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Mgr Silvio LUONI

Intervention à la 28e Assemblée mondiale de la santé*

Genève, 22 mai 1975




Monsieur le Président

Il est à peine besoin de redire à cette tribune l’intérêt que porte le Saint-Siège aux activités de Organisation mondiale de la santé qui se trouve assumer un des services les plus fondamentaux rendus à l’humanité dans sa lutte contre la maladie, l’ignorance et la misère.

Aussi les rapports de l’Organisation et les documents de ses diverses sessions font-ils l’objet d’un examen attentif et a priori sympathique de notre part. Un examen en profondeur du très riche rapport du directeur général serait certainement plus complet mais. en prenant la parole dans le cadre du débat général, l’observateur du Saint-Siège se limitera, par manque de temps, avec la déférence mais aussi avec la franchise qui nous sont dues, à des réflexions à propos du chapitre traitant de la famille. Un sujet pour lequel notre intérêt est constant mais qui nous semble revêtir une signification particulière en cette Année mondiale de la femme et aux lendemains de la Conférence mondiale de la population à Bucarest où il a été au centre des travaux d’une Commission spéciale et de débats au sein du groupe de travail chargé d’élaborer le plan d’action mondial. C’est donc avec plaisir que la délégation du Saint-Siège félicite le directeur général pour l’importance donnée au sujet de la santé et la famille, importance soulignée par toute la place qui lui est consacrée dans le rapport annuel

Encore que certains aujourd’hui le contestent, la famille reste bien, en effet, selon l’excellente définition de la Déclaration universelle des Droits de homme, art. 16. § 3 – l’élément naturel et fondamental de la société - qui a droit à la protection de la société et de l’État. L’importance de la santé dans la famille a à peine besoin d’être soulignée. La santé de chacun y est affaire de tous et parmi les besoins essentiels figure celui d’un recours compé­tent et expérimenté pour faire face aux problèmes posés par  l’évolution physique et psychique des membres de la famille, les accidents qui peuvent la frapper, les maladies plus ou moins graves auxquelles ils sont exposés

Se référant à l’idée que se fait présentement l’OMS de son rôle, le directeur général écrit dans son introduction. «Elle s’efforce aujourd’hui de traduire ce principe définissant la santé dans sa constitution, dans les faits, recherchant les moyens d’assurer, entre l’homme et son environnement, un équilibre durable qui le rendrait sans doute moins vulnérable à la maladie et lui permettrait de mener une existence plus productive et plus attrayante» (P 10.) Encore et cela soit dit avec tout respect – que les termes de «productivité» et «d’attrait» nous paraissent fort en deçà de la définition d’une authentique «qualité de vie», nous nous rangeons sans conteste à l’idée d’assurer un équilibre durable entre l’homme et son environnement.

Nous sommes heureux de lire dans ce sens au chapitre sur la «santé de la famille» du rapport du directeur général, que l’Organisation s’emploie à chercher et à promouvoir de nouvelles voies pour l’éducation sanitaire des mères, des enfants et de la jeunesse en particulier, aux fins de leur protection contre les facteurs nocifs de la vie moderne (2, 63). Le contexte d’où cette phrase est tirée montre que très justement on ne se borne pas à envisager ici les seuls facteurs physiques ou biologiques.

Il nous paraît également que dans cette perspective le souci de la santé de la famille, une des victimes principales des agressions du milieu contemporain, tiendrait une place primordiale. L’approche de la Conférence sur l’habitat, à laquelle l’OMS compte apporter la contribution qui lui revient de par ses fonctions, nous rend attentifs à un des problèmes d’environnement capital pour la famille et dans lequel les aspects sanitaires sont fondamentaux. L’exercice par la famille de ses libertés fondamentales n’est-il pas souvent entravé du fait des conditions d’habitat qui lui sont imposées par la culture ambiante, les systèmes économiques contemporains, ou parfois aussi par l’autorité politique elle-même?

