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DISCOURS DU PAPE JEAN-PAUL II
AUX SUPERIEURS GENERAUX DES ORDRES
QUI TRAVAILLENT EN AMERIQUE LATINE

10 janvier 1990

 

Éminence,
chers frères et sœurs,,

Je suis particulièrement heureux de pouvoir vous rencontrer aujourd’hui, accompagnés par une représentation qualifiée de Supérieurs et Supérieures majeurs des Congrégations religieuses, dont le travail apostolique d’un grand nombre de leurs membres se déroule en Amérique latine.

Dans cet esprit d’amour pour l’Église, qui met en harmonie la volonté et les sentiments, je me sens le devoir, en tant que successeur du Chef du Collège apostolique, auquel Jésus a confié l’unité et la conduite de son troupeau, de vous faire part de mes sentiments de joie et aussi de quelques préoccupations concernant la présence et l’activité des Religieux sur ce continent.

Tout d’abord, votre présence ici, comme responsables de familles religieuses très répandues en Amérique latine, me fait revivre des moments particulièrement émouvants et inoubliables, vécus au cours des rencontres avec vos communautés, à l’occasion de mes voyages apostoliques.

En vous, je vois aujourd’hui les représentants de nombreux groupes d’hommes et de femmes qui, dans la fidélité au charisme de leur propre Congrégation, se sont consacrés au Christ et ont donc contribué largement aussi à l’œuvre d’évangélisation de l’Amérique latine. Ils sont devenus comme les pionniers d’une nouvelle civilisation ancrée dans la Parole du Seigneur et dans le sacrifice de la Croix, et dans laquelle la loi suprême est celle de l’amour. Ils ont contribué efficacement à jeter la semence qui s’est transformée en cet arbre vigoureux des Églises particulières qui, aujourd’hui, se présentent à nous dans leur jeune vitalité.

En vous, je vois et salue aujourd’hui les dizaines de milliers de Religieux et de Religieuses qui, après avoir quitté terre, maison, père, mère, frères et sœurs, annoncent la Bonne Nouvelle du Règne de Dieu avec une ardeur et une abnégation généreuses, par la parole et par leur vie, traduisant en actes l’amour de Dieu et la sollicitude de l’Église envers l’homme latino- américain comme je l’ai écrit à tous les Religieux et Religieuses d’Amérique latine dans ma Lettre apostolique du 29 juin dernier (n. 3) (1). J’ai bien présent à l’esprit leur travail humble et caché, au service d’une humanité pauvre, particulièrement oubliée et abandonnée. Et leur présence est une bénédiction, précieuse aux yeux du Seigneur. Fidèles et efficaces collaborateurs des Églises particulières, ils suivent les orientations de leurs pasteurs, auxquels il appartient, en tant que successeurs des Apôtres, de gouverner la portion du peuple de Dieu qui leur est confiée, soit d’une façon directe, soit d’une manière associée (je veux rappeler ici en particulier les Assemblées épiscopales de Medellin et de Puebla), et ils s’efforcent de traduire dans des gestes concrets et des actions pastorales l’amour préférentiel que l’Église, selon l’enseignement de son divin Maître, nourrit envers les plus pauvres et les plus nécessiteux.

En cette rencontre, qui ouvre devant nous des perspectives nouvelles pour la vie de l’Église en Amérique latine, et qui offre à mon âme des motifs de véritable réconfort, je ne peux omettre de vous faire part de ma vive préoccupation sur quelques aspects moins rassurants qui ont une incidence profonde sur la vie des Religieux, et provoquent des répercussions négatives jusqu’au sein de la communauté ecclésiale tout entière. Tout le troupeau doit docilité et fidélité aux responsables légitimes du gouvernement des Églises particulières, comme l’enseigne la foi catholique, mais c’est surtout le devoir des Religieux d’entourer les pasteurs « avec un esprit filial de révérence et d’affection », comme nous le lisons dans le Décret conciliaire Perfectae caritatis (n. 6). Un appel pressant y est adressé aux Religieux, afin que: « ils vivent et pensent toujours plus avec l’Église et se consacrent totalement à sa mission » (Ibidem).

