle précarité nous vivons. Pourtant, nous aimerions parfois apporter une aide financière, en cas de réelle détresse, ou lorsquÂÂ’il sÂÂ’agit dÂÂ’organiser des rencontres entre divers pays ou de faciliter la participation à des célébrations internationales comme les J.M.J. Cela est au-dessus des moyens de nos Eglises locales.
  • Il semble que le nombre de ces étudiants est appelé à augmenter. LÂÂ’Eglise dÂÂ’Algérie a donc commencé à structurer ce monde étudiant chrétien pour quÂÂ’il se prenne en charge et participe à sa propre pastorale. Ce nÂÂ’est pas toujours facile de responsabiliser ces jeunes qui sont habitués à ce que les pouvoirs de décision soient exclusivement réservés aux prêtres.

En conclusion, lÂÂ’Eglise dÂÂ’Algérie considère comme une grande grâce la présence de ces étudiants africains chrétiens, et comme un excellent témoignage dans lÂÂ’Algérie musulmane.

 

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