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VOYAGE APOSTOLIQUE AU SÉNÉGAL, EN GAMBIE ET EN GUINÉE

CONCÉLÉBRATION EUCHARISTIQUE POUR LES FIDÈLES
DU DIOCÈSE DANS LE «STADE DE L’AMITIÉ»

HOMÉLIE DE JEAN-PAUL II

Dakar (Sénégal)
Samedi, 22 février 1992

 

«Quand deux ou trois sont réunis en mon nom, je suis là, au milieu d’eux»[1].

1. Réunis ici au nom du Christ, dans la grande ville de Dakar, sur la côte de l’Atlantique, nous constituons l’Église. Dès l’époque des Apôtres, on a commencé à appeler «chrétiens» les disciples du Crucifié, du Ressuscité[2]. Et nous avons hérité de ce nom.

Nous constituons l’Église, non seulement parce que nous portons le nom du Christ, mais parce qu’Il est lui-même en nous et au milieu de nous. L’Église est plus qu’une assemblée d’hommes et de femmes qui se réclament du Nom du Christ: elle est avant tout une communauté humaine organiquement unie à Lui, unie à sa Personne vivante. Par Lui, avec Lui et en Lui, nous sommes l’Église. Pour dire la nature de cette communauté, saint Paul l’appellera le Corps du Christ.

Frères et Sœurs de Dakar et de tout le Sénégal, je suis heureux de vous saluer, membres du Corps du Christ, de l’Église qui vit et grandit sur cette terre.

Je remercie mon cher Frère, le Cardinal Hyacinthe Thiandoum, votre Archevêque, pour les paroles qu’il m’a adressées en votre nom. Je tiens à saluer amicalement les Évêques de Kaolack, de Saint-Louis, de Thiès, de Ziguinchor et de Tambacounda. Leur présence au long de ces journées avec de nombreux diocésains a donné aux diverses manifestations la dimension de la rencontre de l’Évêque de Rome avec l’Église au Sénégal tout entière. J’ai aussi le plaisir de saluer les Évêques, les Supérieurs religieux, ainsi que vos nombreux amis venus des pays voisins ou lointains pour manifester leur fidèle sympathie. En particulier, j’aimerais adresser un cordial encouragement à l’Évêque et aux catholiques venus de Mauritanie.

Je voudrais dire mes sentiments cordiaux et mes encouragements aux prêtres, aux religieux et aux religieuses, aux laïcs engagés et à tous les fidèles qui composent cette magnifique assemblée.

Je suis sensible à la présence des représentants des Autorités civiles de ce pays; je leur exprime ma gratitude pour leur présence auprès de la communauté catholique, en ce jour de fête.

Mon cordial salut s’adresse aussi à vos compatriotes appartenant à d’autres traditions religieuses qui partagent aujourd’hui votre joie de célébrer votre foi.

2. Nous avons entendu l’Apôtre Paul nous inviter à la «communion dans l’Esprit» pour que sa joie soit complète. Oui, l’Esprit de Dieu, le Saint-Esprit qui est Dieu même nous unit. Il est le don du Christ. Il est le Saint Consolateur, l’Esprit de Vérité, qui fait naître dans nos âmes la prière. La prière de toute personne, même faite dans la solitude, fait entrer l’être qui prie dans la communauté de l’Église en prière. Mais le Seigneur rappelle instamment le sens de la prière en communauté: «Si deux d’entre vous sur terre se mettent d’accord pour demander quelque chose, ils l’obtiendront de mon Père qui est aux cieux»[3].

La prière est le lien profond de notre unité.

Par la prière, par le lien de la prière, l’Église se présente comme «un peuple qui tire son unité de l’unité du Père et du Fils et de l’Esprit Saint». Ces paroles, le Concile Vatican II les a reprises d’un grand saint africain d’autrefois, saint Cyprien[4].

