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 Pontifical Council for the Pastoral Care of Migrants and Itinerant People

People on the Move

N° 109 (Suppl.), April 2009

 

MALI

 

Superficie 1 240 192 km².

Population 11 716 829 (estimation 2006)

Religions principales islam (90%), Religions traditionnelles (9%), christianisme (1%) 

Le Mali, traversé par le tropique du Cancer, est un pays enclavé, sans accès à la mer.

Il est bordé par l’Algérie au nord-est, le Niger au sud-est, le Burkina, la Côte d’Ivoire et la Guinée au sud, le Sénégal et la Mauritanie à l’ouest.

1) la migration au Mali fait partie de la vie sociale; en effet, vivant dans un pays au climat désertique, avec une saison de pluie qui dure  4 mois au maximum, les gens n’ont pas beaucoup d’activités pendant les 6 à 8 mois qui restent, ainsi beaucoup sont obligés de partir et chercher des activités dans d’autres pays. Selon les statistiques de l’Etat Malien, sur 12 million de la population, 4 millions de maliens sont en migration dont 3.5 dans les autres pays africains, et seulement 0.5 millions dans les pays du nord (Europe et Amérique).

2) le Mali a des accord avec des pays maghrébins (Maroc, Algérie, Tunisie, Libye et Mauritanie), les ressortissant maliens n’ont pas besoin d’un visa pour rentrer et travailler dans ces pays, ainsi beaucoup d’africains passent par le Mali, ils cherchent illégalement les passeports maliens et vont dans les pays maghrébins, en vu de transiter pour aller en Europe clandestinement.

3) pour beaucoup d’Africains, pendant longtemps les pays maghrébins étaient juste des pays de passages / transits pour aller en Europe. Mais depuis peu de temps, beaucoup de personnes sont bloquées dans ces pays, ils ne peuvent plus ni continuer ni retourner chez eux, cela à cause de la politique européenne de externalisation de frontière (sur laquelle les pays maghrébins sont des pays dotés des moyens modernes de surveillance) pour ainsi devenir les gendarmes d’Europe.

4)  Le Mali figure dans toutes les catégories des immigrations.

  1. C’est un pays de départ – beaucoup de gens quittent le Mali
  2. C’est un pays de transits – beaucoup de gens passent au Mali pour continuer leur voyage
  3. C’est un pays de destination, – quelques uns quittent chez  eux en vu de s’installer au Mali.
  4. C’est un pays de refoulement – beaucoup des gens qui ont échoué, ont été refoulés, se trouvent au Mali.

5) voyant les catégories des migrations qui existent ici au Mali,  une des plusieurs voies pour l’Eglise d’être présente auprès des migrants, c’est par l’accompagnement :

a) de ceux qui sont déjà dans la migration

- migration interne

Accompagnement pour les maliens qui se trouvent loin de leur région d’origine, (dans les grandes villes comme Bamako) exemple auprès des  étudiants, des filles de ménages (bonnes) et des petits travailleurs saisonniers dans nos villes.

- migration sud - sud.

Pour les étrangers dans nos pays et pour les ressortissants de nos pays qui se trouvent à l’étranger.

Pour le moment la communauté anglophone composée majoritairement par les ressortissants du Nigeria et Ghana, a une équipe de prêtres qui les accompagnent.

- migration sud - nord, voire nord-sud (souvent rien n’est proposé aux étrangers européens qui se trouvent dans notre pays)

b) des migrants potentiels

- beaucoup de gens surtout les jeunes sont des migrants potentiels. L’Eglise les accompagne en leur donnant des informations, en les  préparant à ceux qui les attendent … tout ça pour éviter le choc culturel et des abus comme l’escroquerie.

c) de ceux qui ont échoué

- beaucoup ne réussissent pas leur but de leur migration, ils se trouvent refoulés ou dans la rue parce qu’ils n’ont pas pu s’intégrer ou trouver du travail dans leur voyage.  

C’est surtout de ce dernier groupe que je vais vous parler car dans la paroisse où je travaille nous avons à faire avec eux pratiquement quotidiennement. 