Pour en venir aux secteurs spécifiquement touchés par le chapitre du rapport relatif à la santé de la famille, c’est bien l’approche interdisciplinaire préconisée qui est la plus prometteuse pour donner à la famille les garanties qu’elle est en droit d’attendre de la part de la médecine et des sciences auxiliaires. A la lumière des travaux de la récente Conférence mondiale de l’alimentation à Rome, il convient de souligner le rôle capital des problèmes d’alimentation et de nutrition et, en conséquence, d’éducation des ménages et notamment des épouses et des mères. Nous rappelons ici que de nombreuses voix se sont élevées à Rome pour indiquer qu’une amélioration et une révision énergique des pratiques en la matière ne concernaient pas seulement les pays en voie en développement, mais étaient à envisager avec l’urgence la plus grande dans les pays où règnent des civilisations d’abondance ou de consommation, C’est un domaine sur lequel l’OMS se doit d’élaborer et de diffuser des indications claires et convaincantes car les habitudes contractées, renforcées par tout un complexe de facteurs économiques et sociaux ne seront pas aisées à transformer

A propos des services de santé maternelle et infantile, l’introduction au rapport dit excellemment que «leur mission consiste avant tout à assumer la santé de la femme enceinte, le déroulement satisfaisant de l’accouchement et la protection sanitaire du nouveau né et du jeune enfant» (p. 13). Mais, d’après l’introduction, les services ayant pour but d’«aider les parents à fixer l’espacement des naissances et la taille de la famille» (ibid.) se situent à un niveau beaucoup moins important.

Aussi n’y a-t-il pas un certain déséquilibre résultant dans le chapitre sur la santé de la famille du fait que la prépondérance y est manifestement donnée aux problèmes de la planification familiale? Sans mettre an question l’importance des aspects sanitaires de la régulation des naissances, une organisation médicale mondiale ne saurait lui consacrer dans son programme pour la santé de la famille une place telle qu’elle en vienne à tenir dans ses préoccupations plus de place que les autres sujets. Nous ne croyons pas que c’est mal interpréter ce chapitre que de parler ainsi. La lecture de tout son texte montre la fréquence avec laquelle y revient, à des titres divers, la planification familiale, outre les nombreux paragraphes qui lui sont expressément consacrés.

Le sujet prend ainsi un relief et une situation à part qui ne s’accordent guère avec un des points les plus incontestablement acquis à Bucarest, à savoir que la régulation des naissances, plutôt que d’être poursuivie comme une fin en elle-même, doit s’opérer dans le respect des droits de l’individu et de la famille, comme le fruit d’une poursuite globale d’un développement intégral et d’un équilibre pleinement humain

A cet égard, il est regrettable que la recherche de l’OMS dans le domaine de la reproduction humaine semble être orientée presque exclusivement vers la technologie médicale et pas assez par le sens de la dignité et de la responsabilité humaines, dans le respect des principes et des valeurs, morales.

Etant donné que, surtout dans les pays en voie de développement, les programmes se déroulent souvent dans des communautés qui n’ont pas encore achevé leur lutte contre l’analphabétisme, les recherches devraient en tenir compte et se consacrer davantage à l’éducation sanitaire et aux aspects psychologiques et culturels de la régulation des naissances. Il faut s’assurer, en effet, que les couples comprennent bien les répercussions et les incidences des interventions qu’ils sont amenés à accepter.

Surtout c’est avec le plus grand souci que l’on constate la radicalisation toujours plus grande dans le recours à des méthodes de limitation des naissances dont la valeur morale est de plus en plus contestable. Autrefois, on établissait au moins une certaine graduation entre contraceptifs, stérilisation et avortement, aujourd’hui, on voit aux paragraphes 2.103 et 2.104 du rapport la stérilisation classée sans plus parmi les méthodes de contraception et au paragraphe 2.113 un processus qui est un avortement – l’interruption de la grossesse pourrait intervenir au cours du deuxième trimestre – enregistré au milieu d’une série de méthodes de régulation de la fécondité. Ceci préoccupe d’autant plus lorsqu’on sait le montant important des fonds destinés aux recherches sur les processus d’avortement. A plusieurs reprises déjà, notre délégation a souligné à cette tribune la grave infraction à l’éthique humaine et médicale que constitue le recours à l’avortement. Elle rejette également on le sait, la stérilisation et toutes méthodes non naturelles de régulation des naissances

A ce propos, la délégation du Saint-Siège ne peut pas cacher un certain étonnement devant la façon hâtive avec laquelle le paragraphe 2.117 affirme qu’en matière de régulation naturelle «peu de progrès ont été réalisés et peu d’idées pratiques se sont fait jour». Selon les avis de nos experts et nos informations, une vue aussi négative est loin d’être justifiée par les faits

Mais, plus grand encore est l’étonnement de la délégation du Saint-Siège devant l’indifférence totale que comportent les activités décrites dans le rapport en ce qui concerne les facteurs éthiques engagés.

