SYNODE DES ÉVÊQUES IIème ASSEMBLÉE SPÉCIALE POUR LÂAFRIQUE
LÂÉglise en Afrique «Vous êtes le sel de la terre Â
L i n e a m e n t a Cité du Vatican 2006 Table des matières Chapitre I
Chapitre II
Chapitre III
Chapitre IV
Chapitre V
Conclusion: Il y a douze ans, du 10 avril au 8 mai 1994, fut célébrée la Première Assemblée Spéciale pour lÂAfrique du Synode des Évêques sur le thème: «LÂÉglise en Afrique et sa mission évangélisatrice vers lÂan 2000: Âvous serez mes témoinsÂ(Ac 1, 8)». Le 6 janvier 1989, le Serviteur de Dieu Jean-Paul II avait exprimé son intention de convoquer cette importante assise ecclésiale pour ainsi accorder un laps de temps suffisant pour la préparation de lÂAssemblée. Accueilli avec enthousiasme, le processus de la Première Assemblée Spéciale pour lÂAfrique avait mis en mouvement tous les membres de lÂÉglise catholique en Afrique, organisés en diocèses, paroisses et mouvements dÂÉglise. Ceci a aussi captivé lÂattention de membres dÂautres Églises et Communautés chrétiennes, mais aussi de représentants de religions non chrétiennes et plus généralement encore, dÂhommes de bonne volonté de tout le continent. Les résultats de lÂensemble du processus synodal, depuis la préparation jusquÂà la célébration de lÂAssemblée: prières, échanges dÂinformations, partage des joies et des peines concernant les situations ecclésiales, culturelles, sociales et politiques, réflexions approfondies sur chacun des thèmes -qui se sont déroulés dans un climat de sereine communion hiérarchique, propre aux membres du Corps épiscopal qui a pour Tête lÂévêque de Rome, Président du Synode et Pasteur universel de lÂÉglise-, ont été recueillis dans lÂExhortation Apostolique Post-synodale«Ecclesia in Africa». Celle-ci, publiée le 14 septembre 1995, a orienté lÂactivité pastorale de lÂÉglise catholique en Afrique durant la dernière décennie. Accueillant favorablement le désir de nombreux évêques, prêtres, personnes consacrées et fidèles laïcs, le Pape Jean-Paul II, annonça le 13 novembre 2004 son intention de convoquer une Deuxième Assemblée Spéciale pour lÂAfrique du Synode des Évêques. Le Saint-Père Benoît XVI a confirmé le projet de son prédécesseur en communiquant le 22 juin 2005, en présence du Conseil Spécial pour lÂAfrique de la Secrétairerie Générale du Synode des Évêques, sa décision de convoquer à Rome la Deuxième Assemblée Spéciale pour lÂAfrique du Synode des Évêques. En collaboration avec le Conseil susmentionné, Sa Sainteté a défini le thème de lÂAssise synodale: «LÂÉglise en Afrique au service de la réconciliation, de la justice et de la paix: ÂVous êtes le sel de la terre  Vous êtes la lumière du monde (Mt 5, 13.14)». Le thème se situe dans la continuité de la Première Assemblée Spéciale pour lÂAfrique du Synode des Évêques et prévoit une évaluation des résultats obtenus à tous les niveaux en favorisant, bien évidemment, la dimension ecclésiale. Depuis la dernière Assise synodale, enfin, la situation a considérablement changé. Cette nouvelle réalité requiert un examen approprié en vue dÂun effort renouvelé dÂévangélisation exigeant un approfondissement de quelques thèmes spécifiques importants pour le présent et lÂavenir de lÂÉglise catholique sur le grand continent africain. Grâce à Dieu, ces dernières années, lÂÉglise catholique, Famille de Dieu qui chemine en Afrique, a connu un ultérieur développement sur tout le continent, en particulier pour ce qui est du nombre des fidèles qui, selon les données statistiques de 2004, atteint désormais un total de 148.817.000, 630 évêques et 31.259 prêtres, pour lesquels on dénombre 20.358 diocésains et 10.901 réguliers. Puis, il y a 7.791 frères lais, 57.475 consacrées et 379.656 catéchistes. Les vocations missionnaires africaines qui Âuvrent pastoralement auprès dÂautres Églises particulières en Afrique ou sur dÂautres continents se sont considérablement accrues. Les activités dÂéducation et dÂassistance de lÂÉglise ont été déterminantes en de nombreux pays touchés par différentes situations dÂurgence. Rendant grâce à Dieu pour une situation ecclésiale si favorable, la préparation de la Deuxième Assemblée Spéciale devrait être une occasion propice pour tout le peuple de Dieu pour sÂadonner, sous la conduite des Pasteurs, à la prière, à la réflexion approfondie suivie dÂinitiatives pour sÂacheminer toujours plus vers la sainteté. En cela ils suivent lÂexemple de nombreux Pasteurs et fidèles africains qui, encore récemment, par leur martyre ont réaffirmé leur foi chrétienne, contribuant ainsi de façon exemplaire à ce que lÂAfrique devienne toujours plus «Patrie de Jésus-Christ». LÂÉvangile quÂils ont proclamé est le vrai sel de la terre, garantie dÂune évangélisation aux racines profondes capable de résister à toute adversité. La Bonne Nouvelle accompagnée du témoignage limpide de leur service ecclésial devient lumière du monde, qui brille dans les ténèbres qui sont quelquefois trop concentrées et denses sur grande partie du continent africain. En union de cÂur et dÂesprit avec le Saint-Père, les Pères synodaux devraient affronter avec les armes de la lumière (cf. Rm 13, 12) et avec une charité chrétienne raffermie et animée par lÂespérance des disciples du Seigneur Jésus Ressuscité, lÂactuelle situation complexe et pas toujours favorable en Afrique. Outre les obstacles à lÂévangélisation qui peuvent provenir de motifs politiques, religieux ou sociaux, de graves problèmes interpellent les chrétiens et tous les hommes de bonne volonté. Il sÂagit de situations de pauvreté, dÂinjustice, de maladie, dÂexploitation, de manque de dialogue, de division, dÂintolérance, de violence, de terrorisme, de guerre. LÂÉglise, fidèle au mandat de Jésus-Christ, ne se lasse pas dÂannoncer la Bonne Nouvelle pour pouvoir offrir, par son service pastoral capillaire, la perspective de la réconciliation ecclésiale et sociale du Christ notre paix, source de vraie justice pour tout le continent africain. LÂévangélisation, tâche principale du mandat reçu par le Divin Maître (cf. Mt 28, 19), ne peut être détachée de lÂengagement des hommes dÂÉglise à se faire samaritains de tant de frères et de sÂurs, qui demandent aide et compassion (cf. Lc 10, 29-37), et de lÂassistance de tant de pauvres et de nécessiteux de chaleur humaine, pour rendre témoignage de lÂamour de Dieu (cf. Mt 25, 31-46). Par lÂannonce de lÂÉvangile, lÂéducation à tous les niveaux, les institutions charitables, lÂÉglise devient encore plus active dans la promotion du dialogue, de la paix et de la justice dans la société africaine renouvelée, qui avec dynamisme avance vers le développement intégral de lÂhomme africain, acquérant ainsi la digne place qui lui revient au sein de la communauté internationale. Selon lÂusage habituel, les Lineamenta, publiés en quatre langues: français, anglais, portugais et italien, devraient favoriser un large débat sur le thème synodal, avec lÂaide du Questionnaire qui se trouve à la fin du document. À chaque Conférence épiscopale revient la tâche dÂen prévoir la traduction dans les langues locales pour encourager une grande participation communautaire à la préparation synodale. Les réponses des Organismes intéressés devraient parvenir avant la fin du mois dÂoctobre 2008, en vue de lÂélaboration de lÂInstrumentum laboris, document de travail de la Deuxième Assemblée Spéciale pour lÂAfrique du Synode des Évêques, dont le long et, espère-t-on, fécond cheminement est confié à la protection maternelle de la Bienheureuse Vierge Marie, Notre-Dame dÂAfrique. Nikola Eterović
1. Onze années après la publication de lÂExhortation Apostolique Post-synodale «Ecclesia in Africa», [1] tout en rendant grâce à Dieu pour tant des bienfaits reçus en cette décennie, lÂÉglise célèbre lÂévénement et ressent lÂurgence dÂun engagement total pour la réconciliation, la justice et la paix sur toute lÂétendue du continent. en rappelant cet événement, lÂon se réjouit de la réception qui lui a été réservée. Quel sens et quel contenu donner à cet anniversaire pour en retenir tout le potentiel et redynamiser nos communautés en vue dÂune Deuxième Assemblée? Celle-ci pourrait être focalisée sur une double intention:
2. Dans «Ecclesia in Africa», le Pape Jean-Paul II proposait, au terme du deuxième millénaire, un bilan, un diagnostic récapitulant lÂhistoire de la mission de lÂÉglise en Afrique -de la conversion du fonctionnaire de la Reine Candace à lÂavènement de la formation dÂauthentiques Églises locales africaines, pleinement enracinées dans la catholicité et pleinement conscientes de leur responsabilité à lÂégard de lÂunique mission du Christ confiée à lÂÉglise-Famille de Dieu. Au regard de cette histoire, le Pape a tenté, à la lumière des heures sombres de lÂesclavage et de la colonisation, à la lumière des réalités politiques, économiques et sociales, toutes révélatrices dÂune situation alarmante, mais pleine de promesses, de dire «comment» on en était arrivé là et dÂindiquer les voies quÂil convenait dÂemprunter selon lÂesprit de lÂÉvangile du Christ, pour en sortir: sur la base dÂune vision de lÂÉglise comme Famille de Dieu en Afrique, promouvoir «une solidarité pastorale organique dans tout le territoire africain et les îles adjacentes» [2] dans la quête de solutions et résolutions des problèmes et conflits qui affectent lÂAfrique. CÂétait là également faire le choix de la famille africaine comme premier lieu de lÂévangélisation et lieu à partir duquel seront affrontés les défis de lÂévangélisation au troisième millénaire: lÂurgence de lÂannonce évangélique et de la proposition du baptême, lÂindispensable approfondissement, chez les baptisés, du sens de la foi, le courage du témoignage, le choix du pardon et de la réconciliation, y compris dans les situations les plus dramatiques, lÂengagement pour la promotion de la justice et de la paix. LÂExhortation présentait une sorte de plan dÂaction pastorale pour lÂÉglise-Famille de Dieu qui est en Afrique, lui permettant ainsi dÂêtre fidèle à sa vocation et à sa mission et de servir lÂhumanité du Christ souffrant dans la chair des peuples africains. Elle interprétait ainsi la situation de déshumanisation et dÂoppression qui afflige les peuples africains comme une crise et un défi et proposait quÂils soient affrontés à partir dÂune vision de lÂÉglise comme Famille de Dieu. 3. La réponse de lÂÉglise en Afrique à cette Exhortation et les développements récents sur le continent ont rendu urgente une Deuxième Assemblée Spéciale pour lÂAfrique du Synode des Évêques en vue dÂexaminer de manière plus détaillée certaines questions déjà abordées dans la Première Assemblée, plus spécifiquement les questions ayant trait à la réconciliation, à la justice et à la paix. CÂest dans ce contexte que, fixant son regard sur le Christ et voulant discerner les signes des temps nouveaux et raviver notre espérance, le Pape Jean-Paul II convoquait une Deuxième Assemblée Spéciale pour lÂAfrique du Synode des Évêques. Lors de lÂaudience quÂil accorda le 13 novembre 2004 pour le 1650ème anniversaire de naissance de Saint Augustin, aux participants au Symposium des Évêques dÂAfrique et dÂEurope, sur le thème «communion et solidarité entre lÂAfrique et lÂEurope», il déclara: «accueillant les vÂux du Conseil post-synodal, interprète des désirs des pasteurs africains, je saisis lÂoccasion pour annoncer mon intention de convoquer une Deuxième Assemblée Spéciale pour lÂAfrique du Synode des Évêques. Je confie ce projet à votre prière, alors que je vous invite tous avec ferveur à implorer du Seigneur le don précieux de la communion et de la paix pour la bien-aimée terre africaine». [3] Sa Sainteté Benoît XVI, dès les débuts de son Pontificat, confirmera cette convocation et en précisera le thème: «LÂÉglise en Afrique au service de la réconciliation, de la justice et de la paix: ÂVous êtes le sel de la terre  Vous êtes la lumière du monde (Mt 5, 13.14)». Les Pères qui se réuniront en Synode auront donc à méditer sur lÂannonce de lÂÉvangile dans un contexte marqué par des événements exigeant des réponses actives et fidèles aux paroles que lÂEsprit Saint adresse à lÂÉglise-Famille de Dieu en Afrique en ces heures décisives de son histoire. Nous tenons à souligner ici la continuité dÂorientation avec la Première Assemblée afin que tous sÂefforcent de percevoir la portée spirituelle et pastorale de ces deux événements. 4. Les deux Assemblées sont reliées par lÂurgence dÂune évangélisation continue et profonde dans le temps. Et dans cette annonce du Règne de Dieu advenu en Jésus-Christ, lÂengagement pour la réconciliation, la justice et la paix, apparaît comme lieu dÂactualisation de ce Règne dÂamour: «le Règne de Dieu est justice, paix et joie dans lÂEsprit Saint» (Rm 14, 17sq.). [4] Dans les circonstances historiques, sociales, politiques, culturelles et religieuses actuelles de lÂAfrique, lÂÉglise-Famille de Dieu puise dans le Christ, Parole toujours vivante de Dieu, son énergie pour dépasser la fatigue et la résignation et se libérer de toute forme dÂoppression. Le Christ lÂinvite en effet à prendre sur elle le joug de son amour et en Lui elle trouvera la restauration pour une vie nouvelle, la saveur et la lumière pour libérer les peuples africains des nombreuses ténèbres qui obscurcissent leur cheminement dans lÂhistoire. Pour que la lumière jaillie de la Parole brille totalement sur toute lÂAfrique, lÂÉglise offre la saveur du Pain de vie [5] par lequel le Christ réalise à lÂintérieur des cÂurs humains la transformation de lÂAfrique. Plus lÂamour du Christ sÂenracinera dans les cÂurs des peuples africains, dans les cultures et les institutions africaines, plus le continent et ses populations ainsi que le monde entier jouiront des fruits de la réconciliation, de la justice et de la paix. Tenant compte de la complexité du thème, dans ces Lineamenta, on se limitera à présenter: I. LÂAfrique à lÂaube du XXIème siècle. II. Le Christ, Parole et Pain de vie, notre Réconciliateur, notre Justice et notre Paix. III. LÂÉglise, sacrement de réconciliation, de justice et de paix en Afrique. IV. Le témoignage dÂune Église qui reflète la lumière du Christ sur le monde. V. Les ressources spirituelles pour la promotion de la réconciliation, de la justice et de la paix en Afrique. LÂAfrique à lÂaube du XXIèmesiècle 5. La Première Assemblée du Synode des Évêques pour lÂAfrique a bien manifesté, près de la tombe de Pierre, la vigueur de la foi vécue par lÂÉglise en Afrique. Les Pères synodaux lÂont décrite avec raison comme un «Synode de résurrection et dÂespérance». [6] Plus de dix ans après la publication de lÂExhortation Apostolique Post-synodale, nous pouvons dire avec Saint Paul que «lÂespérance ne trompe pas, parce que lÂamour de Dieu a été versé dans nos cÂurs» (Rm 5, 5). Au delà des souffrances du moment présent, ceux qui ont des yeux pour voir et des oreilles pour entendre peuvent en effet discerner lÂÂuvre de la Divine Providence en Afrique.
