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  ADRESSE D'HOMMAGE DU DOYEN
DU CORPS DIPLOMATIQUE
PRÈS LE SAINT-SIÈGE,
 
S.E. Mr. GIOVANNI GALASSI,
AMBASSADEUR DE LA RÉPUBLIQUE DE SAINT-MARIN*

Samedi 13 janvier 2001

 

Très Saint-Père,

En tant que Doyen du Corps diplomatique accrédité près le Saint-Siège, j’ai encore une fois l’honneur et la joie de Vous présenter, au nom de tous les Ambassadeurs ici réunis, nos vœux déférents et sincères de bonne et heureuse Année.

Au début de l’An 2000, en ouvrant la Porte Sainte, Votre Sainteté avait invité tous les hommes à une purification de la mémoire individuelle et collective, à une réconciliation avec Dieu et avec le prochain, à une solidarité et à une charité fraternelles. Au cours du grand Jubilé, avec admiration nous avons assisté aux flots ininterrompus de pèlerins arrivant au Vatican de toutes les parties du monde, depuis les enfants jusqu’aux personnes âgées et aux personnes handicapées, depuis les plus humbles jusqu’aux puissants, tous poussés par le désir intérieur de retrouver ou de renforcer en eux les valeurs et les idéaux profonds pour y conformer leur existence humaine.

Pour toutes et chacune de ces personnes, Votre Sainteté a eu des paroles de compréhen¬sion, les encourageant à donner un sens nouveau à la civilisation actuelle, souvent étouffée par les fausses idoles du bien-être à tout prix et de l’égoïsme provenant d’un vertige d’autodétermi¬nation de l’existence, qui conduit à exclure toute relation avec le transcendant et le divin.

«Qui êtes-vous venus chercher?», avez-vous demandé aux deux millions de jeunes enthousiastes, désireux de dialoguer avec Vous durant leur jubilé, et ils vous ont répondu avec sincérité, en s’échangeant mutuellement l’Evangile, que seul le Christ pourra donner sens et valeur à leur vie et à leur avenir. Deux millions de jeunes ont, par leur présence, témoigné de leur soif de spiritualité et de leur acceptation convaincue de vos enseignements sur le fait que la vraie liberté ne pourra venir du petit profit économique ni du matérialisme consumériste, mais qu’elle doit être construite quotidiennement dans la communion avec le prochain, dans la famille, entendue comme don réciproque d’amour entre un homme et une femme, dans l’amitié généreuse et dans le service désintéressé envers ses semblables.

C’est au respect de ces mêmes principes que Votre Sainteté a exhorté les Responsables de Gouvernements et les Parlementaires au cours de leur jubilé, leur donnant Thomas More comme patron, lui qui fut un exemple lumineux d’intégrité morale. Avec des gestes symboliques comme «l’arbre de l’humanité» et «le mélange des eaux et de la terre des cinq continents», parce que la planète est une, vous avez souhaité que les propositions élaborées au cours de ces journées jubilaires, «la dette des pays en voie de développement», «la liberté religieuse et la dignité humaine», «l’éthique et la mondialisation», deviennent concrètement des impératifs moraux pour tous ceux qui ont une responsabilité de gouvernement.

Nous avons eu le sentiment que la politique était sortie de la logique de la puissance et du compromis: dans un monde où, comme l’a souligné Votre Sainteté, les riches deviennent toujours plus riches et les pauvres toujours plus pauvres, il est indispensable de se dégager de l’indifférentisme, de la culture du superflu, des arguties académiques, et de se faire, en se fondant sur une loi morale objective, les bâtisseurs d’un nouveau style de vie qui respecte le partage fraternel des ressources, la justice, le droit à la vie pour chacun, de l’enfant à naître à la personne âgée, le rôle irremplaçable de la famille. A chacun d’entre nous, à chaque pays, incombe la grave responsabilité de choisir, suivant votre Magistère, entre la loi morale et l’orgueil personnel ou collectif, en assumant des rôles et des engagements qui peuvent contribuer, dans le siècle présent, à édifier de nouveau le monde, sur la base de valeurs culturelles et civiles partagées, souvent tournées en dérision de manière irresponsable par un progrès scientifique et technologique qui se développe de façon désordonnée et sans règles.

Les interrogations profondes de l’homme sur les valeurs et sur la signification de sa propre existence, qui sont étouffées par l’opulence des sociétés les plus riches, la crise de la valeur sacrée de la vie humaine par un prétendu modèle de perfection, l’aridité du cœur et l’accoutumance au mal, l’indifférence devant les valeurs éthiques: tels sont les aspects que, à maintes reprises, Votre Sainteté a mis en évidence.

En ce sens, nous apprécions sincèrement votre activité constante et énergique en faveur de l’œcuménisme et du dialogue interreligieux.

L’ouverture de la Porte sainte de le Basilique Saint-Paul, avec la participation des Délégations des autres Eglise et Communautés ecclésiales, les rencontres avec les Luthériens et les Anglicans, l’accolade avec le Pape Shenouda III au Caire, la célébration de le Journée du Pardon, exemple sublime de la reconnaissance des erreurs passées et de la volonté de rétablir un nouvelle fraternité, la célébration des Témoins de la foi du vingtième siècle au Colisée, la veillée de prière dans le Basilique Saint-Jean sur proposition di Patriarcat œcuménique de Constantinople, la visite du Catholicos de tous les Arméniens, Karékine II, l’accolade convaincue et sincère avec le Patriarche Diodoros Ier à Jérusalem, l’élévation sur les autels de nombreux martyrs qui n’ont pas hésité à donner leur vie à Dieu, sont autant d’événements qui ont montré dans les faits que le cœur de l’année jubilaire a été un appel universel à la réconciliation et à la paix, et une invitation à une spiritualité sans limites et sans barrières.

