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Exhortation apostolique post-synodale Africae Munus.
Présentation de Mgr. Nikola Eterovic,
Secrétaire général du Synode des évêques.

Ouidah, 19 novembre 2011

1) Introduction :

Le Saint-Père a signé l'Exhortation apostolique post-synodale Africae Munus à Ouidah, au Bénin, le 19 novembre, offrant ainsi à l'Eglise universelle et, en particulier, à l'Eglise d'Afrique et des îles voisines, les résultats de la deuxième Assemblée spéciale pour l'Afrique du Synode des évêques (tenue du 4 au 25 octobre 2009 : L'Eglise en Afrique au service de la réconciliation, de la justice et de la paix. Vous êtes le sel de la terre. Vous êtes la lumière du monde). Président du Synode, Benoît XVI a apporté à ce document la contribution du charisme pétrinien, ce qui est illustré par les nombreuses citations de ses discours, non seulement lors de l'assemblée synodale, mais durant les sept années de son pontificat. Par cette signature au Bénin, à l'occasion de sa deuxième visite apostolique en Afrique, le Pape a tenu à souligner son amour et sa proximité spirituelle à l'Eglise en pèlerinage sur le continent africain. Lors de sa première visite de 2009 au Cameroun et en Angola, il avait remis à l'épiscopat africain l'Instrumentum Laboris de la deuxième Assemblée spéciale pour l'Afrique.

Africae Munus prend place dans le prolongement de Ecclesia in Africa, publiée en 1995, après la première Assemblée spéciale pour l'Afrique du Synode des évêques. Selon l'exhortation Africae Munus, Ecclesia in Africa a donné une grande impulsion à la croissance de l'Eglise sur ce continent en développant l'idée de l'Eglise Famille de Dieu, bénéfique pour l'Eglise universelle. Africae Munus entend renforcer le dynamisme de l'Eglise, préciser son programme pastoral, l'évangélisation ou mieux la nouvelle évangélisation du grand continent africain ces prochaines décennies, en insistant sur le besoin de réconciliation, de justice et de paix.

Le thème synodal concerne le travail d'évangélisation ecclésial, mais aussi la raison d'être de la communauté politique au service du bien commun. Pour demeurer solidement ancrés à l'Evangile, qui inspire la doctrine sociale de l'Eglise, c'est la Parole de Dieu qui a guidé la réflexion du Pape et les Pères synodaux. Africae Munus reconnaît l'influence bénéfique de la XII Assemblée générale ordinaire du Synode consacrée en 2008 à la Parole de Dieu dans la vie et la mission de l'Eglise. Par conséquent, en plus de l'invitation faite aux chrétiens d'être le sel de la terre et la lumière du monde, qui anime tout le texte, le document abonde de références à l'Ecriture. En particulier, chacune des deux parties de l'exhortation est associée à une citation biblique : Voici, je fais toutes choses nouvelles, pour la première ; A chacun est donnée la manifestation de Esprit pour le bien commun, pour la seconde.

2) Structure et but de l'exhortation Africae Munus :

L'exhortation apostolique post-synodale Africae Munus est composé de deux parties, précédées d'une introduction et suivies d'une conclusion. La première partie comporte deux chapitres : Au service de la réconciliation, de la justice et de la paix, et Les chantiers pour la réconciliation, la justice et la paix. La seconde partie comporte trois chapitres : Les membres de l'Eglise, Les principaux champs d'apostolat, Lève-toi, prends ton grabat et marche!

Dans l'introduction, le Saint Père évoque le déroulement de la deuxième Assemblée spéciale pour l'Afrique, et en offre ensuite les fruits abondants, repris par la présente exhortation. Par ailleurs, il indique le but d'Africae Munus, qui est de confier à tous les membres du Peuple de Dieu, évêques, prêtres, diacres permanents, personnes consacrées, catéchistes et laïcs, le trésor de l'engagement de l'Afrique pour le Seigneur Jésus-Christ. Mais aussi de donner à l'Eglise qui est en Afrique un nouvel élan, rempli de l'espérance et de la charité de l'Evangile, afin qu'elle soit vraiment le sel de la terre et lumière du monde. Le but de cette mission est de conduire l'Afrique à approfondir sa vocation chrétienne, en vivant au nom de Jésus, la réconciliation entre les peuples et les communautés, pour la paix et la justice dans la vérité. Enfin, raviver la foi et l'espérance, pour que l'Eglise continentale aider à construire une Afrique réconciliée, à travers les voies de la vérité et la justice, l'amour et la paix.