I. La situation du continent depuis la publication d«Ecclesia in Africa» 1. Quelques évolutions positives 6. Dans le tourment des événements douloureux qui secouent lÂAfrique, nous pouvons dire avec Sa Sainteté Benoît XVI que lÂAfrique «est la grande espérance de lÂÉglise». [7] En effet, il y a lieu de discerner des signes dÂespérance pour une renaissance dÂun Christianisme fécond et dynamique et pour lÂavènement de sociétés nouvelles: la croissance remarquable en Afrique du nombre des catholiques, des prêtres, des personnes consacrées, [8] le nombre croissant des missionnaires africains en Afrique et en dehors du continent et la création pour eux dÂune plate-forme continentale de consultation; la vitalité des liturgies africaines et des communautés ecclésiales vivantes; la création et restructuration des diocèses et des territoires ecclésiastiques; le rôle croissant de lÂÉglise dans la promotion du développement du continent, notamment dans lÂéducation, dans la santé, dans la lutte pour lÂémergence des états de droit sur tout le continent africain; et, enfin -au delà de ses faiblesses- lÂÉglise continue à jouir dÂune grande crédibilité auprès des populations africaines. LÂÉglise demeure pour plusieurs pays dÂAfrique lÂunique réalité qui fonctionne encore bien et permet aux populations de continuer à vivre et à espérer en des lendemains meilleurs. Non seulement elle offre lÂassistance nécessaire, garantit la coexistence pacifique et contribue à trouver les voies et les moyens pour la reconstruction de lÂÉtat, mais aussi elle est ce lieu privilégié à partir duquel lÂon commence à nouveau à parler de réconciliation et de pardon. Ce sont là des motifs pour se réjouir dans le Seigneur (cf. Rm 5, 3-4) des merveilles quÂil a accomplies en Afrique au cours de ces onze dernières années. 7. Du point de vue social, on peut également relever certains nouveaux développements: lÂavènement de la paix en certains pays africains; le désir ardent de paix largement répandu sur le continent, particulièrement dans la région des Grands Lacs; lÂopposition croissante à la corruption; la forte prise de conscience de la nécessité de la promotion de la femme africaine et de la dignité de toute personne humaine; lÂengagement des laïcs dans les «sociétés civiles» pour la promotion et la défense des «Droits de lÂHomme»; le nombre toujours croissant dÂhommes politiques africains conscients et déterminés à trouver des solutions africaines aux problèmes africains. Dans cette perspective, lÂÉglise encourage les efforts déployés pour unir toute lÂAfrique: du Nord au Sud, de lÂEst à lÂOuest. À ce propos, se nourrit lÂespoir de voir lÂUnion Africaine devenir plus effective et efficace dans la résolution des conflits entre nations africaines et entre groupes ethniques. Les nouveaux développements qui ont eu lieu au cours de ces onze dernières années offrent de nouvelles opportunités à la mission de lÂÉglise en Afrique. Il est nécessaire de faire en sorte que les grandes forces spirituelles du continent puissent se déployer de toutes parts et que soient créées les conditions pour une nouvelle renaissance de lÂAfrique au niveau religieux, social, économique et politique. 2. Certains développements négatifs 8. Toutefois, lÂon ne saurait passer sous silence le fait quÂà côté de ces perspectives réconfortantes, beaucoup des situations préoccupantes que lÂExhortation dénonçait nÂont fait que sÂaggraver et laissent entrevoir un avenir incertain: «la détérioration généralisée de la qualité de vie, lÂinsuffisance des moyens pour lÂéducation des jeunes, la carence de services sanitaires et sociaux élémentaires, entraînant la persistance de maladies endémiques, lÂépidémie terrible du Sida, le fardeau lourd et parfois insupportable de la dette, lÂhorreur des guerres fratricides alimentées par un trafic dÂarmes sans scrupules, le spectacle honteux et pitoyable des réfugiés et des personnes déplacées». [9] Comment ne pas condamner sévèrement les horribles massacres advenus en certains lieux dÂAfrique ? Il est des indicateurs et des chiffres qui nous interpellent constamment, par exemple: le fait que la mortalité infantile ne cesse de croître. Depuis plus de dix ans, pour les pays les plus pauvres dÂAfrique, la dégradation constante des revenus se poursuit. LÂaccès à lÂeau potable demeure pour plusieurs encore très difficile. Globalement, la grande majorité de la population africaine vit dans un état de manque de biens et de services de première nécessité. La situation de lÂAfrique aujourdÂhui ne peut pas ne pas interpeller les consciences. LÂAfrique est aujourdÂhui plus que jamais dépendante des pays riches, plus vulnérable que tout autre continent à leurs manÂuvres visant à donner dÂune main et reprendre le double de lÂautre; visant à maintenir une main mise forte sur le déroulement de la vie politique, économique, sociale voire culturelle des pays africains. LÂAfrique est consciemment oubliée dans ce monde qui se construit. LÂon ne sÂen souvient que quand il faut étaler ses misères ou lÂexploiter. Alors quel levier faut-il actionner pour ouvrir une brèche dÂespérance dans cette espèce de mur qui bouche lÂhorizon socio-économique africain? 3. La finalité de ces Lineamenta 9. Face à des situations aussi variées, il nous est difficile de prononcer une parole unique tout comme dÂenvisager une solution qui ait valeur universelle. Telle nÂest pas lÂambition de ces Lineamenta, ni même sa mission. Son propos nÂest pas de tout dire, mais de dénombrer quelques priorités qui se dégagent de lÂétude et de lÂaction dans le domaine de la réconciliation, de la justice et de la paix. Il sÂagit beaucoup plus de poser des questions et dÂinciter à une recherche communautaire des solutions, dans la perspective de la démarche synodale initiée par la Première Assemblée. II. Quelques priorités 10. Une réflexion approfondie sur le thème de la Deuxième Assemblée Spéciale pour lÂAfrique du Synode des Évêques, à savoir «LÂÉglise en Afrique au service de la réconciliation, de la justice et de la paix:ÂVous êtes le sel de la terre  Vous êtes la lumière du monde (Mt 5, 13.14», ne peut se dispenser dÂune étude sur les raisons qui peuvent expliquer tant de haines, dÂinjustices et de guerres sur le continent. En effet, lÂurgence de cette Deuxième Assemblée Spéciale est liée à la souffrance des peuples africains, à la déshumanisation et à lÂoppression qui perdurent sur ce continent. Nous sommes confrontés dans ce continent à un ensemble de conflits et de problèmes qui constitue le nÂud des défis à lÂévangélisation dans lÂAfrique contemporaine. Dans lÂExhortation Apostolique Post-synodale, le Pape Jean-Paul II, estimait que le plus grand défi pour réaliser la justice et la paix en Afrique consistait à bien gérer les affaires publiques dans les deux domaines connexes de la politique et de lÂéconomie. [10] La souffrance des peuples africains est en grande partie liée à la gestion de ces deux domaines et à celui de la culture. CÂest là un défi capital à lÂévangélisation, dans une Afrique où la vie et lÂhomme lui-même se définissent par «la relation», «lÂêtre avec» dans une perspective fondamentalement communautaire. CÂest aussi sur ces trois dimensions, notamment socio-politique, socio-économique et socio-culturelle, que dans les lignes qui suivent nous entendons inviter les Églises locales dÂAfrique à méditer et à proposer des voies dÂissues en rapport aux questions de réconciliation, de justice et de paix. 1. LÂaspect socio-politique 11. Un des défis majeurs de lÂAfrique contemporaine est lÂéchec de lÂÉtat post-colonial dans la grande majorité des pays africains. Il serait très simpliste dÂattribuer les raisons dÂun tel échec de la politique en Afrique à la composition multiethniques des États ou encore aux frontières artificielles héritées de la colonisation. Par de-là les différences et les rivalités ethniques, il existe en effet auprès des Africains une idée nationale. Autrement, lÂon ne saurait pas sÂexpliquer lÂattachement de chaque Africain à son pays et à son histoire. La question est de savoir comment transformer la pluralité en facteur positif, constructif et non destructif? De même pour ce qui est des frontières artificielles, sommes-nous sûrs que les nouvelles frontières «naturelles» ne créeront pas plus de problèmes? où existeraient ces frontières naturelles, non arbitraires ou mieux non-idéologiques? Qui serait ce nouvel arbitre impartial qui contenterait tous au mieux? Ne faut-il pas nous en tenir à la sagesse des Pères fondateurs de lÂOrganisation de lÂUnité Africaine (O.U.A.), qui en 1963, optèrent de ne pas remettre en question le découpage existant? Le défi est probablement du côté de la bonne gouvernance et de la formation dÂune classe politique capable de récupérer le meilleur des traditions ancestrales et de lÂintégrer aux principes de gouvernance de sociétés modernes. Par là, lÂon nÂentend pas non plus sous-estimer que la pluralité ethnique est souvent motif de tensions au sein des États; quÂil existe de fait, dans plusieurs États africains, une perte de légitimité des gouvernants aux yeux dÂune population qui se demande à quoi sert lÂÉtat et une réelle destruction de lÂÉtat par ceux-là même qui sont supposés en être des fidèles serviteurs. 12. Dans certains pays africains, il existe en effet des tensions sociales persistantes qui bloquent le progrès, donnant naissance à des troubles politiques et des conflits armés. Le tribalisme, les litiges frontaliers et les tentatives dÂexpansion conduisent à des luttes armées au lourd tribut en vie humaine et à lÂépuisement des ressources financières. On assiste dans certains pays africains à la violation continuelle des droits fondamentaux de lÂhomme, avec toutes les conséquences qui peuvent en découler. La paix y est souvent confondue avec une unanimité ou une tranquillité imposées par la force, assurant le maintien au pouvoir dÂun groupe dÂhommes au détriment des populations. Il est impossible aux citoyens, en de telles situations, de participer à la vie publique ou de rendre opérant le poids de leur opinion collective et donc ils ont tendance à sÂen désengager et à sÂen désintéresser. Tant que lÂon en arrivera pas à la création des états de droit en Afrique, gouvernés par des Africains véritablement démocrates, le risque est grand quÂune telle situation perdure encore. 13. Le vÂu ardent des Pères synodaux de voir «sÂétablir lÂétat de droit dans nos pays pour la sauvegarde des droits et des devoirs des citoyens» [11] nÂa pas trouvé lÂécho attendu chez la plupart des dirigeants des pays africains. Le manque de reconnaissance à la fois de lÂindividu et de la communauté, et de leurs exigences réciproques, produit la discorde, la guerre et ses conséquences. Les ravages de la guerre constituent un obstacle évident à tout processus de développement; ils entraînent le drame des réfugiés et le contexte de souffrance pour cause de guerre et de faim, souffrance de la nudité et de la maladie, souffrance par la tristesse et la peur, souffrance par les situations qui humilient; ils détruisent la dignité de la personne humaine, créée à lÂimage et ressemblance de Dieu. En effet, dans la majeure partie des États africains, la position des autorités politiques se caractérise par une grave méconnaissance de la personne humaine, de ses droits les plus fondamentaux et les plus imprescriptibles. LÂétablissement dÂune vraie démocratie qui assure la sécurité des biens et des personnes est une condition indispensable pour le développement des pays africains. 2. LÂaspect socio-économique 14. En effet, sÂil est vrai que lÂAfrique a vécu une longue et triste histoire dÂexploitation aux mains des autres, [12] il faut dire quÂavec la décolonisation cette situation nÂest pas terminée. AujourdÂhui encore, elle perdure sous de nouvelles formes, y compris le fardeau écrasant de la dette, les conditions injustes du commerce, les décharges de produits toxiques et les conditions excessivement sévères imposées par des programmes dÂajustement structurel. 15. Dans la plupart des pays africains, malgré les progrès accomplis depuis ces dernières années, le taux dÂalphabétisation reste parmi les plus faibles du monde. En de nombreux pays, le système éducatif se dégrade continuellement, le système sanitaire est en ruine et lÂassistance sociale quasi inexistante. Dans ces situations de désordres, les personnes les plus menacées sont toujours les plus faibles. De même, du point de vue de la démographie, lÂon ne saurait rester inactif dès que lÂon prend conscience dÂun risque de déséquilibre entre une population, dont la croissance annuelle est au niveau de record mondial, et des ressources stagnantes, sinon en recul. Les ressources immenses de lÂAfrique sont en contraste avec lÂétat de misère des pauvres en Afrique; il devient de plus en plus scandaleux au vu des richesses accumulées entre les mains de quelques privilégiés. Face à une telle situation inacceptable, lÂExhortation Apostolique Post-synodale «Ecclesia in Africa» dénonce «la malhonnêteté de certains gouvernants corrompus qui, de connivence avec des intérêts privés locaux ou étrangers, détournent les ressources nationales à leur profit, transférant des deniers publics sur des comptes privés dans des banques étrangères». [13] DÂoù lÂurgence dÂétudier les voies et les moyens de favoriser lÂémergence de politiciens intègres, déterminés à protéger le patrimoine commun contre toutes les formes de gaspillage et de détournement. 16. Quant à lÂactivité industrielle, elle dépend largement de lÂimportation des produits industriels. Aussi le nombre de biens et de services produits en Afrique présente un caractère limité. Dans une certaine mesure, il est vrai que lÂAfrique produit ce quÂelle ne consomme pas et consomme ce quÂelle ne produit pas. Comment sortir alors de ce paradoxe? En outre, on observe une tendance à la réduction du volume de ces biens et de ces services ainsi quÂà la baisse de leur qualité dans le contexte des ajustements structurels et de la généralisation du chômage! Dans ce domaine, on note des injustices économiques graves: le problème de la main-dÂÂuvre migratoire, des salaires injustes et des contrats inégaux. La délinquance juvénile, la drogue, la corruption et le chômage ont atteint des proportions inacceptables dans certains pays et ont pour racine ces injustices économiques. Les tendances à la dégradation de la situation économique et sociale se poursuivent et accentuent de plus en plus la crise africaine: les techniques de production agricole sont, en général, rudimentaires et la production agricole est encore largement dépendante des facteurs naturels: sol et climat. Ces facteurs, quÂalourdissent les difficultés politiques internes, pourraient expliquer le fait que la production alimentaire du continent représente à peine le dixième de ses besoins. LÂéchec des politiques agricoles ne se traduit pas seulement par cette difficulté dÂassurer la sécurité alimentaire aux populations; il a également pour conséquence lÂexode rural massif, surtout des jeunes. Il est important que nous attirions lÂattention des jeunes sur le fait que lÂurbanisation ne contribue pas nécessairement à lÂépanouissement de la personne. DÂoù lÂurgence de nouvelles politiques pour potentialiser les villages et les rendre attractifs pour les jeunes. 17. Aux problèmes économiques est également liée la question du commerce des armes, ce scandale «qui sème la mort» en Afrique. [14] CÂest là un signe éclatant de lÂéchec de la politique en Afrique. Elle nÂest plus au service de lÂédification de la polis (cité), de la recherche du bien commun, mais au service de lÂélimination de lÂadversaire politique et de la cité elle-même. [15] La responsabilité de ces destructions nÂest pas seulement celle des belligérants, mais aussi celle des commerçants dÂarmes, quÂil sÂagisse de puissances internationales intéressées aux conflits et qui font du commerce des armes un motif dÂenrichissement ou un moyen pour alimenter une situation dÂinstabilité en vue de finalités géopolitiques nÂayant rien à voir avec les intérêts des populations; ou dÂidéologues locaux qui instrumentalisent le peuple, et surtout les enfants, pour assouvir leur soif de pouvoir. Le commerce international des armes continue à maintenir lÂAfrique en état perpétuel de guerre. Il nÂy a pas de doute quÂen grande partie la mort est semée en Afrique, par des intérêts très puissants qui dominent le monde et dont les principaux acteurs sont ailleurs quÂen Afrique. CÂest cela qui a amené les évêques africains à parler de «guerres par procuration», [16] pour faire comprendre que des Africains détruisent leurs pays et sÂentretuent pour les intérêts et les profits «des autres». Ce commerce des armes prolifère grâce aux tensions et divisions ethniques que lÂon exacerbent. LÂhistoire des hommes et des peuples montre que la guerre nÂest hélas pas une nouveauté. La radicalité de ce mal en Afrique contemporaine consiste dans un déchaînement souvent né dÂune volonté de détruire et dÂanéantir la vie. En elle sÂexprime une attitude de fond, un «esprit»: lÂeffritement ou même la négation des valeurs, en particulier, de la valeur sacrée de la vie humaine. La vie, trésor le plus précieux dans les traditions africaines, est détruite avec une légèreté et une facilité déconcertantes, même à très grande échelle, et tout à fait impunément encore en beaucoup dÂendroits. LÂon ne saurait donc passer outre cet autre aspect du mal déjà relevé par le précédant Synode, à savoir celui des divisions et tensions ethniques [17] qui parfois mènent à des crimes néfastes. Souvent pour justifier de tels actes, dÂaucuns nÂhésitent pas à instrumentaliser les cultures africaines. Il sÂavère urgent aujourdÂhui de repenser leurs enracinements dans une perspective ouverte sur le monde. 3. LÂaspect socio-culturel 18. Changer la culture économique de lÂAfrique, cela ne signifie-t-il pas quÂau lieu de dépendre uniquement dÂun marché mondial dont elle est virtuellement exclue, il lui faut dÂabord organiser une bonne rémunération du travail de la terre? La culture est le fruit dÂun patient mûrissement des manières dÂêtre et dÂagir. Elle nÂest pas seulement lÂesprit du peuple auquel jÂappartiens et qui imprègne à la fois ma pensée la plus haute et les gestes les plus simples de mon existence; mais elle est aussi le domaine où se déroule lÂactivité spirituelle et créatrice de mon être homme. 19. Des trois éléments que les économistes désignent comme permettant la production: le travail, la terre et le capital, lÂAfrique ne manque ni du premier ni même à priori du troisième, si on considère que celui-ci peut être constitué à partir des ressources naturelles dont lÂabondance en Afrique est évidente. DÂoù vient alors cette pauvreté? LÂaspect culturel, cÂest-à-dire la manière de concevoir ces trois facteurs nÂy joue-t-il pas un rôle important? LÂardeur africaine au travail nÂest-elle pas trop mesurée pour être capable dÂentrer en compétition avec celle de ceux qui, ailleurs, vouent au même travail un véritable culte? Le rapport à la terre nÂest-il pas infériorisant? SÂil est vrai que le prix des produits de la terre commande celui de la terre elle-même, nÂest-il pas alors vrai quÂen Afrique la terre semble ne rien valoir parce que les prix des produits agricoles sont désespérément bas. LÂAfrique semble être une des régions du monde où lÂon néglige ses propres paysans. 