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 Pontifical Council for the Pastoral Care of Migrants and Itinerant People

People on the Move

N° 101, August 2006

 

 

DANS L’ENFER DE LA PROSTITUTION 

 

Longtemps après le générique de fin, on reste sous le choc. Sex Traffic, de David Yates, téléfilm en deux parties (2 x 90 min) réalisé en 2004 pour la chaîne anglaise Channel 4, et déjà diffusé en crypte sur Canal+ en mai 2005, nous plonge dans l’enfer des réseaux de prostitution entre les Balkans et l’Europe de l’Ouest.

L’histoire de Sex Traffic commence dans un petit village de Moldavie. Deux sœurs, Elena (Anamaria Marinca) et Vara (Maria Popistasu), quittent leur foyer avec l’espoir d’aller travailler à Londres et de découvrir l’opulence européenne. Très vite, le rêve tourne au cauchemar. Le passeur censé les emmener en Angleterre les « revend » à un réseau de proxénètes et les deux jeunes femmes se retrouvent en Roumanie puis en Serbie, aux mains de trafiquants de chair humaine.

Parallèlement, Daniel Appleton (John Simm), membre de l’ONG londonienne Speak for Freedom, enquête en Italie et en Serbie sur les réseaux de prostitution. Durant son voyage, il découvre que certains soldats de la force d’interposition privée Kernwell, en poste dans les Balkans sous mandat des Nations unies, sont impliqués dans l’organisation de réseaux dont les ramifications s’étendent jusqu’aux Etats-Unis. Au fil de ses recherches, il croise la route de Vara et d’Elena et tente de les soustraire à leurs souteneurs.

Filmé avec un réalisme à couper le souffle, Sex Traffic est un événement télévisuel. Jamais une fiction n’était allée aussi loin dans la dénonciation minutieuse des réseaux de prostitution et des conditions de vie terribles des filles forcées de faire le trottoir. Viols, assassinats, passages à tabac, mutilations…, le film n’épargne rien au téléspectateur, mis en face d’une réalité brutale, souvent dénoncée par les ONG.

Si Sex Traffic est une fiction, son scénario écrit par la jeune scénariste Abi Morgan est nourri des nombreux rapports rédigés par les organisations qui luttent depuis des années contre ce fléau. Dans un texte sur «la protection des droits des femmes et des jeunes filles contraintes à la prostitution au Kosovo», publié en 2004, l’organisation Amnesty International notait que «certaines personnes, censées protéger ces femmes et ces jeunes filles, profitent de leurs fonctions pour les exploiter et ne subissent aucune sanction», pointant ainsi du doigt les forces d’interposition en ex-Yougoslavie, incapables d’endiguer le phénomène. Plus de trois ans de travail on été nécessaires pour écrire et tourner Sex Traffic. Un temps de développement long - gage ici de grande qualité aussi bien dans l’interprétation que dans la richesse du scénario - et qui est devenu la marque de fabrique de Tesa Ross. Avec un budget de 35 millions de livres par an, la directrice des fictions de Channel 4 mise de plus en plus sur dés téléfilms ancrés dans l’actualité brûlante. Un téléfilm sur la mort de Jean Charles de Menezes, jeune homme tué dans le métro de Londres par la police anglaise après les attentais de 2005, est en projet.

Après les magouilles politico – médiatiques de « State of Play » et l’enfer de la prostitution de Sex Traffic, le réalisateur David Yates a, lui, tourné The Girl in the Café pour la chaîné américaine HBO (sur Arte en juillet 2006). Un plaidoyer sous forme de comédie romantique pour la lutte contre la pauvreté. Il prépare aussi le tournage du prochain Harry Potter.

Guillaume Fraissard



*« Sur les rouages des filière de la traite des filles de l’Est », da Le Monde, Dimanche 26 – Lundi 27 mars 2006

 

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