Pontifical Council for the Pastoral Care of Migrants and Itinerant People People on the MoveN° 106 (Suppl.-I), April 2008
LÂespérance, inspiratrice et moteurde lÂengagement de lÂApostolat de la Mer
S.E. Mgr Pierre Molères Evêque de Bayonne France Parler de lÂEspérance en Pologne, quel beau sujet ! Redoutable mission aussi quand on connaît le courage des Polonais dans lÂHistoire, leur fierté indomptable et leur foi au Christ qui, malgré des dépeçages et des dictatures, leur permirent de renaître chaque fois, tel le phénix de ses cendres. Parler dÂEspérance cÂest parler dÂavenir, cÂest parler de bonheur, cÂest parler de salut; cÂest sÂadresser à des gens situés, dans des conditions dÂexistence qui sont ce quÂelles sont, non pas comme on les rêve, et dont nous devons tenir compte. Ainsi devant ses diocésains dÂHippone, Saint Augustin ne craignait-il pas de les rejoindre au cÂur de leur vie et dÂadopter un langage imagé pour les évangéliser. Joignons-nous à eux ; écoutons la méditation dÂAugustin sur le passage de Saint Luc chapitre 11, versets 10-13 : « Quiconque demande reçoit ; quiconque cherche trouve, à qui frappe on ouvrira. Quel est dÂentre vous le père auquel son fils demandera du pain et lui remettra une pierre[1]? Et sÂil lui demande un poisson lui remettra-t-il un serpent ? Ou sÂil lui demande un Âuf lui remettra-t-il un scorpion ? Si donc vous qui êtes mauvais, vous savez donner de bonnes choses à vos enfants, combien plus le Père du ciel donnera-t-il lÂEsprit Saint à ceux qui lÂen prient ! » Le poisson, lÂÂuf et le pain, commente allégoriquement Saint Augustin[2] sont les trois vertus théologales : le poisson cÂest la Foi ; lÂÂuf, lÂEspérance ; le pain, la Charité.
Et Augustin de conclure : « Ne regarde pas en arrière, redoute le scorpion ; le scorpion est lÂennemi de lÂÂuf, comme le monde lÂest de lÂespérance. » « Ne regarde pas en arrière ; aime lÂespérance ! » Fidèle à cette consigne dÂAugustin, je me propose, sans bien sûr vouloir tout dire,
A. QuÂest-ce que lÂespérance ? Avant de vous rappeler la formule habituelle qui la décrit, permettez-moi de vous citer la dernière phrase de la lettre prémonitoire du Père Christian de Chergé, moine cistercien de Tibhirine en Algérie, décapité avec sa communauté il y a juste 10 ans ; méditant aux environs de Noël 1993 sur son assassinat éventuel et sur son assassin, il écrit : « Et toi aussi lÂami de la dernière minute qui nÂauras pas su ce que tu faisais ; oui pour toi aussi je le veux ce Merci et cet A-Dieu en visagé de toi. Et quÂil nous soit donné de nous retrouver, larrons heureux, en paradis, sÂil plait à Dieu, notre Père à tous deux. Amen ! Inch Allalh ! » Texte admirable, rayonnant dÂespérance chrétienne, celle dont nous apprenions tout enfant au catéchisme la formulation : « Mon Dieu jÂespère avec une ferme confiance que vous me donnerez par les mérites de Jésus-Christ votre grâce en ce monde et le bonheur éternel dans lÂautre, parce que vous lÂavez promis et que vous tenez toujours vos promesses. » Formule un peu abstraite pour des enfants mais qui avait du sens. Nous comprenions intuitivement quÂentre son monde à lui Jésus et lÂautre monde il y avait un lien ; que Jésus et nous, marchions ensemble ; et que nous, les enfants, pouvions nous confier à Jésus, puisquÂil tenait toujours ce quÂil promettait. Les composantes de lÂEspérance Déjà nous savions lÂessentiel sur lÂespérance ! Quant à nous ici, il nous sera bon de dégager quatre éléments, quatre composantes de lÂEspérance théologale pour explorer son mystère. 