En s'appuyant sur les considérations des Pères du Synode, Africae Munus est bien contextualisée dans l'Afrique d'aujourd'hui, caractérisé par de nombreux aspects positifs mais aussi bien des problèmes. Compte tenu des défis de nature sociale, politique, ethnique, économique et écologique, mais aussi des pandémies comme le paludisme, le sida, la tuberculose, l'Afrique conserve sa joie de vivre, de célébrer la vie qui vient du Créateur par une augmentation des naissances, afin que grandisse la famille et la communauté humaine. Elle dispose également d'un riche patrimoine intellectuel, culturel et religieux. Par conséquent, l'exhortation invite les Africains au courage de la foi et de l'espérance chrétienne. Benoît XVI voit dans l'Afrique un grand poumon spirituel pour une humanité en crise de foi et d'espérance, grâce à l'extraordinaire richesse humaine et spirituelle de ses enfants, de ses cultures et de ses immenses ressources naturelles. Mais pour se tenir dignement, l'Afrique a besoin d'entendre la voix du Christ proclamer l'amour pour l'autre, y compris de l'ennemi. L'exhortation cherche à traduire la théologie en pastorale, en fournissant des orientations claires et pratiques pour les activités de l'Eglise à court terme.

3) Première partie : Voici, je fais l'univers nouveau.

La deuxième Assemblée spéciale pour l'Afrique a permis de discerner les axes de la mission de l'Eglise sur un continent qui aspire à la réconciliation, à la justice et à la paix, une aspiration qui doit être traduite par les pasteurs selon les lignes de fonctionnement des Eglises particulières. Ces axes sont décrits dans cette première partie, divisée en deux chapitres.

Le premier chapitre, intitulé Au service de la réconciliation, de la justice et de la paix, se compose des deux paragraphes suivants : 1) Authentiques serviteurs de la Parole de Dieu. Les chrétiens sont invités à écouter Jésus-Christ, qui les appelle à se réconcilier avec Dieu et le prochain, afin de bâtir une communauté réconciliée et d'un pays réconcilié. 2) Le Christ au cœur des réalités africaines, une source de réconciliation, de justice et de paix. Ce chapitre se subdivise en : Laissez-vous réconcilier avec Dieu, Devenir justes et construire un ordre social juste (contenant des réflexions sur Vivre la justice du Christ, et Créer un ordre juste dans la logique des Béatitudes), L'amour dans la vérité, source de paix (contenant des réflexions sur Service fraternel concret, et L'Eglise comme une sentinelle).

Pour donner à l'engagement à la paix des conditions nécessaires, il faut insuffler dans les cœurs la force de la réconciliation. L'Eglise invite la purification intérieure de l'homme comme condition essentielle pour la construction de la justice et de la paix. Seule une authentique réconciliation crée une paix durable dans la société. C'est en offrant et en acceptant le pardon que les mémoires blessées de personnes ou de communautés seront en mesure de guérir et que, jusqu'alors divisées les familles retrouveront l'harmonie. Ceci n'exclut pas que les coupables doivent être retrouvés et mis face à leurs responsabilités, afin que de telles tragédies ne se reproduisent jamais.

Si la construction d'un ordre social juste incombe à la sphère politique, l'Eglise a le devoir de former les consciences des hommes et des femmes engagés à bâtir une société réconciliée dans la justice et dans la paix. Sa fonction est de sensibiliser le monde au sens religieux proclamé par Jésus-Christ. En effet, il est le modèle par excellence à partir duquel l'Eglise pense et de raisonne, qu'elle offre à tous. L'Eglise est engagée dans l'éducation civique des citoyens par le biais des Commissions Justice et Paix. Vivre dans la justice de Christ, signifie aussi s'efforcer de rendre justice au peuple et à chacun son dû face à de graves injustices, comme la confiscation des terres par une minorité au détriment de populations entières, pratique inacceptable et immorale. La justice doit être soutenue par la subsidiarité et la solidarité, et animée par la charité. La charité, qui assure le lien avec Dieu, va au-delà de la justice distributive. Si la justice humaine est toujours limitée et imparfaite, la justice divine offre l'horizon vers lequel tendre. Jésus-Christ ne propose pas une révolution socio-politique, mais la révolution de l'amour, basée sur les Béatitudes. Celles-ci fournissent un nouvel horizon à la justice, inauguré par le mystère pascal, en mesure de rendre bonnes les personnes pour bâtir un monde meilleur. Selon la logique de l'Evangile des Béatitudes, il faut manifester une attention préférentielle pour les pauvres, les affamés, les malades, l'étranger, l'humilié, le prisonnier, l'émigré méprisé, le réfugié ou la personne déplacée.

