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INTERVENTION DE L'OBSERVATEUR PERMANENT 
DU SAINT-SIÈGE 
LORS D'UNE SESSION PLÉNIÈRE
DE L'ASSEMBLÉE GÉNÉRALE DE L'O.N.U.
SUR LE THÈME DE LA CULTURE DE LA PAIX

Jeudi, 2 novembre 2000


Monsieur le Président,

Le siècle qui touche à sa fin restera gravé comme un siècle d'immense progrès scientifique, mais également d'extraordinaire violence. Il s'est agi d'un siècle au cours duquel des millions de personnes ont été victimes de deux Guerres mondiales et d'innombrables autres guerres et conflits internes atroces; ce fut le siècle de l'holocauste et des multiples génocides, des camps de concentration et d'extermination, de la haine et de la purification ethnique.

Le siècle qui commence pourrait pourtant être un siècle de paix. Telle doit être l'espérance de cette organisation, de la Communauté des nations et de toute l'humanité. L'UNESCO et l'UNICEF ont tout deux proclamé une "décennie pour une culture de paix et de non-violence pour les enfants du monde". Chacun doit Âœuvrer afin que cette aspiration devienne une réalité.

La Famille des Nations doit
Âœuvrer pour que cela devienne une réalité précisément pour le bien de tous les enfants du monde d'aujourd'hui, dont un grand nombre n'a jamais connu que la guerre. Nous devons faire en sorte que cela devienne une réalité afin de donner à ces enfants et à tous les enfants du siècle un nouvel espoir et un nouvel avenir. En réalité, ce sont les enfants du monde qui feront ce choix pour la paix. Cette génération doit les mettre en condition de le faire à travers la création d'une véritable culture de la paix.

La première exigence d'une culture de la paix est de réaffirmer la conviction que la guerre ne représente plus le moyen de résoudre les conflits entre les nations ou les peuples. Le Pape Jean-Paul II a répété à plusieurs occasions l'appel lancé par son prédécesseur le Pape Paul VI ici, dans cette salle de l'Assemblée générale, "Plus jamais la guerre". Dans sa Lettre encyclique Centesimus annus (n. 52), le Pape lançait un appel:  "Jamais plus la guerre, qui détruit la vie des innocents, qui apprend à tuer et qui bouleverse également la vie de ceux qui tuent, qui laisse derrière elle une traînée de ranc
Âœurs et de haines, rendant plus difficile la juste solution des problèmes mêmes qui l'ont provoquée!"

Une culture de la paix doit être une culture des droits humains. La Déclaration universelle des Droits humains est le fruit d'une réflexion sur la destruction qui est le résultat de la guerre. Elle est le fruit de la réflexion sur ce qui arrive lorsque la dignité fondamentale de chaque personne est ignorée ou foulée aux pieds. La reconnaissance des droits et de la dignité inaliénables de chaque personne représente le fondement de tout ordre politique libre authentiquement vrai.

Une culture de la paix doit être fondée sur la vérité et la justice. Les régimes totalitaires ont contraint des sociétés entières à se soumettre, du moins extérieurement, à une vision imposée de la société. Le résultat a été l'oppression et l'aliénation. Une culture de la paix centrée sur la dignité de chaque personne et sur la vérité sur la personne humaine doit renverser une telle vision. Elle doit respecter la conscience de chaque individu, qui n'est tenu qu'à la vérité. Elle doit encourager la recherche de la vérité. Elle doit respecter ceux qui sont préparés, même sous la menace de graves pressions et de la violence, à témoigner de la vérité, en particulier lorsque cela est fait dans un esprit de paix. La recherche de la vérité sur l'humanité et la famille humaine doit dépasser les valeurs purement utilitaires et être ouverte à la pleine vérité sur la personne humaine et les besoins fondamentaux des personnes qui ne peuvent pas être traitées comme des marchandises. Elle doit surmonter la soif d'avidité et la recherche du pouvoir politique et économique qui demeurent aujourd'hui encore à la base de nombreux conflits. La paix entre les nations présuppose la justice et l'équité dans la distribution des biens de la création.

Une culture de la paix doit être une culture qui respecte les droits des nations. Souvent, à la base des conflits, se trouvent de réels et graves torts, fondés sur une profonde injustice ou sur la frustration des aspirations légitimes des peuples. Il faut trouver le moyen d'établir une règle de droit dans la vie internationale, tout comme cela a été possible au sein des Etats. Il faut accomplir tous les efforts possibles afin de garantir qu'un arbitrage est possible dans les régions en conflit, et que la voie du dialogue et la main de l'amitié peuvent être offertes pour surmonter des conflits encore plus profondément enracinés. La prévention des conflits doit être encouragée. Même si elle comporte parfois un dialogue laborieux et une recherche difficile de solutions qui respectent les droits des personnes, la prévention et le dialogue sont les seules voies qui conduisent à une paix durable.