20. À lÂheure de la mondialisation, comment pouvons-nous sauvegarder le meilleur des cultures africaines tout en intégrant le meilleur de ce qui vient dÂailleurs? Et à ce propos, Sa Sainteté Benoît XVI interpelle non seulement les Africains, mais aussi le monde occidental à assumer ses responsabilités face à lÂAfrique: «Nous devons confesser que lÂEurope a exporté non pas seulement la foi en Jésus-Christ, mais aussi les vices du vieux continent. Elle a exporté le sens de la corruption, la violence qui dévaste actuellement lÂAfrique. Nous devons reconnaître notre responsabilité en faisant de sorte que lÂexportation de la foi [ ] soit plus forte que lÂexportation des vices [ ] Nous devons Âuvrer pour lÂenracinement de la foi et avec elle de la force pour résister à ces vices et reconstruire une Afrique chrétienne, qui sera une Afrique heureuse, un grand continent du nouvel humanisme». [18] Si lÂOccident doit sÂinterroger sur ses propres responsabilités, les Africains doivent également assumer leurs propres responsabilités. Les Africains savent-ils toujours faire le choix devant ce qui leur vient dÂailleurs, ou sont-ils des consommateurs passifs de tout ce que leur offre le monde des médias, notamment la violence, le consumérisme, la corruption des mÂurs? Comment concilient-ils leur enracinement dans la tradition africaine et leur regard projeté dans le futur? Un tel regard requiert à la fois lÂenracinement dans lÂhéritage culturel africain, mais aussi la capacité critique et inventive dÂintégrer des apports culturels nouveaux permettant à la culture de progresser. Ne perdons pas de vue que le passé des civilisations nÂest que lÂhistoire dÂemprunts continuels quÂelles se sont faites les unes aux autres, au cours des siècles, sans perdre pour autant leurs particularismes ni leurs originalités. Une telle capacité dÂintégration et de créativité nécessite un esprit ouvert et critique. La question fondamentale est dès lors celle de savoir comment conserver lÂenracinement dans la communauté tout en promouvant lÂautonomie nécessaire à la personne pour son affirmation comme acteur politique, économique et social? Telle est la grande question que pose lÂévolution souhaitée de la culture africaine. 21. Cette autonomie de la personne est décisive même dans la promotion dÂune culture de lÂécriture. LÂécriture est, par définition, un acte individuel, au même titre que la lecture, qui promeut lÂautonomie de la personne et de sa sphère relationnelle. Comment promouvoir une culture de lÂécriture et en systématiser lÂutilisation, sans perdre lÂenracinement africain dans lÂoralité? LÂon ne peut en effet négliger le fait que si le tribalisme perdure dans le continent, cÂest également à cause de lÂanalphabétisme et de la négation de lÂindividu en tant quÂacteur: mis dans une situation de précarité, il est amené à compter exclusivement sur la solidarité tribale. Comment concilier le sens fort de la famille avec une juste promotion de la personne? Comment concilier écriture et oralité dans le progrès des cultures africaines? Il nÂy a pas de projet social possible sans une assise culturelle solide. 22. Dans certains pays, on assiste encore aujourdÂhui à une discrimination sexuelle qui frappe les femmes. Elles se voient alors privées de certains droits qui, pourtant, sont dévolus à toute personne humaine. Dans certaines sociétés, on en arrive à traiter les femmes comme des esclaves, portant ainsi atteinte non seulement à leur dignité, mais aussi au meilleur patrimoine de la tradition africaine qui voit dans la femme, le symbole par excellence de la vie, don précieux. On doit condamner toute forme de violence infligée aux femmes. Dans cette perspective, on ne peut que sÂindigner que dans certains milieux les petites filles, dès leur âge le plus tendre, sont marginalisées ou considérées comme de moindre valeur. [19] Elles sont en certains lieux mutilées dans leur corps ou réduites tout simplement en esclavage. Par là, on porte gravement atteinte à leur dignité et à toute la Famille de Dieu. Nous ne pouvons pas non plus oublier des injustices graves commises à lÂégard des anciens, des orphelins, des malades, des personnes à mobilité réduite, qui de plus en plus sont abandonnés par les familles et les communautés. Cela est une injustice grave dans une Afrique où la personne est par la relation et non pas en fonction de ce quÂelle a ou peut faire. CÂest là une trahison et une injustice à lÂégard de lÂhéritage commun. Dans toutes ces situations, les moyens de communications jouent un rôle très particulier et dÂune importance capitale. Il sÂavère toujours plus urgent dÂinsister sur le fait quÂils doivent respecter le meilleur des traditions des ancêtres. Les moyens de communication sociale doivent être au service de la vie, de lÂédification de la personne dans ses aspirations les plus profondes et de la culture des valeurs. 23. Aussi pour de nombreuses personnes, la fuite hors du pays dÂorigine semble représenter lÂunique issue, dÂoù le grand nombre de réfugiés et immigrés africains, qui se comptent par millions sur tout le continent et en dehors du continent. Les phénomènes des réfugiés, des immigrés ainsi que celui de lÂexode rural, sÂaccompagnent dÂune tendance à rejeter la culture et les valeurs ancestrales. DÂoù la nécessité dÂinsister à nouveau sur lÂappel du Pape Jean-Paul II aux jeunes: «chers jeunes, le Synode vous demande de prendre en charge la culture de votre peuple et de travailler à sa redynamisation, fidèles à votre héritage culturel, en perfectionnant votre esprit scientifique et technique et surtout en rendant témoignage de votre foi chrétienne». [20] Il nÂy a pas de progrès économique et technique, sans enracinement culturel. La réflexion sur la réconciliation, la justice et la paix ne saurait donc pas faire fi de la composante culturelle et religieuse. III. Les religions au service de la réconciliation, de la paix et de la justice en Afrique 24. Dans cette perspective, lÂon ne peut passer sous silence les chances et les difficultés que présente le dialogue avec certaines communautés musulmanes et avec les adeptes de la Religion Traditionnelle Africaine ouverts à une collaboration en vue de lÂavènement de la réconciliation, de la justice et de la paix. Il est évident quÂil nÂy aura pas de paix sans la collaboration entre les adeptes des diverses religions. 1. La Religion Traditionnelle Africaine 25. Bien souvent, la Religion Traditionnelle Africaine constitue pour les chrétiens et les musulmans africains lÂhumus socio-culturel à partir duquel ils peuvent sÂentendre. En effet, la «Religion Traditionnelle Africaine constitue le contexte religieux et culturel dÂoù viennent la plupart des chrétiens en Afrique et dans lequel ils vivent encore». [21] En tant que religion qui embrasse la totalité de la vie, elle est souvent la source dÂinspiration fondamentale pour comprendre et traduire en action ce que sont la réconciliation, la paix et la justice. Et en tant que telle, elle est bien souvent pour les chrétiens et les musulmans, dans leur quête dÂentente et de collaboration, une vraie passerelle. 26. Dans la tradition religieuse et culturelle africaine, la réconciliation est souvent comprise comme pacification et renvoie à une harmonie vitale existentielle. Elle se manifeste dans lÂétat intérieur et extérieur dans lequel on se trouve. CÂest le manque de dureté ou de rudesse, cÂest aussi une bonté bienfaisante et active, qui soigne et veille au bien-être de lÂautre. De même, quÂune certaine forme de justice sociale ait été une préoccupation des sociétés traditionnelles africaines, cela est hors de doute. Elle est souvent considérée comme une harmonieuse disposition dans la possession, la protection, la répartition des biens qui maintiennent en vie. Les biens ne sont biens que dans la mesure où ils servent à lÂépanouissement de la vie de la communauté. On ne saurait toutefois perdre de vue que certaines pratiques, telles que le rite contre les sortilèges, peuvent produire aujourdÂhui des effets contraires et accentuer la haine et les divisions dans la société. DÂoù la nécessité dÂune réflexion approfondie pour distinguer tout ce qui, dans la Religion Tradition Africaine, promeut la paix, la justice et la réconciliation, de ce qui est contre ces valeurs. Dans ce domaine, comme dans celui du dialogue avec lÂIslam, il y a un besoin certain dÂune réflexion commune qui sous-tende lÂaction pastorale. 2. LÂIslam 27. Nous considérons ici lÂIslam en le situant par rapport au thème du prochain Synode: la réconciliation, la justice et la paix. LÂIslam est à comprendre dans son dynamisme actuel, qui a des aspects qui ne sont pas toujours rassurant comme celui de lÂintolérance religieuse. En outre, son impact politique est tellement diversifié quÂil rend difficile lÂétablissement, de manière univoque, de modalités concrètes pour le dialogue, pourtant indispensable. Par conséquent, il est nécessaire dÂopérer des distinctions entre sa dimension politique et sa dimension religieuse et, à lÂintérieur de celle-ci, entre lÂIslam et les musulmans, de manière à privilégier le dialogue de vie. Sous cet aspect, lÂIslam est souvent un partenaire important et difficile. [22] Important, parce quÂensemble avec les musulmans, les chrétiens peuvent élaborer des stratégies pour une collaboration fructueuse et paisible dans tous les domaines ayant trait à la réconciliation, à la justice et à la paix, à la promotion dÂun bon gouvernement dans la société et à trouver une position commune sur les valeurs touchant le caractère général dÂun peuple. Le dévouement désintéressé des personnes consacrées et le témoignage religieux de leurs vies sont souvent grandement appréciés dans les milieux musulmans. En de nombreux pays, chrétiens et musulmans ont créé des associations pour le dialogue, la promotion de la paix et de la justice. En certains endroits, il existe même des jours communs de jeûne et de prière entre chrétiens et musulmans. Les expériences positives dans les relations avec les musulmans en certaines régions dÂAfrique démontrent que lÂon peut continuer à espérer et prier pour que de telles collaborations se multiplient et deviennent encore plus efficaces. LÂon ne saurait oublier toutefois quÂune telle entreprise exige des structures efficaces et compétentes de collaboration. Force est de reconnaître que bien souvent, certains groupes de musulmans sont des partenaires difficiles faisant obstacle à la pratique commune de ces valeurs. 28. Dans cette perspective demeure encore actuel le vÂu du Pape Jean-Paul II: «Je souhaite vivement que si les fidèles musulmans trouvent justement aujourdÂhui dans les pays de tradition chrétienne les facilités essentielles pour satisfaire les exigences de leur religion, les chrétiens puissent de même bénéficier dÂun traitement comparable dans tous les pays de tradition islamique. La liberté religieuse ne saurait être limitée à une simple tolérance. Elle est une réalité civile et sociale, assortie de droits précis permettant aux croyants et à leurs communautés de témoigner sans crainte de leur foi en Dieu et dÂen vivre toutes les exigences». [23] Le respect du principe de réciprocité est une condition nécessaire pour tout progrès dans la réconciliation, la justice et la paix. 3. La collaboration avec les autres chrétiens 29. Dans lÂengagement pour la réconciliation, la justice et la paix, les chrétiens ne peuvent pas ignorer la prière de leur Seigneur et Maître de la vie: «afin que tous soient un. [ ] afin que le monde croie que tu mÂas envoyé» (Jn 17, 21). Le fond culturel africain commun, enrichi de la Parole de Vie, est un grand acquis pour pouvoir chercher ensemble des voies et des moyens pour rendre notre témoignage évangélique toujours plus crédible. Chaque chrétien est appelé à promouvoir toute initiative qui favorise lÂunité. Les efforts pour trouver des règles communes de traduction de la Bible en langues vernaculaires, la lutte commune pour lÂavènement de la paix, de la démocratie et le respect des Droits de lÂHomme ainsi que lÂengagement commun dans les divers processus de réconciliation, ont beaucoup contribué à supprimer les préjugés des uns contre les autres. Il faut dire toutefois quÂaucune motivation humaine ne suffira pour venir à bout des divisions et retrouver lÂunité de lÂÉglise. Celle-ci exige un renouveau spirituel pour comprendre ce quÂest la vraie unité de lÂÉglise. Ainsi, les moments de prière en commun, comme celui de la Semaine de prière pour lÂunité des chrétiens, revêtent une grande importance. en tant que membres de lÂÉglise catholique, nous ne pouvons quÂêtre convaincus que cÂest en elle que se réalise lÂÉglise dans sa structure fondamentale et nous continuons à prier afin que le Seigneur suscite partout la foi, de telle manière quÂelle aboutisse à former une seule Église dans le Christ. La Deuxième Assemblée Spéciale pour lÂAfrique du Synode des Évêques sera, espérons-le, une occasion providentielle pour présenter un tableau dÂensemble de la situation africaine, des stratégies et des objectifs à assigner afin que lÂÉglise dans le continent puisse efficacement continuer à promouvoir le Royaume de Dieu qui est réconciliation, justice, paix et amour. Dans ce contexte, le fond culturel religieux africain peut être un allié pour un dialogue avec les autres chrétiens et les autres religions en vue dÂune évangélisation en profondeur et de la promotion humaine, lesquelles ne peuvent advenir que dans un enracinement profond en Celui qui est le motif de notre espérance en une renaissance de lÂAfrique. Voilà pourquoi résonne en conclusion de ce chapitre la question fondamentale: où faut-il aller pour trouver les forces et les énergies pour une telle renaissance? IV. La perspective: Quo vadis, Africa? 30. Quel sera le support aux bouleversements comportementaux qui doivent sÂopérer pour que le destin de lÂAfrique change, pour quÂadvienne la réconciliation au milieu de tant de haines et de divisions, pour que règnent finalement la paix et la justice dans cette Afrique? Dans quel champ doit en priorité sÂexercer lÂimagination pour baliser les routes du futur? Comment annoncer lÂÉvangile dans une Afrique marquée de haines, de guerres et dÂinjustices? Comment faire face aux excès de la mondialisation? Bref, comment rester fidèle au mandat du Seigneur et offrir la contribution ecclésiale à la promotion de la réconciliation, de la paix et de la justice? Face à ces défis, lÂÉglise-Famille de Dieu en Afrique nÂa dÂautre réponse que celle de Simon Pierre: «Seigneur, à qui irons-nous? Tu as les paroles de la vie éternelle» (Jn 6, 68). Toutes ces questions nous invitent donc à repartir du Christ, plénitude de vie, notre réconciliateur, notre paix et notre justice. Le Christ est notre «espérance» (cf. 1 Tm 1, 1); il est notre «paix, lui qui des deux peuples nÂen a fait quÂun, détruisant la barrière qui les séparait, supprimant en sa chair la haine» (Ep 2, 14). CÂest toute lÂÉglise qui est invitée à sÂinterroger sur ces vérités de notre foi, sur leur signification et surtout sur leurs conséquences pour sa mission: lÂannonce de lÂÉvangile quÂest Jésus-Christ, source de notre plénitude de vie. 31. Sans se laisser séduire par la perspective naïve quÂil pourrait exister pour toutes ces questions une solution facile, lÂÉglise-Famille de Dieu en Afrique confesse que la solution est une Personne: Jésus-Christ! Voilà pourquoi elle invite de nouveau à persévérer dans lÂespérance en Lui, lÂunique capable de nous redonner la dignité et la vraie liberté. En recentrant sa pensée et son action sur le Christ, en le faisant connaître et aimer, en introduisant à lÂimitation du Christ par une expérience de rencontre personnelle et communautaire avec lui, lÂÉglise-Famille de Dieu en Afrique veut rayonner de la vie trinitaire et transformer avec le Christ, par lui, en lui et pour lui, lÂhistoire et les sociétés africaines. CÂest dans la rencontre avec le Dieu vivant qui se donne en Jésus le Christ que lÂAfrique trouvera la plénitude de vie à laquelle elle aspire. CÂest dans et par cette expérience de rencontre avec Lui que notre foi devient inébranlable, comme celle de Moïse: «Il était inébranlable dans sa foi comme sÂil avait vu lÂInvisible» (He 11, 27). Une telle foi «traverse tous les obstacles pour aller se reposer au sein de lÂAmour infini, qui ne peut faire quÂÂuvre dÂamour».
[24]
Tels sont lÂamour, la foi et lÂespérance en Jésus-Christ que la Deuxième Assemblée Spéciale veut raviver dans la pensée et lÂagir des fils et des filles de lÂÉglise en Afrique. Jésus le Christ, parole et pain de vie, 32. «Venez à moi, vous tous qui êtes fatigués et opprimés et moi je vous restaurerai» (Mt 11, 28). LÂÉglise-Famille de Dieu qui est en Afrique trouve en ces paroles une invitation à la confiance, à jeter de nouveau les filets en profondeur, elle qui, depuis lÂAssemblée Spéciale pour lÂAfrique du Synode des Évêques, a fait une option préférentielle pour les pauvres. Elle manifestait ainsi que la situation de déshumanisation et dÂoppression qui afflige les peuples africains la place devant une crise dans son sens original de «jugement» et devant un défi: la crise de conversion, de sainteté et dÂintégrité; le défi de développer toutes les potentialités du message évangélique de lÂadoption divine, afin de libérer les peuples africains du péché et des «structures de péché» [25] de ce joug lourd qui pèse sur eux. Cette crise et ce défi nous portent à tourner nos regards vers Celui qui est notre Vie et notre Libération: Jésus le Christ! I. Parole de vie en abondance 33. LÂÉpître aux Hébreux nous annonce que Dieu, «après avoir, à maintes reprises et sous maintes formes, parlé jadis aux Pères par les prophètes, en ces jours qui sont les derniers, nous a parlé par le Fils, quÂil a établi héritier de toutes choses, par qui aussi il a fait les siècles» (He 1, 1-2). [26] Ce Fils par lequel Dieu nous parle est lui-même la Parole devenue chair: il est la preuve par excellence de lÂefficacité de la Parole de Dieu telle quÂelle est attestée par le Prophète: «ainsi en est-il de la parole qui sort de ma bouche, elle ne revient pas vers moi sans effet, sans avoir accompli ce que jÂai voulu et réalisé lÂobjet de sa mission» (Is 55, 11). Devenue chair, cette parole est à lÂorigine de ce que nous sommes et faisons; elle est le fondement de toute vie. Par elle, Dieu nous engendre à une vie nouvelle, à condition que nous le recevions. Car, cÂest à ceux qui lÂont reçu qu«il a donné le pouvoir de devenir enfants de Dieu» (Jn 1, 12). CÂest donc à partir dÂelle que nous devons comprendre les traditions africaines, corriger et ajuster leurs visions de la vie, de lÂhomme et de la famille. Le Christ Jésus, Parole de vie, est la source et lÂaccomplissement de toutes nos vies. 34. Dans la tradition africaine, parole et vie sont intimement liées. La parole est efficace de manière à précipiter dans la mort ou à donner la vie. La Parole de Dieu devenue chair assume et élève le sens sacré quÂavait la parole dans les traditions africaines pour la rendre salvifique et la dépouiller de la mort, afin que personne nÂaille à sa perte. Mais quand on voit combien le peuple africain est objet de manipulation par la parole monopolisée par la radio, la télévision et les discours politiques, on peut dire quÂelle est devenue on ne peut plus mortelle, alors que lÂÉvangile de Jésus-Christ a rehaussé infiniment son caractère sacré et vivifiant. Or, dans la ligne de la plupart des traditions africaines et des îles adjacentes, la parole devrait être une interprétation correcte du monde. Cet élément culturel et religieux devrait nous permettre de comprendre mieux ce que signifie lÂêtre nouveau inauguré par Celui qui est Parole par excellence, et donc de qui découle désormais toute vie. Cela exige du chrétien une familiarité avec cette Parole, pour quÂelle devienne concrète dans sa vie quotidienne. DÂoù lÂimportance de la connaissance de cette Parole par le chrétien; non pas une connaissance purement intellectuelle, académique ou par «ouïe dire»; mais une connaissance qui jaillit dÂune rencontre personnelle avec le Christ qui nous parle dans les Écritures Saintes. Il est urgent que nos communautés chrétiennes deviennent toujours plus ces lieux dÂécoute profonde de la Parole de Dieu, dÂune lecture orante des Écritures Saintes, comme nous le rappelle Sa Sainteté Benoît XVI: «la lecture de lÂÉcriture Sainte est prière, doit être prière, doit émerger de la prière et conduire à la prière». [27] CÂest dans cette lecture orante et communautaire en Église que le chrétien rencontre le Christ ressuscité qui lui parle et lui redonne espérance en la plénitude de vie quÂil donne au monde. Mort et ressuscité, Jésus est confirmé comme source et accomplissement de toute vie: Il est le Principe de toute vie nouvelle; car en lui et par lui, Dieu donne au monde la Parole de vie et réconcilie désormais tous les êtres «en faisant la paix par le sang de sa croix» (Col 1, 20; cf. Col 1, 18sq.) et en étant la justification de tous. Cette justification et cette paix, il nous la donne au fil des temps dans le Pain rompu, qui rend concrète en nous sa Parole, faisant dÂelle Chair avec notre chair, Corps avec notre corps pour quÂunis à lui nous reflétions sa lumière, sa présence dans le monde, nous donnions au monde la saveur divine.