1) La situation générale

a) La paroisse de Gao regroupe les trois régions du nord Mali à savoir Tombouctou, Gao et Kidal sur une superficie de 820 000 Km2. La seule paroisse de Gao fait frontière avec 4 pays de la sous région : la Mauritanie, l’Algérie, le Niger et le Burkina Faso. C’est ainsi que Gao est une plaque tournante des migrations. Cela est presque un passage obligé pour tous ceux qui veulent aller en Europe (clandestinement)  via les pays maghrébins.

Mais depuis deux ans, Gao est devenue un lieu  de passage, presque incontournable pour le phénomène du refoulement. C’est un passage obligé car tous les refoulés d’Algérie, de Mauritanie, du Maroc et de la Lybie sont conduits systématiquement vers Tinzaouten. (Une zone de ‘no man’s land’ entre la frontière du Mali et de l’Algérie). De là ils cherchent à arriver à Kidal et à Gao pour continuer leur voyage.

      Selon nos statistiques aussi, depuis le commencement de cet accueil et accompagnement « structuré » des migrants, nous avons accueilli plus de 1.300 personnes. Presque toutes les nationalités d’Afrique centrale et de l’ouest sont passées sauf le Gabon, avec une majorité de camerounais, ghanéen, libériens et nigérians.

Selon leur aspiration et les activités qu’ils mènent, nous pouvons parler de deux groupes de refoulés:

1er, ceux qui ont voulu aller en Europe et qui ont échoué.

2ème, ceux qui travaillaient ou étudiaient, soit au Maroc, soit en Algérie et qui, un jour,  se sont trouvés dans les mains des patrouilles de police qui les ont mis dans les camions de refoulement.

    Et ces deux groupes aussi, selon leur aspiration pour l’avenir, nous pouvons les diviser en 3 groupes.

1) Le premier  groupe est composé de ceux qui veulent retourner chez eux, qui veulent continuer leur voyage jusqu’à leur pays d’origine. Pour le moment nous nous occupons essentiellement de ce groupe.

2) Il y a le groupe de  ceux qui ne veulent pas retourner chez eux,  à cause de la honte, de l’échec. Ils cherchent donc à s’installer à Gao ou dans d’autres villes du Mali ; ils ne veulent plus « remonter en Europe » et en même temps ils ne veulent pas retourner chez eux. Ils sont en train de chercher des moyens de survivre.

Nous voyons la possibilité de les aider à s’installer convenablement ; car comme ils disent eux même « la vie peut être n’importe où ;  l’essentiel, c’est de la gagner honnêtement ».

3) Le troisième groupe est de ceux qui veulent retourner en Europe, soit par le désert,  soit par la mer (en changeant de direction vers la Mauritanie et les îles canaries), soit  par d’autres moyens, mais pour eux le but est toujours celui d’entrer en Europe ; pour  eux, leur présence à Gao est un moment pour chercher un passeport malien, ou une carte d’identité malienne (qui leur permettra d’entrer facilement en Mauritanie ou dans les pays Maghrébins où les Maliens n’ont pas besoin de visa), pour chercher des moyens financiers pour recommencer le voyage et pour le moment, comme dit la majorité, laisser la situation se calmer, car ils sont convaincus que tôt ou tard la route vers l’Europe sera ouverte à nouveau.

      Tous ces gens nous arrivent souvent fatigués, physiquement, psychologiquement et moralement. Ils sont souvent malades. Parmi eux, il y en a qui ont fait la prison où les conditions d’hygiène sont lamentables : il y en a qui ont eu des accidents, ils n’ont rien pour se procurer à manger, souvent sans autres habits de rechange que ceux qu’ils portent sur eux (naturellement très sales et fatigués aussi)

        Ils sont fatigués moralement car pour beaucoup, ce refoulement est la fin de leur rêve, c’est un échec, ils ont beaucoup investi, beaucoup sacrifié (on parle jusqu'à la somme de 4000 euros) ; ils ont honte d’affronter leur famille, leurs amis, sans rien dans leurs mains.