La justice divine fondée sur l'amour, qui transcende le minimum qu'exige la justice humaine, va jusqu'au don de soi. Chaque société aura toujours besoin de l'amour qui apaise les cœurs blessés, seuls et abandonnés. C'est l'amour qui engendre paix ou l'établit dans le cœur de l'homme comme entre les hommes. L'Eglise est appelée à faire entendre la voix du Christ dans l'Afrique d'aujourd'hui, en invitant chacun à naître à l'autre. Fidèle au mandat de son Seigneur, elle est poussée à être présent là où l'humanité connaît la souffrance, et répondre au cri silencieux des innocents persécutés ou des peuples dont les dirigeants hypothèquent l'avenir au profit de leurs intérêts. Même si c'est avec lenteur, l'Eglise contribue à façonner la nouvelle Afrique.

Le deuxième chapitre, intitulé Les chantiers pour la réconciliation, la justice et la paix, identifie certains champs d'action qui, selon les Pères synodaux, devraient aider l'Afrique à se libérer des forces qui la paralysent. Cette partie se subdivise en quatre sections :

1. L 'attention à la personne humaine, en cinq points : La Metanoia , une authentique conversion, Vivre la vérité du sacrement de la Pénitence et de la Réconciliation , Une spiritualité de communion, L'inculturation de l'Evangile et l'évangélisation de la culture, Le don du Christ, l'Eucharistie et la Parole de Dieu). A cet égard, Africae Munus souligne l'importance du lien vital entre catéchisme mémorisé et catéchèse vécue, qui portent à une conversion profonde et durable et, par conséquent, un véritable engagement à vivre l'Evangile au niveau individuel, familial et social. Le sacrement de la Réconciliation , la rencontre avec Jésus-Christ, le seul médiateur, est suffisante pour nous réconcilier avec Dieu et du prochain. Il comprend une dimension personnelle et une autre communautaire. Les rites traditionnels de réconciliation, qui ont des aspects positifs mais aussi leurs limites, peuvent seulement aider les fidèles à mieux approcher la vérité du Christ, dans laquelle Dieu nous réconcilie avec lui-même et avec autrui. L'Eglise, les évêques en premier lieu, doit opérer un discernement approfondi des différentes cultures, afin d'identifier les aspects favorisant ou entravant les valeurs de l'Evangile. Le véritable protagoniste de l'inculturation est l'Esprit Saint, qui fait en sorte que l'Evangile imprègne toutes les cultures, sans leur être asservi. Jésus-Christ, qui nourrit les fidèles dans l'Eucharistie et la Parole , fonde dans la grâce de l'Esprit une nouvelle fraternité, par opposition à la division, au tribalisme, au racisme et à l'ethnocentrisme.

2. Vivre ensemble, se subdivise en La famille, Les personnes âgées, Les hommes, Les femmes, Les jeunes, Les enfants. L'exhortation apostolique Africae Munus consacre une grande place à la famille, sanctuaire de la vie et cellule vitale de la société et de l'Eglise. Elle est aussi le lieu propice à l'éducation et à la culture du pardon, de la paix et de la réconciliation. Face à de nombreuses menaces, la famille doit être protégée et défendue. La famille chrétienne doit elle-même être une Eglise domestique, un espace où tous ses membres évangélisent et sont évangélisés, où l'on consacre du temps pour prier, célébrer les dimanches et les fêtes de précepte, lire la Bible chaque jour. En Afrique, les personnes âgées sont entourées d'une vénération particulière, appréciées pour leur sagesse et leur expérience. Elles jouent un rôle positif envers les divers membres de la famille, enfants et jeunes couples en particulier. La société a besoin d'eux car la stabilité et l'ordre social en Afrique sont souvent confiés à un conseil des anciens ou à des chefs traditionnels. L'Eglise en a également besoin, notamment pour annoncer l'Evangile. Dans ce domaine, l'Afrique peut inspirer les sociétés occidentales. Après avoir souligné le rôle important des hommes, qui vivent sur terre la paternité de Dieu, l'exhortation post-synodale s'attache à la femme africaine, qui revêt un rôle irremplaçable dans la société comme dans l'Eglise. Elle encourage les chrétiens à lutter contre toutes les violences envers les femmes, à les dénoncer et à les condamner. Les jeunes, qui forment la majorité des africains, méritent une attention très particulière. Les enfants font l'objet d'une attention privilégiée dans l'Eglise parce qu'ils sont des dons de Dieu, une source d'espoir et de renouveau. Ils doivent être l'objet des soins de leurs familles et de la société, en opposition aux traitements intolérables dont ils peuvent être les victimes (signalés au nº67 du document).

