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PÈLERINAGE APOSTOLIQUE EN FRANCE

DISCOURS DU PAPE JEAN-PAUL II
AUX PARTICIPANTS AU SYNODE DIOCÉSAIN
DANS LA CATHÉDRALE DE NANCY

Nancy (France)
Lundi, 10 octobre 1988

 

1. “Vous êtes le Corps du Christ et membres chacun pour sa part”

Chers Frères et Sœurs,

C’est à tous ceux qui exerçaient leurs ministères et leurs charismes dans la communauté chrétienne de Corinthe que l’Apôtre Paul adressait ces mots. Aujourd’hui, je suis heureux de saluer pareillement Monseigneur Jean Bernard et toute l’Eglise du diocèse de Nancy et Toul qui se réunit autour de lui, représentée par les membres du Synode diocésain. Beaucoup d’autres diocèses de France, presque une vingtaine, ont fait ou font actuellement l’expérience d’un synode un peu semblable: je salue leurs évêques et tous les délégués ici présents, spécialement ceux du diocèse voisin de Saint-Dié. Tout à l’heure, Place Carnot, priant avec l’ensemble du peuple chrétien de cette cité, j’évoquerai davantage les défis et les espoirs du diocèse qui m’accueille; maintenant, je voudrais réfléchir avec vous sur l’intérêt de la démarche synodale, sur sa méthode et ses objectifs, et sur l’articulation de l’Eglise particulière avec l’Eglise universelle.

2. Le Synode diocésain se situe dans la ligne de la coresponsabilité de tous les diocésains autour de l’évêque, comme le Conseil pastoral qui est lui-même un fruit du Concile. Le Code de Droit canonique en a fait une structure primordiale de l’Eglise particulière;  contrairement à ce qui existait auparavant, le synode diocésain est ouvert à ses délégués représentant les diverses composantes du diocèse, prêtres, religieux, laïcs; une telle assemblée peut aborder toutes les questions qui concernent le bien de la communauté diocésaine, lorsque les circonstances le suggèrent, au jugement de l’évêque. Comme je le disais au clergé de Rome le 18 février dernier, c’est la grande communauté du peuple de Dieu qui est concernée, avec ses droits, ses devoirs, sa mission, dans une optique pastorale, œcuménique, ouverte sur les besoins spirituals du monde.

Le Synode extraordinaire de Evêques tenu à Rome en 1985 avait souligné certains points majeurs du Concile qui trouvent dans l’expérience du Synode diocésain une application significative: le mystère de l’Eglise peuple de Dieu,  la communion de tous les fidèles dans le Corps du Christ,  la participation et la coresponsabilité, à tous le degrés, des hommes et des femmes qui constituent l’Eglise,  sans préjudice pour l’unité hiérarchique. Le Synode diocésain est vraiment un lieu et un temps forts de la vie de l’Eglise particulière qui la révèle de façon privilégiée.

3. Le Code de Droit Canonique  donne les normes qui guident le fonctionnement du Synode diocésain. A l’intérieur de ce cadre, la pratique peut varier et les expériences, encore récentes, pourront enrichir cette institution. Les synodes actuels requièrent une certaine durée: le vôtre est commencé depuis trois ans, et s’achemine vers deux célébrations majeures l’an prochain. Il doit s’entourer de garanties de travail sérieux, s’assurer des représentations équitables, procéder avec prudence selon des étapes bien précises de consultations, d’enquêtes, d’écoutes réciproques, de discussions, d’approfondissement, enfin d’orientations pastorales et de décisions dont la promulgation revient à l’évêque, car les votes sont consultatifs. Il est important qu’il aboutisse à un acte qui engage la communauté. Mais son intérêt réside aussi dans la dynamique qu’il crée et entretient. Il est comme une halte sur le chemin que doit parcourir l’Eglise particulière, pour vérifier les expériences faites, redéfinir les priorités apostoliques et reprendre ensemble le chemin dans une perspective missionnaire. La démarche synodale sera d’autant plus réussie que le peuple chrétien demeurera actif, en tenant compte des points de repère fermement tracés.