       La situation de leur refoulement aussi n’aide pas, car souvent ils sont fouillés, on a pris leurs papiers, on leur interdit de retourner dans leurs chambres, logement pour prendre le peu qu’ils possèdent. Bref, souvent là où on te trouve, c’est là que tu prends ton camion, ou on t’amène en prison même si tu es en face de ton logement.. ; En plus, on dit que il y a des policiers qui confisquent les papiers, les cartes d’identités et les passeports. Ainsi ils se retrouvent sans papiers et donc deviennent des immigrés  illégaux. 

Leur besoins

1/ Transport,

Ils sont tous de passage, personne parmi eux  veut rester à Gao, la majorité veut retourner chez eux pour recommencer leur vie, donc pour eux le plus grand besoin c’est le moyen de transport pour sortir de Gao.

2/ la santé

Ils sont souvent fatigués et malades, affaiblis par les voyages et le manque hygiène et de nourriture. Il y a ceux qui sont troublés mentalement. Ils ont donc besoin d’être soignés et d’être soutenus psychologiquement.

3/ nourriture

Ils n’ont rien pour se procurer à manger.

4/ logement

Puisqu’il n y a plus des ghettos pour les accueillir comme auparavant soit parce qu’il n’y en n’a plus soit parce qu’il ne peuvent pas se payer le séjour, ils dorment souvent dans les places publiques, dans les stades vides, parkings de bus, dans les baraques de restaurants. Rare sont ceux qui sont accueillis dans les familles maliennes ou par leurs compatriotes installés à Gao.

Quelques uns retournent dans leur ancien « ghetto », mais ils ne sont pas bien accueillis, et même s’ils sont accueillis, ils ne sont pas nourris.

5/ communication

Pendant longtemps, surtout durant le refoulement, ils ont perdu le contact  avec leur famille et leurs amis.

Ces contacts souvent sont le seul moyen de pouvoir trouver de l’argent par « western union » qui va leur permettre de continuer leur voyage

       a) A notre connaissance, aucune ONG, association ou organisation locale ou internationale n’œuvre à plein temps pour accueillir ou aider ces migrants dans le territoire de notre paroisse.

Certes, des informations, des sensibilisations de notre part ont été faites et adressées à beaucoup d’ONG, associations et au Ministère qui devrait s’occuper de ces gens là.

    Etant presque la seule organisation qui s’occupe de ces migrants, l’église catholique est devenue  presque « victime de son action »,  dans tout le désert, on sait que les refoulés échoués à Gao peuvent aller à la mission catholique pour une aide. 

b) De nombreux refoulés sont toujours bloqués à Tinzaouten et à Kidal, soit par manque de moyens financiers, soit parce qu’ils ne veulent pas retourner chez eux pour le moment, ou bien ils cherchent à retourner vers l’Europe. Aussi la situation de la rébellion de Touaregs au nord du Mali ne facilite pas les choses; pour le moment, c’est très difficile d’aller à la frontière à cause de cette rébellion.

c) vu notre budget et le nombre des gens qui nous arrivent, sauf dans les cas exceptionnels de malades ou s’il y a une voiture directe vers leur pays d'origine, nous avons décidé de les faire voyager vers les villes les plus proches qu’ils peuvent atteindre en car à partir de la ville de  Gao; mais nous n’arrivons pas à assurer leur voyage jusqu’à leur pays d’origine.

         Nous sommes conscient que, en décidant d’aider seulement les gens vers les villes comme Bamako, Mopti, Niamey ou Sikasso tout en sachant qu’ils souhaitent aller plus loin que ça, vers leur pays……. nous ne faisons que nous débarrasser du problème, « loin de notre vue, moins de culpabilité » ; beaucoup de ces gens que nous avons aidés à quitter Gao sont bloqués de nouveau dans ces villes où nous les avons envoyés. Car l’expérience nous montre qu’il n’y a pas beaucoup d’associations pour les aider dans ces villes.

d) Malgré les informations données, les souffrances vécues, voire même plusieurs refoulements,  beaucoup de ces gens continuent  à vouloir partir. Cela peut s’expliquer par le fait que beaucoup de ces migrants sont convaincus qu’ils ne peuvent pas vivre ni gagner mieux leur vie chez eux,  ou bien ils ont trop investi pour décider d’abandonner leur voyage ici à Gao.   

