DISCURSO DEL SANTO PADRE JUAN PABLO II
AL SEÑOR HERNANDO DURÁN DUSSÁN
NUEVO EMBAJADOR DE COLOMBIA ANTE LA SANTA SEDE*
Jueves 21 de marzo de 1991
Monsieur l’Ambassadeur,
1. C’est pour moi un grand plaisir de recevoir les Lettres qui vous accréditent comme Ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire de Colombie près le Saint-Siège. En accueillant chaleureusement cet acte de présentation, je désire vous assurer de mon estime pour la très haute mission que votre gouvernement vous a confiée, ainsi que vous renouveler le sentiment de profonde affection que j’éprouve pour tous les chers fils de votre pays.
Avant tout, je désire répondre aux sentiments de proximité et de participation que Monsieur le Président de la République a voulu me faire parvenir par votre intermédiaire, et je vous prie de bien vouloir lui transmettre mes respectueuses salutations et mes meilleurs vœux de paix et de bonheur.
2. Vous venez représenter près le Siège de Pierre une nation qui, tout au long de son histoire, s’est caractérisée comme étant catholique. il est évident que la présence et le rôle de la communauté catholique en Colombie a été un élément de grande importance pour le bien de la société en général, dès les origines de la nation colombienne, et jusqu'à nos jours. L'Église, en effet, fidèle au mandat de son divin Fondateur, concentre tous ses efforts au service de la noble cause de la promotion intégrale de l'homme et des peuples. Comme le Concile Vatican II l'indique: «Par cette universalité même, l'Église peut être un lien très étroit entre les différentes communautés humaines et entre les différentes nations, pourvu qu'elles lui fassent confiance et lui reconnaissent en fait une authentique liberté pour l'accomplissement de sa mission» (Gaudium et spes, 42). D'autre part, on ne peut pas oublier que de nombreux problèmes sociaux, et mêmes politiques, ont leur source dans l'ordre moral, et c'est dans ce domaine que l'Église mène à terme son œuvre de formation des consciences et des esprits, d'inspiration des valeurs transcendantes et, surtout, son œuvre d'évangélisation. Les catholiques colombiens auront le devoir, dans la mesure où ils sont fidèles aux enseignements de l'Évangile et au Magistère de l'Église, de promouvoir et défendre toujours la justice et la paix, la liberté et l'honnêteté, le plein respect de la vie depuis sa conception jusqu'à son terme naturel. Ainsi, la collaboration respectueuse et loyale, la compréhension entre l'Église et le pouvoir civil, ne pourront avoir que des effets bénéfiques pour la société colombienne.
3. L'Église n'a pas d'ambitions politiques. Lorsqu'elle offre sa contribution spécifique dans la solution des grands problèmes toujours actuels de l'humanité, elle le fait dans le but d'être fidèle à la mission que son Fondateur lui a confiée. Elle ne présente pas des modèles de société incomplets et passagers, mais elle tend à la conversion des cœurs et des mentalités, afin que l'homme puisse se découvrir et se reconnaître dans toute la vérité spécifique de l'État. En même temps, elle encourage ses membres à assumer leur pleine responsabilité de citoyens, afin de contribuer efficacement, avec les autres, au bien commun et aux grandes causes de l'homme.
4. Dans votre discours, Monsieur l'Ambassadeur, vous avez mentionné le fléau de la violence interne dont votre pays souffre. En effet, des attentats et des crimes fréquents continuent à avoir de tristes conséquences, causes de souffrances et de mort dans un grand nombre de foyers colombiens. Avec la douleur profonde suscitée dans mon cœur de Père par la répétition d'actes réprouvables qui provoquent tant de victimes innocentes, je fais mien une fois de plus les appels réitérés des Évêques de votre pays, qui ont toujours dénoncé et condamné résolument la violence des terroristes et de la guérilla, la torture et les enlèvements, l'abus de pouvoir et l'impunité de certains délits, l'usage de drogue et le crime abominable du trafic de stupéfiants. Les défis et les problèmes urgents posés par le moment présent ne sont sans doute pas des obstacles faciles à franchir. Mais cela ne doit pas être un motif de découragement ni d'abattement, puisque la Colombie peut compter sur la richesse de ses solides valeurs chrétiennes qui lui donneront un nouvel élan dans la construction d'une société plus juste, plus fraternelle et plus pacifique.
