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ADRESSE D'HOMMAGE DU DOYEN
DU CORPS DIPLOMATIQUE
PRÈS LE SAINT-SIÈGE,
 
S.E. Mr. JOSEPH AMICHIA,
AMBASSADEUR DE CÔTE D'IVOIRE*

Samedi 11 janvier 1986

 

Très Saint-Père,

Cette année encore, j’ai le grand privilège et l’insigne honneur, d’être l’interprète de tout le Corps diplomatique accrédité auprès du Saint-Siège, pour adresser à Votre Sainteté nos meilleurs Vœux de Bonne et Heureuse Année. Nous prions le Tout-Puissant de vous accorder la santé et toutes les grâces qui vous sont nécessaires pour l’heureux accomplissement de votre noble mission à la tête de l’Eglise Universelle et pour le plus grand bien de l’humanité.

Je voudrais, tout de suite, remercier Votre Sainteté des propos très encourageants qu’Elle a tenus à l’endroit du Corps diplomatique dans son homélie du 1er janvier courant lors de la célébration Eucharistique. Nous sommes heureux, très Saint-Père, de pouvoir apporter auprès du Siège Apostolique la modeste contribution de nos gouvernements dans le difficile processus de rapprochement entre les nations afin qu’il y ait entre les peuples plus de solidarité, de fraternité, en un mot, plus de paix.

L’année qui vient de s’écouler a vu se dérouler de nombreuses manifestations qui ont donné l’opportunité à Votre Sainteté de s’adresser à la Communauté Internationale à travers ses principales Institutions: l’ONU, la FAO, l’UNESCO; ainsi qu’à l’occasion d’importantes réunions internationales comme le Forum Culturel de Budapest, la Réunion Commémorative du 10e Anniversaire de la signature de l’Acte Final de la Conférence sur la Sécurité et la Coopération en Europe, la Conférence des Nations Unies sur le Commerce et le Développement. En plus, dans le très important Message adressé au monde entier à l’occasion de la XIXe Journée Mondiale pour la Paix, Votre Sainteté, en brossant un tableau complet des problèmes et des besoins des Hommes de notre temps, a indiqué clairement les moyens pour arriver à leur solution. Le Saint-Siège, par toutes ses interventions qui visent toujours l’homme dans ses droits inaliénables, contribue d’une manière efficace à créer un monde meilleur. Nous remercions Votre Sainteté de cet apport inestimable de l’Eglise et vous prions de continuer cette action en l’intensifiant. Dieu fasse que Votre Message soit entendu surtout par les responsables de ce inonde en cette période où l’humanité est plus que jamais menacée par toutes sortes de dangers.

La méfiance et la peur ont amené les Nations à se livrer à une course effrénée aux armements. L’Ouest a peur de l’Est; l’Est a peur de l’Ouest et, chacun d’eux cherche à mettre de son côté le plus de Nations en les dotant des armes les plus sophistiquées. Le plus grave, ces deux camps – puisqu’il est convenu de les appeler ainsi – se battent par nation ou groupes interposés. La récente rencontre de Genève entre les dirigeants des deux Superpuissances a suscité un grand espoir par le simple fait qu’elle ait eu lieu; mais le monde attend avec impatience ses fruits. Les conversations entre les responsables des deux Superpuissances permettront-elles l’arrêt de la course aux armements et la destruction de tout le stock des armes atomiques accumulées durant de nombreuses années? Ces conversations permettront-elles également de ramener à des proportions raisonnables toutes les armes dites conventionnelles qui sont utilisées dans des conflits régionaux ou pour commettre des actes terroristes sur d’innocentes victimes? Pour notre part, nous voulons croire que les responsables actuels des deux Superpuissances désirent sincèrement la paix et que, bannissant toute volonté d’hégémonie, éliminant toute propagande savamment orchestrée, ils rechercheront les moyens appropriés, non seulement’ pour éviter la guerre, mais feront aussi en sorte que les énormes richesses dont leurs pays disposent grâce à la science et à la technique profitent davantage à, toute l’humanité. Est-ce utopique de croire à cela?

Cependant, l’optimisme suscité par la rencontre de Genève ne doit pas nous faire oublier tous les conflits en cours: la guerre entre l’Iran et l’Irak, au Tchad, en Afghanistan, au Liban, en Extrême Orient, et tout récemment, entre le Burkina Faso et le Mali. Il ne faut pas non plus passer sous silence toutes les tensions en Amérique Latine, en Asie, et en Europe; tensions qui sont sources d’insécurité et un sérieux handicap au développement. Aux victimes déjà nombreuses de ces conflits, il faut maintenant ajouter celles des attentats terroristes de plus en plus fréquents et meurtriers et dont les plus récents à Rome, à Vienne, en France, en Belgique... ont soulevé l’indignation dans le monde entier et fait l’objet de condamnation par Votre Sainteté. Il est hautement souhaitable que tous ceux qui, d’une manière ou d’une autre, aident les différentes factions à s’entretuer ou à faire des victimes innocentes prennent conscience de la responsabilité qu’ils portent devant l’Histoire. Au lieu de la violence on doit aider à recourir au dialogue et à la négociation lesquels, loin d’être l’arme des faibles, est celle des forts.

