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DISCOURS DU SAINT-PÈRE JEAN-PAUL II 
Á L'ACADÉMIE PONTIFICALE DES SCIENCES

Samedi, 3 octobre 1981

 

Monsieur le Président,
Messieurs les Académiciens,
Mesdames, Messieurs,

1. Le programme des travaux que votre Président à présenté, et dont j’avais déjà connaissance avant cette rencontre, montre la grande vitalité de votre Académie, son intérêt pour les problèmes les plus aigus de la science contemporaine et pour le service de l’humanité. J’ai déjà eu l’occasion de vous dire, lors d’une autre séance solennelle, combien l’Église estime la science pure: elle est – disais-je – « un bien, digne d’être très aimé, car elle est connaissance et donc perfection de l’homme dans son intelligence... Elle doit être honorée pour elle-même, comme une partie intégrante de la culture »[1].

Avant d’aborder les problèmes dont vous avez déjà discuté ces jours-ci et ceux que vous vous proposez maintenant d’étudier, permettez-moi de remercier chaleureusement votre illustre Président, le Professeur Carlos Chagas, des félicitations qu’il a bien voulu m’exprimer au nom de toute votre Assemblée, pour avoir retrouvé mes forces physiques, grâce à la miséricordieuse Providence de Dieu et à la compétence des médecins qui m’ont soigné. Et je suis heureux de profiter de cette occasion pour dire ma particulière gratitude à Messieurs les Académiciens qui, de toutes les parties du monde, m’ont adressé leurs vœux et m’ont assuré de leurs prières.

2. Pendant cette Semaine d’études, vous vous penchez sur le problème de la « Cosmologie et physique fondamentale », avec la participation de savants du monde entier, depuis les deux Amériques jusqu’à l’Europe et à la Chine. Ce sujet se rattache à des thèmes déjà traités par l’Académie pontificale des Sciences au cours de son histoire prestigieuse. Je veux parler ici des sessions sur les micro-séismes, sur les populations stellaires, sur les radiations cosmiques, sur les noyaux des galaxies, sessions qui se sont déroulées sous la présidence du Père Gemelli, de Monseigneur Lemaître, et aussi du Père O’Connel auquel j’adresse mes vœux les plus fervents en demandant au Seigneur de l’assister dans son épreuve de santé.

La cosmogonie et la cosmologie ont toujours suscité un grand intérêt chez les peuples et dans les religions. La Bible elle-même nous parle de l’origine de l’univers et de sa constitution, non pas pour nous fournir un traité scientifique mais pour préciser les justes rapports de l’homme avec-Dieu et avec l’univers. L’Écriture Sainte veut simplement déclarer que le monde a été créé par Dieu, et pour enseigner cette vérité elle s’exprime avec les termes de la cosmologie en usage au temps de celui qui écrit. Le livre sacré veut en outre faire savoir aux hommes que le monde n’a pas été créé comme siège des dieux, comme l’enseignaient d’autres cosmogonies et cosmologies, mais qu’il a été créé au service de l’homme et à la gloire de Dieu. Tout autre enseignement sur l’origine et la constitution de l’univers est étranger aux intentions de la Bible: celle-ci ne veut pas enseigner comment a été fait le ciel, mais comment on va au ciel.

Toute hypothèse scientifique sur l’origine du monde, comme celle d’un atome primitif d’où dériverait l’ensemble de l’univers physique, laisse ouvert le problème concernant le commencement de l’univers. La science ne peut par elle-même résoudre une telle question: il y faut ce savoir de l’homme qui s’élève au-dessus de la physique et de l’astrophysique et que l’on appelle la métaphysique; il y faut surtout le savoir qui vient de la révélation de Dieu. Il y a trente ans, le 22 novembre 1951, mon prédécesseur le Pape Pie XII, parlant du problème de l’origine de l’univers lors de la Semaine d’études sur le problème des micro-séismes organisée par l’Académie pontificale des Sciences s’exprimait ainsi: « En vain attendrait-on une réponse des sciences de la nature, qui déclarent au contraire loyalement se trouver devant une énigme insoluble. Il est également certain que l’esprit humain versé dans la méditation philosophique pénètre plus profondément dans le problème. On ne peut nier qu’un esprit éclairé et enrichi par les connaissances scientifiques modernes, et qui envisage avec sérénité ce problème, est conduit à briser le cercle d’un matière totalement indépendante et autonome – parce que ou incréée ou s’étant créée elle-même – et à remonter jusqu’à un Esprit créateur. Avec le même regard limpide et critique dont il examine et juge les faits, il y entrevoit et reconnaît l’œuvre de la Toute-Puissance créatrice, dont la vertu, suscitée par le puissant “fiat” prononcé il y a des milliards d’années par l’Esprit créateur, s’est déployée dans l’univers, appelant à l’existence, dans un geste de généreux amour, la matière débordante d’énergie ».

3. Je me réjouis vivement, Messieurs les Académiciens, du thème que vous avez choisi pour votre Session plénière qui commence aujourd’hui même: « L’impact de la biologie moléculaire sur la société ». J’apprécie les avantages qui résultent – et qui peuvent résulter encore – de l’étude et des applications de la biologie moléculaire, complétée par d’autres disciplines comme la génétique et son application technologique dans l’agriculture et dans l’industrie, et aussi, comme on l’envisage, pour le traitement de diverses maladies, dont certaines de caractère héréditaire.