Une culture de la paix doit rejeter la logique ou le libre trafic des armes. La prochaine Conférence des Nations unies sur les armes de petits calibres offre une occasion supplémentaire de se pencher sur une dimension longtemps ignorée du désarmement international. Le volume actuel des armes de petits calibres et la facilité avec laquelle celles-ci parviennent dans les régions en conflit placent la Communauté des nations face à un immense défi. Un tel mouvement d'armes accroît sensiblement la possibilité d'un conflit ouvert et de nombreuses pertes de vie. Des efforts concertés doivent être accomplis à la fin des conflits pour rassembler et détruire les armes. Des efforts doivent être accomplis pour renforcer la sécurité régionale en fixant des limites faisant l'objet d'un accord mutuel en ce qui concerne les dépenses de l'armement, afin de réduire l'éventualité de la reprise du conflit. En soulevant le thème des inégalités budgétaires, les Stratégies de Réduction de la Pauvreté, actuellement en cours de négociations dans le cadre des initiatives d'allègement de la dette, doivent également traiter des dépenses militaires excessives de la part de pays connaissant déjà une pauvreté catastrophique. Les nations les plus riches doivent faire preuve de plus de rigueur dans l'élaboration et la mise en place de normes qui empêchent le trafic d'armes qu'elles engendrent dans les régions en conflit.

Une culture de la paix doit se concentrer sur les jeunes et en particulier sur les enfants. Trop souvent aujourd'hui, les enfants sont les premières victimes de la guerre. Leur avenir est menacé par le démantèlement d'un ordre social normal, qui les empêche de fréquenter l'école ou d'avoir accès à des soins médicaux adéquats. La protection fondamentale que le droit humanitaire international garantit aux populations civiles doit être respecté, en particulier dans le cas des enfants. La plaie des enfants-soldats doit disparaître de notre monde. Combien de jeunes vies ont été ruinées par l'enrôlement forcé et l'enlèvement d'enfants, les privant de leur innocence et les mettant en contact direct avec la violence, en en faisant même les protagonistes de la violence et du meurtre? Les responsables de l'enrôlement des enfants dans la guerre méritent les condamnations les plus sévères par la Communauté des nations.

Une culture de la paix doit commencer dans le cÂœur des hommes. La violence doit être bannie de tous les aspects de la vie humaine. Remplacer une culture de la guerre par une culture de la non-violence n'est pas un mécanisme automatique. Cela exige un véritable changement de comportement. Cela doit commencer à la maison et dans la famille. Cela doit être fondé sur le véritable respect de chaque personne et de chaque communauté. Une culture du dialogue et du respect entre les communautés et les civilisations doit être encouragée.

Le monde a besoin d'hommes et de femmes qui
Âœuvrent à la réconciliation plutôt qu'à la guerre. Des hommes et des femmes clairvoyants sont nécessaires, pouvant témoigner de la force de la non-violence, qui a un effet plus durable que l'amertume que la guerre engendre inévitablement. Les chefs religieux doivent, en particulier, faire référence aux racines les plus profondes de leur message qui souligne la fraternité fondamentale de tous les peuples et faire face à toute tentative visant à l'exploitation des messages religieux ou des sentiments religieux pour des motifs politiquement ou purement ethniques.

Le Conseil pontifical "Justice et Paix" a annoncé que les catholiques consacreront la Journée mondiale de la Paix du 1er janvier 2001 au thème:  "Le dialogue entre les cultures, pour une civilisation d'amour et de paix". Cela puisse-t-il devenir un programme pour chacun, pour le bien des enfants de ce nouveau siècle.


Monsieur le Président,

Permettez-moi de conclure en reprenant les paroles du Pape Jean-Paul II dans son discours à cette Assemblée à l'occasion de la célébration du 50ème anniversaire de sa fondation:  "Avec l'aide de  la  grâce  de  Dieu, nous pouvons construire dans le siècle qui est sur le point d'arriver et pour le prochain millénaire une civilisation digne de la personne humaine, une vraie culture de la liberté. Nous pouvons et nous devons le faire! Et, en le faisant, nous pourrons nous rendre compte que les larmes de ce siècle ont préparé la voie d'un nouveau printemps de l'esprit humain" (cf. ORLF n. 41 du 10 octobre 1995).

Puissent les paroles de Sa Sainteté, prononcées il y a cinq ans, devenir aujourd'hui notre espérance pour une véritable culture de la paix.

Merci, Monsieur le Président.

 

 

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