Tandis que des millions de chrétiens se rendaient à Rome, vous-même, Très Saint-Père, vous n’avez pas hésité à vous faire pèlerin, parcourant à votre tour en Terre Sainte, à l’occasion du bimillénaire de la naissance de Jésus l’itinéraire de l’antique alliance entre Dieu et les hommes, donnant un témoignage d’amour fascinant.

Dans les lieux où, précisément en ce moment, la violence a repris, vous avez embrassé la terre des Palestiniens pour lesquels le sens le plus élémentaire de la justice réclame une patrie, afin que les réfugiés puissent aussi revenir y vivre, et, dans le même temps, vous vous êtes abîmé dans la prière au Mausolée de l’Holocauste et au Mur des Lamentations, dans une fente duquel vous avez glissé un message manifestant votre solidarité spirituelle avec l’épouvantable tragédie supportée par les Juifs et peut-être, retournant seul au Calvaire vous avez supplié le Christ d’inspirer sagesse et compréhension aux deux peuples profondément marqués par les dures épreuves passées et présentes.

Enfin, la dimension mariale n’a pas manqué dans votre pèlerinage autour du monde: le 13 mai, date emblématique, vous vous êtes rendu à Fatima pour béatifier Jacinta et Francisco, et pour déposer aux pieds de Marie votre anneau, qui ‘ajoute désormais au plomb du projectile de l’auteur de l’attentat. Fatima est apparue une nouvelle fois comme le carrefour de l’histoire de l’Europe et de l’Eglise du vingtième siècle; et, là aussi, votre voix s’est élevée pour exprimer avec fermeté le caractère caduc des idéologies athées qui ont provoqué tant de malheurs, et la nécessité d’une nouvelle évangélisation de l’Europe.

Votre figure de Pasteur universel, ouvert au dialogue avec tous, continue d’être pour des millions de personnes, et surtout pour les plus faibles et pour ceux qui sont sans défense, l’emblème de l’espérance, de la justice et de la paix.

Les pays du Continent africain, en particulier les plus pauvres et les plus fortement endettés, s’adressent à vous avec confiance pour que soit effacée leur dette extérieure, ce qui pourra leur permettre une insertion plus concrète dans l’économie marquée par la mondialisation et éviter que s’élargisse le fossé qui sépare les pays les plus riches des pays en voie de développement. Pour ces derniers, il est urgent que se réalise une réforme des structures internationales de la réglementation économique et financière, y compris les rôles respectifs de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international, ainsi qu’une formulation nouvelle de la politique de soutien au développement en donnant la priorité au secteur social, ce qui pourra déterminer une nouvelle floraison de l’homme.

Le Continent asiatique, qui a vu naître un nouveau rapport entre les deux Corée, vous est reconnaissant de votre invitation constante au dialogue interreligieux et au dialogue entre les cultures. Les problèmes non encore résolus demeurent cependant nombreux, ainsi la non-observance des droits humains dans de grands pays de la région, l’exploitation de nombreuses jeunes femmes et de nombreux enfants, l’absence de protection des personnes en déplacement, les sanctions économiques persistantes qui n’ont pas rejoint leurs objectifs, la faible liberté de la presse. A – cela s’ajoute la plaie du terrorisme, sans justification aucune, qui provoque la mort et qui rend invalides de nombreuses vies innocentes, et qui tend se répandre aussi sur les autres continents, y compris l’Europe, devenant une forme de lutte abominable.

Les pays de l’Amérique centrale et de l’Amérique du Sud, dont beaucoup ont une économie fragile, regardent avec préoccupation mais aussi avec espérance vers la mondialisation des marchés, en vue d’un développement plus substantiel de leurs ressources. De même, la situation de la démocratie dans certains pays demeure préoccupante, ainsi que les rapports déséquilibrés entre grandes et petites nations, parce qu’ils touchent de manière injuste et irrationnelle les membres les plus faibles des populations civiles innocentes.

L’Europe enfin avance dans son processus d’unification et dans son ouverture vers l’Orient, sur la base de règles démocratiques et de législations communes qui, cependant, semblent parfois titubantes en ce qui concerne le sens sacré de la vie humaine, depuis son apparition jusqu’à sa fin, et de la famille, comprise de manière correcte, et qui ne tiennent pas toujours compte des valeurs culturelles chrétiennes qui, durant plus de 1200 ans, ont été le patrimoine le plus unificateur des pays européens, se contentant d’une pure médiation d’intérêts et d’une froide mécanique des institutions et du droit.

Très Saint-Père, au terme du grand Jubilé et au début du vingt-et-unième siècle, qui est plein de fascination mais aussi de pièges dangereux, vous restez la boussole des valeurs pour l’humanité entière dans son parcours terrestre et, reprenant les mots tout simples, spontanés, mais pleins de signification, que l’on a vus sur une banderole durant le Jubilé des Agriculteurs, vous restez notre «BOURGEON», symbole de certitude et de fruits à venir: nous avons besoin de votre Magistère qui nous rappelle continuellement l’essence spirituelle de notre existence et qu’il ne saurait exister de bonheur et de paix entre les peuples sans une fraternité et un partage responsable des difficultés et du bien-être.

Bonne Année, Très Saint Père!


*L'Osservatore Romano, 14.1.2001.

L'Osservatore Romano. Edition hebdomadaire en langue française n°3, p.2.

 

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