1. Elle est désir de Dieu auquel on sÂadresse ; lÂobjet de lÂEspérance, sa visée, cÂest Dieu lui-même. Elle répond à lÂaspiration au bonheur que Dieu, en nous créant à son image, a mise en nos cÂurs faits pour lui : « Notre cÂur est inquiet, Seigneur, tant quÂil ne trouve pas en toi le repos ! » disait Saint Augustin. Elle assume nos espoirs humains qui inspirent nos activités particulières ; elle les purifie, les ordonne au Royaume de Dieu, prend même ses distances avec eux quand il sÂagit de dilater nos cÂurs, de les libérer, de les aider à désirer la vision de Dieu, la béatitude éternelle[4]. 2. DÂautre part, inséparable du temps, lÂEspérance suppose lÂattente : attente active du bon serviteur[5] ; nous sommes tous taillés dans lÂétoffe du temps ; tenus de préparer lÂavenir dans notre présent ; sans nous enliser en lui, sans nous en évader. Tenus surtout dÂaccueillir lÂavenir dans notre présent ; car lÂespérance théologale introduit au cÂur du monde une anticipation du monde à venir dont lÂÉglise est en quelque sorte la présence sacramentelle. CÂest la raison pour laquelle lÂEucharistie peut être appelée « le sacrement de lÂEspérance » puisquÂelle alimente le chrétien du Corps glorieux du Seigneur, notre avenir qui vient au devant de nous, en nous. Ainsi par ce viatique divin, tout disciple est quelquÂun qui espère, un pèlerin en route vers la Terre Promise. « Se concevoir toujours soi-même comme un bateau », écrivait un marin sur son carnet de bord. 3. Mais nous le savons par expérience, qui dit marche dit aussi obstacles ; qui dit traversée dit écueils, donc appel à la persévérance : cÂest la troisième caractéristique de lÂespérance qui inclut à la fois courage et prudence. Saint Paul lÂa bien compris ; au fil de ses lettres il nous parle des difficultés rencontrées à lÂintérieur et à lÂextérieur de lui-même. - A lÂintérieur ? Il cite la « loi de contradiction » : « Vraiment ce que je fais je ne le comprends pas : car je ne fais pas ce que je veux, mais je fais ce que je hais Malheureux homme que je suis ! »[6] - Difficultés venues de lÂextérieur ? Dans la deuxième lettre aux Corinthiens il déroule en deux passages leur longue litanie : « Nous nous recommandons en tout comme des ministres de Dieu : par une grande constance dans les tribulations, les détresses, les angoisses, sous les coups, dans les prisons, les désordres, les fatigues, les veilles, les jeûnes[7]» ; « Qui est faible, que je ne sois faible ? Qui vient à tomber, qu'un feu ne me brûle ? S'il faut se glorifier, c'est de mes faiblesses que je me glorifierai.[8]» Ces obstacles, nous les connaissons, chacun(e) à sa manière. Ils font paraître le but entrevu plus lointain et même inatteignable. Alors que faire ? CÂest ici que Paul nous présente en modèle Abraham, « notre père à tous[9] », « espérant contre toute espérance[10] », infatigable pèlerin de Dieu. De son côté, lÂauteur de la lettre aux Hébreux, après avoir évoqué la promesse irrévocable de Dieu à Abraham, nous conseille lÂespérance qui dit-il « est pour nous comme une ancre de lÂâme, fermement fixée, pénétrant au-delà du voile du Temple[11]». Le Seigneur est notre ancre déjà arrimée dans le port du salut ; qui permet à notre bateau de se fixer sans dériver malgré les tempêtes, ou de continuer son cabotage dans la prudence et la lucidité. « Les yeux fixés sur Jésus-Christ, entrons dans le combat de Dieu » conseille lÂinvitatoire du carême. LÂespérance apparaît alors comme « le casque du salut[12]» qui protège la tête du lutteur, revêtu par ailleurs « de la cuirasse de la Foi et de la Charité » pour se mesurer vaillamment avec les ennemis et les obstacles du chemin. 