II. Pain de vie 35. En effet, par le Pain rompu, le «Christ rend présent, au long du temps, son mystère de mort et de résurrection». [28] Dans le Pain rompu, Il se donne «en personne comme Âpain vivant descendu du ciel (Jn 6, 51) et, avec Lui, nous est donné le gage de la vie éternelle, grâce auquel, on goûte par avance au banquet éternel de la Jérusalem céleste». [29] Dans ce festin pascal Dieu lui-même vient à notre rencontre, il vient nous chercher dans le quotidien de nos situations ordinaires et nous unir dans le mystère du don de son amour et anticiper ainsi lÂunion définitive avec lui. LÂEucharistie nous oriente vers lÂavenir, vers lÂultime retour du Christ. Elle oriente notre attention vers lÂattente du retour du Seigneur. Cette attente nous introduit dans une dynamique qui met en marche et qui donne à notre cheminement dans lÂhistoire le souffle de lÂespérance. LÂAttendu nÂest pas cependant absent de lÂhistoire, car lÂEucharistie le rend vraiment présent. Dans la réalité de son Corps et de son Sang, le Christ se rend tout entier substantiellement présent à nos vies, [30] réalise sa promesse dÂêtre avec nous tous les jours de nos vies jusquÂà la fin des temps (cf. Mt 28, 20) et nous renvoie vers nos réalités quotidiennes pour que nous puissions les remplir de sa présence qui jaillit de notre rencontre avec Lui. CÂest cette relation intime et mutuelle avec Lui qui nous permet dÂanticiper en quelque sorte le ciel sur la terre. Dans lÂEucharistie est bien mise en évidence que la vie est relation de communion avec Dieu, avec nos frères et sÂurs, et avec toute la création entière. LÂEucharistie fait de nous Église, signe et instrument de son amour qui transforme le monde. 36. En effet, quÂy a-t-il de plus dramatique dans le contexte socio-politique et économique actuel du continent africain que la lutte souvent sanglante pour la vie et la survie? Et si la Première Assemblée Spéciale pour lÂAfrique de 1994 a insisté sur lÂÉglise-Famille de Dieu, quelle peut bien être son apport dans la construction de lÂAfrique assoiffée de réconciliation et en quête de justice et de paix? Les guerres ethniques ou régionales, les massacres et les génocides qui ont libre cours sur le continent doivent nous interpeller dÂune manière toute spéciale: sÂil est vrai quÂen Jésus-Christ, nous appartenons à la même famille et partageons la même Parole de vie et le même Pain de vie, sÂil est tout aussi vrai que nous partageons la même Vie, car le même Sang du Christ circule dans nos veines, faisant de nous les enfants de Dieu, membres de la Famille de Dieu; alors il ne devrait plus y avoir de haines, dÂinjustices et de guerres entre frères. DÂoù la nécessité dÂapprofondir et dÂincarner dans la vie ce quÂest le mystère dÂune Église-Famille.
Église, sacrement de réconciliation, de justice et de paix en Afrique 37. Définie comme Église-Famille, lÂÉglise en Afrique entend rappeler à tous quÂils sont sÂurs et frères (cf. Mt 23, 8) et quÂils ont tous le devoir de rechercher en toute chose, ce qui contribue à édifier la fraternité, la paix (cf. Rm 14, 19) et la justice. Dans le dessein de Dieu, lÂÉglise nÂest pas un moyen que lÂon peut employer pour une quelconque idéologie. Elle est bien plutôt, dans le mystère de la communication de lÂamour de Dieu à lÂhumanité, le signe et lÂinstrument [31] de la communion de la famille humaine avec Dieu lui-même et de la communion entre les hommes et avec toute la création. Elle est en son sein porteuse de la Parole et du Pain de vie, Parole et Pain dÂamour.
I. La perspective missionnaire de réception de lÂÉglise-Famille de Dieu dans lÂAfrique contemporaine 38. Le sens de la fraternité qui va au-delà des limites de sa propre famille, de sa propre tribu ou ethnie est une valeur qui est réellement enracinée dans les milieux africains; il est la source dÂinspiration des comportements de solidarité qui ont amené beaucoup de gens jusquÂà la mort, parce quÂils ont refusé de participer à la violence exercée par leurs groupes contre les autres, ou parce quÂils ont protégé et défendu des gens voués à lÂextermination par leurs groupes. 39. CÂest dans cette tradition marquée par la sacralité de la vie, la fraternité et le sens de la parole que sÂinscrit la définition de lÂÉglise comme Famille de Dieu. Elle est le lieu de la fraternité, elle qui se reçoit du Christ, plénitude de vie, notre frère Aîné, Premier-né dÂentre les morts; elle qui vit de la Parole vivante du Père Éternel. En tant que Mère qui nous génère dans le baptême à la vie en Dieu, elle doit être le lieu par excellence de la vie, et non de la mort. CÂest par son sang versé, jaillissant de son flanc sur la croix que Jésus nous établit en frères et sÂurs unis désormais par le lien de son Sang qui, de lÂEucharistie, passe dans nos veines. La vie reçue dans le baptême et que chacun de nous est appelé à son tour à faire grandir par la participation aux sacrements, et spécialement lÂEucharistie, doit être de tous et par tous contemplée comme sacrée, et par conséquent, respectée et protégée. Puisque désormais, cÂest le même Sang du Christ qui circule en chacun de nous et nous constitue Église-Famille de Dieu dans le Corps et Sang du Christ, verser le sang de son frère, cÂest verser son propre sang, le Sang du Christ, cÂest tuer sa vie en nous. Personne nÂest autorisée à porter atteinte à la vie. Seul Dieu en est le maître. Tous nous la recevons de Lui et devons la remettre en ses mains. LÂEucharistie met particulièrement en évidence ce caractère sacré de la vie et notre responsabilité commune par rapport à elle. 40. La mission dÂune Église qui se veut Famille de Dieu en Afrique ne peut désormais se comprendre quÂà partir de cette communication de la vie, quÂà partir de lÂunité-fraternité qui jaillit de la paix que nous donne le Sang du Christ versé pour nous. LÂannonce de cette paix aux peuples déchirés par les conflits et les guerres résonne désormais en nos cÂurs en ces termes: «Vous êtes tous frères» (Mt 23, 8), arrêtez les guerres! CÂest là rejoindre une des déclarations fondamentales de Concile Vatican II «lÂactivité missionnaire de lÂÉglise [ ] possède un lien intime avec la nature humaine et ses aspirations» [32] et précise que «lÂÉvangile [ ] se présente toujours comme un ferment de fraternité, dÂunité et de paix». [33] Par conséquent, personne ne peut prendre plaisir à détruire, à tuer sa sÂur ou son frère, à dépouiller sa propre famille, à la priver des forces vitales nécessaires. Dès lors, lÂon peut dire, se situant dans la perspective de ce mystère de lÂÉglise-Famille de Dieu, que si lÂAfrique est frappée par la pauvreté, la corruption, lÂinjustice et la violence, lÂÉglise doit être une communauté qui guérit, réconcilie, pardonne et encourage, bref, une Église évangélisatrice et engagée dans la promotion humaine, comme nous le rappelle si bien Sa Sainteté le Pape Benoît XVI: «LÂÉglise est famille de Dieu dans le monde. En cette famille, personne ne doit souffrir par manque du nécessaire». [34] La Deuxième Assemblée Spéciale devrait nous permettre dÂaccroître la prise de conscience de ce lien étroit entre la mission et la promotion humaine, de traduire dans le quotidien la Doctrine sociale de lÂÉglise. II. La Doctrine sociale de lÂÉglise et sa mission évangélisatrice 41. Pour lÂÉglise-Famille de Dieu en Afrique, le lien qui existe entre la mission évangélisatrice et la promotion humaine est un lien indissociable de son être et de sa mission; [35] étant donné que le salut en Jésus-Christ quÂelle annonce concerne lÂhomme dans son intégralité. Pour elle, «évangéliser cÂest développer lÂhomme dans toutes les dimensions de sa vocation de fils de Dieu». [36] Ce lien se concrétise dans des actes dÂengagement pour la promotion humaine tels que: éducation, santé, assistance aux nécessiteux, projets de développement, défense des Droits de lÂHomme et engagement pour lÂavènement de la démocratie et des états de droit. Séparer la promotion humaine de lÂamour évangélique qui la porte, cÂest nier lÂunité profonde de lÂengagement humain dans lequel se révèle, en effet, lÂidentité profonde du chrétien. 1. Quelques principes fondamentaux de la Doctrine sociale de lÂÉglise a. Le fondement théologique et anthropologique 42. Par sa Doctrine sociale, lÂÉglise réalise fidèlement sa mission spécifique: celle dÂêtre dans le monde le reflet de lÂamour de Dieu pour tout être humain. Dans lÂannonce et lÂactualisation de lÂÉvangile, «elle atteste à lÂhomme, au nom du Christ, sa dignité propre et sa vocation à la communion des personnes, elle lui enseigne les exigences de la justice et de la paix, conformes à la sagesse divine». [37] À lÂhomme en tant quÂêtre de relation, lÂÉglise exprime sa proximité grâce à sa Doctrine sociale. [38] Elle lui révèle quÂil est un être spirituel et corporel, en relation avec Dieu, avec ses frères et sÂurs dans lÂhumanité et avec toutes les autres créatures. CÂest donc lÂhomme, considéré dans sa dimension historique, qui est au cÂur de la Doctrine sociale de lÂÉglise. [39] Celle-ci reçoit ses orientations à partir du principe de la dignité de la personne humaine. [40] 43. De lÂhomme et des réalités terrestres, il est déjà question dans les premières pages de lÂÉcriture Sainte. Dès le début, lÂhomme, créé à lÂimage de Dieu (cf. Gn 1, 27), est posé comme le gardien de la création (cf. Gn 2, 15; Ps 8; Sg 9, 1-5; Si 17, 1-4). Cette mission de gardien va de pair avec le devoir de cultiver la terre. Le travail se révèle comme le lieu à partir duquel, lÂhomme assume sa mission de gardien. Ainsi Saint Paul peut dire aux Thessaloniciens: «en mettant votre honneur à vivre calmes, à vous occuper chacun de vos affaires, à travailler de vos mains, comme nous vous lÂavons ordonné» (1 Th 4, 11; cf. Ep 4, 28; 2 Th 3, 10). Le travail est souligné non seulement comme une nécessité, comme un moyen dÂassurer sa propre subsistance et celle des autres, mais comme ce qui donne dignité à lÂhomme et donc le libère pour être le gardien de la création et jouir de ses fruits (cf. 2 Tm 2, 6). En même temps, les textes sacrés attirent notre attention sur la caducité des réalités terrestres (cf. 1 Tm 6, 6-10; 1 Co 7, 29-31). CÂest à partir de cette perspective eschatologique que se mesure et sÂévalue toutes les réalités terrestres et la relation de lÂhomme à elles. b. Certains principes fondamentaux 44. Au cÂur de cette mission de gardien et de ce devoir de travailler et de jouir des fruits de son travail, les textes sacrés insistent sur la solidarité de tout le créé comme un principe fondamental qui garantit lÂunité, la justice et la paix. Saint Paul rappelle que tous sont appelés à mettre à disposition des autres leurs propres biens (cf. 1 Tm 6, 17-19). [41] Il ne sÂagit pas dÂenlever aux uns ce qui leur est dû, mais de veiller à ce que demeure de mise, au sein de la création, le principe dÂéquité (cf. 2 Co 8, 13-15), que lÂabondance des uns supplée au manque des autres. Un tel partage doit veiller à ne pas encourager le parasitisme, mais à créer une vraie culture du travail et de la solidarité. Ce principe de solidarité est intimement lié au principe de la destination universelle des biens: «Dieu a destiné la terre et tout ce quÂelle contient à lÂusage de tous les hommes et de tous les peuples, en sorte que les biens créés doivent être mis en abondance à la disposition de tous, de façon équitable, sous la conduite de la justice, dont la charité est la compagne». [42] Ce principe est à la base du droit à lÂusage des biens. Tout être humain doit avoir la possibilité de jouir du bien-être nécessaire à son plein développement. La destination universelle des biens exige de tous lÂeffort pour obtenir pour toute personne humaine et pour tous les peuples les conditions nécessaires pour un développement intégral. Par conséquent, lÂÉglise considère le droit à la propriété privée comme étant subordonné au droit de lÂusage commun et au principe de la destination universelle des biens. [43] Par là, on entend souligner le fait que lÂhomme doit considérer les biens quÂil possède non seulement comme sa propriété, mais aussi comme étant communs, dans ce sens quÂils peuvent toujours être utiles aussi aux autres. [44] Par le biais du principe de la destination universelle des biens, lÂÉglise met en évidence son option préférentielle pour les pauvres, [45] laquelle renvoie chaque chrétien à ses responsabilités sociales en tant que témoin du primat de la charité du Christ. Cela vaut également au niveau des biens culturels. 45. Les nouvelles connaissances techniques et scientifiques doivent être mises au service des besoins premiers de lÂhomme. LÂÉglise en Afrique sÂunit à la voix du Pape Jean-Paul II pour exiger que lÂon en finisse avec «les barrières et les monopoles qui maintiennent de nombreux peuples en marge du développement, assurer à tous les individus et à toutes les nations les conditions élémentaires qui permettent de participer au développement». [46] LÂÉglise ne nie cependant pas le droit à la propriété privée. Celle-ci assure à la personne humaine lÂespace nécessaire pour lÂautonomie personnelle et familiale et peut être considérée comme un prolongement de la liberté humaine. Elle est un stimulant pour le sens du devoir et de la responsabilité. [47] Elle ne doit pas cependant être considérée comme un bien absolu. Elle est relative au bien commun. 46. Le bien commun peut être entendu comme la dimension sociale e communautaire du bien moral. De même que lÂagir moral de la personne se réalise dans lÂaccomplissement du bien, lÂagir social atteint sa plénitude dans la réalisation du bien commun. [48] La responsabilité du bien commun revient non seulement à lÂÉtat, mais aussi aux individus. LÂÉtat doit en effet garantir la cohésion, lÂunité et lÂorganisation de la société dont il est lÂexpression, de manière que tous ses citoyens puissent contribuer au bien commun. De ce fait, il doit harmoniser avec justice les différents intérêts sectoriels et réglementer les différends. LÂordre juste de la société et de lÂÉtat est le devoir essentiel du politique. [49] Pour le réaliser, il est important que le politique respecte et fasse respecter les valeurs fondamentales de la vie sociale telles que: la bonne gouvernance, la vérité, la liberté et la justice. 47. LÂavènement de cet ordre exige la collaboration et la participation de toutes les composantes de la société. Voilà pourquoi, lÂÉglise insiste sur le respect et lÂapplication du principe de subsidiarité, selon lequel toutes les sociétés dÂordre supérieur doivent avoir une attitude de soutien, de support, de promotion, dÂaide (subsidium) par rapport aux sociétés dÂordre mineur. Par là, lÂÉglise entend dire que si lÂÉtat veut promouvoir la dignité de la personne humaine, il doit encourager, soutenir, promouvoir et développer «les initiatives qui naissent des différentes forces sociales et qui associent spontanéité et proximité avec les hommes ayant besoin dÂaide». [50] Sur base de ce principe, lÂÉglise est contraire à toute forme dÂexcès de centralisation, de bureaucratisation, de présence de lÂÉtat et de lÂappareil administratif. En sens inverse, on peut noter en certains pays africains, lÂabsence totale dÂun État qui garantit la sécurité des biens et des personnes et capable de soutenir et promouvoir les initiatives qui viennent dÂen bas. Une des conséquences du principe de subsidiarité est justement la participation. Elle sÂexprime essentiellement «à travers une série dÂactivité au moyen desquelles le citoyen, comme individu ou en association avec dÂautres [ ] contribue à la vie culturelle, économique, sociale et politique de la communauté civile à laquelle il appartient». [51] Aucun citoyen ne peut se soustraire à ce devoir de participation. LÂÉglise faisant sienne les joies et les souffrances du peuple de Dieu ne peut se soustraire à ce devoir de participation. 2. Quelques tentations à vaincre 48. Dans cette perspective, lÂÉglise ne perd pas de vue que les fidèles qui constituent lÂÉglise dÂaujourdÂhui sont aussi marqués par lÂesprit du temps; ils partagent les joies et les souffrances des hommes dÂaujourdÂhui. [52] La réalisation de sa mission de donner forme concrète au Règne de Dieu dans lÂhistoire exige de lÂÉglise cette solidarité avec toute la création, mais, avant tout, une conversion continue. À lÂexemple du Christ, nous ne serons fidèles à cette mission quÂen effectuant une conversion continue vers le Père, source de toute vraie vie, lÂunique capable de nous délivrer du mal, de toute tentation et de nous maintenir dans son Esprit, au sein même du combat contre les forces du mal. 49. Selon lÂÉvangile de Saint Luc, nous ne pouvons perdre de vue que la première tentation est celle de transformer les pierres en pain (cf. Lc 4, 1-5). En nous engageant dans la lutte contre la faim, ne nous laissons pas dévier de la trajectoire originaire: le Christ comme vrai Pain de vie. En focalisant lÂattention, en raison des détresses, vers lÂespérance des lendemains meilleurs où seront bannis pénurie, conflits, dissensions et violences, nÂoublions pas lÂécoute de ce qui sÂannonce comme forme fondamentale de toute vraie libération: lÂappel de Jésus à la conversion (cf. Mt 4, 17). Ne tombons pas dans la tentation dÂun messianisme qui écarte, comme par enchantement, la pénurie, comme si lÂéconomie, le travail quÂelle suppose et lÂinventivité quÂelle requiert nÂétaient que des accidents malheureux de notre condition. Puisse la Deuxième Assemblée Spéciale être un temps fort de réflexion pour trouver des voies et des moyens de relancer nos économies et créer une vraie et solide culture du travail bien fait. 50. La deuxième tentation (cf. Lc 4, 5-9) évoque notre rapport au devenir de lÂAfrique: le politique. Dans la réponse de Jésus à cette tentation se révèle une critique du politique: sa prétention à vouloir être le médiateur exclusif de la libération et donc à sÂétablir en Absolu excluant toute dimension religieuse. En effet, lÂÉtat ne peut ignorer ou vouloir se débarrasser de la religion. La réalisation de la société juste ne peut advenir sans la composante de lÂamour. Comme nous le rappelle Sa Sainteté Benoît XVI, quiconque veut se débarrasser de lÂamour finit par se débarrasser de lÂhomme. [53] Le politicien africain nÂest pas non plus épargné par cette tentation. En effet, on note chez beaucoup de nos politiciens la tendance à ignorer la religion ou à vouloir sÂen débarrasser. Plus que lÂattention à la vérité de Dieu, ce sont leurs idoles qui comptent. Les idoles ne possèdent quÂun pouvoir imaginaire ou de fascination, elles nÂont pas le souci de lÂêtre humain puisquÂelles nÂexistent que de son désir dévié ou pervers. Un seul garantit la vie, celui qui nÂest point une idole, mais le Dieu vrai. Jésus dédivinise le politique, il le dénonce comme une tentation majeure et lui donne sa vraie dimension: être le vecteur privilégié dÂune histoire réconciliée. La réconciliation est avant tout un don qui nous vient de Dieu, lÂUnique qui opère dans le plus profond des cÂurs. LÂattitude du chrétien face à la tentation du politique qui tend à sÂériger en maître de la vie ne peut être que celle des Rois Mages (cf. Mt 2, 12.16-18) qui solidarisent avec lÂEnfant-Jésus et sa famille et sÂengagent à protéger à tout prix sa vie. De la même manière, les chrétiens sÂopposent aux sorciers et aux sorcières modernes qui sèment partout en Afrique la misère et la mort, avec leurs armes et leurs politiques criminelles. Par le baptême et par la Célébration eucharistique, le chrétien reçoit la vie de Dieu et sÂengage à la faire grandir en soi, mais aussi à la laisser croître dans les autres. Cet accueil de la vie du Christ en nous doit nous conduire jusquÂà la résistance à tout message et à toute autorité contraires à la vie. Le massacre des innocents du temps de Jésus, lui-même pacifiquement protégé par les Rois Mages, a été la conséquence de cette décision sanglante dÂHérode. Et depuis ce temps-là combien de martyrs, hommes et femmes, dans lÂhistoire du Christianisme, nÂont pas payé de leur vie cette résistance née de la fidélité à lÂÉvangile et à la personne du Christ? 