Très Saint-Père,

Votre action inlassable pour le respect des Droits de l’Homme et de sa dignité, a été fort remarquée l’année dernière, notamment sur le terrain de la lutte contre le racisme, l’intégrisme, et toutes les formes d’intolérance.

A cet égard, votre condamnation énergique et sans équivoque du régime raciste qui sévit en Afrique du Sud, constitue un encouragement et un soutien décisifs au combat des peuples noirs. A ce propos, la réaction actuelle de la Communauté Internationale ainsi que les initiatives courageuses qui ont été prises l’année dernière et qui semblent ébranler ce système odieux sont aussi très encourageantes. Mais la répression aveugle et brutale dont sont actuellement victimes les Noirs d’Afrique du Sud interpelle tous les membres de la Communauté Internationale à agir rapidement pour trouver les moyens justes et efficaces d’éliminer ce fléau pour éviter le pire.

Votre Sainteté a évoqué à plusieurs reprises le problème de l’endettement des pays du Tiers-Monde. Celui-ci est discuté actuellement dans de nombreuses réunions; des solutions sont proposées çà et là pour en atténuer les effets, mais le fond du problème demeure. Les pays en voie de développement ont besoin d’emprunter pour leur développement; les conditions de prêt et de remboursement imposées leur sont souvent défavorables. A cela, il faut ajouter la constante hausse des taux d’intérêts et les fluctuations des monnaies qui servent de référence à ces prêts. Pour comble de malheur, les prix des matières premières que produisent les pays endettés, et qui sont généralement leurs seules ressources, sont en constante instabilité. De nombreux pays du Tiers Monde se trouvent ainsi dans des situations inextricables voire humiliantes, tant il est vrai qu’il est aussi difficile de recevoir que de donner, surtout quand celui qui reçoit est mis dans la condition de ne pouvoir rendre.

Pour finir avec ce tableau sombre, j’évoquerai brièvement deux autres problèmes qui touchent tous les pays: le chômage et la drogue, dont les conséquences dans les pays industrialisés et ceux en voie de développement constituent une grave menace à la paix et portent atteinte à la dignité de la personne humaine.

Très Saint-Père,

L’année qui vient de s’écouler a été aussi très riche en évènements religieux qui ont intéressé la Communauté Internationale. Parmi ceux-ci je relèverai:

a) Le VIe Symposium des Évêques d’Europe dont le thème "Sécularisation et Evangélisation aujourd’hui en Europe", a intéressé toutes les Eglises locales, d’autant plus que cet évènement a coïncidé avec les manifestations en l’honneur des Saints Benoit, Cyrille et Méthode, considérés à juste titre, comme les apôtres de l’inculturation, sujet qui intéresse hautement les jeunes églises d’Afrique, d’Asie et d’Amérique Latine désireuses de réaliser des progrès dans la recherche d’une grande insertion culturelle.

b) Les voyages apostoliques que Votre Sainteté a effectués dans divers pays d’Europe, d’Amérique Latine et d’Afrique. Ces voyages, on ne le dira jamais assez, sont d’une grande importance, non seulement pour les pays qui en bénéficient, mais également pour tous les autres. Dans ce cadre, je soulignerai particulièrement la visite au Maroc. L’accueil enthousiaste que Votre Sainteté y a reçu et les propos échangés marquent de façon éclatante les rapports nouveaux faits de tolérance et de dialogue qui doivent désormais exister entre les deux grandes religions monothéistes. Qu’il me soit permis ici, de remercier très respectueusement Votre Sainteté pour toutes ses bontés en faveur du continent dont je suis originaire, lors de son troisième voyage apostolique en Afrique, particulièrement pour le Congrès Eucharistique International de Nairobi, la première béatification en terre africaine au Zaïre, et la consécration de la Cathédrale d’Abidjan.

e) Le Synode Extraordinaire des Evêques qui vient de s’achever a rempli d’espérance l’Eglise et le monde. Témoins privilégiés que nous avons été, nous diplomates à Rome, nous avons pu constater l’intérêt que ces assises ont suscité. Nous nous réjouissons des conclusions auxquelles ont abouti les travaux et souhaitons leur mise en application afin que dans le sillon tracé il y a 20 ans par le Concile, l’Eglise continue de jouer son rôle bénéfique dans le monde.

Je voudrais maintenant terminer car je sens que mes collègues sont impatients d’écouter les nobles propos et enseignements de Votre Sainteté. Encore une fois, Très Saint-Père, Bonne, Heureuse et Sainte Année.


*L’Osservatore Romano, 12.1.1986.

L'Osservatore Romano. Edition hebdomadaire en langue française n°3, p.9.

 

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