4. Une telle persévérance sÂessoufflerait vite sans la confiance au Seigneur La confiance est une composante essentielle de lÂEspérance, vertu théologale toujours reliée aux deux autres. Le poète Péguy dans ses phrases ondulant comme des vagues, la décrit comme une fillette marchant entre ses deux grandes sÂurs : la Foi et la Charité. « La petite espérance, dit-il, sÂavance entre ses deux grandes sÂurs et on ne prend pas garde à elle mais cÂest elle, cette petite qui entraîne tout car lÂespérance voit ce qui nÂest pas encore et qui sera. Elle aime ce qui nÂest pas encore et qui sera !... [13]». Intuition de poète insistant sur la communion des trois sÂurs. Mais il importe dÂajouter : pas dÂespérance sans la Foi qui approfondit ; pas dÂespérance sans la Charité qui fait « brûler dÂamour ». LÂEspérance cÂest croire en lÂAmour ; cÂest être mû par Lui. DÂoù notre humble confiance en Christ vainqueur de la Mort ; Lui qui a promis de nous préparer une place, de revenir en gloire et dÂêtre avec nous chaque jour jusquÂà la fin des temps. Lui qui monte dans notre barque et nous donne son Esprit pour éviter les deux écueils où lÂespérance peut sÂéchouer : celui de la présomption, qui consiste à profiter de la bonté de Dieu pour sÂenfoncer dans le mal « QuÂimporte de pécher, puisque Dieu est bon », ou à trop compter sur soi, comme lÂapôtre Pierre LÂautre écueil est celui du désespoir, qui se laisse couler, parce que le ou la désespéré(e) estime à tort que Dieu lÂabandonne, ou quÂil nÂest plus capable de le (la) soutenir dans telle situation de détresse, ni de lui pardonner telle faute, comme lÂa cru Judas. LÂespérance rectifie le tir ; elle nous tourne vers Dieu et nous donne la paix dans lÂépreuve même ; elle nous réapprend les Béatitudes et le chant du Pater ; cÂest là nous dit le Catéchisme de lÂÉglise Catholique « le résumé de tout ce que lÂespérance nous fait désirer[14] ». « Gardez courage, dit le Christ, jÂai vaincu le monde et je suis avec vous[15] ». Autrement dit, Dieu nous conduit à Dieu, le Fils au Père dans lÂélan de lÂEsprit. Espérer, cÂest attendre Dieu de Dieu, et le recevoir de Lui : cÂest le plus beau cadeau ; la force mobilisatrice par laquelle lÂEsprit-Saint pousse lÂÉglise vers lÂavenir de Dieu. B. Pour un humanisme chrétien de lÂEspérance Voyons maintenant comment lÂApostolat de la Mer trouve en cette vertu non seulement son inspiratrice et son moteur mais aussi sa capacité dÂintroduire dans le monde maritime ce que jÂappellerai « lÂhumanisme chrétien de lÂEspérance ». Faisons dÂabord cette remarque : fondamentalement lÂespérance théologale avant dÂêtre cette disposition dynamique qui nous met résolument en marche vers Dieu, vient du regard positif et engageant que Dieu porte sur nous. Elle est de lÂordre de la grâce ; cÂest une des meilleures surprises de lÂhistoire de lÂAlliance ; la création du couple, homme et femme est acte divin dÂEspérance ; Dieu espère en sa créature ; et le croyant qui espère, espère par suite de cet engagement initial et permanent de Dieu, quÂest sa Promesse ; dÂoù sa prière : « Seigneur, puisque tu ne peux renier ni ta promesse ni ton alliance, puisque tu ne peux pas être infidèle, alors je viens vers Toi ; je profite des droits que tu me donnes pour dialoguer avec toi, intercéder auprès de toi, discuter avec toi, batailler avec toi, te prendre pour défenseur et même pour Sauveur, risquer ma vie pour Toi et pour les autres à cause de Toi ». A partir de cela, essayons de dégager, sans être exhaustif, quelques caractéristiques de cet « humanisme marin » de lÂEspérance chrétienne vécue dans lÂApostolat de la Mer. I. Un Dieu routier qui nous entraîne à sa suite La première me parait être la suivante : le Dieu de lÂEspérance nous provoque à prendre la route. Il est le Dieu nomade qui nous lance sur les routes à risques de lÂExode ; le Dieu du Buisson ardent, des chemins surprenants quÂil prend pour nous atteindre ; comme dit la sagesse portugaise, Il est « celui qui écrit droit avec des lignes courbes », celui qui se dérange pour nous et nous désinstalle.