3. La vision africaine de la vie, prend en compte La protection de la vie, Le respect de la création et l'écosystème, La bonne gouvernance des états, Les migrants, personnes déplacées et réfugiés, La mondialisation et l'aide internationale. La conception africaine du monde comprend le monde visible et invisible, les ancêtres, les vivants et les enfants à naître, la création et tous les êtres. Elle prédispose le cœur et l'esprit à recevoir le message du Christ et à comprendre le mystère de l'Eglise. Engagée dans la promotion de la vie et du développement humain intégral, de tout homme et de tout l'homme, l'Eglise s'oppose à l'avortement et apprécie le courage des gouvernements qui légifèrent contre la culture de mort. L'Eglise condamne également les désastres de l'alcoolisme toxicomanie. Grâce à ses établissements de santé, elle est à la pointe dans la lutte contre le paludisme, la tuberculose et le sida, une pandémie qui nécessite une réponse médicale et pharmaceutique, mais également morale. A ces pandémies, on peut comparer l'illettrisme, fléau et mort sociale que l'Eglise aide à éradiquer au moyen de son vaste réseau d'écoles catholiques. L'Afrique a besoin de la bonne gouvernance des états, qui doit s'exprimer dans le respect des constitutions, des élections libres, des systèmes judiciaire et pénitentiaire indépendants, une administration transparente et libre de toute corruption. Appelant à faire tout ce qui est possible pour l'élimination de la peine capitale, le document post-synodal engage l'Eglise africaine à mettre en place une pastorale carcérale, et à promouvoir une justice réhabilitative. La bonne gouvernance doit s'exprimer aussi dans le respect de la création, à commencer par les matières premières, qui doivent être au service de la communauté et non de quelques-uns, dans le respect de l'écosystème, la protection de biens essentiels comme la terre et l'eau. La migration de millions de personnes à l'intérieur et en dehors de l'Afrique revêt les dimensions d'un drame pluridimensionnel qui interpelle l'Eglise et la communauté internationale. L'Eglise appelle une mondialisation de la solidarité qui inclut le principe de la gratuité et la logique du don comme expression de la fraternité.

4. Le dialogue et la communion entre les croyants, se subdivise en : Le dialogue œcuménique et le défi des nouveaux mouvements religieux, Le dialogue inter-religieux (religions traditionnelles africaines et Islam), Devenir sel de la terre et lumière du monde. Les relations interreligieuses conditionnant la paix, l'Eglise encourage le dialogue comme promotion spirituelle d'initiatives visant à la paix et à la justice. Mais la réconciliation passe en Afrique à travers la communion des disciples de Jésus-Christ. A la nécessité du dialogue œcuménique, il faut ajouter la priorité d'une évangélisation en profondeur de l'âme africaine, afin que les fidèles puissent acquérir des compétences de discernement face à l'expansion des soi-disant églises africaines indigènes, des mouvements syncrétiques et des sectes. La majorité des chrétiens africains est issue de religions traditionnelles, avec lesquelles ils entretiennent des contacts quotidiens. Il faut donc sérieusement offrir cette capacité aux fidèles, tout en acceptant les éléments des cultures traditionnelles compatibles avec les enseignements du Christ. Mais aussi identifier les points de rupture, comme les éléments de magie et de sorcellerie, qui sont très nocifs pour les familles comme pour la société. Quant aux relations avec l'Islam, Africae Munus réitère la volonté de dialogue de l'Eglise, dans le respect de la liberté de religion et de conscience. Dans le dialogue inter-religieux, le chrétien s'alimente à la source authentique du Christ, se laisse transformer par lui afin de devenir le sel de la terre et la lumière du monde.

4) Deuxième partie : A chacun la manifestation de l'Esprit est donnée en vue du bien commun.

Dans un continent marqué par des conflits, l'Eglise indique le chemin qui conduit au Christ, en offrant son Esprit. Elle assure son unité dans la diversité des dons reçus pour le bien commun. Par conséquent, tous les membres du peuple de Dieu doivent contribuer à la paix et à la communion au sein de l'Eglise comme dans la société. Cette deuxième partie de l'exhortation apostolique post-synodale comprend trois chapitres.

Le premier chapitre, intitulé Les membres de l'Eglise, souligne que la paix et la justice résultent principalement de la réconciliation de l'homme avec Dieu et avec lui-même. Ce don de Dieu nous invite tous à la conversion, à devenir justes. La question est traitée par catégories : Les évêques, Les prêtres, Les missionnaires, Les diacres permanents, Les personnes consacrées, Les séminaristes, Les catéchistes, Les laïcs.