Pourtant il serait normal que l’Organisation mondiale de la santé promeuve une observation ne la déontologie médicale qui fournisse le garantie de toute activité sanitaire et qui constitue son honneur. A ce propos, qu’il me soit permis, Monsieur le Président, de vous dire combien la délégation du Saint-Siège a été heureuse d’entendre votre allocution si élevée sur la noble tâche du médecin

Monsieur le Président, Nous sommes arrives à un moment de l’histoire où beaucoup mettent volontiers en question la doctrine reçue par les meilleurs esprits de l’humanité et de la profession médicale sur le respect de la vie et sur ses lois. Le Saint-Siège doit à l’estime qu’il porte à l’OMS le souci constant de la voir en ce domaine à l’avant-garde de la défense de valeurs fondamentales dont une certaine recherche purement technologique, souvent, ne tient pas suffisamment compte.

Merci, Monsieur le Président.



*A/28/VR/54 p.283-285.

L'Osservatore Romano 24.5.1975 p.1.

L'Osservatore Romano. Edition hebdomadaire en langue française n.23 p.11.

La Documentation catholique, n.1682 p.773-775.

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Mons. Silvio Luoni

Statement at the 28th Assembly of the World Health Organization**

Geneva, 22 May 1975

 


It is hardly necessary to repeat from this rostrum the interest that the Holy See takes in the activities of the World Health Organization, which is in charge of one of the most fundamental services rendered to mankind in its struggle against disease, ignorance and want.

So the reports of the Organization and the documents of its various sessions are the object of careful study on our part, in a spirit that is a priori sympathetic. An examination in depth of the Director-General's very valuable report would certainly be more nearly complete, but speaking in the framework of the general discussion, the Holy See Observer will limit himself, for lack of time, with the deference but also the frankness due to you, to reflections on the chapter dealing with the family – a subject in which our interest is constant, but which seems to us to take on a particular significance in this Women's International Year and immediately after the World Population Conference in Bucharest where it was at the centre of the work of a special Commission and of discussions within the Working Group charged with drawing up the World Plan of Action. It is with pleasure, therefore, that the Holy See Delegation congratulates the Director-General on the importance given to the subject of Health and the Family, an importance emphasized by the place given to it in the Annual Report.

Although it is contested in some quarters today, the family certainly remains, according to the excellent definition of the Universal Declaration on Human Rights, art. 16, par. 3: «the natural and fundamental element of society» which «is entitled to the protection of society and the State». It is hardly necessary to stress the importance of health in the family; the health of each member is the business of them all; and among the essential needs is that of competent and proven resources to meet the problems raised by the physical evolution of the members of the family, the accidents that may occur, the more or less serious illnesses to which they are exposed.

Referring to WHO's conception of its role at present, the Director-General writes in his introduction: «Today it endeavours to express this principle defining health in its Constitution, in actual facts seeking the means of ensuring a lasting balance between man and his environment, which would certainly make him less vulnerable to disease and would enable him to lead a more productive and attractive existence» (p. X). Although – let it be said with all respect – the terms «productive» and «attractive» seem to us to fall far short of the definition of an authentic «quality of life», we agree without question to the idea of ensuring a lasting balance between man and his environment.

We are happy to read in this regard in the chapter on the «Health of the Family», in the Director-General's Report that «the Organization is doing everything in its power to seek and promote new ways for the health education of mothers, children and youth in particular for the purposes of their protection against the harmful factors of modern life» (2. 63). The context from which this sentence is taken shows that, very rightly, the factors envisaged here are not merely physical or biological ones.