5. Je suis avec un vif intérêt le moment important que vit votre pays, où un processus de réforme constitutionnelle est en cours. A ce propos, je fais miens les vœux exprimés par la Conférence épiscopale, qui manifeste dans un récent document collectif le souhait que les principes éthiques qui constituent le patrimoine de la conscience chrétienne du peuple colombien soient sauvegardés, «de façon à promouvoir une société nouvelle et meilleure: une société plus humaine et chrétienne; plus juste et fraternelle; plus démocratique et prévoyant une plus grande participation; plus libre et responsable; où règne l'égalité dans la différence et toujours prête à encourager le bien commun intégral. Une société subordonnée à la personne humaine et à son bien; une société reconnaissant intégralement, garantissant effectivement et promouvant les droits naturels de l'homme et tous les hommes» (Pour un nouvel ordre social, solidaire et juste, 22 février 1991).
La Colombie est une nation dont la tradition catholique est reconnue. Je désire rappeler à ce sujet que la première visite d'un Pape en Amérique latine fut précisément effectuée à Bogotà, où mon prédécesseur, Paul VI, a pu se rendre compte en 1968 de la foi du peuple colombien. Moi-même, en juillet 1986, au cours de mes rencontres avec les différents groupes sociaux et culturels de votre pays, avec les enfants, des jeunes, des adultes et des personnes âgées, j'ai pu faire l'expérience de l'enthousiasme d'un si grand nombre de personnes qui manifestaient ouvertement leurs convictions religieuses au cours de ces chaleureuses célébrations de foi et d'amour.
6. Le catholicisme, en effet, est étroitement lié à l'histoire de votre noble pays... Dans cette perspective, une législation qui sauvegarde la famille de façon adéquate, aura des répercussions bénéfiques sur le bien commun, permettant à cette institution de poursuivre son rôle de base sur lequel la société est fondée. L'unité et l'indissolubilité du mariage sont aussi une garantie de la stabilité et de la solidité de la vie sociale de la nation. A cet égard, je désire rappeler la doctrine du Concile Vatican II, qui enseigne que «le pouvoir civil doit considérer comme une obligation sacrée le fait de reconnaître le véritable caractère naturel du mariage et de la famille, de la sauvegarder et de la promouvoir ainsi que d'assurer la moralité publique et d'encourager la prospérité domestique» (Gaudium et Spes, 52).
Dans ce cadre de la contribution au bien commun, à partir d'une législation juste, il est nécessaire de rappeler le rôle joué par l'école catholique qui, de l'éducation primaire aux centres universitaires, a fourni une si grande contribution à la formation d'une honnête conscience de citoyen et à la consolidation des principes chrétiens, sans pour autant enfreindre la liberté et les droits des autres confessions.
Les Évêques de Colombie, dans l'exercice de leur mission pastorale, ont bien proposé des critères et des orientations pouvant aider les fidèles à mieux remplir leurs responsabilités civiques au moment présent. Mus par le désir de contribuer au bien commun et à une meilleure compréhension entre tous les citoyens et le pouvoir public, ils ont mis en évidence dans un récent document collectif que «la reconnaissance et la sauvegarde des exigences de l'ordre moral naturel et chrétien, sera un facteur efficace dans la construction d'une société juste, prévoyant une participation, solidaire et démocratique» (Exhortation pastorale sur l'Assemblée nationale constituante, 22 février 1991).
Afin que ces désirs profonds puissent être une réalité réconfortante pour votre pays, par l'intercession de Notre-Dame de Chiquinquirà, j'invoque sur le très cher peuple colombien, sur ses dirigeants, et de façon particulière sur Votre Excellence ainsi que sur votre famille et vos collaborateurs, la constante protection divine.
*L'Osservatore Romano. Edition hebdomadaire en langue française n. 15 p. 15.
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