The Holy See
back up
Search
riga

INTERVENTION DU SAINT-SIÈGE
À LA VIème ASSEMBLÉE DES ETATS PARTIES
À LA CONVENTION SUR L'INTERDICTION
DE L'EMPLOI DES MINES ANTIPERSONNEL

INTERVENTION DE S.E. MGR FRANCISCO-JAVIER LOZANO*

Zagabria (Croatie)
28 novembre - 2 décembre 2005

  Monsieur le président!

Je voudrais de prime abord exprimer ma satisfaction de voir notre réunion cette année se dérouler en Croatie, exemple réussi d'une politique dynamique et efficace dans le domaine de la lutte contre le fléau des mines antipersonnel. Pays de l'Europe centrale, fier de ses valeurs morales, et qui s'achemine avec décision vers sa pleine intégration à l'Union européenne. Je voudrais aussi exprimer la gratitude de ma délégation pour les efforts importants que les autorités croates ont fournis afin de faire de cette rencontre une réussite. Qu'il me soit permis d'exprimer aussi la satisfaction du Saint-Siège pour l'excellent travail que l'Autriche a fait tout au long de l'année dernière et particulièrement pour l'engagement personnel du Président sortant l'Ambassadeur Wolfgang Petritsch.

Si l'objectif ultime de la Convention d'Ottawa est le respect de la sécurité et de la dignité de la personne, les survivants et les victimes des mines antipersonnel devraient être le centre de toutes nos délibérations. La traduction concrète d'une telle position est, d'un côté, de prévenir que des personnes deviennent des victimes à travers l'interdiction de la production et l'utilisation, la destruction des stocks, le déminage et l'universalisation des obligations de la Convention et d'un autre côté, d'apporter l'aide nécessaire à ceux qui ont eu le malheur d'être des victimes des mines antipersonnel, afin de recouvrer une place digne au sein de la société. Une place digne signifie avant tout être traité comme une personne à part entière, autonome, active et participant à l'édification d'une société prospère et solidaire. Sur le long terme, prévention et solidarité nous semblent être les deux axes d'une politique efficace et respectueuse des personnes, des familles et des communautés touchées ou potentiellement à risque.

Le Saint-Siège, à travers ses institutions impliquées dans l'action antimines dans des dizaines de pays, cherche à ramener les personnes affectées à la normalité maximum, celle d'être écolier, étudiant, paysan, ouvrier, artisan ou profession libérale; celle d'être père ou mère de famille; celle d'être un membre à part entière de la société dans laquelle on vit. L'éducation et la formation sont le moyen idéal sur le chemin de la réintégration sociale, économique et politique.

Monsieur le Président!

Une caractéristique essentielle de notre temps est celle de l'interdépendance. Cela est vrai sur le plan économique, politique, sécuritaire, etc. Cette réalité l'est encore plus au niveau de l'action antimine. La sécurité et le développement des uns ne peuvent pas se conjuguer avec l'instabilité et les conflits sans fin des autres. L'interdépendance nécessite  une  coopération  sincère et efficace.

Cette coopération est le fondement des succès de notre Convention. Le travail en commun des gouvernements, des agences des Nations Unies et de la société civile fait la différence. Ce modèle devrait être aussi appliqué sur le terrain dans le domaine de l'assistance aux victimes et de leur réintégration totale depuis l'analyse de la situation en passant par la définition des politiques appropriées jusqu'à la mise en oeuvre des plans adoptés.

L'interdépendance et son corollaire de coopération sont le plus à rechercher au niveau national dans la quarantaine de pays qui comptent les victimes par milliers. L'absence de la solidarité nationale pour faire face à ce problème risque dans la plupart des cas de mettre en cause la sécurité, la stabilité et la paix difficilement atteintes. La prise en compte des besoins des victimes, des survivants et des communautés affectées dépassent de loin le cadre  strictement  humanitaire.   Dans beaucoup de cas, cela est la condition nécessaire au développement des régions affectées et quelques fois du pays en tant que tel.

Il est vrai que tout gouvernement porte la responsabilité primaire à prendre en charge les victimes des mines antipersonnel sur son territoire. Mais il est aussi vrai que la Communauté internationale, pays donateurs et agences de développement, a la responsabilité d'assister les pays affectés afin de prévenir les injustices et les risques d'instabilité. La responsabilité de protéger présuppose au moins sur un plan éthique la responsabilité de prévenir à travers une aide appropriée aux victimes afin d'ouvrir la voie au développement qui est l'autre nom de la paix. C'est pourquoi, l'aide aux victimes devrait s'inscrire dans une politique plus large que l'aide humanitaire. Tous les acteurs (ONG, Gouvernement national, pays donateurs, agences de développement) devraient travailler ensemble en vue de créer les conditions d'un vrai développement global:  humain, économique, social et politique.

Monsieur le Président!

Les victimes des mines antipersonnel ne devraient pas être aussi les victimes de la discrimination. Ils n'attendent pas une aide pour survivre mais plutôt la mise en place des conditions qui leur permettent d'être des membres à part entière des sociétés dans lesquelles ils vivent et où ils seraient en mesure d'apporter leur contribution à la prospérité et à la paix car ils sont les premiers à réaliser dans leur chair et leur existence quel est le prix des mines antipersonnel.

Monsieur le Président, je vous remercie!


*L’Osservatore Romano, 14.12.2005 p.2.

L'Osservatore Romano. Edition hebdomadaire en langue française n.51 p.10.

 

top