L’Esprit Saint rend vivante et vraie notre prière. Par Lui, qui habite en nos cœurs, chacun de nous fait monter vers Dieu ce qu’il demande et ce qu’il espère. Par l’Esprit Saint, notre prière nous conforme à la volonté de Dieu et à l’amour fidèle de Dieu. L’Esprit Saint de Jésus nous permet de découvrir le mystère d’unité et d’amour de la Sainte Trinité, pour que nous vivions dès maintenant le mystère d’unité de l’Église, unique Corps du Christ, dans la communion des saints.

Frères et Sœurs, il vous a été donné de porter le nom de chrétiens. C’est une responsabilité et un appel. Soyez fidèles! Soyez fidèles ensemble à l’Église qui vous a transmis le don de la foi. Vivez comme des membres de l’Église et faites vivre l’Église tous ensemble. Car vous en êtes tous responsables, chacun selon sa vocation. Continuez de bâtir une Église fraternelle, où les pasteurs et les fidèles, les hommes et les femmes, les anciens et les jeunes, chacun comme il est, apportent leur pierre à la construction, à la communion de tous dans l’amour qui vient de Dieu.

Pour que l’édifice soit solide, dans le même Esprit, restez unis par la même foi. Le message de l’Évangile nous est transmis, nous le recevons comme le plus beau des dons. Ne cessons jamais de le découvrir et de l’approfondir ensemble. L’Église a la mission de nous enseigner le contenu de la foi et les règles pour vivre notre vocation humaine dans toute sa dignité et toute son exigence. Gardez le cœur et l’esprit ouverts à cet enseignement: le Seigneur a promis à ses Apôtres l’Esprit de Vérité; vous pouvez donc faire confiance à la parole transmise par leurs successeurs.

Dans l’unité de la foi, que l’Église soit une vraie famille, la famille des disciples du Christ au Sénégal. Vous parlez diverses langues, mais vous dites la même foi. Sur votre terre, le Christ habite, par son Esprit, dans les fils et les filles du Sénégal qui accueillent sa présence, qui le prient, le chantent et le célèbrent avec leurs mots, avec leurs gestes, avec ce qu’ils ont de meilleur dans leur belle culture africaine.

Vous vous en souvenez: Pierre prenait sa barque de pêcheur sur le lac, et Jésus lui disait de jeter ses filets; ici, vous prenez vos pirogues, et c’est le même Jésus qui vous dit de jeter vos filets. Sur le rivage de Génésareth, Jésus a dit à Pierre qu’il serait pêcheur d’hommes; sur vos côtes sénégalaises, c’est le même Jésus qui appelle de nouveaux disciples à le suivre pour devenir pêcheurs d’hommes à leur tour. Et quand vient la tempête, c’est le même Jésus qui vous dit de ne pas avoir peur.

Aujourd’hui, c’est le successeur de Pierre qui vous dit: accueillez les dons de Dieu et soyez pêcheurs d’hommes, porteurs de la Bonne Nouvelle. L’Église que vous construisez au Sénégal est en communion avec l’Église dans toutes les parties du monde. Catholiques, vous êtes frères et sœurs de tous les catholiques du monde. Je vous le dis, parce que j’ai reçu du Christ la charge d’affermir mes frères dans la foi et de servir l’unité de l’Église universelle. Vous pouvez compter sur la solidarité fraternelle de tous les membres du Corps du Christ, et le Corps compte sur les membres irremplaçables que vous êtes, vous les fidèles du Sénégal.

3. L’unité spirituelle de l’Église, c’est l’unité d’êtres humains qui ont différentes aspirations, et aussi différentes faiblesses, les faiblesses du péché, telles que, entre autres, «l’esprit de rivalité» ou «la vaine gloire», comme nous le lisons dans le texte de saint Paul de la liturgie d’aujourd’hui[5].

L’Église sait bien qu’elle est une communauté dont les membres sont des pécheurs. Tous sont appelés à la sainteté, mais ils commettent des péchés. En péchant, ils se portent tort les uns aux autres et ils portent tort au Corps tout entier. C’est pourquoi il est important d’être capable de se corriger, par la correction mutuelle entre frères et par le recours au sacrement de pénitence. Quand des oppositions se durcissent, malgré les efforts fraternels, il revient à l’Église de porter un jugement en vue de maintenir l’unité. Et, si le Christ lui-même parle d’exclure quelqu’un de la communauté, c’est évidemment la toute dernière éventualité. Mais l’Église désire toujours la conversion des pécheurs pour former la communauté des hommes réconciliés avec Dieu et entre eux.