51. LÂhistoire récente de lÂAfrique en témoigne également. Nous pensons ici non seulement aux martyrs tels que ceux de lÂOuganda, les Bienheureux Annuarite Nengapeta et Isidore Bakanja; mais aussi à certains témoins de la foi tels que le Bienheureux Cyprien Michael Iwene Tansi et le Serviteur de Dieu Julius Nyerere et à tous ces nombreux chrétiens qui ont souffert lÂemprisonnement, la torture, la privation de leurs biens à cause de lÂÉvangile. Comment ne pas mentionner également toutes ces victimes de lÂhistoire récente de nos pays, ces hommes et ces femmes brutalement déchiquetés par les balles des dictateurs africains et étrangers et dont le seul crime était de réclamer la paix, plus de justice et de dignité humaine pour leurs concitoyennes et concitoyens opprimés. Souvent ce sont les chrétiens qui prennent une part très active à lÂorganisation du destin politique et économique de leurs peuples. Il nÂest pas rare, en effet, quÂils soient, eux aussi, à lÂorigine des divisions, des guerres interethniques, de la corruption et dÂautres maux qui agitent le continent. Ce faisant, ils trahissent non seulement lÂÉvangile du Christ, mais encore ils font fi même de leur tradition ancestrale qui voudrait que chacun pourvoie à lÂaccroissement de la vie de chacun et de toute la communauté. Comment maintenir toujours vivante la conscience du fait que la nature de sa mission exige de lÂÉglise lÂunité et la fidélité à lÂenseignement du Maître? 52. La troisième tentation (cf. Lc 4, 9-13) dévoile les raisons des illusions économiques et politiques: user de la puissance divine pour des fins contredisant le désir de Dieu et son action, construire un divin à la mesure du désir de lÂhomme. La logique chrétienne est, en revanche, celle de sÂinterroger sur le destin de la foi en ce monde: le Règne est là, et cÂest ici et maintenant quÂil faut le voir et lÂexpérimenter. Voilà pourquoi, lÂExhortation Apostolique proclame haut et fort quÂil «est impossible dÂaccepter que lÂÂuvre dÂévangélisation puisse ou doive négliger les questions extrêmement graves, tellement agitées aujourdÂhui, concernant la justice, la libération, le développement et la paix dans le monde». [54] Comment entendre dès lors lÂavènement du Règne comme réconciliation, justice et paix? La Deuxième Assemblée Spéciale est une opportunité pour réfléchir et trouver dans la lumière de lÂEsprit les voies et les moyens dÂun témoignage chrétien fécond et efficace dans le monde de la politique et de lÂéconomie en Afrique. Le meilleur fonctionnement de ce deux domaines dépend beaucoup de la capacité des Africains à se réconcilier, à rétablir la paix et la justice. CÂest particulièrement urgent parce que la situation actuelle en ce qui concerne la réconciliation, la justice et la paix dans la plupart des pays africains peut être qualifiée de préoccupante dans certains pays, et de désastreuse dans dÂautres. Le témoignage dÂune Église qui reflète la lumière du Christ sur le monde 53. La mission de lÂÉglise est dÂannoncer la Bonne Nouvelle du salut, un salut qui libère lÂhomme, tout lÂhomme, lÂhomme dans toutes ses dimensions: spirituelle, morale, culturelle, économique et sociale. CÂest cette mission qui incombe à lÂÉglise-Famille de Dieu en Afrique. Elle interpelle tous les membres de lÂÉglise, chacun à son niveau et dans son milieu de vie. I. LÂÉglise dans sa dimension hiérarchique et son témoignage dans le monde 1. Le rôle de lÂévêque et celui des Conférences épiscopales 54. LÂévêque étant le premier pasteur de lÂÉglise locale, il lui incombe dÂassumer en premier cette responsabilité et de veiller à trouver la méthode et les attitudes adéquates pour enseigner et mettre en Âuvre ce message doctrinal et pastoral. Cela exige quÂil doit manifester une plus large solidarité envers le peuple et une grande sensibilité aux problèmes qui affectent la vie du peuple de Dieu qui lui est confié. [55] Il doit démontrer une réelle volonté à en trouver des solutions en en dévoilant les vraies causes. Il doit toujours être prêt à prendre position lorsque les droits humains fondamentaux sont bafoués et, sÂinspirant à la Doctrine sociale de lÂÉglise, exiger le respect des principes de la bonne gouvernance de la part de la classe politique. Il doit par conséquent avoir le souci de former des chrétiens capables de dépasser la dichotomie entre la conscience individuelle et lÂappartenance au groupe. LÂévêque doit réconcilier, il ne doit pas avoir de parti pris. Dans les conflits qui secouent lÂAfrique, lÂÉglise doit être un arbitre dont lÂimpartialité ne doit pas être mise en discussion. Les prises de position de lÂévêque se doivent dÂêtre impartiales vis-à-vis du pouvoir politique et des idéologies des différentes formations à caractère politique ou tribal. Une telle impartialité devrait lui permettre dÂêtre en position favorable pour dénoncer les abus de ce même pouvoir ainsi que les manipulations du peuple par certains politiciens et défendre avec énergie les petites gens qui voient, impuissants, leurs droits foulés au pied. 55. CÂest dans la collégialité et la solidarité avec ses confrères dans lÂépiscopat que son action trouvera son efficacité. LÂunité à lÂintérieur de la Conférence épiscopale est dÂune importance capitale surtout en situation de crise sociale et politique. CÂest cette unité qui rendra lÂaction de lÂÉglise crédible et prometteuse de lendemains meilleurs. Une telle unité ne se limite pas à lÂintérieur dÂun pays; elle devrait caractériser aussi les relations avec les autres Conférences épiscopales régionales et continentale. Cela exige de la part de chaque évêque un profond et authentique sens ecclésial et une fidélité indéfectible à lÂÉvangile dans la recherche des solutions aux problèmes communs. 56. Les Conférences épiscopales devraient relancer et rendre vraiment opérationnelles les différentes Commissions «justice et paix». Il faut en outre les soutenir et les doter de tous les moyens nécessaires afin de leur permettre de jouer efficacement leur rôle. Elles devraient être les lieux dÂétude des problèmes auxquels les sociétés africaines sont confrontées pour ensuite contribuer à en trouver des solutions adéquates. DÂoù la nécessité, de la part des évêques et des Conférences épiscopales, dÂune sensibilisation, sinon dÂun apprentissage, à débattre sur les problèmes de la société, à la lumière de la Parole de Dieu, de la Doctrine sociale de lÂÉglise et des Messages pontificaux par exemple, ceux pour la Journée mondiale de la paix. Ceci exige de préparer adéquatement les agents pastoraux à cette mission. Dans cette perspective, chaque Conférence épiscopale devra mettre en place une pastorale particulière en vue de répondre aux exigences des différentes catégories qui composent la société: les forces armées, les mouvements armés et les milices, les politiciens, les intellectuels et les fonctionnaires, les réfugiés à lÂextérieur et les déplacés à lÂintérieur du pays. Vu le rôle que toutes ces catégories jouent -ou sont appelées à jouer- pour quÂil y ait paix et justice en Afrique, il est absolument indispensable quÂelles soient dorénavant plus au centre de lÂattention de la part des pasteurs de lÂÉglise. Chaque Conférence épiscopale devrait penser à mettre sur pied des équipes dÂexperts chargées dÂélaborer sérieusement des projets pastoraux qui répondent aux exigences de chacune de ces catégories sociales. Encore faudra-t-il que ces équipes dÂexperts soient dotées de moyens suffisants et dÂinstruments nécessaires pour pouvoir bien y travailler. 2. Les Commissions épiscopales «justice et paix» 57. Chaque Conférence épiscopale, et au besoin chaque diocèse, devrait avoir une Commission épiscopale «justice et paix». Celle-ci doit être lÂÂil vigilant de lÂÉglise locale au sein de la société au sujet de tous les problèmes épineux qui la hantent, en particulier ceux relatifs à la justice sociale, lÂéquité, les droits de lÂhomme, la promotion du bien commun, la coexistence démocratique, la réconciliation, le développement. Elle devrait être un organe dÂétude et de réflexion dans le cadre de la pastorale dÂensemble définie par la Conférence épiscopale et en relation avec le Conseil Pontifical justice et paix. En tant que telle, cette Commission est à concevoir comme une Âuvre dÂÉglise qui pense en Église et pour lÂÉglise. Elle se veut une Commission pour la promotion de la justice et de la paix selon lÂesprit de lÂÉvangile et de lÂenseignement de lÂÉglise sur ces valeurs. Elle est un instrument indispensable pour lÂexécution dÂune pastorale spécifique en matière de réconciliation, de justice et de paix. 3. Les prêtres, les personnes consacrées et les Institutions ecclésiales de formation a. Les prêtres 58. La mission spécifique du prêtre dans lÂÉglise, comme nous le rappelle le Concile Vatican II, nÂest pas dÂordre politique, économique ou sociale, mais religieux. [56] Toutefois, dans la perspective de son ministère, il peut et doit contribuer à lÂinstauration dÂun ordre séculier plus juste. En effet, la parole de lÂÉvangile quÂil annonce au nom du Christ et de son Église, la grâce efficace de la vie sacramentelle quÂil administre et le témoignage de sa charité, doivent contribuer à libérer lÂhomme de ses égoïsmes personnels et sociaux, et promouvoir entre les hommes les conditions de justice qui sont signes de la Charité du Christ présent parmi nous. [57] La contribution des agents pastoraux au progrès de la réconciliation, de la paix et de la justice en Afrique passera par le canal des prédications, des catéchèses, des lettres pastorales. Et en particulier par une pastorale familiale bien adaptée à ces défis. b. Les personnes consacrées 59. De même, les personnes consacrées sont appelées à Âuvrer pour lÂavènement de la réconciliation, de la justice et de la paix en Afrique en vivant profondément leur charisme et les conseils évangéliques au sein de leurs propres communautés et dans le monde. En effet, cÂest par le témoignage dÂune vie de service, dÂacceptation de la diversité, de pardon et de réconciliation, quÂelles seront dans le monde «signe» et «instrument» du Règne à venir. Par la simplicité de leur style de vie chaste, signe visible de leur donation totale au Christ et à son Église, par lÂesprit évangélique de détachement et dÂhonnêteté dans lÂusage des biens de ce monde et dÂobéissance à leur supérieur, elles rendront témoignage «aux merveilles que Dieu opère dans lÂhumanité fragile des personnes quÂil appelle à le suivre de manière toute spéciale». [58] LÂengagement pour la réconciliation, la justice et la paix est intrinsèque à leur vocation. En effet, les personnes consacrées devraient être en quelque sorte la mémoire vivante de la conviction de tout chrétien de ne pas «avoir une cité stable, définitive» sur la terre (Hb 13, 14) ou mieux encore de nÂappartenir à aucune tribu, race et peuple, sur la terre et par conséquent de nÂêtre que des citoyens en quête de la réalisation définitive du Règne de Dieu dont elles invoquent incessamment la venue. c. Les Institutions ecclésiales de formation 60. Une préparation préalable non seulement de ceux qui, dans le futur, seront engagés dans la pastorale ecclésiale; mais aussi de tous ceux-là qui sont formés dans les Institutions ecclésiales (Universités et Instituts Supérieurs catholiques, etc.), est plus que nécessaire. DÂoù la nécessité dÂintroduire dans le programme de formation des agents pastoraux et des personnes consacrées, ainsi que dans le programme de formation des Institutions ecclésiales de formation, des cours et des séminaires de formation sur lÂéducation à la paix et aux questions de justice. Il sÂagira de leur fournir des instruments de grande utilité pour lÂanalyse des réalités socio-politiques du milieu dans lequel ils sont appelés à Âuvrer. Les Institutions éducatives catholiques sont appelées à rendre un service formatif précieux en promouvant la rencontre féconde entre lÂÉvangile et les différents savoirs. [59] La formation des chrétiens laïcs doit par conséquent en premier lieu chercher à les rendre capables dÂaffronter efficacement les tâches quotidiennes dans les domaines culturel, social, économique et politique en développant en eux le sens du devoir pratiqué au service du bien commun. Un deuxième aspect de cette formation consiste en une formation de la conscience politique pour préparer les chrétiens laïcs à lÂexercice du pouvoir politique. [60] Ils doivent en effet acquérir une connaissance de qualité de lÂenseignement et de lÂaction pastorale de lÂÉglise dans le domaine social et un vif intérêt pour les questions sociales de notre temps. II. LÂengagement de tous les fidèles au service de la réconciliation, de la justice et de la paix 1. LÂidentité et la mission du laïc dans lÂÉglise et dans le monde 61. LÂheure est venue pour un engagement massif et déterminé des laïcs chrétiens africains dans la vie de lÂÉglise et de lÂÉtat. La mission des laïcs appartient à la nature même de lÂÉglise. AujourdÂhui en Afrique, elle est dÂune actualité et dÂune nécessité toute particulière. Cette actualité et cette nécessité ne se justifient pas tant du fait de la croissance de la conviction sur la responsabilité et la participation des laïcs dans lÂagir de lÂÉglise dans le monde, mais bien plus de la conscience de la vraie nature même de la mission de lÂÉglise dans le monde. Pour une meilleure intelligence de cette actualité et nécessité de la mission du laïc au sein de lÂunique mission de lÂÉglise, il nous faut repartir dÂune compréhension de lÂÉglise comme famille, comme «lieu dÂentraide et de disponibilité au service», [61] comme communauté de vie, dans laquelle il y a diversité de talent, de charisme, de ministère, de fonction, de devoir et de service, lesquels, chacun à leur manière, contribuent à lÂédification de lÂÂuvre commune. Elle est composée de plusieurs membres, mais unie; elle est le Corps du Christ, le peuple de Dieu. 62. CÂest à partir de cette référence au Christ et au Dieu quÂil révèle comme amour que tout se comprend et se justifie. Tous sont à son service; chacun à sa manière contribue à lÂédification de son Corps. À ce service sont destinés les dons reçus de Dieu (cf. 1 Co 7, 7; Ep 4, 13.16) et du Seigneur Jésus-Christ (cf. Ep 4, 7). À travers eux, chaque membre participe à sa manière au pouvoir et à la mission du Christ. [62] Sans porter préjudice à cette unité intérieure fondamentale, face aux différentes situations historiques lÂÉglise doit toujours réagir en fonction du contexte, tout en gardant à lÂesprit quÂelle a une unique mission: [63] révéler le mystère de Dieu et offrir au monde le salut en Jésus-Christ. Avec tous ses membres, elle doit réaliser sa mission. Si lÂon veut parler de son service au monde, il faut dire que le laïc est lÂexpert de cette mission. CÂest ce caractère séculier qui détermine la spécificité du laïc. [64] Il exerce sa mission chrétienne au milieu du monde, dans les conditions normales de la vie familiale et de la société. [65] Il est un chrétien dans le monde. Certes, les clercs et les consacrés sont aussi dans le monde, mais leur mission chrétienne ne touche pas directement lÂédification des réalités terrestres. Les laïcs, en revanche, ont comme mission spécifique lÂexistence terrestre. Le rôle des laïcs est par conséquent de réaliser le Règne de Dieu dans lÂadministration et lÂorganisation des réalités terrestres selon le dessein divin. Guidés par lÂesprit de lÂÉvangile, ils doivent être au sein du monde comme le levain dans la pâte, [66] sel et lumière (cf. Mt 5, 13.14). 