Intervention du Saint-Siège à la conférence sur le trafic illégal des armes légères (11 juillet 2001)
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INTERVENTION DU SAINT-SIÈGE 
À LA CONFÉRENCE SUR LE TRAFIC ILLÉGAL 
DES ARMES DE PETITS CALIBRES ET DES ARMES LÉGÈRES*

Mercredi, 11 juillet 2001

 

Monsieur le Président,

Etant donné qu'il existe une relation étroite entre les armes et la violence, les armes et la destruction, les armes et la haine, allant de pair avec la désagrégation sociale, les armes ne peuvent être considérées uniquement comme des biens commerciaux. Cette affirmation préoccupante suffit à elle seule à guider les travaux de l'actuelle Conférence internationale sur le trafic illégal des armes de petits calibres et des armes légères, à laquelle j'ai l'honneur de représenter le Saint-Siège.

Il est clair dès le départ que l'importance éthique, sociale et humanitaire de l'objet des discussions ne peuvent être dissociées mais doivent au contraire servir de contexte à toute considération relative à l'offre et à la demande d'armes de petits calibres et d'armes légères pour des raisons de sécurité, mais aussi politiques et économiques.

Pour certains types d'armes, tels que les mines anti-personnel, il a été possible de mettre au point une Convention qui interdit leur utilisation, leur stockage, leur production et leur transfert; et pour d'autres types d'armes, tels que certaines armes conventionnelles qui peuvent être considérées comme étant excessivement nuisibles ou ayant des effets indiscriminés, il existe une Convention des Nations unies qui interdit ou limite leur utilisation. On sait bien que les armes de petits calibres et les armes légères sont les premières armes utilisées dans les conflits de tout genre à travers le monde.

Toutefois, il est malheureusement impossible d'interdire toutes les sortes d'armes de petits calibres et d'armes légères. "Dans un monde où subsiste le mal [...] existe le droit à la légitime défense par des moyens armés. Ce droit peut devenir un devoir grave pour celui qui est responsable de la vie d'autrui, du bien commun de la famille ou de la cité. Seul ce droit peut justifier la possession ou le transfert des armes" (Conseil pontifical Justice et Paix, Le commerce international des armes:  Une réflexion éthique, Chapitre I, 5, 7 juillet 1994, p.11).

Il ne s'agit pas d'un droit absolu, étant donné qu'il existe des conditions spécifiques liées à la licéité de la production, de la possession et de l'acquisition des armes. Toutefois, dans le cadre de la rencontre d'aujourd'hui, le sujet est assez circonscrit. Nous traitons ici du trafic des armes de petits calibres et des armes légères. Il s'agit, pour ainsi dire, d'une affirmation négative de la question fondamentale de la légitimité du commerce international des armes.

L'actuelle Conférence propose diverses mesures concrètes visant à répondre au problème du commerce illicite susmentionné, et à éviter que les armes de petits calibres et les armes légères ne soient introduites sur le marché illégal. Les mécanismes de prévention, de limitation, de responsabilité et de contrôle, ainsi que la création de systèmes de marquage, de repérage et d'enregistrement sont particulièrement importants; de même que la définition de critères pour l'exportation d'armes, ou pour déterminer l'existence réelle d'un surplus; la réglementation des activités de courtage; l'introduction de mécanismes pour récupérer et détruire les armes dans les processus de paix, l'établissement de normes adéquates en ce qui concerne la gestion et la sécurité des stocks de ces armes; et, compte tenu de l'importance du trafic illégal de d'armes de petits calibres et d'armes légères, la mise en place d'activités d'éducation et de prise de conscience visant à promouvoir une culture de la paix et de la vie à travers, entre autres, la participation de différents protagonistes dans la société civile.

Le Saint-Siège salue cette volonté politique et offre son soutien total et sa pleine coopération et il espère que ces résultats concrets pourront être atteints aussi vite que possible.

Dans cette phase initiale, nous nous trouvons, sans l'ombre d'un doute, au seuil d'un processus nouveau et peut-être long, dans le domaine du contrôle des armes. Cette Conférence internationale constitue un pas essentiel, car elle offre une occasion importante d'élargir le champ du débat international et de la conscience publique, afin de mobiliser la volonté politique et d'établir et de renforcer les normes et les mesures visant à empêcher et à combattre ce phénomène.