It also seems to us that, in this perspective, concern for the health of the family, one of the main victims of the aggressions of the contemporary environment, would have a place of prime importance. The approach of the Conference on Habitat, to which WHO expects to make the contribution that its functions call for, draws our attention to one of the essential problems of environment for the family, a problem in which health aspects are fundamental. Is not the family's exercise of its basic rights often hindered by the fact of the conditions of habitat imposed on it by the prevailing culture, contemporary economic systems or sometimes even by the political authority itself?

To come to the sectors specifically touched upon by the chapter of the Report on the health of the family, it is certainly the interdisciplinary approach advocated that is the most promising one: to give the family the guarantees it is entitled to expect from medicine and auxiliary sciences. In the light of the work of the recent World Food Conference in Rome, the vital role of food and nutrition problems, and consequently of the education of married couples, and particularly of wives and mothers, should be stressed. We recall here that many voices were raised in Rome to indicate that an improvement and drastic revision of practices in this matter concerned not only the developing countries, but were to be envisaged urgently in countries in which abundance and consumer societies prevail. In this field WHO owes it to itself to work out and promote clear and convincing indications; for habits, contracted and strengthened by a whole complex of economic and social factors, will not be easy to transform.

In connection with mother and child care services, the Introduction to the Report admirably states that «their mission consists above all in caring for the health of the pregnant woman, satisfactory confinement and health protection of the infant and young child» (p. XIII). But, according to the Introduction, the services aimed at «helping parents to space out births and the size of the family» (ibid.) are at a far less important level.

Hence, is there not a certain imbalance in the chapter on «Family Health» where preponderance is clearly given to family planning problems? Without questioning the importance of the health aspects of the regulation of births, a world medical organization cannot assign such preeminence to it in its programme for family health as to give it precedence over other subjects; we do not think we are misinterpreting this chapter when we speak in this way. A reading of the entire text shows how frequently family planning is mentioned, in different connections, in addition to the numerous paragraphs expressly dedicated to it.

The subject thus takes on an importance and special position that do not agree with one of the points that won unquestionable acceptance at Bucharest, namely, that the regulation of births, rather than being considered an end in itself, should be carried out in respect of the rights of the individual and the family, as the fruit of an overall pursuit of complete development and fully human balance.

In this connection, we deeply regret that the research of WHO in the field of human reproduction seems to be directed almost exclusively to medical technology and not sufficiently by the sense of human dignity and responsibility, in respect of principles and moral values.

Since, in developing countries particularly, the programmes are often carried out in communities that have not yet won their struggle against illiteracy, research should take this into consideration and pay more attention to health education and the psychological aspects of the regulation of births. It is necessary, in fact, to make sure that couples clearly understand the repercussions and impact of the interventions they are induced to accept.

Above all, it is with the greatest concern that we note the increasing radicalization in the recourse to birth control methods whose moral value is more and more questionable. Formerly, at least a certain gradation was established among contraceptives, sterilization and abortion; today, as is seen in par. 2,013 and 2,104 of the Report, sterilization is classified directly among contraceptive methods and in par. 2,113 a process which is an abortion is recorded in the midst of a series of methods for regulating fertility. This is all the more worrying when it is known that large sums are allocated to research on abortion processes. Our Delegation has already pointed out from this rostrum on several occasions that abortion constitutes a most serious violation of human and medical ethics. It also rejects, as is known, sterilization and all non-natural methods of regulating births.

In this connection, the Delegation of the Holy See cannot conceal a certain surprise at the hasty way in which paragraph 2,117 states that «little progress has been made and few practical ideas have been put forward» in the field of natural regulation. According to our information and the opinions of our experts, such a negative view is far from being justified by the facts.

But the astonishment of the Holy See Delegation is even greater at the complete indifference that the activities described in the Report show with regard to the ethical factors concerned.

It would be normal, however, that the World Health Organization should promote observance of medical ethics, which guarantees all health activity and constitutes its honour.

We have reached a moment in history when many people like to question the doctrine accepted by the finest minds of mankind and of the medical profession on respect of life and its laws. The Holy See, owing to the esteem it has for WHO, presses its concern to see it in this field in the vanguard of the defence of fundamental values, which a certain purely technological research often does not take into sufficient consideration.

 


*Paths to Peace p.457-459.


 

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