IÂ Â LÂApostolat de la Mer, quant à lui, fréquente les côtes et les routes maritimes ; routes fréquentées, parfois même surchargées. Sont-elles pour autant humaines ?... Pour répondre à cette question urgente, un des premiers objectifs de lÂApostolat de la Mer mue par lÂEspérance consiste à connaître lÂétat de ces routes et même faire lÂanalyse des situations qui y sont vécues : naufrages, abordages, disparitions de marins, détresse des boat-people, exploitation de marins, abandons dÂéquipages, bouleversement des règles de pêche, pollutions, etc., mais aussi rencontres humaines entre continents, cultures et religions, progrès technologiques, meilleure connaissance scientifique de la mer. LÂÉglise commence toujours sa démarche dÂévangélisation par un tel regard : regard circulaire et profond comme celui du Christ de lÂEvangile. Regard lucide, mais aussi le plus positif possible. Car lÂEspérance dans ces routes si risquées permet de découvrir les causes de tant de malheurs et dÂentrevoir certains débuts de solutions ; ainsi lÂApostolat de la Mer grâce à elle, prend-il plus facilement la mesure
Comme il serait heureux quÂà la faveur de telles rencontres internationales, on puisse dégager progressivement quelques caractéristiques spécifiques de chaque région maritime du monde et quelques approches pastorales complémentaires ! Les dialogues interculturels, interreligieux et Âcuméniques y trouveraient un terrain privilégié et susciteraient des viviers nouveaux de gens de bonne volonté. Elles contribueraient à faire entendre dÂautres voix, à éduquer les opinions publiques et à tracer des chemins maritimes plus humains, moins livrés aux requins. Espérance théologale, inspiratrice dÂhumanité, route dÂhumanité !... Comme vous le voyez, en tout cela, lÂApostolat de la Mer joue le rôle de boussole chrétienne et de radar marin. II. Un Dieu provocateur qui nous libère La deuxième caractéristique dÂun humanisme marin de lÂEspérance chrétienne est la suivante : le Dieu biblique nÂest pas seulement celui qui assure le passage dÂIsraël à travers la Mer Rouge et le lance sur les route à risques ; Il est aussi un Dieu défenseur de lÂHomme au point quÂIl le provoque à la liberté et quÂIl supporte de lui ses revendications quand la vie se fait trop pesante. LÂEspérance fait du croyant un contestataire qui est « dans le monde sans être du monde » ; capable de citer Dieu en justice devant des situations écrasant la personne humaine, et refusant de baisser les bras devant ces injustices ; paradoxalement Dieu bénit cette attitude. De son buisson ardent, il voit la misère du peuple hébreu asservi par le Pharaon, il entend son cri, descend pour le délivrer et le faire monter vers une terre de liberté[21] en enrôlant comme chef de file Moïse hésitant. Pareillement, dans le conte populaire quÂest le livre de Job ; Dieu se tourne contre les amis de Job venus lui conseiller dÂavouer sa faute ; faute qui lui aurait valu selon eux une telle sanction divine. Dieu se rebelle devant ces bavards : « Aucun de vous nÂa parlé de moi aussi bien que mon serviteur Job[22] ! » Or quÂa dit Job ? QuÂa-t-il fait pour mériter lÂadmiration de Dieu ? Job vient de lÂaccuser dÂabandon et dÂinfidélité à son rôle de Dieu ; mais cherchant un avocat dans ce procès intenté contre Dieu, il nÂa trouvé rien de mieux que de demander à ce même Dieu dÂêtre son défenseur[23] Ce Job biblique a une abondante descendance. Le Job dÂaujourdÂhui est légion ; nombreux sont ceux qui se retournent contre Dieu devant lÂénigme et le scandale du mal. Nombreux sont ceux qui se détournent de Lui, révoltés, lÂaccusant dÂêtre soit cruel, soit impuissant. DÂautres découvrent peu à peu que Dieu nÂest pas du côté de lÂEnnemi mais du démuni, crucifié avec ceux qui nÂont rien[24] Quant à lÂEspérance théologale loin de maintenir le croyant dans le rêve, lÂillusion, ou la résignation, elle le transforme en homme ou femme dÂaction qui proteste contre de telles situations et dans sa prière à Dieu et dans ses démarches aux responsables ; essayant dÂy remédier avec dÂautres, le disciple demande à Dieu qui « veut que tous les hommes soient sauvés[25] », sa force et son soutien ; il