L'évêque, se distingue par une sainteté de vie qui lui donne l'autorité morale et la crédibilité dans la direction d'une Eglise particulière. Son unité avec le Successeur de Pierre, ainsi que la communion avec son Presbyterium, sont les antidotes aux germes de la division, de la tentation d'un nationalisme aveugle tel qu'il découle d'une absolutisation de la culture africaine. Bons pasteurs, les évêques ont le devoir de porter la Bonne Nouvelle aux fidèles, par le biais d'une catéchèse appropriée, de s'engager à éduquer les laïcs, y compris dans les domaines politique et économique. Le diocèse devrait être un modèle de correct comportement des personnes, de transparence et de saine gestion financière. Pour consolider la communion ecclésiale et promouvoir la solidarité pastorale, les évêques sont appelés à collaborer avec les conférences épiscopales nationales et régionales, mais aussi avec le Symposium des Conférences épiscopales d'Afrique et de Madagascar. Collaborateurs indispensables de tout évêque, les prêtres ont pour tâche de poursuivre l'évangélisation. Ils sont pour cela appelés à une vie sainte et pacifique, qui dépasse les frontières tribales et raciales, qui touche le cœur de chacun. Obéissant à leur évêque diocésain, ils doivent offrir le témoignage d'une vie exemplaire dans le célibat et dans le détachement des biens matériels. Ainsi restent-ils fidèles à leur mission spécifique, qui est d'être bergers selon le cœur de Dieu, sans tomber dans la tentation de devenir des leaders politiques ou des travailleurs sociaux.

L’exhortation Africae Munus fait l’éloge du zèle apostolique de nombreux missionnaires qui ont porté la lumière du Christ en Afrique, favorisant ainsi l'apparition de nombreux saints africains, modèles dont il faut s’inspirer. Il serait souhaitable que leur culte soit ravivé et promu. En outre, les pasteurs des Eglises locales sont encouragés à reconnaître parmi les serviteurs africains de l’Evangile, ceux qui pourraient être canonises, selon les normes de l’Eglise, non seulement pour augmenter le nombre des saints africains, mais aussi pour obtenir de nouveaux intercesseurs au ciel. Elle souligne aussi l’importance du service ecclésial des diacres permanents comme pères de famille et des fidèles auprès desquels ils accomplissent leur service pastoral. Les personnes consacrées méritent une attention particulière pour leur témoignage de vie radicalement confiée à Dieu et consacrée au service du prochain, surtout dans le domaine pastoral comme dans les institutions d'éducation, de santé et de promotion humaine. Les séminaristes sont appelés à se préparer au sacerdoce théologiquement et spirituellement dans un cadre propice à leur croissance psychologique et humaine. Ils sont aussi appelés à être des apôtres pour les jeunes. L’exhortation, qui souligne la grande contribution des catéchistes dans l’évangélisation, encourage les responsables à soigner leur formation permanente afin qu’ils puissent contribuer à toujours mieux faire connaître l’Evangile de Jésus auprès de ceux qui ne le connaissent pas encore. Les catéchistes, comme les diacres permanents, sont invités à être, ainsi que leurs familles, des modèles de vie chrétienne. Les laïcs, témoins du Christ, témoignent aussi de la présence de l’Eglise dans la vie du monde. Bien formés, "les laïcs, hommes et femmes, sont appelés avant tout à la sainteté et à vivre cette sainteté dans le monde" en montrant que leur travail, avant d’être un moyen de profit, est le lieu de leur réalisation personnelle et du service au prochain. Ceux qui sont engagés dans le domaine politique économique, culturel et social devraient également bien connaître la doctrine sociale de l’Eglise.

Le deuxième chapitre, "Principaux champs d’apostolat", est organisé en quatre points : L’Eglise comme présence du Christ, Le monde de l’éducation, Le monde de la santé et Le monde de l’information et de la communication. L’Eglise, mystère et société visible, s’exprime dans différentes réalités : diocèses, paroisses, communautés de base, mouvements et associations, et familles chrétiennes. Tous ces lieux peuvent être propices pour accueillir et vivre le don de la réconciliation offert par le Christ, notre paix. Africae Munus traite ensuite des différents champs de l’activité pastorale de l’Eglise, en soulignant l’instrument précieux représenté par les écoles catholiques pour apprendre à tisser dans la société, dès l’enfance, des liens de paix et d’harmonie par l’éducation aux valeurs africaines assumées par celles de l’Evangile. Les universités catholiques et les institutions académiques catholiques ont un rôle important à jouer dans la recherche de la vérité qui transcende la mesure humaine, pacifie les personnes et réconcilie les sociétés entre elles, en aidant la société africaine à non seulement mieux comprendre les défis actuels, mais aussi à les affronter à la lumière de l’Evangile. En maintenant l’identité catholique et conformément à la doctrine sociale de l’Eglise, elles contribuent au développement de la théologie africaine, à la promotion de l’inculturation, et permettent à l’Eglise d’être présente et d’agir dans le domaine des mutations culturelles.