C’est pourquoi elle veille à l’unité dans la foi et la charité. Lorsque des désaccords apparaissent, elle appelle ses enfants au dialogue fraternel, en vérité. L’obéissance que demande l’Église – l’adhésion intelligente à son enseignement doctrinal comme son application dans la vie personnelle et commune – est un moyen nécessaire pour assurer l’unité du Corps du Christ fondée sur l’Évangile: c’est la voie vers la sainteté qu’il faut prendre ensemble d’un même cœur. Nous sommes vraiment réunis au nom du Christ lorsque nous sommes unis par le lien qui est le fruit de l’Esprit Saint. Le Christ ressuscité a donné l’Esprit Saint à son Église, l’Esprit de vérité, l’Esprit d’unité qui édifie l’Église, jusqu’à la fin du monde.

4. Dans la Lettre aux Philippiens que nous avons lue aujourd’hui, l’Apôtre Paul écrit au sujet de l’Église: «Pour que ma joie soit complète, ayez les mêmes dispositions d’esprit, le même amour, les mêmes sentiments... Ayez assez d’humilité pour estimer les autres supérieurs à vous-mêmes. Que chacun de vous ne soit pas préoccupé de lui-même, mais aussi des autres»[6].

Frères et Sœurs, les dons qui nous sont faits, nous devons les faire fructifier. Cette présence du Christ dans l’Esprit Saint est la source de l’amour qui exprime l’union des esprits et des sentiments. Lorsque nous allons boire à cette source, nous ne le faisons pas «chacun préoccupé de lui-même, mais aussi des autres»[7]. La source nous est ouverte pour que nous répandions à notre tour sa fraîcheur bienfaisante autour de nous, dans la vie fraternelle. Saint Paul nous a transmis une règle simple et bien utile: «Ayez assez d’humilité pour estimer les autres supérieurs à vous-mêmes»[8].

Le monde fraternel auquel vous aspirez, commencez par l’instaurer dans vos familles. Chaque jour, l’amour des époux et l’amour des parents se traduisent concrètement quand on pense d’abord au bien de l’autre sans chercher à l’utiliser pour sa seule satisfaction. On comprend mieux ainsi les exigences de fidélité et de pureté, d’humble service de l’autre, qui découlent de l’Évangile. Laissez entrer dans vos foyers la lumière d’amour de l’Esprit de sainteté.

Parents, l’amour vous rend capables d’un patient dévouement et de réels sacrifices pour les enfants à qui vous avez donné la vie; au nom de cet amour, gardez-leur un foyer uni par votre fidélité mutuelle; montrez-leur le chemin de la foi et de la sainteté. Enfants et jeunes, soyez reconnaissants avec joie pour ce que vos parents vous transmettent. Préparez-vous à reprendre à votre compte la construction d’un monde solidaire, en développant vos talents avec persévérance. Découvrez, vous aussi, la joie de vous préoccuper plus des autres que de vous-mêmes.

Pour reprendre encore les paroles de saint Paul, je redis à toutes les générations de chrétiens du Sénégal: encouragez-vous dans l’amour, soyez en communion dans l’Esprit. Répondez aux appels que vous entendez au fond de votre cœur, et n’hésitez pas à vous donner tout entiers à votre famille. Jeunes, garçons et filles, si le Seigneur vous le demande, partez à sa suite pour donner votre vie à son service dans le sacerdoce ou la vie religieuse.

5. Frères et Sœurs, vous le savez, vous devez garder le même esprit généreux et désintéressé quand vous sortez du cercle de votre famille ou de votre paroisse. Dans la société de votre pays, dans votre activité professionnelle, travaillez volontiers pour le bien de tous, sans faire de différences.