sait que Dieu sÂinsurge contre lÂinjustice et attend des siens quÂils se mobilisent contre elle. Ainsi dans la célèbre vision des ossements desséchés du prophète Ezéchiel, Dieu ne supporte pas dÂentendre la complainte de son peuple : « Nos ossements sont desséchés ; notre espérance a disparu et nous sommes en pièces[26] » Il lui fait écho par cette parole : « Voici que jÂouvre vos tombeaux je mettrait mon esprit en vous et vous vivrez[27] ! » II  Ce souffle dÂespérance, lÂApostolat de la Mer avec ses modestes moyens essaie de lÂentretenir ; de le répandre ; il ne se contente pas de contacts sympathiques ou dÂune assistance humanitaire dans les besoins urgents, pour nécessaires quÂils soient ; mais il entend assumer une Mission dÂespérance au nom des « sans voix » de la mer. SÂil ne le faisait pas les poissons eux-mêmes crieraient Ainsi veut-il proclamer haut et fort, avec dÂautres bien sûr :
LÂApostolat de la Mer sait que dès le départ de lÂévangile, la mer eût ses prophètes ; dès le départ du christianisme lÂEspérance sÂembarqua sur les bateaux des ports à la faveur de la diaspora pour aller porter au monde la Bonne Nouvelle du Christ Ressuscité, et avec elle la découverte dÂun monde nouveau. LÂEspérance théologale avec son souffle prophétique est ainsi à lÂorigine dÂun immense tsunami de Foi et dÂamour au service de lÂhumanité qui, sans elle, serait livrée au raz de marée des intérêts ravageurs. III. Le Dieu des derniers temps, le Dieu de lÂaujourdÂhui Enfin, le Dieu de lÂEspérance parce quÂil est celui des « derniers temps » nous demande de vivre cette espérance au quotidien, ce qui signifie plusieurs choses. a. DÂabord que lÂHomme-Dieu Jésus se refuse à être magicien. A tous ceux qui lui demandent des prodiges éclatants qui le feraient reconnaître comme le Messie, Jésus répond : « Apprenez plutôt à interpréter les signes des temps ; il ne vous sera pas donné dÂautre signe que celui de Jonas[30] ! » C'est-à-dire, un événement qui inclut dÂabord un engloutissement, une disparition dans lÂabîme, un consentement à notre destinée mortelle. b. Dans le même sens, Paul combat vigoureusement lÂilluminisme dont il perçoit vite les méfaits. Les premiers chrétiens de Salonique attendaient le retour imminent du Christ dans la gloire ; ce qui les dispensait de travailler ; quant à ceux de Colosses ils pensaient quÂoutre le Christ, il y avait dans lÂau-delà des forces célestes terrifiantes, des puissances angéliques, qui manoeuvraient les astres et les destinées humaines, au point que personne ne pouvait leur échapper : « Ne vous endormez pas, restez éveillés[31] », dit Paul aux premiers ; « Il nÂy a que le Christ qui est tout et en tous[32] », écrit-il aux Colossiens. Paul se conforme ainsi à lÂenseignement de Jésus disant dans le discours eschatologique de Marc : « Prenez garde quÂon ne vous abuse gare aux faux prophètes et aux faux messies. Ne les croyez pas[33] ! » car un tel illuminisme qui prétend tout savoir sur la fin des temps, sa date et ses signes, et veut imposer ses règles et ses pratiques nÂest pas lÂespérance théologale plus réaliste, plus humble et plus confiante. c. Ainsi Jésus nous renvoie-t-il à notre vie quotidienne. Le signe de la venue des derniers temps se manifeste en deux attitudes très modestes, les mêmes pour tous, partout et toujours : « Tu aimeras Dieu et ton prochain comme toi-même[34] ! » Tels sont les derniers temps vécus au quotidien ; lÂeschatologie dans la vie de chaque jour ; le sérieux de tout acte humain engageant lÂavenir. CÂest aujourdÂhui que chacun doit vivre avec Jésus et donc bénéficier de la vie éternelle. Ici-bas la grâce en vue de la gloire ; cÂest maintenant, « hic et nunc » que se vit lÂespérance, et cela change tout. d. Car lÂEspérance accepte de porter sa croix comme Symon de Cyrène en suivant le Christ. A Gethsémani Jésus commande à Pierre de rengainer son épée et refuse dÂappeler à sa rescousse « plus de douze légions dÂanges[35] ». Il ne veut pas accréditer lÂidée dÂun Dieu  Père  Vengeur qui nous mettrait en dehors des dures conditions de lÂhistoire ; si lÂEspérance théologale bondit à lÂaube de Pâques du tombeau du Christ, cÂest parce quÂelle a su