Suivant l’exemple de Jésus-Christ, l’Eglise, à travers ses institutions sanitaires, ne cesse de soigner les malades en chacun desquels elle voit un membre souffrant du Corps du Christ. Elle s’engage dans la lutte contre les infirmités, les maladies et les grandes épidémies, fidèlement à son enseignement éthique en faveur de la vie. La gestion transparente des fonds doit servir surtout le bien du malade. Il convient donc de multiplier dans la mesure du possible, les petits dispensaires qui assurent des soins de proximité et de premiers secours. Il faut remercier toutes les personnes et les institutions, surtout ceux de vie consacrée, pour leur engagement dans le champ de l’éducation et de la santé, en les encourageant à intensifier leurs efforts, malgré les nombreuses difficultés et les nombreux défis. Les moyens de communication sont d’importants instruments d’évangélisation et de formation des peuples africains à la réconciliation dans la vérité, à la promotion de la justice et à la paix. L’Eglise doit être davantage présente dans les médias, consciente que les nouvelles technologies de l’information peuvent devenir de puissants instruments de cohésion et de paix ou bien des promoteurs efficaces de destruction et de division. Une amélioration de l’utilisation des médias catholiques est souhaitée, ainsi qu’une meilleure coordination des structures existantes, pour une plus grande promotion de la paix, de la justice et de la réconciliation en Afrique.

Le troisième chapitre, intitulé Lève-toi, prends ton grabat et marche!, est divisé en trois parties : L’enseignement de Jésus à la piscine de Bethesda, La Parole de Dieu et les sacrements, qui à son tour évoque Les Saintes Ecritures, L’Eucharistie et La réconciliation, La nouvelle évangélisation, avec Porteurs du Christ Lumière du monde, Témoins du Christ ressuscité et Missionnaires à la suite du Christ. L’Exhortation se conclut avec un appel plein de confiance : Aie confiance! Lève-toi, il t’appelle! Le Pape revient sur quelques points déjà abordés précédemment en fournissant des indications pour leur mise en œuvre. En se référant à la guérison du malade à la piscine de Bethesda, Africae Munus indique que l’accueil de Jésus offre à l’Afrique une guérison plus efficace et plus profonde que toute autre. En premier lieu, l’Eglise offre aux cœurs déchirés et blessés l’annonce de la Parole de Dieu qui guérit, libère et réconcilie. C’est pourquoi, l’Exhortation recommande à chaque fidèle, à chaque famille et communauté, de lire la Bible chaque jour, de se familiariser avec la Lectio Divina, d’encourager l’apostolat biblique, permettant à la Parole divine de régénérer la communion fraternelle. L’Eucharistie est le moyen le plus efficace pour l’édification d’une vie intime de communion avec Dieu et avec le prochain. A travers le Christ-Eucharistie, les fidèles deviennent consanguins et donc authentiquement frères et sœurs. Ce lien de fraternité est plus fort que celui de nos familles humaines, celui de nos tribus. La célébration eucharistique doit être prolongée dans la vie personnelle, familiale et sociale. Il s’agit de la cohérence eucharistique qui interpelle toute conscience chrétienne. Africae Munus exhorte l’Eglise en Afrique à prendre soin de façon particulière de la célébration eucharistique, en faisant sienne la proposition des Pères synodaux d’organiser un congrès eucharistique continental. Le sacrement de réconciliation panse et guérit les cœurs meurtris, renoue les liens rompus entre l’homme et Dieu et restaure les liens dans la société. C’est pourquoi, tous les fidèles sont encouragés à redonner sa place véritable au sacrement de la réconciliation dans sa double dimension personnelle et communautaire. Pour encourager la célébration de ce sacrement, Benoît XVI fait siens les souhaits des Pères synodaux de célébrer tous les ans dans chaque pays africain, un jour ou une semaine de réconciliation, particulièrement pendant l’avent ou le carême. En accord avec le Saint-Siège, le SCEAM pourra promouvoir une Année de la réconciliation au niveau continental pour demander à Dieu un pardon spécial pour tous les maux et blessures que les êtres humains se sont infligés les uns aux autres en Afrique, et pour que se réconcilient les personnes et les groupes qui ont été blessés dans l’Eglise et dans l’ensemble de la société.