Alors que sur d'autres fronts le processus de désarmement semble se ralentir, lorsqu'il ne semble pas faire marche arrière, cette nouvelle approche du trafic illicite des armes de petits calibres et des armes légères semble constituer un signe d'espérance. Ce processus nous pousse une fois de plus à prendre une mesure fondamentale, consistant en un changement précis et décisif dans les relations internationales, qui doit être fondé non pas sur la loi du plus fort et de ceux qui sont le mieux préparés militairement, mais sur la force du droit et selon les principes et les instruments capables de garantir la sécurité indépendamment du recours à la violence.

Cela signifie que les actions doivent être fondées sur les conditions économiques et sociales complexes qui sont à la base de la demande et de l'offre de ces armes, et doivent promouvoir une véritable culture de la paix et de la vie. Une telle approche s'oppose également à la culture de la violence alimentée, entre autres, par le trafic illégal des armes de petits calibres et des armes légères, qui pourrait parfois être reconnues à tort comme l'un des instruments les plus efficaces pour résoudre les conflits de la vie quotidienne.

Le principe ultime qui nous unit dans ce domaine est la protection de la vie et de la dignité de chaque personne humaine. Pour cette raison, il semble approprié de garantir, dans ce processus également, la centralité de la personne humaine, et donc de souligner l'importance de tenir compte de la dimension humaine dans la question du commerce illicite des armes. On sait bien que les populations civiles portent le poids des conséquences les plus tragiques de l'utilisation des armes légères et des armes de petits calibres; la majorité des victimes de ces armes sont les civils, dont la plupart sont les femmes et les enfants.

Les enfants, en particulier, souffrent d'un double effet négatif, car, d'un côté, ils sont exposés de façon passive aux dangers de ces armes et, de l'autre, ils jouent un rôle actif  dans  les conflits lorsqu'on les force de façon répréhensible à jouer le rôle d'enfants-soldats. Ma délégation considère qu'il est également important de souligner ici que ces situations exigent une action forte de la part de la Communauté internationale, qui doit démontrer une préoccupation particulière pour les enfants victimes de conflits dans les diverses régions du monde et doit Å“uvrer afin de les réunir à leurs familles et de les réintégrer dans la société à travers des moyens adaptés de réhabilitation.

Monsieur le Président,

Nous sommes tout à fait conscients que, sur le plan des réalités politiques et économiques, ceux qui s'engagent dans le trafic illégal d'armes, ainsi que les chefs militaires et les bandes armées ayant des intentions terroristes et criminelles, ont peu à gagner d'un accord international sur les armes. De plus, il est regrettable de remarquer que la solidarité envers les victimes de l'utilisation des armes de petits calibres et des armes légères - qui sont en fait des armes de destruction massive contre les pauvres - n'est pas toujours considérée comme une priorité.

C'est pourquoi ma délégation est bien consciente du fait que notre débat revêt une vaste dimension, une dimension expressément humaine qui nous place devant un choix entre l'intérêt de certains pays et de certains groupes ainsi qu'une culture de la paix et de la solidarité. Comme l'a affirmé le Pape Jean-Paul II dans son Message pour la Journée mondiale de la Paix au début de cette année, "La culture de la solidarité est étroitement liée à la valeur de la paix [...] la croissance préoccupante des armements risque de nourrir et de diffuser une culture de la compétition et du conflit, dans laquelle sont impliqués non seulement les Etats, mais aussi des entités non institutionnelles, tels des groupes paramilitaires et des organisations terroristes [...] Devant de telles menaces, tous doivent sentir le devoir moral de procéder sans tarder à des choix concrets, pour promouvoir la cause de la paix et de la compréhension entre les hommes".

Merci, Monsieur le Président.

Mgr Celestino Migliore, 
Sous-Secrétaire de la Section pour les Relations avec les Etats
Secrétairerie d'Etat


*L’Osservatore Romano, 13.7.2001 p.2.

L'Osservatore Romano. Edition hebdomadaire en langue française n.31 p.9.

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