Pour le bien-être et la dignité de tous vos compatriotes, vous collaborez chaque jour avec des croyants d’autres traditions. Cherchez à vous comprendre, à reconnaître vos qualités. Poursuivez le dialogue entre les adeptes des différentes religions. Votre pratique africaine de la palabre vous dispose aux échanges prolongés et sérieux pour parvenir à l’entente. Dans la clarté, sans rien négliger de ce que vous avez reçu dans l’Église, cherchez ensemble ce qui sera le plus juste et le plus utile pour le bien de l’homme, dans la paix sociale. Veillez ensemble sur votre terre pour qu’elle nourrisse ses habitants. Développez votre économie pour que le plus grand nombre bénéficie de sa prospérité. Faites les efforts nécessaires pour que les jeunes reçoivent une formation qui leur permette d’entrer dans la vie active. Participez au soutien des plus pauvres, au soin des malades, à l’accompagnement des personnes âgées. Il est naturel pour des chrétiens de faire preuve d’esprit de service et de s’engager sans compter pour tout leur peuple.

Loyaux à votre pays, contribuez toujours davantage à la vie de ses institutions publiques. Soyez les premiers à respecter tous les groupes et toutes les minorités, à reconnaître concrètement la liberté de conscience, de culte et de vie religieuse pour tous, en défendant la même liberté pour vous. Pour ce qui dépend de vous, dans les débats d’opinion, pensez toujours au bien commun. Ayez le souci de garder votre pays dans la paix intérieure et dans une solidarité constructive avec les nations.
D’un point de vue chrétien, vous ne pouvez oublier le regard de Dieu sur la vie des hommes et sur leur histoire. Ce regard de Dieu est à la fois bienveillant et exigeant. Dieu veut que tous les hommes soient sauvés et parviennent à la connaissance de la vérité[9]. Il nous demande de collaborer à son dessein; il nous éclaire par l’Esprit de vérité et nous fortifie par son amour.

6. Chers amis du Sénégal, arrivé presque au terme de ma visite pastorale parmi vous, je voudrais vous encourager avec toute la ferveur de l’espérance chrétienne à poursuivre votre route dans la joie et la confiance.

Sur cette route, vous aurez à cœur d’être animés d’un esprit missionnaire qui fera de vous les témoins du Christ dans le milieu où vous vivez. La mission vous fait annoncer que Dieu est Père et qu’il appelle chacun de ses enfants. Elle vous donne de «rendre compte de l’espérance qui est en vous»[10]. Elle vous pousse à rassembler tous vos frères au nom de Jésus, présent au milieu de vous[11].

Vous avez d’ailleurs préparé un grand événement pour la mission de l’Église en Afrique, l’Assemblée spéciale du Synode des Évêques. Je vous invite à continuer votre réflexion et à prier intensément, car ce sera une étape primordiale pour l’évangélisation de votre continent. Vos évêques exprimeront vos attentes; ils offriront au Christ vos qualités africaines de générosité et de solidarité, de profond sens spirituel. Ils présenteront à Dieu l’Église qui grandit en Afrique.
À Dakar, aujourd’hui, je rends grâce à Dieu, notre Père, pour les dons qu’il a répandus sur son peuple au Sénégal, pour la présence du Christ Sauveur dans vos communautés d’Église, comme dans toutes les communautés de l’Église universelle.

Nous gardons sa parole qui nous a été donnée: «Quand deux ou trois sont réunis en mon nom, je suis là, au milieu d’eux»[12].

 


[1] Matth. 18, 20.

[2] Cfr. Act. 11, 26.

[3] Matth. 18, 19.

[4] Cfr. Lumen Gentium, 4.

[5] Cfr. Phil. 2, 3.

[6] Phil. 2, 2-4.

[7] Ibid. 2, 3.

[8] Ibid. 2, 4.

[9] Cfr. 1 Tim. 2, 4.

[10] 1 Petr. 3, 15.

[11] Cfr. Matth. 18, 20.

[12] Ibid.

 



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