L’Eglise en Afrique doit s’engager toujours plus dans l’évangélisation, que ce soit sous l’aspect ordinaire de la pastorale ou dans la Missio ad Gentes, en portant la Bonne Nouvelle de Jésus-Christ aux personnes qui ne le connaissent pas. Mais aussi dans la nouvelle évangélisation, à l'attention de ceux qui n’ont plus de pratique chrétienne. La nouvelle évangélisation en Afrique concerne en particulier, le service de l’Eglise en vue de la réconciliation, de la justice et de la paix. Dieu bénira un cœur réconcilié par le don de la paix. Le fidèle réconcilié deviendra ainsi un artisan de paix et un promoteur de la justice. C’est seulement si elle est animée par l’Esprit Saint que l’évangélisation porte des fruits spirituels et devient la loi nouvelle de l’Evangile. Le cœur de toute activité évangélisatrice est l’annonce de la personne de Jésus, le Verbe de Dieu incarné, mort et ressuscité, pour toujours présent dans la communauté des fidèles, dans son Eglise. Elle doit retrouver une nouvelle ardeur, celle des saints et martyrs, confesseurs et vierges du continent africain. La nouvelle évangélisation doit aussi utiliser les nouvelles méthodes qui sont aujourd’hui à sa disposition.

Dans de nombreux pays d’Afrique, l’Eglise a commémoré le centenaire de l’évangélisation, en s’engageant à diffuser l’Evangile parmi ceux qui ne connaissent pas encore Jésus-Christ. Guidés par la grâce de l’Esprit Saint, les chrétiens sont appelés à s’engager sur le chemin de la sainteté pour devenir toujours plus apôtres de la réconciliation, de la justice et de la paix. C’est pourquoi, la Missio ad Gentes doit aller de pair avec la nouvelle évangélisation qui doit intégrer la dimension intellectuelle de la foi dans l’expérience vive de la rencontre avec Jésus-Christ présent et agissant dans la communauté ecclésiale. Par l’envoi de prêtres et de personnes consacrées, l’Eglise en Afrique est appelée à contribuer à la nouvelle évangélisation également dans les pays sécularisés, de tradition chrétienne, dont étaient issus par le passé de nombreux missionnaires.

Dans sa conclusion, l’exhortation apostolique post-synodale invite les chrétiens et tout le continent à l’espérance : Aie confiance! Lève-toi. Il t’appelle! L’appel à se lever du Saint-Père à l'Afrique fait écho à la parole du Seigneur. Une telle espérance s’enracine dans l’amour de Dieu Un et Trine : Père, Fils et Esprit Saint, source de réconciliation, de justice et de paix. Assuré de la proximité de toute l’Eglise catholique, le Pape confie le chemin d’évangélisation du continent africain à l’intercession de la Vierge Marie, Notre-Dame d’Afrique, de saint Joseph et de tous les saints et saintes vénérés en Afrique. Souhaitant que le miracle de Pentecôte se poursuive sur le continent africain, et que chacun devienne toujours plus un apôtre de la réconciliation, de la justice et de la paix, Benoît XVI conclut : Puisse l’Eglise catholique en Afrique être toujours un des poumons spirituels de l’humanité, et devenir chaque jour davantage une bénédiction pour le noble continent africain et pour le monde entier !

5) Idées-clefs et mise en œuvre de l’Exhortation apostolique Africae Munus :

Après cette brève exposition du contenu de cette exhortation, il semble utile de résumer quelques idées-clefs pour la mise en œuvre d’Africae Munus. Celle-ci se compose de deux parties. Dans la première partie, on distingue les structures portantes de la mission ecclésiale du continent qui aspire à la réconciliation, la justice et la paix et qui a, comme source, la personne de Jésus-Christ. En l’écoutant, les chrétiens sont invités à se laisser réconcilier avec Dieu, à devenir justes pour construire un ordre social juste, dans la logique des Béatitudes, en s’engageant dans le service fraternel pour l’amour de la vérité, source de paix. C’est pourquoi, les chantiers pour la réconciliation, la justice et la paix, sont aussi indiqués, dans une authentique conversion, la célébration du sacrement de réconciliation, une spiritualité de communion, l’inculturation de l’Evangile, la protection de la vie, les migrants, les réfugiés, la bonne gouvernance des états, le dialogue œcuménique et interreligieux, surtout avec les religions traditionnelles et l’Islam. Dans la seconde partie, tous les membres de l’Eglise sont invités à contribuer à la communion et à al paix dans l’Eglise et dans la société. Sont aussi indiqués les champs de l’apostolat : L’Eglise comme présence active et efficace de Jésus-Christ, le monde de l’éducation, de la santé et des moyens de communication sociale. L’exhortation ouvre un horizon d’espérance à l’Afrique qui, en accueillant Jésus-Christ, doit s’émanciper des forces qui la paralysent. Africae Munus est bien dans la continuité d’Ecclesia in Africa, fruit de la première assemblée spéciale pour l’Afrique qui a donné une grande impulsion au développement de l’Eglise en Afrique, en développant, entre autre, l’idée d’Eglise famille de Dieu, au bénéfice de l’Eglise universelle. Africae Munus entend renforcer ce dynamisme ecclésial, indiquer le programme de l’activité pastorale, dans les prochaines décennies, de l’évangélisation du grand continent africain, soulignant le besoin urgent de réconciliation, de justice et de paix.