63. Par conséquent, le service du laïc dans le monde nÂest pas purement et simplement un service terrestre; cÂest un service salvifique qui est, en même temps, un service ecclésial. LÂÉglise étant une Église dans le monde et pour le monde, le service terrestre du laïc est en même temps un service ecclésial. À travers eux, lÂÉvangile et la réalité salvifique du Christianisme deviennent présents dans le monde de même que les problèmes du monde deviennent présents au sein de lÂÉglise. À travers eux, on devrait arriver à lÂintégration entre Christianisme et culture, de même quÂà une incarnation du Christianisme dans le monde de notre temps. Le service séculier du laïc participe donc du caractère sacramentel de lÂÉglise, qui est sacrement du salut. Sur la base de cette conception du laïc au sein de lÂÉglise, on peut concevoir la relation Église-monde sur deux plans: la place du laïc dans lÂÉglise et le laïc comme messager de la Bonne Nouvelle dans le monde. Il est appelé à être témoin dans: le couple et la famille; le travail et la profession; la science et lÂéconomie; la culture et la politique. Il est appelé, justement sur la base de son caractère laïc, [67] à sanctifier le monde et à y insérer lÂesprit de lÂÉvangile. [68] CÂest dans ce contexte que sÂinscrit lÂengagement quÂil doit rendre au nom de lÂÉvangile au service de la réconciliation, de la justice et de la paix. 64. LÂavènement de la réconciliation et la consolidation de la paix et de la justice ne sauraient faire fi de lÂapport des fidèles laïcs eux-mêmes du moment quÂils en sont en fait les principaux protagonistes. Pour gagner ce pari, ils doivent tous sÂengager: à combattre toute forme de discrimination; à bâtir la société sur le principe de lÂégalité et de lÂéquité; à démystifier lÂethnie; à maintenir vivante la mémoire de tout ce qui dans les traditions africaines contribuait et contribue à promouvoir la paix, la justice et la réconciliation; à sÂengager dans une dynamique de réconciliation; à emprunter la voie de la non-violence. Cette mission du laïc dans le monde exige de lui une bonne préparation scientifique, doctrinale et spirituelle. 2. LÂimportance de la formation des laïcs 65. LÂhistoire de lÂévangélisation de lÂAfrique témoigne dÂun important engagement missionnaire dans lÂéducation. LÂécole fut parmi les institutions les plus importantes -très souvent la plus importante- dans la pastorale missionnaire. Le cas du Congo-Belge est ici assez éclairant. Le Gouvernement belge confia toute lÂÂuvre dÂéducation à la Mission catholique. Ceci produisit beaucoup dÂeffets positifs: il faut bien reconnaître que cÂest au travail de ces missionnaires quÂest dû lÂessor de plusieurs pays dÂAfrique, même sÂil faut bien reconnaître que la période post-coloniale a laissé se dégrader progressivement les bons fondements quÂils avaient posés. Même dans les périodes de crise, pour plusieurs pays africains, lÂéducation nÂa pu fonctionner, en grande partie, que grâce aux institutions ecclésiales. LÂhumble reconnaissance du travail accompli, ne nous dispense pas dÂune méditation profonde sur les voies et les moyens pour relancer le système éducatif dans ces pays. 66. Les Églises particulières en Afrique doivent sÂinterroger sur les efforts à fournir pour assurer une meilleure conscience de la responsabilité des laïcs dans le domaine de la vie économique et politique. Elles ont aussi le devoir de mettre en place les instruments de formation dont les laïcs ont besoin pour que leurs engagements temporels soient inspirés par lÂÉvangile et la Doctrine sociale. CÂest avec regret que lÂon peut constater quÂen certains endroits lÂÉglise a longtemps négligé la formation et lÂéducation des laïcs pour quÂils sachent se servir de leurs droits civiques, politiques et sociaux en cas dÂoppression ou de contestation de ces droits. SÂil est vrai que lÂon rencontre aujourdÂhui, dans certains pays, suite à lÂimpulsion donnée par le Concile Vatican II, un accroissement de lÂattention accordée par lÂÉglise à la formation des laïcs et à la création des écoles professionnelles et des universités catholiques, il faut reconnaître, en revanche, que dans nombre de pays très peu dÂattention est accordée à la formation dÂune élite catholique compétente, fidèle au Christ et très engagée dans le social. Pour une contribution efficace de lÂÉglise à une renaissance authentique et dynamique de lÂAfrique, il faut évaluer le patrimoine de lÂÉglise et voir comment le mettre en valeur, le gérer, lÂentretenir et renforcer ainsi lÂefficacité et la compétence dans la formation dÂune élite chrétienne capable dÂexercer une forte influence dans la transformation positive de lÂAfrique. Il faut le faire avec la ferme conviction dÂapporter une contribution neuve à la question de la formation des laïcs. Il ne suffit pas de former les gens, encore faut-il concevoir et, si possible, créer des emplois. LÂÉglise, en effet, «veut servir la formation des consciences dans le domaine politique et contribuer à faire grandir la perception des véritables exigences de la justice et, en même temps, la disponibilité dÂagir en fonction dÂelles». [69] LÂobjectif est de réussir non seulement à produire des compétences capables dÂinventer, mais aussi dÂexpérimenter des formes dÂenseignement qui prépareront les Africains à produire eux-mêmes les conditions meilleures de leur vie matérielle et spirituelle, à survivre et même à prospérer dans un monde de science et de technologie. Une telle formation ne saurait négliger certains éléments fondamentaux, tels que: lÂestime et lÂacceptation mutuelle, lÂexigence dÂincarner dans les cultures des peuples africains les réalités de la foi, le lien qui existe entre pauvreté et violence, lÂexigence dÂune bonne gestion des ressources africaines, la reconnaissance des minorités, les sources subjectives et psychologiques des guerres. 3. Certains aspects qui nécessitent une attention particulière a. Estime et acceptation mutuelle 67. LÂun des remèdes à opposer à ce «virus» mortel de la discrimination, cÂest sans doute lÂadhésion ferme et convaincue à la culture de lÂestime et de lÂacceptation mutuelle. Le laïc est avant tout appelé à être dans ce contexte un messager et un témoin engagé dans la recherche des voies et des moyens pour convaincre chaque Africain que lÂethnie, la région ou lÂidéologie ne sont pas des valeurs absolues et quÂelles ne doivent donc pas constituer la principale référence pour le comportement et lÂaction des uns et des autres. Tout chrétien africain est invité à soutenir toute initiative visant à favoriser lÂacceptation mutuelle, la coexistence pacifique dans lÂestime réciproque. Une telle vision du Christianisme exige de rompre avec les solidarités négatives, cÂest-à-dire qui celles prennent origine justement dans la cristallisation de lÂethnie. Cela signifie quÂil faut solidariser avec ceux de sa propre ethnie dans le bien, mais se désolidariser dÂavec eux dans le mal. Les solidarités positives, non seulement entre membres dÂune même ethnie, mais aussi entre ceux appartenant à des ethnies différentes sont des bases sur lesquelles fonder lÂoptimisme pour sortir de lÂengrainage de la haine et de lÂautodestruction des peuples. Les témoignages qui se sont vérifiés pendant les moments de crise où des gens dÂune tribu ont sauvé ceux dÂune tribu ennemie doivent servir dÂexemple pour regarder le présent et lÂavenir avec optimisme. Renforcer de telles solidarités positives, cÂest une tâche qui consistera à redonner la juste place aux valeurs sociales, en particulier la justice, lÂéquité, lÂestime mutuelle et la cohabitation pacifique. LÂenracinement dans sa propre culture vécu positivement peut être enrichissant pour la réconciliation, la justice et la paix. b. Réconciliation et pardon 68. Le terme réconciliation peut signifier plusieurs choses. Dans lÂexpérience sud-africaine, par exemple, on décèle une double connotation du terme: dÂune part, le terme tend à signifier simplement un accord, un consensus ou encore la résolution dÂun problème ou dÂun différend; dÂautre part, il renvoie à lÂélimination de lÂinimitié ou la fin de la violence. Mais, le terme ne signifie pas alors nécessairement le rétablissement de la paix dans les cÂurs, ce qui importe est le rétablissement dÂune relation normale, de la communication et donc le dépassement du différend. Dans cette perspective, la réconciliation a un caractère pragmatique et est un langage pour apprendre à vivre avec et dans la pluralité, à gérer pacifiquement les conflits. CÂest ici que revêt tout son sens, pour une pratique de la réconciliation en Afrique, lÂaffirmation forte de Sa Sainteté Benoît XVI: «Le sang versé ne crie pas vengeance, mais appelle au respect de la vie et à la paix». [70] Il convient de noter ici la nuance qui existe entre réconciliation et pardon. Le pardon, souligne davantage le travail intérieur à la personne pour retrouver la paix, panser la blessure. Dans les deux cas, la question fondamentale est celle de la mémoire. CÂest dans le pardon que sÂoffre la possibilité dÂune vraie purification de la mémoire et dÂune paix solide: «La demande de pardon, et le don du pardon [ ] sont deux éléments fondamentaux pour la paix. La mémoire est alors purifiée, le cÂur pacifié, et devient alors limpide le regard sur ce quÂexige la vérité pour développer des pensées de paix. Je ne peux ne pas rappeler les paroles illuminantes de Jean-Paul II Âil nÂy a pas de paix sans justice, de même quÂil nÂy a pas de justice sans pardon». [71] Ce qui requiert de la part de lÂÉglise une pastorale dynamique tant pour amener les coupables à un processus de conversion et de reconnaissance de leurs erreurs ou de leurs crimes que pour aider les victimes à accorder généreusement leur pardon, même dans les cas où les responsables de crimes sont justement punis par les tribunaux compétents. 69. Accepter dÂemprunter le chemin de la réconciliation ne signifie donc pas renoncer à honorer par la mémoire collective les victimes innocentes. Mais une telle mémoire nÂexige pas nécessairement de nous de ressasser continuellement les rancÂurs. Il y a en effet une pratique nuisible de la mémoire. Il faut savoir sÂen libérer et oublier et suivre lÂexemple du Maître de la vie qui donne sur la Croix en surabondance son pardon à ses bourreaux: «Père, pardonne leur, car ils ne savent pas ce quÂils font» (Lc 23, 34). Si Jésus-Christ est plénitude de vie, désormais il unifie les ethnies et les peuples, les réconciliant dans son Sang; il en fait une seule famille qui vit de son testament qui est sa parole finale: «aimez-vous les uns les autres, comme je vous ai aimés» (Jn 13, 34; cf. 15, 12). CÂest son amour déversé en nos cÂurs qui est capable de nous réconcilier les uns avec les autres. Lever le deuil causé par tant dÂinimitiés signifie la réconciliation. Tâche ardue, elle ne sera pas facile. Après les drames horribles que vient de vivre lÂAfrique, il lui faudra redécouvrir le sens profond de la prière du Notre Père: «Pardonne-nous nos offenses comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés». Certes, le pardon dans cette Afrique dominée par la violence nÂest pas facile. Pourtant Dieu demande de pardonner. Il nÂexige pas lÂoubli, mais la réconciliation avec les bourreaux. Seule la victime peut faire le premier pas, seule elle peut pardonner. Le pardon est quelque chose de divin et cÂest peut-être en pardonnant que lÂhomme ressemble le plus à Dieu. 70. Avec le problème de la réconciliation nous touchons dÂemblée la question de la guérison qui a une si grande importance en Afrique noire. En Afrique, la maladie est contemplée comme relevant dÂun manque dÂharmonie dans la sphère des relations et cÂest beaucoup plus à ce niveau quÂil faut agir si lÂon veut redonner la santé. Celle-ci dépend beaucoup de la qualité des relations à lÂintérieur de la communauté. c. Réconciliation et guérison 71. Si aujourdÂhui on constate une grande affluence vers les nouveaux mouvements religieux de tous bords ou vers les Églises africaines indépendantes, cela tient en partie au fait que les gens se sentent mieux pris au sérieux jusque dans leur dimension thérapeutique dans ces Églises et nouveaux mouvements religieux. Il nÂy a rien de plus évident dans les Évangiles que le ministère de Jésus comme «guérisseur». Il a guéri les malades et à travers ces guérisons, il a manifesté lÂavènement du Règne de Dieu. En outre, la mission quÂil confie à ses disciples, selon Saint Luc, est de «proclamer le Royaume de Dieu et faire des guérisons» (Lc 9, 2). LÂÉglise, à travers les temps, a toujours considéré la pastorale des malades comme une de ses préoccupations fondamentales. Le Concile Vatican II a mis en évidence la dimension intégrale du salut en Jésus-Christ en donnant le fondement du lien intime entre le salut eschatologique et la guérison physique: «cÂest la personne humaine quÂil faut sauver, cÂest la société humaine quÂil faut renouveler. CÂest donc lÂhomme, dans son unité et sa totalité, avec son corps et son âme, avec son cÂur et sa conscience, avec sa pensée et sa volonté qui sera lÂaxe de tout notre exposé». [72] CÂest cette perspective qui détermine également lÂapproche de lÂÉglise en Afrique. - La guérison dans sa dimension socio-religieuse et spirituelle 72. En Afrique, lÂÉglise se veut fondamentalement une famille. Le salut quÂelle proclame englobe lÂhomme dans sa totalité et ne peut être réduit uniquement au salut de lÂâme. Du point de vue humain et relationnel, il faut dire que le degré de santé de lÂÉglise dépend de la qualité des relations interpersonnelles en son sein dans la famille. Dans une communauté où il nÂy a pas dÂentente et où tout le monde se combat tous deviennent malades, sorciers pour tous. DÂoù la pertinence de redécouvrir le Christ guérisseur, comme Parole vivifiante qui convoque la palabre réconciliatrice et intervient par des médicaments efficaces, notamment les sacrements, qui créent lÂunité familiale. Quand il est question de sacrements, il ne sÂagit pas uniquement du sacrement de pénitence; tous les sacrements sont concernés par le processus de guérison. Partout le Christ intervient comme guérisseur non pas seulement pour la santé spirituelle, mais aussi corporelle. Les sacrements, plus spécifiquement lÂEucharistie, nous constituent en signes et instruments qui libèrent des maux qui rongent les membres de la communauté et font de lÂÉglise une ambassadrice de la réconciliation (cf. 2 Co 5, 20). 73. Le rôle de lÂÉglise dans cette Afrique divisée ne peut être que celui de rassembler les frères et sÂurs africains, même non baptisés, sous le Christ, lÂarbre de vie et Parole réconciliatrice. CÂest ainsi quÂelle pourra rendre manifeste que Jésus-Christ est mort «pour rassembler dans lÂunité les enfants de Dieu dispersés» (Jn 11, 52) et quÂil est la Parole de vie par excellence qui donne la vie en abondance et réconcilie tout par le sang de sa croix (cf. Jn 1, 10 et Col 1, 20). À lÂexemple du Christ, Parole de vie, les chrétiens sont appelés à ne prononcer que des paroles vivifiantes, celles qui deviennent chair, créent lÂunité et humanisent le monde. En effet, en Afrique, la vie est dans la parole. Par elle, lÂon peut tuer, tout comme par elle on peut donner vie, réconcilier, bâtir lÂunité. - La guérison dans sa relation à la politique, à lÂéconomie et à la culture 74. Si le Christ est guérisseur et nous envoie pour sauver et guérir les autres à notre tour (cf. Lc 9, 6; Mc 16, 15-20), ce nÂest pas uniquement pour transmettre les biens spirituels et sauver lÂâme sans le corps. La mission du Christ et du chrétien est, comme il a déjà été dit, de sauver tout lÂhomme (cf. Lc 4, 18sq.). Précisément dans lÂAfrique dÂaujourdÂhui, lÂhomme doit être sauvé non seulement par la libération spirituelle mais aussi par lÂéradication de la guerre, de lÂexploitation économique interne et externe, de la faim, de la maladie, du tribalisme et de toute injustice, de la dictature et de la corruption en tous genres. La problématique de la guérison ne se limite donc pas à la seule sphère religieuse, mais inclut et présuppose les sphères politique, économique et culturelle. Il existe différents types de guérison. Dans lÂengagement pour la politique, comme dans tout engagement pour lÂamélioration de nos conditions de vie et de santé ainsi que dans lÂamélioration de la culture de nos peuples nous faisons advenir une sorte de guérisons pour nos peuples. En effet, le Christ ne peut être perçu comme guérisseur que si les chrétiens sÂengagent dans les différents domaines pour libérer lÂAfrique moderne de tous les maux qui sont en train de suffoquer le continent, plus particulièrement le mal de la guerre. d. Violence et pauvreté 75. Souvent la violence venue des milieux pauvres est une réaction à la marginalisation sociale croissante et aussi envers la société à chaque fois plus injuste et discriminatoire. SÂil nÂen est pas ainsi, comment pourrons-nous expliquer le drame des enfants soldats ou des enfants sorciers? On nÂéradiquera pas la violence tant que lÂon ne changera pas structurellement les conditions sociales qui provoquent lÂappauvrissement croissant des uns et lÂenrichissement scandaleux des autres, lÂexode rural et le chômage. 