J’ai une ferme confiance dans la communauté scientifique mondiale, et d’une manière toute particulière dans l’Académie pontificale des Sciences, certain que grâce à elles les progrès et les recherches biologiques, comme du reste toute autre recherche scientifique et son application technologique, s’accompliront dans le plein respect des normes morales, en sauvegardant la dignité des hommes, leur liberté et leur égalité. Il est nécessaire que la science soit toujours accompagnée et contrôlée par la sagesse qui appartient au patrimoine spirituel permanent de l’humanité et qui s’inspire du dessein de Dieu inscrit dans la création avant d’être ensuite annoncé par sa Parole.

Une réflexion qui s’inspire de la science et de la sagesse de la communauté scientifique mondiale doit éclairer l’humanité sur les conséquences – bonnes et mauvaises – de la recherche scientifique, et spécialement de celle qui concerne l’homme, afin que, d’une part, on ne se fixe pas sur des positions anticulturelles qui retardent le progrès de l’humanité, et que d’autre part on n’offense pas ce que l’homme a de plus précieux: la dignité de sa personne, destinée à un vrai progrès dans l’unité de son être physique, intellectuel et spirituel.

4. Un autre sujet a retenu ces jours-ci l’attention de certains d’entre vous, savants éminents de diverses parties de la terre convoqués par l’Académie pontificale des Sciences: c’est celui des maladies parasitaires qui frappent les pays les plus pauvres du monde et sont un grave obstacle à la promotion de l’homme dans le cadre harmonieux de son bien-être physique, économique et spirituel. Les efforts en vue d’éliminer le plus possible les fléaux provoqués par les maladies parasitaires dans une bonne partie de l’humanité sont inséparables de ceux qu’il faut faire en faveur du développement socio-économique des mêmes populations. Les hommes ont normalement besoin d’une santé suffisante et d’un minimum de biens matériels pour pouvoir vivre dignement selon leur vocation humaine et divine. C’est pour cela que le Christ Jésus s’est tourné avec un amour infini vers les malades et les infirmes, et qu’il a guéri miraculeusement quelques-unes des maladies dont vous vous êtes occupés ces jours derniers. Que le Seigneur inspire et assiste l’activité des savants et des médecins qui consacrent leur recherche et leur profession à l’étude et au besoin des infirmités humaines, spécialement des plus graves et des plus humiliantes!

5. A côté du thème des maladies parasitaires, l’Académie a abordé le problème d’un fléau d’une ampleur et d’une gravité catastrophiques qui pourrait atteindre la santé de l’humanité si un conflit nucléaire venait à éclater. Outre la mort d’une bonne partie de la population mondiale, un conflit nucléaire pourrait provoquer des effets incalculables sur la santé des générations présentes et futures.

L’étude pluridisciplinaire que vous vous apprêtez à accomplir ne pourra pas ne pas constituer pour les Chefs d’État un rappel de leurs immenses responsabilités et susciter dans l’humanité entière une soif toujours plus ardente de concorde et de paix: cette aspiration vient du plus profond du cœur humain, et aussi du message du Christ qui est venu apporter la paix aux hommes de bonne volonté.
En vertu de ma mission universelle, je veux me faire encore une fois l’interprète du droit de l’homme à la justice et à la paix, et de la volonté de Dieu qui désire voir tous les hommes sauvés. Et je renouvelle l’appel que je lançais à Hiroshima le 25 février dernier: « Engageons-nous solennellement, ici et maintenant, à ne plus jamais permettre (et encore moins rechercher) que la guerre soit un moyen de résoudre les conflits. Promettons à nos frères en humanité de travailler sans nous lasser au désarmement et à la condamnation de toutes les armes atomiques. Remplaçons la domination et la haine par la confiance mutuelle et la solidarité ».

6. Parmi les efforts à accomplir pour la paix de l’humanité, il y a celui qui vise à garantir à tous les peuples l’énergie nécessaire à leur développement pacifique. L’Académie s’est occupée de ce problème durant la Semaine d’études de l’année dernière. Je suis heureux de pouvoir remettre aujourd’hui la Médaille d’or de Pie XI à un savant qui a contribué d’une manière notable, par sa recherche dans le domaine de la photo-chimie, à l’utilisation de l’énergie solaire. Il s’agit du Professeur Jean-Marie Lehn, du Collège de France et de l’Université de Strasbourg, auquel j’exprime mes vives félicitations.

A vous tous, Messieurs, j’adresse mes sincères compliments pour le travail que vous accomplissez dans la recherche scientifique. Je prie le Dieu Tout-Puissant de vous bénir, vous, vos familles, ceux qui vous sont chers, vos collaborateurs, et toute l’humanité pour laquelle, par des routes diverses mais convergentes, vous et moi accomplissons la mission qui nous a été confiée par Dieu.


[1] Ioannis Pauli PP. II Allocutio ad Pontificiam Academiam Scientiarum habita, 2, die 10 nov. 1979: Insegnamenti di Giovanni Paolo II, II, 2 (1979) 1108.

 

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