L’Eglise, sacrement d’union avec Dieu et avec les hommes, doit être un lieu de réconciliation, don de Dieu, pour être un instrument efficace de la justice et de la paix dans la société tout entière. La réconciliation vient du mystère de Jésus-Christ ressuscité, présent dans son Eglise à travers la Parole de Dieu et les sacrements, surtout ceux de la réconciliation et de l’Eucharistie. Dans la grâce de l’Esprit, l’Eucharistie institue une nouvelle fraternité qui dépasse les langues, les cultures, les ethnies, les divisions, le tribalisme, le racisme et l’ethnocentrisme. Dans son œuvre d’évangélisation et d’éducation à la foi chrétienne, l’Eglise doit mettre l’accent sur une catéchèse vécue qui conduise à une conversion profonde et à un engagement effectif à vivre l’Evangile au niveau personnel, familial et social. La doctrine sociale de l’Eglise vient en soutien à la promotion humaine. Africae Munus offre à l’Eglise en Afrique un guide pratique pour l’activité pastorale des prochaines décennies. L’évangélisation ad gentes en Afrique reste une priorité avec l’annonce de l’Evangile à ceux qui ne connaissent pas Jésus-Christ. Cette priorité pastorale doit engager tous les chrétiens d’Afrique. Il faut, en outre, mieux animer l’évangélisation ordinaire dans les diverses Eglises locales, en s’engageant à promouvoir la réconciliation, la justice et la paix. Il est urgent, ensuite, de s’engager dans la nouvelle évangélisation en Afrique, en particulier, en faveur de ceux qui se sont éloignés de l’Eglise ou qui n’ont pas de pratique chrétienne. Les chrétiens d’Afrique, en particulier le clergé et les membres de vie consacrée, sont appelés à soutenir la nouvelle évangélisation même dans les pays sécularisés. Il s’agit d’un échange de dons, vu que des missionnaires africains œuvrent déjà dans les pays d’où, autrefois, provenaient les missionnaires venant annoncer la Bonne Nouvelle en Afrique. Parmi les différentes mises en œuvre proposées par l’exhortation apostolique, signalons :

- Les saints, personnes réconciliées avec Dieu et avec le prochain, sont des partisans exemplaires de la justice et des apôtres de la paix. L’Eglise, dont tous les membres sont appelés à la sainteté, doit retrouver un nouvel élan, venant des nombreux saints et martyrs, confesseurs et vierges du continent africain, dont le culte doit être ravivé et encouragé.

- Afin d’obtenir d’autres exemples actuels et de nouveaux intercesseurs au ciel, les pasteurs des Eglises locales sont encouragés à reconnaître parmi les serviteurs africains de l’Evangile, ceux qui pourraient être canonisés, selon les normes de l’Eglise.

- Il faut aussi renforcer les liens de communion entre le Saint-Père et les évêques d’Afrique, ainsi qu’entre les évêques du continent au niveau national, régional et continental.

- On souhaite que les évêques s’engagent davantage à promouvoir à soutenir effectivement et affectivement, le Symposium des Conférences épiscopales d’Afrique et de Madagascar comme structure continentale de solidarité et de communion ecclésiale.

- Pour approfondir le mystère de l’Eucharistie et pour accroître la dévotion eucharistique, la proposition des Pères synodaux de célébrer un congrès eucharistique continental est retenue.

- Est également soutenue, la célébration annuelle dans les divers pays d’Afrique, d’un jour ou d’une semaine de réconciliation, particulièrement pendant l’avent ou le carême.

- En accord avec le Saint-Siège, le SCEAM pourra contribuer à la réalisation d’une année de réconciliation au niveau continental pour demander à Dieu un pardon spécial pour tous les maux et blessures que les êtres humains se sont infligés les uns aux autres en Afrique, et pour que se réconcilient les personnes et les groupes qui ont été blessés dans l’Eglise et dans l’ensemble de la société.

Remerciant pour le don de la foi en Dieu Un et Trine, Père, Fils et Esprit Saint, l’Eglise en Afrique s’engage, avec un élan renouvelé, dans l’évangélisation et dans la promotion humaine, afin que tout le continent devienne un vaste champ de réconciliation, de justice et de paix. De cette façon, l’Eglise contribue à forger la nouvelle Afrique appelée à devenir toujours plus le ‘poumon spirituel’ de l’humanité.

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