4. Une autre richesse du Synode diocésain est la confrontation d’expériences diverses et la complémentarité des rôles et des ministères dans l’Eglise. Les laïcs, hommes et femmes jeunes et adultes, sont appelés à mettre pleinement en œuvre ce à quoi les habilitent leur baptême et leur confirmation, pour travailler du dedans à la sanctification du monde et prendre part à la mission évangélisatrice de l’Eglise. Ils peuvent mieux comprendre le caractère spécifique du ministère sacerdotal qui traduit le rôle du Christ-Tête, source de toute grâce et rassembleur du troupeau. Les religieux et les religieuses rappellent à un titre spécial la disponibilité foncière et la liberté nécessaires au Royaume, sa dimension trascendente et eschatologique. Entre tous s’établit une sorte de partenariat dont la richesse est faite de tous ces apports et dont la force vient de leur articulation nécessaire au ministère ordonné du Pasteur du diocèse et de ses coopérateurs. Puisse cette coresponsabilité exprimer toujours mieux le mystère de communion de l’Eglise, qui a sa source profonde dans les sacrements du baptême, de l’Eucharistia et de l’Ordre, dans la Parole de Dieu, dans l’amour du Père, la grâce du Christ, le don de l’Esprit Saint. 

5. Précisément – et Monseigneur Bernard l’a bien souligné –, le synorecherche scientifique, l’essor des technologies avancées invitent les de est avant tout une grande réunion de croyants, de croyants responsables, et non pas un forum acceptant toutes sortes d’opinions ou de discussions. Les membres du synode doivent d’abord prendre en compte la foi, la Révélation, le mystère de l’Eglise. Ils doivent approfondir ou retrouver leur identité chrétienne. Et pour cela, puiser aux sources: la Parole de Dieu, l’enseignement du Magistère, spécialement l’apport du dernier Concile. Ce Concile avait mis au premier plan de ses travaux la réflexion sur l’Eglise, qui a abouti à la Constitution dogmatique “Lumen Gentium”. Le synode dont j’avais pris l’initiative à Cracovie lorsque j’en étais l’Archevêque avait pour principal objectif de mieux assimiler et appliquer le Concile. Je suis heureux de savoir que, durant les six mois qui viennent, le diocèse de Nancy va mettre en œuvre une catéchèse sur l’Eglise. Un tel approfondissement de la foi comporte étude, échanges, enseignements; il requiert aussi tout un climat de prière. Un synode est une célébration qui s’ouvre par une grande profession de foi. Il s’agit, en somme, d’écouter ce que l’Esprit dit à l’Eglise, de le faire avec Marie, Mère de l’Eglise. “Enracinés dans la foi”, vous serez pleins d’espérance devant les défis du monde.

6. De ces prémisses sur la nature du synode diocésain dérivent sa méthode et ses objectifs concrets.

Avec le regard de la foi, vous avez à cœur de scruter la vie réelle des personnes et des groupes dans le diocèse, pour mieux déterminer les efforts d’évangélisation. Ce qui vous frappe d’abord, ce sont les conditions de vie de vos compatriotes et, dans bien des cas, les détresses humaines qu’elles entraînent. Vous soulignez notamment les situations dramatiques créées par le chômage et le sous-emploi. L’Evangile fait aux chrétiens un devoir pressant d’être attentifs et solidaires devant toutes les formes de pauvreté.

D’autres aspects, plus positifs, marquent la vie de votre région et constituent aussi des défis pour l’évangélisation, comme la venue de nombreux immigrés qui doivent pouvoir compter sur un accueil fraternel. Le développement des études universitaires et de la recherche scientifique, l’essor des technologies avancées invitent les chrétiens à approfondir le message évangélique en dialogue avec la culture contemporaine.

7. Si les bouleversements sociaux ont de profondes répercussions spirituelles, ils ne sont pas directement la cause de la déchristianisation. Celle-ci vient plutôt d’un manque de vigueur spirituelle, de formation à la foi.

Il vous faut donc scruter avec soin les faits de la vie ecclésiale et comprendre leurs causes: ceux où l’on dénote une indifférence religieuse, une baisse de la foi, de la pratique religieuse, de la prière, des valeurs morales, des vocations: ceux aussi qui révèlent des dynamismes spirituels nouveaux, des chances.

Au sujet des comportements éthiques, le Concile Vatican II fournit une précieuse grille de lecture et d’analyse dans la constitution “Gaudium et Spes”.  D’importants secteurs de la vie humaine y sont examinés au regard du dessein de Dieu: l’amour conjugal, le mariage, la famille; la promotion de la culture; la dignité du travail et la participation à la vie économico-sociale; les responsabilités concernant le bien commun dans l’activité politique, les problèmes d’échanges internationaux, de justice et de paix. Il s’agit en effet de bâtir, avec Dieu Créateur, un monde nouveau.