76. Il est clair que la solution réelle à la violence ne réside pas seulement dans la justice sociale. La violence est aussi un élément culturel et il faut travailler à recréer une culture de la paix. En effet, la violence et la guerre sont comme un produit culturel né dans le quotidien de la société, basé sur un paradigme belliqueux qui nous éduque à la violence. Même si la violence vient des hommes, nous nÂy sommes ni condamnés, ni même quÂelle ne devienne une fatalité inexorable. La non-violence et la paix sont des entités culturelles, et donc à construire, à enseigner, à apprendre. Elles ont quelque chose à voir avec la politique, lÂéconomie, lÂorganisation sociale, mais aussi avec lÂéducation et la religion. La paix ne sera pas réalisée si elle ne devient pas lÂacte du sujet collectif qui est la communauté toute entière: la paix pour tous, la paix par tous. La paix appelle un ministère de la Parole: Christ, Prince de la Paix, qui est notre Paix (cf. Ep 2, 14). Mais cette Parole de Dieu nous est donnée en Église et par lÂÉglise. En effet, cÂest en Église et avec lÂÉglise quÂelle se construit, parce quÂelle est avant tout don de Dieu. CÂest donc au sein du peuple de Dieu quÂil faut trouver les critères individuels et collectifs dÂune affirmation ou dÂune action chrétienne dans le domaine de la paix. Si lÂÉglise, comme cÂest sa vocation, se veut signe et sacrement de la paix dans le monde et pour lui, elle doit sÂengager dans lÂéducation à la paix. 77. La résolution non-violente des conflits nÂest pas une utopie ou une fiction; elle ne signifie pas non plus la soumission, la passivité ou la résignation. [73] Il sÂagit réellement dÂétablir une vraie palabre, à savoir, de décider à partir dÂun dialogue et dÂune quête sérieuse et continue du consensus. Une telle dynamique présuppose la capacité de pardonner et une vision éthico-morale du pardon, comme option du cÂur, un choix personnel, avant dÂêtre un fait social. Le Pape Jean-Paul II a insisté sur le fait quÂil nÂy a pas de développement possible des peuples sans la paix et quÂune paix véritable nÂest possible quÂà travers le pardon. [74] Celui-ci peut à court terme sembler un échec, mais en réalité et à long terme, il est un gain énorme. Loin de diminuer lÂhomme, il lÂélève plutôt. e. Pour quÂon mette fin au commerce des armes et à lÂexploitation sauvage des ressources africaines 78. Pour lÂÉglise-Famille de Dieu en Afrique, exiger la paix, cÂest exiger lÂarrêt du commerce des armes dans les zones de conflit. LÂon sait comment les parties en conflit se fournissent en armement. Il y a là une grande injustice et un vol: les ressources des pays pauvres sont systématiquement pillées pour alimenter le commerce des armes. Il faut exiger quÂà la force matérielle des armes soit substituée la force morale du droit. Donner ses chances au droit suppose quÂil faille dÂabord lÂinstituer. En effet, si dans plusieurs États africains, le droit est inscrit dans des législations, les institutions indépendantes capables de le faire respecter conformément à la justice manquent cependant souvent. LÂinstitution du droit suppose la reconnaissance du droit au dissentiment: la faculté théorique et pratique de poser une objection de conscience de type civil, de pratiquer la désobéissance civile à certaines lois ou idéologies totalitaires en invoquant le principe: «mieux vaut obéir à Dieu quÂaux hommes» (Ac 5, 29); du droit à une propre vision du monde et à la liberté dÂéducation. f. La reconnaissance des minorités 79. Exiger la paix, cÂest exiger également que soit reconnu le droit des minorités. Les guerres en Afrique naissent souvent du manque du respect des minorités ou encore de lÂarrogance de certaines minorités au pouvoir qui se croient supérieures aux autres. LÂobligation universelle de comprendre et respecter la variété et la richesse des autres peuples, sociétés, cultures et religions, repose sur deux principes fondamentaux. Le premier, cÂest la dignité inaliénable de toute personne, indépendamment de ses origines nationale, culturelle, ethnique ou raciale, ou de sa croyance religieuse; cette dignité signifie que lorsque des hommes sÂunissent en groupes, ils ont le droit de jouir dÂune identité collective. Ainsi les minorités ont-elles le droit dÂexister, à lÂintérieur dÂun pays avec leur langue, leur culture et leurs traditions propres, et lÂÉtat est moralement obligé de faire une place à ces identités et à ces expressions particulières. Le second, cÂest lÂunité fondamentale de la race humaine, qui tire son origine du Dieu créateur de toutes choses. Cette unité implique quÂaucun groupe ne puisse se sentir supérieur à un autre. Elle implique pareillement que lÂintégration puisse sÂédifier sur une solidarité effective, dépourvue de toute discrimination. En conséquence, lÂÉtat a le devoir de respecter et de défendre les différences existant entre les citoyens, et de permettre que leur diversité serve au bien commun. LÂexpérience montre en effet que la paix et la sécurité ne peuvent être garanties que par le respect des droits de tous ceux dont lÂÉtat a la responsabilité. 80. Dans cette perspective, la liberté des individus et des communautés à professer et à pratiquer leur religion est un élément essentiel pour la coexistence pacifique. La liberté de conscience et la liberté de rechercher la vérité et dÂagir conformément à sa croyance religieuse personnelle sont tellement fondamentales pour lÂêtre humain que tout effort pour les restreindre conduit inévitablement à dÂimplacables conflits. Lorsque les relations ont été brisées parmi les groupes dÂune nation, le dialogue et la réconciliation sont les chemins obligatoires vers la paix. Seul un dialogue sincère, ouvert aux revendications légitimes de toutes les parties, peut construire un édifice de réelle justice où tous pourront travailler pour le bien véritable de la patrie et de leur peuple. La réconciliation, en accord avec la justice, et le respect des aspirations légitimes de tous les secteurs de la communauté nationale doivent être la règle. La garantie de la participation des minorités à la vie politique est le signe dÂune société moralement adulte, et elle honore les pays dans lesquels tous les citoyens sont libres de participer à la vie nationale dans un climat de justice et de paix. g. Les sources subjectives et psychologiques de la guerre 81. Sans cesser de sÂattaquer aux causes objectives des conflits et de lÂinsatisfaction générale, il semble indispensable de déceler les sources subjectives et psychologiques de la guerre. On cite parmi elles, les traditionnels conflits entre tribus, lÂabsence de grandes causes mobilisatrices, la projection sur la collectivité des propres malaises ou ressentiments du sujet, la radicalisation de la méfiance. Il y a aussi des frustrations qui sont à lÂorigine dÂexplosions sociales: inégalité dÂaccès à lÂinstruction, manque de participation -de droit ou de fait- au pouvoir économique ou politique; besoin de considération et dÂidentité: être connu et reconnu par la société; la soif de chaleur humaine, dÂamour et de fête. Pour sortir de cette situation, il est nécessaire dÂopérer une transformation spirituelle. Pour être acteur de la paix, il faut la réaliser au dedans de soi-même. La paix du monde passe par la conversion du sujet.
Les ressources spirituelles pour la promotion de la réconciliation, I. LÂoriginalité du mode de vie du chrétien dans le monde 82. «Vous êtes le sel de la terre vous êtes la lumière du monde» (Mt 5, 13.14). Le Seigneur appelle ses disciples à être sel de la terre et lumière du monde. Il précise en fait quelle est la mission de ses disciples dans le monde: ils sont le sel de la terre et lumière du monde et ils ne peuvent lÂêtre que dans la mesure où ils sont habités par la présence réelle du Dieu vivant qui se donne dans le Corps et Sang de Celui qui est Parole de vie. Parce que la Parole de Dieu est fidèle et efficace, le disciple trouve en elle non seulement saveur et lumière, mais aussi gage du salut. 83. En parlant de lumière, Jésus utilise également une ancienne image: Sion, la cité sur la montagne (cf. Is 2, 1sq.). Attirés par la lumière, les peuples y affluaient venant de tous les côtés. Du pays des ombres de la mort et des guerres (cf. Is 9, 1sq.), ils accourent vers Sion pour obtenir la vie et la paix à partir des indications du Seigneur. Là où il y a le disciple, les autres doivent pouvoir se trouver à lÂaise. Se trouver à lÂaise dans leur monde, à savoir: trouver la lumière, le salut, la sagesse et la libération des ténèbres, libération de toute forme de marginalisation; trouver le réconfort, la consolation pour tout cÂur blessé. LÂévangéliste met lÂaccent sur «tous» ceux qui sont disciples: «ainsi doit briller votre lumière sur tous les hommes, afin quÂils voient vos bonnes Âuvres et rendent gloire à votre Père qui est dans les cieux» (Mt 5, 16). CÂest là la vocation fondamentale de tout chrétien dans le monde: faire briller dans le monde la lumière du Christ qui est en lui. La lumière agit. Elle produit des Âuvres, de bonnes Âuvres. CÂest dans un tel engagement quÂil donne saveur chrétienne et lumière du Christ au monde africain. Cela requiert toute une spiritualité de lÂengagement chrétien dans la politique, le monde du travail et le milieu professionnel. Une telle spiritualité sÂenracine dans le ministère sacerdotal de tous les fidèles. II. La vie liturgique comme foyer de la spiritualité chrétienne 84. La raison dÂêtre de lÂÉglise dans le monde est de rendre visible la présence réelle de lÂaction salvifique divine dans le temps et dans lÂespace. Elle est dÂouvrir le monde à lÂaction de Dieu, à la vie de Dieu en nous. CÂest justement la présence eucharistique qui enseigne et actualise le fait que le point de départ du salut est dans lÂacceptation gratuite, et pleine dÂamour, de tout homme et de toute réalité comme don de Dieu. Sa Sainteté Benoît XVI nous le rappelle bien: «le nouveau culte a son fondement dans lÂantériorité du Don que Dieu nous octroie afin que, comblés de ce Don, nous devenions siens: la création retourne vers son Créateur». [75] CÂest ce Don qui constitue le chrétien en tant que celui qui vit de lÂamour quÂil reçoit du Dieu Un et Trine. De la foi en un seul et unique Dieu dans la Trinité des personnes, le chrétien tire la conviction que tous les hommes sont frères et sÂurs, au-delà de toute distinction de race ou sexe, de classe sociale ou de culture; et que le mystère de lÂidentité de tout être humain est dans la relation. Cette conviction se trouve en dernier ressort confirmée et précisée par le Mystère eucharistique, qui est avant tout accueil de la vie de Dieu en nous, du don de son être quÂil nous fait en Jésus-Christ. Envoyé comme présence suprême de lÂamour du Père pour lÂhumanité toute entière, Jésus exprime et réalise totalement dans lÂEucharistie cette logique du don de soi, de lÂaccueil et de lÂécoute. Par conséquent, toute action et toute pensée chrétienne ne se comprend quÂà partir de ce mystère dÂaccueil du don de Dieu. 85. Le témoignage du chrétien nÂest pas seulement cohérence, mais anticipation, réalisation dans le temps et lÂespace du don de Dieu qui transforme le monde. De ce fait, la diaconie que lÂÉglise doit exercer dans le monde est avant tout un service dÂaccueil et dÂécoute des besoins de tous, et en particulier, de ceux qui nÂont pas de voix pour se faire entendre, ou de poids politique pour se faire valoir. Exercée à lÂaccueil et à lÂécoute de son Sauveur qui se donne dans le silence eucharistique, lÂÉglise, plus encore que dans la privation de biens et de moyens, exprime sa pauvreté dans sa capacité dÂécoute de tout besoin humain, si humble soit-il, et de le porter vers le Père, source de tout bien. En cela, elle réalise le double mouvement fondamental de lÂEucharistie: élévation en, dans et par le Christ, de lÂhomme et de son monde vers Dieu et don de Dieu au monde en, dans et par le Christ. Dès lors, sÂexplique la nécessité et lÂurgence de lÂEucharistie dans la vie quotidienne du chrétien. En effet, cÂest par elle et en elle que le chrétien réalise quotidiennement son être le plus profond: être don pour les femmes et les hommes de notre temps. Dans la Célébration eucharistique advient la réalisation fondamentale de cette donation à travers une dynamique qui se déploie sous quatre modes: lÂadoration, lÂaction de grâce, la prière propitiatoire et la prière dÂimpétration. 86. Dans lÂadoration, le chrétien exprime avec le plus dÂévidence sa dépendance totale par rapport à Dieu dont il proclame lÂabsolue souveraineté comme source de tout bien et de toute vie. Mais le culte chrétien dÂadoration valorise également lÂhomme; car, adorer Dieu veut dire le glorifier. Or, la gloire de Dieu, cÂest lÂhomme vivant. [76] LÂadoration de Dieu exprime en effet la fidélité de Dieu à lÂhomme, une volonté de délivrer lÂhomme de dépendances humiliantes et dévalorisantes. LÂEucharistie devient lÂexpression la plus claire de la synthèse: gloire de Dieu - libération - élévation de lÂhomme. LÂEucharistie donne au croyant dÂune part la conviction de vivre comme plongé dans un univers de gratuité: tout est grâce, parce que tout est don du Père de tout bien; dÂautre part, la conscience dÂêtre appelé par le Père à faire jaillir de toute réalité reçue les valeurs positives qui y sont encloses, afin de témoigner et de rendre perceptible la bonté et la gratuité des dons divins. Pour mettre cela en Âuvre, le chrétien doit utiliser les dons reçus selon la même logique de gratuité qui a été celle de Dieu. LÂhomme qui utilise les choses dans une attitude de possession égoïste ne rend pas grâce à Dieu. Une spiritualité eucharistique fait naître une humanité fraternelle. 87. En mettant en évidence le rapport très étroit qui unit la gloire de Dieu à lÂépanouissement de toute réalité créée, lÂEucharistie confirme lÂidée chrétienne que le péché a toujours et simultanément une dimension verticale (offense à Dieu) et horizontale (désordre cosmique). Mais elle enseigne aussi que la propitiation comporte, en même temps que la juste reconnaissance de la souveraineté divine, une exigence de réforme du monde et de lÂhistoire. Par conséquent, la pénitence chrétienne et lÂengagement à la conversion exigent lÂélimination du mal et demandent aussi un effort constant de progression vers le bien. Le renouvellement quotidien de la demande eucharistique nÂa pas pour but de plier la volonté divine par lÂinsistance de notre requête, mais dÂouvrir patiemment notre intelligence et notre cÂur à une compréhension progressive du grand don quÂest le Christ, plénitude de vie, et dÂengager notre volonté à aimer et à vouloir ce que Dieu a aimé et a voulu dans le Christ. En ce sens, la nécessité non seulement de la prière eucharistique quotidienne, mais aussi dÂune pratique régulière de la Liturgie des Heures et dÂun recours continuel et fréquent aux sacrements et sacramentaux, bien loin dÂêtre une tentative aliénante visant à remettre la solution de nos problèmes à la toute puissance divine, est au contraire une prise de responsabilité en vue dÂun engagement encore plus profond pour une meilleure transformation de nos réalités quotidiennes en offrandes agréables à Dieu dans le Christ. III. Vers une spiritualité de lÂengagement dans le monde 88. Lorsque les Pères de lÂÉglise parlent du ministère sacerdotal de tous les fidèles croyants, ils entendent par là le culte de la vie chrétienne, qui consiste dans lÂorientation totale de son être à Dieu et au prochain: [77] faire de sa vie un service généreux à Dieu et au prochain qui parfois peut réclamer aussi lÂoffrande suprême de sa propre vie, le martyre. S. Thomas dÂAquin, synthétisant la tradition patristique, affirme que le caractère sacramentel reçu dans le baptême et la confirmation est à comprendre comme participation au sacerdoce de Jésus-Christ et comme être orienté vers le culte. Par culte, il faut entendre «le culte selon la vie chrétienne». [78] Pour S. Thomas, le culte ici en question nÂest pas un rite extérieur, pas même une organisation extérieure, mais le rite de la vie chrétienne. Tout chrétien est appelé à témoigner avant tout non pas tant par ce quÂil dit et fait, mais par ce quÂil est et vit: sa relation au Christ qui détermine alors ce quÂil dit et fait. Ce quÂil dit et fait doit être expression de sa gratitude à lÂégard du Père qui nous comble de tout bien en Jésus-Christ. 1. Une spiritualité du travail bien fait enraciné dans lÂamour pour Dieu et pour le prochain 89. Cette attitude de gratitude sÂexprime également dans le soin que lÂhomme a pour la création, à travers un travail bien fait et continu, assidu et ardu. En effet, Dieu fit pour Adam ce monde si beau pour quÂil le travaillât et en fût le gardien (cf. Gn 2, 15). Nous devons donc être pleinement convaincus que cÂest par le travail assidu et bien fait que lÂhomme se réalise (cf. Jb 5, 7) et participe au pouvoir créateur de Dieu. Cette participation au pouvoir créateur de Dieu requiert du chrétien un soin tout particulier dans lÂexécution de ses tâches individuelles: quÂil sanctifie ses tâches en les accomplissant avec amour jusquÂaux moindres détails. Le travail professionnel devient ainsi une lampe qui éclaire ceux qui nous entourent et nous rencontrent, de même quÂil donne la saveur, la joie de vivre à ceux qui jouissent des fruits de notre travail. Le chrétien est ainsi appelé à bien apprendre son métier, à lÂexercer avec soin, cÂest en cela que consiste la sanctification du travail. La sanctification du travail de tous les jours est pour ainsi dire la charnière de la véritable spiritualité du chrétien plongé dans les réalités temporelles. Une telle sanctification nÂest possible que lorsque nous nous consacrons par amour à tous nos devoirs professionnels; lorsque nous menons tout à bien par amour, comme nous exhorte Sa Sainteté le Pape Benoît XVI:«Ils doivent être des personnes touchées avant tout par lÂamour du Christ, des personnes dont le Christ a conquis le cÂur par son amour, en y réveillant lÂamour pour le prochain». [79] CÂest la voie qui nous portera à pouvoir contempler les merveilles dont le travail est la source -précisément parce que nous aimons-, même sÂil nous arrive de goûter lÂamertume de lÂincompréhension, de lÂinjustice, de lÂingratitude et même de lÂéchec humain. Fruits savoureux, semence dÂéternité! Un deuxième élément caractéristique de cette spiritualité est la liberté chrétienne. 2. La liberté chrétienne et le sens familial comme signe distinctif de cette spiritualité 90. Le chrétien vit aujourdÂhui au point de rencontre entre la réalité salvifique et la réalité du monde, avec tout ce que cette rencontre comporte de conflit et de tension. Une existence chrétienne advient en ce contexte comme une unité faite de tension entre le martyre et le dialogue, lÂorientation vers le monde et le témoignage comme signe de contradiction qui jaillit de lÂévénement de la croix. Le discernement des esprits est ici requis. Le meilleur service que peut offrir lÂÉglise est lÂoffre dÂune formation qualifiée de la conscience et dans la foi. Beaucoup de confusions proviennent en effet dÂun grand manque dÂinformations suffisantes en matière de foi et de bonne conscience. Un renouvellement et un approfondissement dÂune catéchèse continue et de qualité pour les adultes est un présupposé indispensable pour un renouvellement de lÂapostolat et de la spiritualité des chrétiens. Un troisième aspect peut être tiré de lÂenseignement biblique et patristique de la communion des membres de lÂunique Corps du Christ. On ne devient chrétien quÂensemble avec les autres chrétiens dans la grande communion des saints. CÂest là mettre en évidence la dimension communautaire de notre liberté et de notre engagement. Personne ne se sauve tout seul, le Christ nous sauve ensemble pour faire de nous la famille de Dieu unie dans son Corps et son Sang. La communion renvoie à la communication. Celle-ci est possible à plusieurs niveaux: dans les groupes de travail, de rencontre, dÂéchange et de partage, dans les associations, dans la famille, au travail et dans les cercles dÂamitié. Le chrétien est un homme qui sait travailler en équipe, dans la collaboration, dans lÂamitié sincère avec les autres; partout où il est à lÂÂuvre, il tente de créer un climat familial. Le lieu le plus fondamental dÂexpression de cette dimension communautaire demeure toujours le cadre familial.