accepter lÂépreuve de lÂagonie et la ténèbre du Vendredi Saint ; démarche incontournable ! lÂEspérance théologale ne fait jamais lÂimpasse de la Croix. CÂest à ce prix que celle-ci se transforme en ancre de salut « maintenant et à lÂheure de notre mort » ; cÂest par elle que nous vivons aujourdÂhui les derniers temps et que nous pouvons nous approprier les derniers mots de lÂApocalypse, mots dÂEspérance du livre de lÂEspérance : « Amen ! Marana Tha ! Oui, Notre Seigneur, Viens[36] ! ». III  Ce même regard dÂespérance lucide et positif sur les réalités maritimes et leurs enjeux importants fait partie de lÂengagement de la Mission de la Mer aujourdÂhui. Récemment le pape Benoit XVI écrivait : « lÂEspérance sÂenracine en pratique dans la vertu de patience et dans celle dÂhumilité qui accepte le mystère de Dieu et lui fait confiance même dans lÂobscurité ! ». LÂApostolat de la Mer tire ainsi son dynamisme et sa mobilisation de lÂEspérance théologale vécue « au ras des vagues ». CÂest la raison pour laquelle
Pour ceux et celles qui veulent aller plus loin dans lÂapprofondissement de la Foi, la participation à la prière liturgique de lÂÉglise, la réponse à lÂappel du Seigneur en vue dÂexercer certains offices de responsabilités ou certains ministères, lÂApostolat de la Mer essaie de proposer des temps forts, et quelques « outils » bien ajustés ; cette demande exige beaucoup de lui ; il ne veut pas lÂéluder ; car lÂEspérance lui fait découvrir sur place et préparer progressivement de vrais témoins du Christ. Mais cela se demande dans la prière puisque lÂEspérance nous fait faire sans cesse le va-et-vient entre aujourdÂhui et demain. Il est temps de conclure : par tout cela, nous voyons que lÂApostolat de la Mer a pour mission dÂabord dÂêtre signe dÂÉglise dans réalités maritimes ; sans se localiser ni se cramponner dans des structures trop rigides, il lui faut être signe du navire  Église qui malgré sa fragilité poursuit son chemin dans lÂhistoire à travers tempêtes, dérives et écueils ; il assume cette mission jour après jour dans lÂEspérance, avec le Christ pour boussole, lÂEsprit-Saint comme vent favorable, lÂEucharistie pour viatique, Marie pour étoile et lÂÉglise comme support visible. « Maître, nous avons pêché toute la nuit sans rien prendre ! » dit Pierre à Jésus qui lui répond : « Repars au large (en eau profonde), relance ton filet, recommence[38] ! » tel est le programme de lÂApostolat de la Mer ; commenté avec le sourire par un moine breton, dans une formule étincelante : « Il nÂest au monde que deux grands métiers : pêcher des poissons au fond de la mer, pêcher des perles au fond de Dieu[39] ». CÂest cela que lÂEspérance inspire et fait vivre : découvrir déjà ce que le Seigneur nous destine. Tel un scaphandrier qui sÂenfonce en profondeur pour rapporter les merveilles des grand fonds, lÂEspérance théologale, à travers les projets et les engagements de lÂApostolat de la Mer, suscite un humanisme maritime chrétien ; elle nous permet surtout de découvrir dans ces galilées maritimes que sont les océans, Celui qui nous y précède et nous y appelle le Christ ressuscité, « lÂEspérance de la gloire[40] ». [1] Mt 7, 9. [2] Sermo 105, c4 n6. [3] 1 Petrus 3, 15. [4] C.E.C. 1817  sq. [5] Lc 12, 35-39. [6] Ro 7, 15.24a. [7] 2 Co 6, 4-5. [8] 2 Co 11, 23-30. [9] Rm 4, 16. [10] Rm 4, 18. [11] He 6, 19. [12] 1 Th 5, 8. [13] Charles Péguy : « La Porte du mystère de la deuxième vertu ». [14] C. E. C. : n° 1820. [15] Jn 16, 33 ; Jn 16, 22-23. [16] Lc 1, 26-30. [17] Gn 12, 1 ; 15, 5. [18] Heb 11, 8a-10. [19] Jn 3, 8. [20] L.G. 16 ; G.S. 38. [21] Ex 3, 7-10. [22] Jb 4, 27. [23] Jb 19, 25-sq. [24] Jb 4, 25 ; Mt 25. [25] 1 Tm 2, 4. [26] Ez 37, 11. [27] Ez 37, 13-14. [28] Si le projet de livre vert de la Commission Européenne reste Âuvre positive, il doit beaucoup plus insister sur ce dernier point. [29] Voir note 14. [30] Mt 16, 1-4. [31] 1 Th 5, 6. [32] Col 3, 11. [33] Mc 13, 5 Âsq. [34] Lc 10, 27. [35] Mt 26, 52-sq. [36] Ap 22, 20. [37] Ap 2, 7. [38] Lc 5, 4. [39] « Mer en Ré mineur » Père François CASSINGENA, moine de Ligugé  Ed. Gerfaut. [40] Col 1, 27.
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