8. Un synode ne saurait en rester à l’analyse des situations. Il doit préparer une conversion des mentalités, des cultures, par l’impact de la Bonne Nouvelle.  Vous devez donc chercher surtout les moyens de mieux annoncer l’Evangile et de l’incarner dans les situations concrètes de la vie. Cet Evangile devra apparaître à tous, croyants et mal-croyants, comme une Bonne Nouvelle,  une manifestation de l’amour de notre Dieu, qui a envoyé son Fils pour sauver le monde, non pour condamner, pour redonner espérance à ceux qui sont pauvres, opprimés, découragés, aveugles sur le sens de leur vie, prisonniers de leur fragilité ou de leur péché. Cet amour a évidemment ses exigences. La rénovation selon les béatitudes inclut humilité, pureté, soif de justice, partage, paix, pardon, charité, recherche de la volonté de Dieu et du salut offert par Dieu.

9. Il n’y a ni conversion des mentalités ni renouveau chrétien des structures sans conversion personnelle. Un synode cherche les moyens pastoraux d’appeler à cette conversion; il prend en considération le langage susceptible de toucher les cœurs, la place unique de la prière et des sacrements, spécialement du sacrement de la réconciliation. II prévoit l’accompagnement patient des chrétiens plus passifs ou peu pratiquants.

Il n’oublie pas ceux qui sont loins, indifférents, ou même hostiles, afin qu’ils bénéficient d’une présence missionnaire et d’un témoignage qui les interpelle, dans le respect de leur conscience. Le synode doit être aussi un appel aux ouvriers pour la moisson. Vous êtes “l’Eglise que Dieu envoie”.

10. Vous garderez à l’esprit un aspect capital: votre lien avec l’Eglise universelle. En effet, une Eglise particulière ne peut jamais être une communauté fermée sur elle-même. Elle représente, ou mieux, elle incarne l’Eglise universelle: “Les Eglises particulières sont formées à l’image de l’Eglise universelle, c’est en elles et à partir d’elles qu’existe l’Eglise catholique une et unique”.  C’est un honneur et une responsabilité. Certes, vous avez vos problèmes spécifiques; et il vous faut donc imaginer et réaliser votre chemin pastoral. Mais vous prenez place dans une grande Tradition qui remonte aux Apôtres; nous n’inventons pas le chemin aujourd’hui. Votre identité catholique tient à vos particularités; mais elle dépend en même temps de votre conformité à l’Eglise universelle, une et identique pour tout ce qui concerne la foi, les normes des mœurs, la discipline commune à l’ensemble de l’Eglise. Les Eglises locales doivent toujours et partout s’en inspirer, les faire leurs et inscrire leurs projets dans cette unité substantielle. Chaque Eglise particulière fait corps avec son évêque, responsable de l’unité et de la fidélité de cette portion d’Eglise et de son lien avec l’Eglise universelle. Et toutes les Eglises particulières font corps ensemble, avec leurs évêques, autour du successeur de Pierre. Tel est le service que le Seigneur m’a confié et que je recommande à votre prière: affermir mes frères dans la foi et les aider à vivre dans la communion de l’Eglise, Corps du Christ.

11. Cette communion est à la fois obéissance, échange, participation, solidarité. L’Eglise universelle inspire et soutient votre action, et vous, vous la faites bénéficier de votre témoignage, de votre vitalité et de votre entraide. Votre réflexion synodale doit vous engager à vivre au rythme des grands projets missionnaires des autres communautés chrétiennes dans le monde, ouverts à leurs richesses complémentaires et à leurs besoins matériels et spirituels. C’est ce qu’avaient bien compris les missionnaires issus de chez vous, notamment le bienheureux Père Gérard. Un synode est une relance missionnaire.

Voilà mes vœux pour votre Synode, chers délégués de Nancy et des autres diocèses, et voilà ma prière. Vous avez été choisis, mais vous êtes là pour mieux faire participer au synode le plus grand nombre de vos frères et sœurs du diocèse. Que le Seigneur bénisse votre démarche ecclésiale! Que Notre-Dame du Bon Secours vous garde unis à l’écoute de l’Esprit Saint! Et que l’Esprit Saint affermisse votre espérance!

 

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