   Nous savons clairement que la vraie source de la migration est la pauvreté, le chômage, la mal gérance  du bien commun et la corruption, car ces gens partent pour chercher une meilleure vie. Nous nous sentons dépassés par ce problème.

   Ces jeunes sont déterminés à aller jusqu’au but.. voire jusqu’à la mort, comme ils le disent; ce n’est pas la mort, ou les conditions difficiles de voyage et autre souffrance qui vont les décourager, c’est plutôt l’espoir d’arriver là où leur vie peut changer, là où il peuvent mieux gagner leur vie.

e) Activités menées par l’église

- Depuis deux ans nous essayons d’agir, tout d’abord en soulageant les souffrances, en informant les autres qu’il y a une souffrance causée par la migration clandestine et surtout en cherchant à combattre les sources diverses de migrations clandestines.

- En plus des activités d’accueil et d’aide pour soulager la souffrance (transport, santé, communication avec leur famille, nourriture) et des activités d’écoute, d’accompagnement (psychologique, spirituel, juridique et social), 

-  Nous avons essayé d’attaquer  le problème à sa source, à savoir : faire de la sensibilisation un point de départ (surtout à Bamako où ils prennent leur bus et où ils se mettent en contact avec les passeurs de Gao qui vont les jeter dans le désert) : avant qu’ils ne prennent la route, qu’ils sachent exactement ce qui les attend en vue de les décourager.

-  Nous avons aussi essayé d’aider, d’accompagner juridiquement, spirituellement, matériellement, socialement ceux qui désirent rester et s’installer à Gao.  

Conclusion

Au début c’était pour un temps, on s’engageait juste pour secourir quelques refoulés bloqués dans la paroisse et on pensait : ça va finir dans un peu de temps !..... ce peu de temps est devenu 2 ans et nous commençons notre 3 année. Les gens continuent à se faire refouler, certes il n’y a pas un groupe de 50 personnes qui nous arrive  à la foi comme au début, mais les gens continuent à venir, et la mission catholique est devenue victime de son action.. Jusqu’à quand ? On se pose souvent la question, et évidemment la réponse est : tant qu’il y a la souffrance, tant qu’il y a les gens qui ont besoin d’être aidés nous ne pouvons pas rester indifférents. Certes notre manière d’être présents peut changer et a déjà changé… certes quand il n’y aura plus l’argent on ne pourra plus  mener autant d’actions, mais tant qu’il y aura les gens à aider nous allons le faire.. Car l’Eglise est comme un témoin de la présence du royaume de Dieu, on  ne peut pas rester  sans rien faire, nous nous sentons obligés de faire quelque chose ;  car c’est notre devoir d’être là où l’on souffre.

Il nous faut aussi aller plus loin que la charité, chercher la justice, attaquer le pourquoi de ce refoulement dans les conditions difficiles, attaquer les raisons de départ.. Pourquoi le jeune décide-t-il de partir  de chez lui ? Nous savons que cela demande beaucoup de temps, d’énergie. Sensibiliser, participer aux réunions et être là où l’on peut toucher les décideurs.

Malheureusement, en attendant beaucoup de jeunes veulent partir, parce q’ils n’ont pas une raison de rester chez eux disent ils, n’y aura-t-il pas un moyens de les aider pour qu’ils restent, pour qu’ils trouvent l’espoir et la confiance chez eux ? certes partir, circuler est un droit, mais nous avons à faire avec les jeunes qui sont obligés, forcés de partir. N’y aura-t-il pas un moyens pour que les jeunes se sentent à l’aise chez eux et ceux qui veulent partir, partent non pas parce qu’ils sont obligés, mais parce qu’ils ont choisis de le faire ?

Le temps presse, la souffrance de nos jeunes ne peu pas nous laisser indifférents, c’est le temps de chercher ensemble une solution adéquate à ce problème.

Je vous remercie.

 

Rev. Fr. Anselm MAHWERA

Missionnaire d’Afrique

 

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