Pour une spiritualité orientée vers la communauté pour le service au monde 91. Dans le contexte africain jouent ici un grand rôle certains mouvements spirituels et les communautés ecclésiales vivantes. Ils constituent une espérance pour lÂÉglise. Par delà les difficultés quÂil y a à transformer ces communautés ecclésiales vivantes en vrais instruments de la réconciliation, de la justice et de la paix, il faut reconnaître toutefois quÂelles constituent des signaux importants de lÂEsprit de Dieu, de lÂesprit de communion. Elles sont des signes de la forme concrète que doit prendre lÂapostolat des laïcs aujourdÂhui. CÂest en ces communautés que sont traités les vrais problèmes de la réconciliation, de la justice et de la paix et cÂest en elles que, petit à petit, lÂon trouvera les réponses aux problèmes réels des communautés. CÂest ici quÂadviennent en effet lÂengagement et la responsabilité des laïcs de manière plus intense. Les mouvements spirituels peuvent aussi constituer ces petits foyers à partir desquels lÂÉvangile féconde la réalité du monde. Les fidèles laïcs sont invités à être attentifs aux dons de lÂEsprit qui inspirent et suscitent au sein de son Église des initiatives nouvelles et incarnées dans nos réalités pour relever les grands défis contemporains. LÂAfrique ne doit pas que consommer les mouvements spirituels que le même Esprit a suscité dans dÂautres contextes culturels, elle doit également être capable dÂen susciter et de les répandre dans toute lÂÉglise, comme signe de sa maturité spirituelle et de son attentive écoute des paroles que lÂEsprit adresse aux Églises. 92. «Vous êtes le sel de la terre vous êtes la lumière du monde» en Afrique et dans le monde. CÂest lÂinvitation du Seigneur qui engage tous ses disciples, dans la diversité de leurs vocations, à être les artisans de la réconciliation et de la paix, les promoteurs de la justice -des évêques jusquÂaux laïcs-, avec lÂaide des structures complémentaires qui composent le tissu ecclésial. Il sÂagit dÂÂuvrer à lÂavènement du Royaume de Dieu, de contribuer à lÂavènement dÂune Afrique nouvelle afin quÂavec lÂaide de la Grâce, prévalent toujours la justice, la paix et le bien commun des personnes et des nations. 93. LÂEsprit agit de telle sorte que des chrétiens et les hommes de bonne volonté par leurs actions quotidiennes, individuelles ou collectives, rejettent lÂégoïsme, le péché, chaque violation de la paix et de la justice et Âuvrent activement à la réconciliation avec Dieu et avec les frères. Marie, Temple de lÂEsprit, Reine de la Paix, Protectrice de lÂAfrique, nous montre le Christ, notre Réconciliation, notre Justice et notre Paix, afin que sous sa protection maternelle, lÂÉglise en Afrique fasse rayonner toujours plus la lumière qui jaillit de la Gloire du Père, le Christ. À Elle, nous confions la préparation et les fruits des travaux de la Deuxième Assemblée Spéciale pour lÂAfrique du Synode des Évêques: 94. Sainte Marie, Par ton obéissance au Père et par la grâce de lÂEsprit Saint Mère de tendresse et de sagesse, Mère, pleine de Miséricorde et de Justice, Mère du Perpétuel Secours, Reine de la Paix, priez pour nous! Notre-Dame dÂAfrique, priez pour nous!
Introduction
Chapitre I
Chapitre II
Chapitre III
Chapitre IV
a. la santé, lÂéducation, et les structures sociales? b. les droits de lÂhomme et la démocratie? c. les relations entre les différents groupes ethniques et religieux?
Chapitre V
En général
[1] Jean-Paul II, Exhortation Apostolique Post-synodale Ecclesia in Africa(14.09.1995): AAS 88 (1996) 5-82. [2] Ibid., 5: AAS 88 (1996) 7. [3] Jean-Paul II, Allocution aux participants au Symposium des Évêques dÂAfrique et dÂEurope(13.11.2004), 5: LÂOsservatore Romano, E.H.L.F., 2855 (16.11.2004) 1. [4] LÂexercice de la charité est une note constitutive de lÂÉglise au même titre que lÂannonce de lÂÉvangile et lÂadministration des sacrements. Cf. Benoît XVI, Encyclique Deus caritas est (25.12.2005), 32: LÂOsservatore Romano, E.H.L.F., 2917 supplément (31.01.2006) VII.[5] Cf. Jean-Paul II, Lettre Apostolique Mane nobiscum Domine (07.10.2004), 2: AAS 97 (2005) 337. [6] Synode des Évêques, Assemblée Spéciale pour lÂAfrique, Message, 2: LÂOsservatore Romano, E.H.L.F., 2314 (10.05.1994) 2. [7] Benoît XVI, Discours aux prêtres du Diocèse de Rome (02.03.2006), 9: LÂOsservatore Romano, E.H.L.F., 2923 (14.03.2006) 4. [8] De 1978 à 2004, le nombre des catholiques africains est passé de 55 à 149 millions. De même, pour les vocations au sacerdoce et à la vie consacrée, on note dans la même période une remarquable croissance: cf. Secretaria Status Rationarium Generale Ecclesiæ, Annuaire statistique de lÂÉglise 2004, Cité du Vatican 2006, p. 18. [9] Jean-Paul II, Exhortation Apostolique Post-synodale Ecclesia in Africa (14.09.1995), 114: AAS 88 (1996) 68. [10] Cf. ibid., 110: AAS 88 (1996) 65. [11] Synode des Évêques, Assemblée Spéciale pour lÂAfrique, Proposition n. 56. [12] Cf. Jean-Paul II, Homélie dÂouverture de lÂAssemblée synodale (10.04.1994), 7: LÂOsservatore Romano, E.H.L.F., 2310 (12.04.1994) 2. [13] Jean-Paul II, Exhortation Apostolique Post-synodale Ecclesia in Africa(14.09. 1995), 113: AAS 88 (1996) 67. [14] Ibid., 118: AAS 88 (1996) 70. [15] Cf. Benoît XVI, Encyclique Deus caritas est (25.12.2005), 28a: LÂOsservatore Romano, E.H.L.F., 2917 supplément (31.01.2006) V. [16] Symposium des Conférences Épiscopales dÂAfrique et de Madagascar(S.C.E.A.M.), «Église-Famille de Dieu: lieu et sacrement de pardon, de réconciliation et de paix en Afrique. ÂChrist est notre Paix (Ep 2, 14)»: Documentation catholique 2262 (20.01.2002) 64-84. [17] Cf. Synode des Évêques, Assemblée Spéciale pour lÂAfrique, Instrumentum laboris, 118; Jean-Paul II, Exhortation Apostolique Post-synodale Ecclesia in Africa (14.09. 1995), 51; 117: AAS 88 (1996) 32; 69. [18] Benoît XVI, Discours à lÂissue de la rencontre avec le clergé de Rome (13.05.2005): LÂOsservatore Romano, E.H.L.F., 2881 (17.05.2005) 5. [19] Cf. Jean-Paul II, Message pour la journée mondiale de la paix (08.12.1994), 8: AAS 87 (1995) 363. [20] Jean-Paul II, Exhortation Apostolique Post-synodale Ecclesia in Africa (14.09. 1995), 115: AAS 88 (1996) 69. [21] Synode des Évêques, Assemblée Spéciale pour lÂAfrique, Lineamenta, 69. [22] Cf. Synode des évêques, Assemblée Spéciale pour lÂAfrique, Instrumentum laboris, 97. [23] Jean-Paul II, Discours au Corps diplomatique (13.01.1990): LÂOsservatore Romano (14.01.1990)p. 5; ou encore sur la nécessité de promouvoir la liberté religieuse et le principe de réciprocité cf. Benoît XVI, Discours au Corps diplomatique(09.01.2006): LÂOsservatore Romano, E.H.L.F., 2914 (10.01.2006) 5:«aucun gouvernement ne peut se dispenser du devoir de garantir à ses citoyens des conditions de liberté appropriées». [24] B. Elisabeth de la Trinité,«Traités spirituels. I. Le ciel dans la foi»: Âuvres complètes, édition critique de Conrad de Meester, Paris 1996, p. 111. [25] Jean-Paul II, Discours prononcé à la deuxième session de célébration de lÂAssemblée Spéciale pour lÂAfrique du Synode des Évêques, Johannesburg [Afrique du Sud] (17.09.1995), 3: LÂOsservatore Romano, E.H.L.F., 2386 (03.10.1995) 7. [26] Cf. Concile Âcuménique Vatican II, Constitution dogmatique sur la Révélation divine Dei Verbum, 2. [27] Benoît XVI, Homélie de la Messe chrismale (13.04.2006): LÂOsservatore Romano, E.H.L.F., 2928 (18.04.2006) 4. [28] Jean-Paul II, Lettre Apostolique Mane nobiscum Domine (07.10.2004), 3: AAS 97 (2005) 338. [29] Idem. [30] Cf. ibid., 16: AAS 97 (2005) 344. [31] Cf. Concile Âcuménique Vatican II, Constitution dogmatique sur lÂÉglise Lumen gentium, 1. [32] Concile Âcuménique Vatican II, Décret sur lÂactivité missionnaire de lÂÉglise Ad gentes, 8. [33] Idem. [34] Benoît XVI, Encyclique Deus caritas est (25.12.2005), 25b: LÂOsservatore Romano, E.H.L.F., 2917 supplément (31.01.2006) V. [35] Cf. Conseil Pontifical Iustitia et Pax, Compendium de la Doctrine sociale de lÂÉglise, Cité du Vatican 2004, n. 66. [36] Symposium des Conférences Épiscopales dÂAfrique et de Madagascar (S.C.E.A.M.), Actes de la VIIème Assemblée plénière(Kinshasa, 1984): La voix du S.C.E.A.M., Accra 1987, p. 161. [37] Catéchisme de lÂÉglise Catholique, n. 2419. [38] Cf. Jean-Paul II, Encyclique Centesimus annus (01.05.1991), 54: AAS 83 (1991) 859. [39] Cf. ibid, 11: AAS 83 (1991) 807. [40] Cf. B. Jean XXIII, Encyclique Mater et magistra (15.05.1961): AAS 53 (1961) 453, 459. [41] Il convient de rappeler ici la notion de «communauté de biens» et la disponibilité au partage dans les premières communautés chrétiennes: Didachè I, 5: SC 248, 144: «Donne à tout homme qui tÂimplore»; cf. Épître de Barnabé, 19, 8: SC 172, 206; Hermas, Le Pasteur, Précepte II, 4-5: SC 53, 146-148; Tertullien, Apologeticum XXXIX, 11: rec. P. Frassinetti, Augustæ Taurinorum 1965, p.92. [42] Concile Âcuménique Vatican II, Constitution pastorale sur lÂÉglise dans le monde de ce temps Gaudium et spes, 69. [43] Cf. Jean-Paul II, Encyclique Laborem exercens (14.12.1981), 14: AAS 83 (1981) 616. [44] Cf. Concile Âcuménique Vatican II, Constitution pastorale sur lÂÉglise dans le monde de ce temps Gaudium et spes, 69. [45] Cf. Jean-Paul II, Lettre Apostolique Novo millennio ineunte (06.01.2001), 49-50: AAS 93 (2001) 302-303; Encyclique Sollicitudo rei socialis (30.12.1987), 42: AAS 80 (1988) 572. [46] Jean-Paul II, Encyclique Centesimus annus (01.05.1991), 35: AAS 83 (1991) 837. [47] Cf. Concile Âcuménique Vatican II, Constitution pastorale sur lÂÉglise dans le monde de ce temps Gaudium et spes, 71. [48] Cf. Conseil Pontifical Iustitia et Pax, Compendium de la Doctrine sociale de lÂÉglise, Cité du Vatican 2004, n. 164. [49] Cf. Benoît XVI, Encyclique Deus caritas est (25.12.2005), 28a: LÂOsservatore Romano, E.H.L.F., 2917 supplément (31.01.2006) V. [50] Ibid., 28b: LÂOsservatore Romano, E.H.L.F., 2917 supplément (31.01.2006) V. [51] Conseil Pontifical Iustitia et Pax, Compendium de la Doctrine sociale de lÂÉglise, Cité du Vatican 2004, n. 189. [52] Cf. Concile Âcuménique Vatican II, Constitution pastorale sur lÂÉglise dans le monde de ce temps Gaudium et spes, 1. [53] Cf. Benoît XVI, Encyclique Deus caritas est (25.12.2005), 28b: LÂOsservatore Romano, E.H.L.F., 2917 supplément (31.01.2006) V-VI. [54] Jean-Paul II, Exhortation Apostolique Post-synodale Ecclesia in Africa(14.09. 1995), 68: AAS 88 (1996) 42-43. [55] Cf. Benoît XVI, Encyclique Deus caritas est (25.12.2005), 32: LÂOsservatore Romano, E.H.L.F., 2917 supplément (31.01.2006) VII. [56] Cf. Concile Âcuménique Vatican II, Constitution pastorale sur lÂÉglise dans le monde de ce temps Gaudium et spes, 42. [57] Cf. ibid., 58; cf. Benoît XVI, Encyclique Deus caritas est (25.12.2005), 29: LÂOsservatore Romano, E.H.L.F., 2917 supplément (31.01.2006) VI. [58] Jean-Paul II, Exhortation Apostolique Post-synodale Vita consecrata (25.03.1996), 20: AAS 88 (1996) 393; cf. ibid, 26: AAS 88 (1996) 399-400. [59] Cf. Conseil Pontifical Iustitia et Pax, Compendium de la Doctrine sociale de lÂÉglise, Cité du Vatican 2004, n. 532. [60] Cf. ibid., n. 531. [61] Benoît XVI, Encyclique Deus caritas est (25.12.2005), 32: LÂOsservatore Romano, E.H.L.F., 2917 supplément (31.01.2006) VII. [62] Cf. Documents du Concile Âcuménique Vatican II: pour lÂévêque: Constitution dogmatique sur lÂÉglise Lumen gentium, 21; pour le prêtre: Décret sur le ministère et la vie des prêtres Presbyterorum ordinis, 21; pour le laïc: Décret sur lÂapostolat des laïcs Apostolicam actuositatem, 29et Constitution dogmatique sur lÂÉglise Lumen gentium, 30sq. [63] Cf. Concile Âcuménique Vatican II, Constitution dogmatique sur lÂÉglise Lumen gentium, 41et le Décret sur lÂapostolat des laïcs Apostolicam actuositatem, 2. [64] Cf. Concile Âcuménique Vatican II, Constitution dogmatique sur lÂÉglise Lumen gentium, 31; Décret sur lÂapostolat des laïcs Apostolicam actuositatem, 2.4.7; Constitution pastorale sur lÂÉglise dans le monde de ce temps Gaudium et spes, 43; Paul VI, Exhortation Apostolique Evangelii nuntiandi (08.12.1975), 70-72: AAS 68 (1976) 59-61. [65] Cf. Benoît XVI, Encyclique Deus caritas est (25.12.2005), 29: LÂOsservatore Romano, E.H.L.F., 2917 supplément (31.01.2006) VI. [66] Cf. Concile Âcuménique Vatican II, Constitution dogmatique sur lÂÉglise Lumen gentium, 31, 36; Décret sur lÂapostolat des laïcs Apostolicam actuositatem, 2, 5, 7. [67] Cf. Jean-Paul II, Exhortation Apostolique Post-synodale Christifideles laici (30.12. 1988), 15-17: AAS 81 (1989) 413-421. [68] Cf. Concile Âcuménique Vatican II, Décret sur lÂapostolat des laïcs Apostolicam actuositatem, 4; Jean-Paul II, Exhortation Apostolique Post-synodale Christifideles laici (30.12.1988), 44: AAS 81 (1989) 479-480. [69] Benoît XVI, Encyclique Deus caritas est, 28a: LÂOsservatore Romano, E.H.L.F., 2917 supplément (31.01.2006) V. [70] Benoît XVI, Discours au Corps diplomatique (09.01.2006): LÂOsservatore Romano, E.H.L.F., 2914 (10.01.2006) 5. [71] Idem. [72] Concile Âcuménique Vatican II, Constitution pastorale sur lÂÉglise dans le monde de ce temps Gaudium et spes, 3. [73] Cf. Paul VI, Message pour la journée mondiale de la paix (08.12.1968): AAS 60 (1968) 771; Message pour la journée mondiale de la paix (08.12.1974): AAS 67 (1975) 65; Message pour la journée mondiale de la paix (08.12.1977): AAS 70 (1978) 49. [74] Cf. Jean-Paul II, Message de la journée mondiale de la paix «Pas de paix sans justice; pas de justice sans pardon»(08.12.2001): AAS 94 (2002) 132-140. [75] Benoît XVI, Homélie de la Messe chrismale(13.04.2006): LÂOsservatore Romano, E.H.L.F., 2928 (18.04.2006) 4. [76] Cf. S. Irénée de Lyon, Adversus hæreses, IV,20,7: SC 100/2, p.648, 180-181. [77] Cf. S. Augustin, De civitate Dei, 10, 5. 6: PL 41, 283;S. Léon le Grand, De natali ipsius, sermo 4, 1: SC 200, 266. [78] S. Thomas dÂAquin, Summa Theologica III, q. 63, a. 1-6. [79] Benoît XVI, Encyclique Deus caritas est (25.12.2005), 33: LÂOsservatore Romano, E.H.L.F., 2917 supplément (31.01.2006) VII.
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