Malheureusement, des motifs fondés permettent d’affirmer que, non seulement quelques groupes de Religieux ne sont pas animés par la recherche de cette communion ecclésiale – que le Seigneur a voulu confier à la garde des Apôtres et de leurs successeurs – mais, assez souvent, développent des initiatives parallèles, quand elles ne sont pas ouvertement contraires aux directives du Magistère ecclésiastique. Les Fédérations nationales des Religieux et des Religieuses, et la CLAR elle-même (Confédération latino-américaine des Religieux), sont des organismes très utiles pour promouvoir une plus efficace collaboration pour le bien de l’Église (cf. Perfectae caritatis, n. 23). Mais les directives données pour leur fonctionnement correct n’ont pas toujours été écoutées avec une docilité généreuse. Et cela est évidement cause de préoccupation et de douleur.

En un moment aussi significatif pour la vie de l’Église, puisque nous nous préparons à célébrer le Ve centenaire de l’évangélisation du Nouveau Monde, j’ai particulièrement à cœur de partager avec vous, et par votre intermédiaire, avec tous les Religieux engagés dans la construction du Règne de Dieu en Amérique latine, la sollicitude pour le bien de l’Église sur ce continent, cher à nous tous. La communion ecclésiale est un bien qui doit être défendu et promu par tous, dans le respect de la mission propre de chacun des membres du Corps mystique du Christ. J’adresse par conséquent un vibrant appel afin que toutes les familles religieuses présentes en Amérique latine, en plein accord et soumission filiale aux évêques et au Pape, s’engagent « pour la nouvelle évangélisation » de ce continent.

La Vierge de Nazareth nous enseigne par son exemple d’humilité et de docilité à nous donner sans réserve aucune à la cause de son divin Fils et de sa Sainte Église !

A la fin de son discours, le Pape a ajouté les paroles suivantes:

Je suis très reconnaissant pour cette visite comme pour cette réunion de deux journées. Connaissant, surtout grâce aux évêques qui viennent pour leur visite ad limina, les difficultés qu’ils rencontrent, ces dernières années, il s’agissait surtout d’évêques d’Amérique latine –, on a pensé chercher des remèdes dans le contexte de la communion ecclésiale, et on a constaté aussitôt que le moyen le plus opportun était d’impliquer les Supérieurs religieux dans notre préoccupation – en un certain sens, tous les Supérieurs religieux, mais surtout ceux qui sont davantage représentés en Amérique latine, c'est-à-dire les communautés les plus présentes sur ce continent. Cela signifie aussi agir ensemble, œuvrer ensemble, réfléchir ensemble et prévoir ensemble les moyens à adopter. Le problème est important: il s’agit, en effet, de l’« optio pro pauperibus », de l’option préférentielle pour les pauvres.

Je pense que le Pape et tous les évêques ont le même esprit, et qu’ils se sont toujours prononcés et ont toujours agi dans le même esprit. Mais il s’agit de maintenir, de rendre manifeste la bonne volonté de nous tous, de nous, pasteurs, et de tout faire pour maintenir la cohésion du corps ecclésial, pour ne pas s’en détacher, pour ne pas créer un mode d’agir parallèle.

C’est un problème qui nous préoccupe depuis longtemps et qui peut être résolu par la bonne volonté, qui ne manque certainement pas, avec la grâce de Dieu, avec l’aide de l’Esprit Saint, et en nous référant aussi à la nature même de la vocation religieuse, de la vie consacrée. J’espère que, comme lors de ces journées au cours desquelles les chers Supérieurs et Supérieures majeurs ont assisté à cette réflexion commune, nous pourrons compter dans l’avenir sur votre collaboration, car il s’agit d’une importante réalité nôtre: « res nostra agitur » ; il n’y a pas plusieurs « res », séparées, mais nous n’avons qu’une seule « res », l’Évangile, l’Église et sa mission. Cela vaut pardessus tout, en un moment aussi important pour l’Amérique latine qui s’approche du Ve centenaire de son évangélisation moment exaltant mais aussi difficile, car nous savons bien que ce centenaire rencontre des critiques de la part de quelques milieux, qui ne voient pas les aspects positifs mais seulement les côtés négatifs. Espérons que ce premier pas, qui était nécessaire s’avérera aussi utile.

 



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